Note sur la solidarité internationale et la protection des réfugiés
Note sur la solidarité internationale et la protection des réfugiés
EC/SCP/50
1. La communauté internationale et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont à faire face ensemble à une détérioration progressive de la situation en matière de protection des réfugiés. Il est devenu banal de dire que « la compassion se lasse » lorsqu'il s'agit de trouver des solutions durables à certains problèmes complexes de réfugiés, mais cette lassitude semble désormais menacer la capacité de réaction dans bien d'autres domaines, en particulier dans le domaine de la protection des réfugiés.
2. Les pays d'asile se heurtent à des difficultés complexes, souvent écrasantes, qui appellent un effort de compréhension bienveillante Il y a eu toutefois un certain nombre de situations dans lesquelles les réactions des Etats n'ont pas satisfait aux principes fondamentaux de la protection des réfugiés ni même respecté les obligations assumées à l'égard des réfugiés. Aux efforts déployés par le Haut Commissaire pour régler les problèmes de protection résultant de cet état de choses et aider les intéressés, conformément à son mandat humanitaire, n'ont pas toujours correspondu l'empressement et l'appui souhaitables de la part des autres Etats.
3. La présente note s'efforce de situer dans leur cadre actuel les problèmes auxquels le HCR doit faire face. Elle souligne également certaines obligations de protection fondamentales et traite assez longuement, dans le contexte de la solidarité internationale, de la responsabilité plus large qui incombe aux Etats de coopérer pleinement avec les efforts internationaux de protection, en particulier ceux du Haut Commissaire pour les réfugiés.
Aperçu du problème
4. Le caractère, la composition et l'impact géographique des courants de réfugiés ont beaucoup changé depuis que la communauté internationale, à une époque antérieure de ce siècle, a fait un premier effort concerté pour prendre les mesures qu'ils appelaient. La diversité des forces obligeant à la fuite le nombre des personnes en quête d'asile, l'impact de l'afflux de réfugiés sur des économies déjà lourdement grevées, la récession économique mondiale et les mouvements de population entre continents sont autant de facteurs qui ont contribué à durcir l'attitude du public et des gouvernements à l'égard des demandes d'asile, qu'elles soient authentiques ou abusives.
5. Les réactions des Etats ont été déterminées en grande partie par les difficultés occasionnées, pour les gouvernements des pays d'accueil, par l'importance numérique des personnes venues en quête d'asile. Dans un certain nombre de pays, les autorités habilitées à octroyer l'asile ont eu à faire face à une tâche écrasante, les demandes d'asile s'accumulant et l'examen des dossiers prenant de plus en plus de temps. Les structures d'accueil et d'intégration ont été utilisées jusqu'à leurs limites de capacité, et les dépenses afférentes à l'assistance matérielle ont augmenté. Des mécanismes de contrôle de l'immigration ont donc été mis en place, notamment sanctions à l'encontre des compagnies aériennes transportant des passagers non munis des documents exigés, et généralisation de l'exigence d'un visa, l'un des buts de ces mécanismes étant de limiter l'afflux de réfugiés en quête d'asile. On a dit que ces mesures étaient un réflexe de réalisme politique et économique, devant la récession, l'inflation et le chômage régnant dans les pays d'accueil. Ce sont là des facteurs qu'il est certes légitime de prendre en considération pour déterminer la capacité d'accueil de migrants, mais les réfugiés ne sont pas des migrants.
6. Dans une région du monde, l'afflux de réfugiés en nombre considérable est source de difficultés depuis plus de 10 ans. Les pays de premier asile ont été découragés par les problèmes socio-économiques pour leurs économies en développement, et les difficultés politiques et de sécurité intérieure créés par les afflux de réfugiés, et il leur a paru que l'on faisait un usage de plus en plus abusif des structures d'asile et que la communauté internationale manifestait de moins en moins de solidarité lorsqu'il s'agissait de partager les charges pesant sur eux. De sévères mesures ont donc été prises pour décourager les personnes en quête d'asile, et la pratique de l'asile temporaire a perdu du terrain.
