Note sur la protection internationale (présentée par le Haut Commissaire)
Note sur la protection internationale (présentée par le Haut Commissaire)
A/AC.96/477
Introduction
1. Le rapport annuel du Haut Commissaire dont l'Assemblée générale sera saisie à sa vingt-septième session (document A/8712) expose en détail les principaux faits nouveaux survenus dans le domaine de la protection internationale pendant la période qui a pris fin le 31 mars 1972. Les faits nouveaux survenus depuis cette date sont évoqués selon qu'il convient dans la présente note, qui a pour objet d'appeler l'attention sur certaines questions offrant un intérêt particulier pour le Haut Commissariat dans le domaine de la protection internationale, à savoir : la nécessité continue d'étendre et de renforcer encore le cadre juridique de la protection internationale, l'importance d'adopter des mesures de mise en oeuvre appropriées poux donner pleinement effet aux normes internationales établies au profit des réfugiés, l'asile et le non-refoulement, le rapatriement librement consenti et le regroupement des familles.
Asile et non-refoulement
2. Le Haut Commissaire a fréquemment souligné l'importance fondamentale des principes concernant l'asile et le non-refoulement, qui sont de plus en plus généralement reconnus par les Etats et par l'ensemble de la communauté internationale. Ces principes ont été, sous des formes diverses, inscrits dans la constitution ou dans les lois ordinaires d'un nombre croissant d'Etats. Au sein des Nations Unies, le principe du non-refoulement a naturellement été énoncé dans la Convention de 1951, à laquelle un nombre appréciable d'Etats sont actuellement parties. L'importance du principe du non-refoulement a été réaffirmée dans la résolution 5 adoptée par la Conférence internationale des droits de l'homme qui s'est tenue à Téhéran en 1968. En outre, ce principe, ainsi que d'autres principes fondamentaux concernant l'asile ont été énoncés dans la Déclaration sur l'asile territorial adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale en 1966. Sur le plan régional, il faut mentionner la résolution sur l'asile des personnes en danger de persécution adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe en juin 1967, la Convention de l'OUA de 1969 et la Convention interaméricaine relative aux droits de l'homme adoptée la même année, l'une et l'autre convention contenant des dispositions relatives à l'asile ayant force obligatoire. Ainsi donc, les divers principes concernant l'asile ont été exprimés de façon plus concrète tant sur le plan national que sur le plan international. En même temps, l'opinion incline de plus en plus à vouloir renforcer encore le droit international positif concernant l'asile en élaborant sur la question un instrument international ayant force obligatoire.
3. Comme il est dit dans le rapport adressé par le Haut Commissaire à l'Assemblée générale, un : projet de texte sur l'asile territorial a été rédigé par un Groupe d'experts réuni par la Dotation Carnegie pour la paix internationale, en consultation avec le HCR. Le Haut Commissaire est persuadé que ce texte pourrait constituer une base de discussion utile en vue de l'élaboration d'une convention sur l'asile territorial dans le cadre des Nations Unies. Vu l'importance de cette question, le Haut Commissaire a estimé que le projet de texte devait être porté sans délai à l'attention de l'Assemblée générale. Il l'a transmis à l'Assemblée, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, sous la forme d'un additif à son rapport annuel (A/8712).
