Note sur l'asile : Réfugiés sans pays d'asile
Note sur l'asile : Réfugiés sans pays d'asile
EC/SCP/12
I. Introduction
1. Dans la Note pour là protection internationale (document A/AC.96/567) qu'il a présentée au Comité exécutif, le Haut Commissaire a appelé l'attention sur un certain nombre de faits nouveaux préoccupants en matière d'asile. Il s'agit notamment du refus généralisé des Etats d'une certaine région d'admettre, même temporairement, sur leur territoire les très nombreuses personnes en quête d'asile arrivant par la mer, de l'application systématique d'une politique analogue aux frontières terrestres et du refoulement massif de réfugiés et de personnes en quête d'asile qui étaient déjà entrées sur le territoire d'un Etat.
2. Les problèmes qui se posent en cas d'arrivée massive de personnes en quête d'asile sont d'un caractère particulier et appellent souvent des solutions extraordinaires au plan international. L'objet de la présente note est d'indiquer certains des problèmes' auxquels se trouvent confrontés les réfugiés et les personnes en quête d'asile dans les différentes régions du monde; Ces problèmes se posent dans trois typos de situations : a) lorsqu'une personne en quête d'asile a des difficultés à trouver un pays disposé à examiner sa demande d'asile et à y donner une suite favorable; b) lorsqu'un réfugié perd pour une raison quelconque son droit de résider ou de rentrer dans son pays d'asile sans avoir obtenu le droit de résider dans un autre pays; c) lorsqu'un réfugié quitte son pays d'asile pour des raisons impérieuses. Ce genre de situation - ce qu'on appelle « être en orbite » - est une source do dures épreuves pour le réfugié ou la personne en quête d'asile. Ne trouvant aucun havre pour les accueillir ou ayant été rejetées par le pays où elles avaient trouvé asile, ces personnes sont parfois forcées d'aller de pays en pays dans l'espoir de trouver enfin une solution « ailleurs ». Dans cette quête, elles n'ont souvent d'autre choix que d'entrer irrégulièrement sur le territoire des Etats aux autorités desquels elles comptent s'adresser pour demander asile. Mais cette manoeuvre les expose à être arrêtées ou emprisonnées parce qu'elles se trouvent illégalement dans le pays. C'est quotidiennement que le Haut Commissariat doit s'occuper du cas de réfugiés et de personnes déplacées qui ont été arrêtés ou emprisonnés pour ces motifs.
3. Les problèmes soulevés par les situations décrites plus haut n'affectent pas seulement les réfugiés ou les personnes en quête d'asile, mais aussi tous les Etats qui peuvent être appelés à y apporter des solutions. C'est donc dans un esprit de coopération et de solidarité internationales qu'il faut y chercher des solutions. Le Haut Commissaire ne doute pas que l'examen de la question par le Sous-Comité facilitera beaucoup les efforts qu'il déploie pour que des solutions appropriées soient trouvées dans cet esprit.
II. Difficultés que rencontrent les réfugiés pour trouver un pays d'asile
4. Les difficultés que peuvent rencontrer les personnes en quête d'asile pour trouver un pays disposé à examiner leur demande d'asile sont dues aux diverses raisons ci-après.