7. Dans d'autres régions, des catastrophes écologiques et des troubles intérieurs, ou encore des conflits armés, continuent d'envoyer sur les routes des réfugiés en quête d'asile, qui font peser une lourde charge sur les ressources déjà limitées des pays qui les reçoivent. Ces réfugiés sont le produit de conflits d'ordre idéologique, ethnique ou religieux ainsi que des troubles politiques qui règnent à notre époque, et ils en sont aussi de plus en plus les otages. Ils sont accueillis en grand nombre, mais ils sont aussi périodiquement refoulés, expulsés, attaqués, ou recrutés de force pour prendre part à des conflits armés.
8. C'est dans ce contexte qu'il convient d'envisager la dégradation de la situation internationale en matière de protection à laquelle le HCR doit faire face. Les pays d'accueil se heurtent, certes, à des difficultés réelles, mais on ne peut laisser ces difficultés créer, à l'intérieur de tel ou tel pays ou dans le monde entier, une situation dans laquelle des réfugiés fuyant des persécutions ou des menaces à leur vie, leur liberté ou leur sécurité ne parviendraient pas à trouver un havre sûr.
9. A sa trente-huitième session, tenue en 1987, le Comité exécutif du programme du Haut Commissaire a abordé cette question, bien que dans un contexte limité. Dans ses Conclusions générales sur la protection,1 le Comité :
« Invite les Etats qui ont adopté un certain nombre de mesures visant à décourager le recours abusif aux procédures relatives à l'asile à garantir que ces mesures n'ont aucun effet préjudiciable sur les principes fondamentaux de la protection internationale, y compris l'institution de l'asile. »
10. La présente note, en résumé, fait valoir que dans l'intérêt direct de toutes les parties et comme corollaire nécessaire des responsabilités humanitaires des Etats, les réactions aux afflux de personnes en quête d'asile devraient satisfaire aux principes fondamentaux de la protection internationale, être conformes aux obligations des Etats à l'égard des réfugiés, soutenir la fonction de protection du Haut commissaire et ne pas avoir d'effet négatif sur la coopération internationale en vue de résoudre les problèmes de réfugiés.
Obligation fondamentale de protection - non-refoulement et asile
11. L'obligation qui incombe aux Etats de protéger les réfugiés découle à la fois des principes généraux du droit international qui lient tous les Etats et de l'adhésion à des instruments internationaux et régionaux. L'obligation la plus importante, résumée dans le terme « non-refoulement », est de s'abstenir de renvoyer de force un réfugié dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient en danger pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d'appartenance à un groupe social particulier ou d'opinion politique. Ce principe, inscrit dans un certain nombre d'instruments obligatoires et incorporé dans des déclarations et dans des résolutions de l'Assemblée générale, a acquis la valeur de norme du droit coutumier international.