Nécessité de renforcer encore le cadre juridique de la protection internationale
4. Le Haut Commissaire a déjà fait ressortir la nécessité de disposer d'un cadre juridique suffisamment solide poux permettre au Haut Commissariat de s'acquitter efficacement de ses fonctions de protection internationale. Ce cadre juridique est constitué par divers instruments internationaux élaborés en faveur des réfugiés, et en particulier par la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et par le Protocole de 1967. En ce qui concerne ces instruments, les résultats sont nettement encourageants. En effet, au paragraphe 12 du rapport annuel du Haut Commissaire à l'Assemblée générale, il est mentionné qu'au 31 mars 1972, 62 Etats étaient devenus parties à la Convention et 51 avaient adhéré au Protocole. Depuis lors, le Brésil a adhéré au Protocole et les îles Fidji au Protocole et à la Convention; l'île Maurice de son côté a fait une déclaration générale dont il ressort qu'elle se considère liée par les accords internationaux, et notamment par la Convention de 1951 dont l'application avait été étendue à son territoire avant l'indépendance. On a également signalé que plusieurs Etats d'Amérique latine et d'Afrique envisageaient sérieusement d'adhérer à la Convention ou au Protocole, voire aux deux. Le Haut Commissaire tient cependant à exprimer une fois encore son inquiétude devant le fait que, dans certaines régions le nombre d'Etats avant adhéré à ces instruments est encore très limité et que plusieurs Etats qui ont accueilli un nombre appréciable de réfugiés aux fins d'asile ou de réinstallation n'ont pas encore adhéré à la Convention, ou au Protocole. Le Haut Commissaire espère que, vu son importance, cette question recevra l'attention qu'elle mérite et que de nouvelles adhésions seront recueillies dans un proche avenir.
5. La Convention de l'Organisation de l'Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en, Afrique (1969) constitue, au niveau régional, un élément important du cadre juridique de la protection internationale. A ce jour, cette Convention a été ratifiée par cinq Etats africains (République Centrafricaine, Niger, République populaire du Congo, Sénégal et Togo). Le Haut Commissaire se félicite de constater que plusieurs autres Etats africains envisagent sérieusement de ratifier eux aussi cette Convention; il espère vivement que cet important instrument régional sera bientôt ratifié par le tiers des 41 Etats membres de l'OUA et pourra ainsi entrer en vigueur.
6. En ce qui concerne un autre instrument international intéressant les réfugiés, à savoir la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, le Haut Commissaire est heureux de pouvoir signaler l'adhésion récente de l'Argentine et de la Suisse.
7. Le Haut Commissaire, dont l'une des tâches en matière de protection internationale consiste à favoriser les mesures permettant aux réfugiés de mettre fin à leur statut de réfugié en acquérant une nationalité nouvelle, a poursuivi ses efforts en vue d'encourager l'adhésion de nouveaux Etats à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatrides. A ce jour, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni sont devenus parties à cette Convention qui ne peut toutefois pas encore entrer en vigueur faute d'avoir recueilli le nombre requis d'adhésions (six). C'est pourquoi le Haut Commissaire se félicite d'apprendre que la procédure entamée par l'Autriche pour adhérer à cette Convention est maintenant terminée. Il espère que la Convention recueillera sous peu le nombre voulu d'adhésions pour pouvoir entrer en vigueur.
8. En dépit des observations qui précèdent, le Haut Commissaire estime que, d'une manière générale, les résultats obtenus dans ce domaine sont satisfaisants et il voudrait saisir cette occasion de remercier les gouvernements qui accueillent généralement avec bienveillance les efforts que déploie le Haut Commissariat en vue de renforcer le cadre juridique nécessaire à ses activités de protection.
Application de normes internationales pour le traitement des réfugiés
9. Il est évident que, pour que les réfugiés puissent pleinement bénéficier des normes internationales définies à leur intention dans les instruments internationaux pertinents, il convient que celles-ci se traduisent par des mesures législatives et administratives appropriées, sur le plan national. Comme le Comité en a été dûment informé, des mesures à cet effet continuent à être adoptées par différents pays.
10. En janvier 1972, les Etats-Unis ont adopté des directives administratives pour l'examen des demandes d'asile et le Haut Commissaire tient à redire combien il se félicite de cette initiative. Plus récemment le Parlement kényan a adopté un amendement à la loi sur l'immigration, de manière à pouvoir appliquer la Convention de 1951. La loi donne du terme « réfugié » une définition identiques à celle de la Convention et prévoit que les réfugiés pourront se voir accorder un nouveau type de permis d'entrée qui leur donnera le droit d'exercer une activité rémunérée. Le Sénégal a adopté une législation concernant la procédure à suivre pour déterminer le statut de réfugié et régler les questions connexes. Au Sénégal et au Liban, des mesures administratives ont été prises pour faciliter l'accès des réfugiés à des emplois rémunérés.