a) Pratiques restrictives de certains Etats
5. Les pratiques restrictives en matière d'asile peuvent revêtir différentes formes. Certains Etats forment leurs frontières aux personnes en quête d'asile et ne les autorisent pas à pénétrer sur leur territoire pour présenter une demande d'asile aux autorités. Dans d'autres Etats, les fonctionnaires subalternes n'ont pas les instructions voulues pour donner suite aux demandes d'asile et se contentent de traiter les personnes en quête d'asile comme des étrangers ordinaires voulant entrer au demeurer sur le territoire de l'Etat. Certains Etats n'acceptent d'examiner que les demandes d'asile présentées par des personnes qui sont entrées régulièrement sur leur territoire. Celles qui pénètrent illégalement sur le territoire d'un de ces Etats - et elles sont bien souvent amenées à le faire seront simplement traitées comme des immigrants illégaux passibles d'une sanction et d'une mesure d'expulsion, et leur demande d'asile ne sera pas prise en considération. D'autres Etats appliquent des critères exagérément restrictifs pour l'appréciation des demandes d'asile ou excluent certains groupes du bénéfice de l'asile pour des raisons politiques liées aux relations qu'ils entretiennent avec le pays d'origine des intéressés. Certains Etats, enfin, tout en respectant le principe du non-refoulement, ne sont disposés à admettre des personnes en quête d'asile sur leur territoire que temporairement, à condition qu'elles repartent rapidement vers d'autres pays. En pareil cas, vu le caractère transitoire de leur présence, les autorités ne jugent généralement pas nécessaire de se pencher sur les raisons invoquées par les intéressés pour demander l'asile.
b) La notion de « Pays de premier asile »
6. A la différence de ceux qui sont visés dans les paragraphes précédents, bien des Etats sont disposés à accorder l'asile aux personnes que leurs autorités considèrent comme des réfugiés. Dans les Etats parties à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967, la définition du statut de réfugié donnée par ces instruments est souvent l'un des critères retenus pour accorder l'asile.
7. Les Etats qui accordent l'asile de cette manière appliquent aussi généralement un certain nombre de critères précis pour déterminer s'ils sont ou non le « pays de premier asile », c'est-à-dire le pays auquel il convient d'adresser la demande d'asile. Ces critères se fondent principalement sur une analyse des circonstances intervenues entre le moment où la personne en quête d'asile a quitté son pays d'origine et celui où elle est arrivée dans le pays où elle compte présenter sa demande d'asile. Si l'intéressée est arrivée directement dans le pays par voie terrestre, maritime ou aérienne pans transiter par un autre, ce pays sera généralement considéré sans difficulté comme étant le « pays de premier asile ».
8. La situation peut toutefois ne pas être aussi claire si la personne en quête d'asile est passée par un ou plusieurs pays intermédiaires.
i) Certains Etats appliquent un critère strictement géographique et considèrent que dès lors qu'une personne en quête d'asile est passée par un autre pays, c'est aux autorités de ce pays qu'elle aurait dû adresser sa demande.
ii) D'autres Etats mettent l'accent sur l'élément temps et considèrent qu'ils ne sont pas « le pays de premier asile » s'il s'est écoulé plus d'un certain délai entre le moment où la personne en quête d'asile a quitté son pays d'origine et celui où elle est arrivée sur leur territoire. La durée de ce délai varie selon la pratique des Etats. Certains Etats appliquent le critère temps de manière stricte, tandis que d'autres admettent des exceptions, par exemple, si la personne en quête d'asile peut prouver qu'elle avait de bonnes raisons de prolonger son séjour dans le pays intermédiaire au-delà du délai fixé.
iii) Un autre critère a trait à la nature du séjour de la personne en quête d'asile dans un pays intermédiaire, et consiste en particulier à déterminer si, durant son séjour, elle a établi des liens valables avec ce pays. Ce critère a une variante importante, qui repose sur la notion dite de « protection ailleurs », selon laquelle l'Etat auquel la personne en quête d'asile s'adresse doit être considéré comme « le pays de premier asile », à moins que l'intéressée n'ait déjà obtenu une protection dans un autre pays, en particulier contre l'expulsion et le refoulement.
iv) Dans certains Etats, ce sont les intentions de la personne en quête d'asile qui sont prises en considération. Si l'intéressée peut prouver qu'elle avait l'intention, lorsqu'elle a quitté son pays d'origine, de demander l'asile dans un Etat donné, peu importera le temps qu'elle aura passé dans un ou plusieurs pays intermédiaires. D'autres Etats ne tiennent pas compte des intentions de Sa personne en quête d'asile ou n'y accordent pas une importance décisive.
v) Enfin, certains Etats appliquant à la fois plusieurs des différents critères et d'autres n'appliquent aucun critère particulier et tiennent compte de toutes les circonstances de l'espèce pour prendre leur décision.