12. Le premier besoin d'un réfugié fuyant son pays est de trouver un asile. Qu'il existe un droit à l'asile - c'est-à-dire le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile - cela est indiqué clairement à l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme,2 article qui est rappelé dans la Déclaration de 1967 sur l'asile territorial.3 Il n'existe pas de définition universellement acceptée quant au contenu de ce droit, mais l'on s'accorde assez généralement à reconnaître, à l'échelon international, que l'asile devrait être accordé. La Conférence diplomatique, qui s'est déroulée à Genève du 10 janvier au 4 février 1977 pour élaborer et adopter une convention sur l'asile territorial,4 n'a pas réussi à atteindre ce qui était son principal objectif, mais est du moins parvenue au consensus5 sur l'article premier, qui traite de l'octroi de l'asile dans les termes suivants
« Chaque Etat contractant, agissant dans l'exercice de sa souveraineté, doit s'efforcer, dans un esprit humanitaire, d'accorder asile sur son territoire à toute personne remplissant les conditions requises pour bénéficier des dispositions de la présente Convention. »
13. La Convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, de 1969, contient une disposition spécifique très semblable. Le paragraphe premier de l'article II dispose en effet que
« Les Etats membres de l'OUA s'engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir, dans le cadre de leurs législations respectives, pour accueillir les réfugiés et assurer l'établissement de ceux d'entre eux qui, pour des raisons sérieuses, ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leur pays d'origine ou dans celui dont ils ont la nationalité. »
Parmi les résolutions, déclarations ou principes adoptés par des groupements régionaux et demandant une libéralisation ou une accélération de l'octroi de l'asile, on peut citer les Principes de 1966 concernant le traitement des réfugiés, adoptés par le comité juridique consultatif africano-asiatique,6 la Déclaration de 1977 sur l'asile territorial du Conseil des ministres des Communautés européennes,7 et la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés adoptée en 1984.8
Responsabilité de coopération avec le HCR incombant aux Etats
14. Un lien institutionnel unit les Etats et le HCR pour ce qui est de la recherche commune de solutions et de la protection des droits des réfugiés. Ayant créé le Haut Commissariat, lui ayant confié des responsabilités, notamment un mandat sans égal en matière de protection, les Etats doivent faire en sorte que le HCR dispose non seulement des ressources matérielles, mais aussi de l'appui politique et moral nécessaires pour s'acquitter de son mandat, dans lequel la protection occupe une place centrale.
15. Le Comité exécutif a pris conscience depuis longtemps de l'importance essentielle de la fonction de protection du Haut Commissaire, tout en reconnaissant qu'elle ne pouvait se traduire dans les faits qu'avec le plein appui des gouvernements. C'est ce que le Comité exécutif a exprimé en 1985, à sa trente-sixième session.9 De plus, à sa trente-huitième session, en 1987, le Comité exécutif
[A reconnu] que la nature et la composition évolutives des mouvements de réfugiés contemporains [exigeaient] une plus grande compréhension de la part de la communauté internationale des besoins spécifiques et des cas particuliers des personnes en quête d'asile et des réfugiés, ainsi que l'appui total de tous les Etats aux efforts que déploie le Haut Commissaire en leur faveur. »10
A la même session, le Comité exécutif a réaffirmé le rôle de chef de file du Haut Commissaire en matière de protection des réfugiés et « [l'a invité], en particulier, à continuer de prendre, seul au en coopération avec les Etats et institutions concernés, toutes les mesures possibles pour assurer » la sécurité physique des réfugiés.11
16. La nécessité d'une protection internationale est à l'origine de la création du HCR et sa raison d'être essentielle. C'est cette fonction de protection internationale qui donne au HCR la place distincte qui est la sienne parmi les organismes des Nations Unies. Dans le Statut de l'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, cette fonction fait l'objet d'un mandat impératif, et c'est donc un devoir positif qui est ainsi imposé au Haut Commissaire. Au paragraphe 8 du chapitre II, il est indiqué que le Haut Commissaire assure cette protection, notamment, en encourageant l'admission des réfugiés, en surveillant l'application des conventions internationales pour la protection des réfugiés et en poursuivant la mise en oeuvre de toutes mesures destinées à améliorer le sort des réfugiés et à diminuer le nombre de ceux qui ont besoin de protection.
17. En termes généraux, la fonction de protection du HCR a un objectif double : assurer que les réfugiés bénéficient des principes de la protection internationale et que les Etats ne prennent pas de mesures qui nuiraient aux intérêts des réfugiés.