11. Le Comité se souviendra qu'il a approuvé une proposition du Haut Commissaire tendant à envoyer aux Etats un questionnaire concernant les mesures qu'ils ont adoptées pour donner effet aux engagements qu'ils ont contractés en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967. Un questionnaire s'inspirant de ceux qu'utilise l'Organisation internationale du Travail a été adressé aux 53 Etats parties à la Convention ou au Protocole.
12. Depuis la vingt-deuxième session, 17 nouveaux Etats ont répondu au questionnaire, portant à 37 le nombre total des réponses reçues; ont répondu à ce jour les pays suivants : Algérie, Australie, Autriche, Belgique, Botswana, Burundi, Cameroun, Chypre, Danemark, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, Ethiopie, Finlande, Ghana, Grèce, Israël, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Madagascar, Maroc, Monaco, Niger, Nigéria, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, République Centrafricaine, République fédérale d'Allemagne, Royaume-Uni, Sénégal, Suède, Suisse, Tunisie, Turquie, Zaïre et Zambie. La majorité des réponses contenaient des renseignements détaillés sur les mesures de mise en oeuvre.
13. Les dernières réponses reçues confirment la conclusion générale communiquée au Comité à sa vingt-deuxième session (document A/AC.96/458, Dar. 9) dont il ressort que très rares sont les cas où les mesures adoptées sur le plan national ne satisfont manifestement pas aux exigences de la Convention. De plus, comme le Comité en a déjà été informé, dans bien des Etats qui ont fait des réserves, les dispositions de la Convention sont néanmoins appliquées en fait. En ce qui concerne les droits économiques et sociaux, les pièces officielles délivrées aux réfugiés, l'expulsion et du non-refoulement, il semble que les pays se conforment généralement à la Convention.
14. A propos des mesures de mise en oeuvre, le Haut Commissaire a attiré l'attention du Comité sur les problèmes particuliers qui se posent dans les Etats, d'Afrique surtout, qui ont adhéré à la Convention et au Protocole à une date récente. Ces problèmes concernent l'établissement de procédures appropriées pour la détermination du statut de réfugié des personnes en quête d'asile, le non-refoulement et les questions connexes de l'octroi du permis de résidence et de la régularisation du statut. A cet égard, le Haut Commissaire a déjà souligné l'importance de procédures efficaces, propres à faire en sorte que le cas des réfugiés en quête d'asile soit examiné dans un esprit d'équité et de compréhension, sous réserve des garanties juridiques nécessaires, et que, dans les cas normaux où ils satisfont aux critères régissant le statut de réfugié, leur résidence dans un pays soit régularisée aussi rapidement que possible.
15. Vu l'importance de ces divers problèmes, le Directeur de la Division de la protection s'est rendu en 1972 au Botswana, en Ethiopie, au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie. Ces missions ont permis au Haut-Commissariat de mieux comprendre le contexte dans lequel se posent les problèmes des réfugiés dans ces pays et de constater chez ces derniers le désir de prendre les mesures voulues pour donner plein effet aux normes internationales acceptées.
Rapatriement et regroupement des familles
16. Le Haut Commissaire a continué à suivre de près les activités tendant à favoriser le rapatriement librement consenti. La valeur de cette formule a été soulignée par l'évolution récente de la situation au Soudan méridional, laquelle pourrait bien ouvrir la voie au rapatriement librement consenti à grande échelle. En ce qui concerne le regroupement des familles, des solutions satisfaisantes ont été trouvées dans certains cas et il faut s'en féliciter compte tenu de la recommandation formulée dans l'Acte final de la Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et apatrides. On se souviendra que, dans son Acte final, la Conférence recommandait notamment aux gouvernements : « de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la famille du réfugié, notamment dans le cas où le chef de famille réunit les conditions voulues pour son admission dans un pays ... ».
Etant donné le caractère strictement humanitaire des considérations qui précèdent, le Haut Commissaire espère que tous les Etats appuieront les efforts qu'il déploie pour favoriser le regroupement des familles de réfugiés séparés.