18. Dans les pays qui sont parties à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et/ou au Protocole de 1967 s'y rapportant, le contenu de la fonction de protection du HCR découle essentiellement de l'obligation qui lui est faite de surveiller l'application de la Convention ou du Protocole. Le HCR peut toutefois s'appuyer aussi sur son propre Statut, sur les principes humanitaires qui sont à l'origine de la Convention et sur ceux qui découlent d'autres branches du droit humanitaire en général. Le HCR peut également se fonder sur le consensus des Etats sur tel ou tel principe, tel qu'il ressort de la pratique des Etats ou s'exprime, par exemple, dans les conclusions du Comité exécutif.
19. Cent quatre Etats sont parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967. Parmi eux figurent la très grande majorité des pays occidentaux, des pays d'Afrique et des pays d'Amérique latine ainsi que cinq pays d'Asie. Parmi les principales caractéristiques de cette convention, le paragraphe premier de l'article 35 dispose que :
« Les Etats contractants s'engagent à coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ... dans l'exercice de ses fonctions et en particulier à faciliter sa tâche de surveillant de l'application des dispositions de cette convention. »
Cet article, qui fait obligation aux Etats parties de coopérer avec le HCR, reflète l'esprit du sixième alinéa du préambule de la Convention, dont le libellé est le suivant :
« Prenant acte de ce que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a pour tâche de veiller à l'application des conventions internationales qui assurent la protection des réfugiés, et reconnaissant que la coordination effective des mesures prises pour résoudre ce problème dépendra de la coopération des Etats avec le Haut Commissaire. »
20. Pour les pays qui ne sont pas parties à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967, les activités de protection du HCR s'appuient sur des instruments ou déclarations régionaux, sur le Statut du Haut Commissariat et sur les principes élargis, et sur les conclusions du Comité exécutif et la pratique des Etats dont il est question au paragraphe 18 de la présente note. L'article 35 de la Convention de 1951 trouve son équivalent dans la Convention de 1969 de l'OUA, qui dispose dans son article VIII que « les Etats Membres collaboreront ... » avec le HCR.
Coopération entre Etats - solidarité internationale
21. Les rédacteurs de la Convention de 1951 n'envisageaient pas seulement la coopération des Etats avec le HCR mais, plus généralement, une coopération internationale entre Etats dans le domaine du droit d'asile et de la réinstallation. La Conférence de plénipotentiaires réunie pour achever de rédiger la Convention a adopté à l'unanimité, parmi d'autres recommandations, la Recommandation D ci-après :12
« Considérant que nombre de personnes quittent encore leur pays d'origine pour des raisons de persécution et qu'elles ont droit à une protection spéciale à cause de leur condition particulière,
Recommande aux gouvernements de continuer à recevoir les réfugiés dans leur territoire et d'agir de concert dans un véritable esprit de solidarité internationale, afin que les réfugiés puissent trouver asile et possibilité de rétablissement. »
22. Il est donc bien évident que les rédacteurs de la Convention accordaient à la coopération internationale une importance prioritaire pour la résolution des problèmes de réfugiés. Ce faisant, ils se bornaient à reconnaître, comme l'a fait le Comité exécutif, que le Haut Commissaire ne peut pas exercer ses fonctions humanitaires sans la coopération des Etats. La recommandation citée reflète aussi la reconnaissance, par la communauté internationale, de la portée et du caractère internationaux des problèmes de réfugiés. De fait, la résolution 319 (IV) du 3 décembre 1949, par laquelle l'Assemblée générale a décidé de créer un Haut Commissariat pour les réfugiés, commence par les mots suivants : « Considérant que le problème des réfugiés a une portée et un caractère internationaux ... ».
23. La Charte des Nations Unies fournit un cadre général à la coopération internationale en vue de faire face aux problèmes de réfugiés. En son article premier elle définit en effet la réalisation de la coopération internationale comme l'un des principaux objectifs des Nations Unies, pour ce qui est notamment de la résolution des problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire. Le devoir des Etats de coopérer entre eux et avec les organismes des Nations Unies conformément à la Charte des Nations Unies est précisé plus en détail dans la Déclaration des Nations Unies relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des Nations Unies.13 Cette déclaration dispose, notamment, que
« Les Etats doivent coopérer pour assurer le respect universel et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, ainsi que l'élimination de la discrimination raciale et de l'intolérance religieuse sous toutes leurs formes. »
Elle dispose aussi que :
« Les principes de la Charte qui sont inscrits dans la présente Déclaration constituent les principes fondamentaux du droit international et [l'Assemblée générale] demande en conséquence à tous les Etats de s'inspirer de ces principes dans leur conduite internationale et développer leurs relations mutuelles sur la base du respect rigoureux desdits principes. »
24. Dans le même esprit, il est désormais généralement admis que la solidarité internationale est un principe directeur déterminant la manière de résoudre à l'échelon international les problèmes de réfugiés. Cela a été explicité dans la quasi-totalité des résolutions concernant la tâche du HCR adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies.
25. La solidarité internationale est une notion qui joue un rôle extrêmement important dans la protection des réfugiés, en partie parce qu'elle aide les Etats à s'acquitter de leurs obligations de non-refoulement et d'asile. L'article 2 de la Déclaration sur l'asile territorial (1967) dispose, en son paragraphe 2, que :
« Lorsqu'un Etat éprouve des difficultés à donner ou à continuer de donner asile, les Etats doivent, individuellement ou en commun, ou par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies, envisager les mesures qu'il y aurait lieu de prendre, dans un esprit de solidarité internationale, pour soulager le fardeau de cet Etat. »
La Convention de 1969 de l'OUA contient, au paragraphe 4 de son article II disposition semblable.
26. Le lien étroit entre résolution des problèmes de réfugiés, asile et coopération internationale est également reconnu dans le Préambule de la Convention de 1951, qui en son paragraphe 4, dispose ce qui suit :
« Considérant qu'il peut résulter de l'octroi du droit d'asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la solution satisfaisante des problèmes dont l'Organisation des Nations Unies a reconnu la portée et le caractère internationaux ne saurait, dans cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale. »
27. La définition, à l'échelon international, de principes régissant le traitement des réfugiés aussi fondamentaux que le non-refoulement ou le droit d'asile est en fait un exemple important du fonctionnement efficace de la solidarité internationale. Il est en effet, bien évidemment, de l'intérêt collectif des Etats d'assurer que les normes appliquées par un Etat le soient aussi par tous les autres. En effet, si un Etat prend unilatéralement des mesures qui sont en recul par rapport aux normes ou responsabilités internationales, cela entraîne un alourdissement de la charge pesant sur les autres Etats.
28. Il faut donc réaffirmer que la solidarité internationale ne remplace pas les principes fondamentaux du non-refoulement et de l'asile, elle n'est pas non plus une condition préalable du respect des principes humanitaires fondamentaux. Le respect de ces principes ne devrait pas varier selon qu'à tel ou tel moment, les arrangements de partage des charges seront jugés adéquats ou non.
Conclusions
29. Il faut reconnaître la légitimité des préoccupations des gouvernements qui reçoivent des réfugiés. Dans la recherche, toujours plus active, de solutions aux problèmes auxquels ils se heurtent, ils doivent faire preuve de pragmatisme et d'imagination; les principes humanitaires fondamentaux généralement admis et selon lesquels la communauté des réfugiés peut légitimement espérer être traitée n'en doivent pas moins être maintenus. Si tentant qu'il soit, le pragmatisme ne doit jamais l'emporter sur ces principes. La communauté internationale tout entière doit s'efforcer d'assurer que les principes qui sous-tendent le mandat du Haut Commissaire ne soient pas compromis. Des efforts communs constructifs sont nécessaires si l'on veut s'attaquer au problème des réfugiés sans rigidité excessive, vais en respectant les paramètres humanitaires que la communauté internationale a élaborés à grand-peine au cours des quatre décennies écoulées.
30. En résumé, on peut tirer des paragraphes qui précèdent les principales conclusions ci-après :
Les problèmes de réfugiés sont l'affaire de la communauté internationale, et leur solution dépend de la volonté et de la capacité des Etats d'y faire face de concert et résolument, dans un esprit d'humanitarisme véritable et de solidarité internationale;
Les Etats ont l'obligation d'accorder aux réfugiés une protection et de respecter une norme de base dans le traitement des réfugiés, que cette obligation découle du droit international coutumier ou des traités multilatéraux auxquels ils sont parties. Ils sont liés par cette obligation et doivent s'en acquitter de bonne foi;
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a été conçu pour faire face à l'urgente nécessité de protéger les réfugiés et c'est la fonction de protection qui fait du HCR un organisme unique en son genre;
Les Etats ont défini les responsabilités du HCR en matière de protection et il leur appartient d'assurer que le HCR soit en mesure de s'acquitter de son mandat en s'appuyant sur les principes humanitaires fondamentaux qui motivent son action;
Il existe un lien étroit entre la solidarité internationale et l'asile, le Préambule de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés reconnaît que l'octroi de l'asile peut faire peser une charge excessive sur certains pays et qu'une solution satisfaisante des problèmes dont les Nations Unies ont reconnu la portée internationale ne peut être obtenue sans une coopération internationale;
Le principe de la solidarité internationale a un rôle fondamental à jouer pour ce qui est d'encourager des politiques d'asile libérales et, de façon générale, pour la mise en oeuvre efficace d'une protection internationale;
Toutefois, si la solidarité internationale seule permet de résoudre de façon satisfaisante les problèmes de réfugiés, on ne peut jamais en faire la condition préalable du respect des principes humanitaires fondamentaux;
La définition à l'échelon international de normes élémentaires respecter dans le traitement des réfugiés est un exemple important de fonctionnement efficace de la solidarité internationale;
Les Etats sont associés au HCR dans la recherche commune de solutions et dans la protection des droits fondamentaux des réfugiés; ils doivent continuer de soutenir activement les fonctions de protection du Haut Commissaire par tous moyens appropriés, tant bilatéraux que multilatéraux, et continuer de s'acquitter de leurs propres responsabilités humanitaires à l'égard des réfugiés, et notamment de sauvegarder le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile et d'assurer que nul réfugié ne soit renvoyé de force dans un pays dans lequel il craint la persécution ou dans lequel sa sécurité physique serait gravement menacée.
1 Document A/AC.96/702, p. 38.
2 Résolution 217 A (III) de l'Assemblée générale, en date du 10 décembre 1948.
3 Résolution 23/2 (XXII) de l'Assemblée générale, en date du 14 décembre 1967.
4 Pour le texte, voir le document A/CONF.78/12, document des Nations Unies, voir aussi, pour un exposé général, Grahl-Madsen « Territorial Asylum », 1981, p. 208 à 211.
5 Document A/CONF.78/12, Annexe 1, par. 16 V et VI.
6 Pour le texte, voir le Rapport de la huitième session du Comité Consultatif juridique africano-asiatique, tenue à Bangkok du 8 au 17 août 1966, p. 335.
7 Adopté par le Comité des ministres le 18 novembre 1977, à la 278ème réunion des délégués des ministres.
8 Adopté par un colloque de représentants et d'experts des gouvernements de pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, réunis à Carthagène le 22 novembre 1984.
9 Conclusion No 36 (XXXVI). Voir les Conclusions sur la protection internationale des réfugiés, publiées et mises à jour par le HCR.
10 Conclusions générales sur la protection, b), dans le document A/AC.96/702 (document des Nations Unies).
11 Ibid., Conclusion f).
12 Voir l'Acte final de la Conférence de plénipotentiaires des Nations Unies sur le statut des réfugiés et des apatrides, tenue en 1951.
13 Résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale, en date du 24 octobre 1970.