9. Pour la personne en quête d'asile, les conséquences que peut avoir l'application de ces différents critères dépendent des circonstances particulières à sa situation. L'expérience montre toutefois qu'elles sont souvent à son désavantage, par exemple dans le cas des critères qui fixent un délai généralement court, au séjour dans un pays ou dans des pays intermédiaires. Une des difficultés particulières inhérente à ces critères est qu'ils ont souvent un caractère « négatif ». Par exemple, si une personne en quête d'asile est restée plus longtemps que le délai prescrit dans un ou plusieurs pays intermédiaires le pays auquel elle présente sa demande d'asile ne se considérera plus comme le « pays de premier asile ». Ce n'est évidemment pas une solution pour l'intéressé, qui devra encore s'efforcer de trouver un pays d'asile, le critère des liens que la personne en quête d'asile peut avoir établis avec un autre pays a aussi certains aspects négatifs. Décider que le pays dans lequel elle demande l'asile n'est pas son « pays de premier asile », parce qu'elle a établi des liens valables avec un autre pays ne résoudra son problème que s'il lui est effectivement possible de demander et d'obtenir l'asile dans cet autre pays. Il en va de même pour le critère de la protection ailleurs », Selon ce critère, la personne qui demande asile doit être accueillie, à moins qu'elle n'ait déjà reçu une « protection » dans un autre pays. L'application de ce critère n'apporte de solution à la personne en quête d'asile que s'il lui est effectivement possible de retourner dans le pays où elle avait auparavant obtenu cette « protection » et d'y obtenir l'asile.
10. Il est donc absolument nécessaire que les gouvernements étudient attentivement le problème du « pays de premier asile » en vue de fixer des critères communs. Ces critères devraient permettre de désigner de manière positive le pays à considérer comme celui auquel il incombe de connaître de la demande d'asile. Ils devraient offrir une solution et non, comme il arrive fréquemment aujourd'hui, servir simplement à déterminer que le pays auquel la personne en quête d'asile s'est adressée n'est Est « le pays de premier asile ». De plus, le pays qui, conformément à ces critères, serait considéré comme « pays de premier asile », devrait être un pays dans lequel la personne en quête d'asile soit effectivement à même de se rendre et dans lequel sa demande d'asile serait examinée par les autorités compétentes.
11. Les critères devraient permettre de prendre en considération tous les éléments propres à mener à une solution équitable. Il devrait être le plus possible tenu compte des aspirations de la personne en quête d'asile, qui ne devrait pas, en principe, être contrainte à chercher asile dans un pays avec lequel elle n'a établi aucun lien valable. A cet égard, il convient de mentionner le projet de paragraphe additionnel à ajouter à l'article premier, adopté par le Comité de rédaction de la Commission plénière de la Conférence des Nations Unies sur l'asile territorial, qui s'est tenue du 10 janvier au 4 février 1977. Aux termes de ce paragraphe :
« Un Etat contractant ne devrait pas refuser l'asile pour la seule raison qu'il pourrait être cherché dans un autre Etat. Cependant, lorsqu'il apparaît qu'une personne qui sollicite l'asile d'un Etat contractant a déjà des relations ou des liens étroits avec un autre Etat, l'Etat contractant peut, si cela semble juste et raisonnable, demander à cette personne de solliciter d'abord l'asile de cet autre Etat. »1
12. Pour parvenir à une solution qui soit « juste et raisonnable », il est indispensable de prendre en considération les intérêts et les besoins légitimes de la personne en quête d'asile. Mais il faut aussi tenir compte des intérêts des différents Etats qui peuvent être concernés. Si un Etat décide que c'est plutôt à un autre Etat qu'il convient qu'une personne en quête d'asile s'adresse, il impose nécessairement une charge aux autorités de cet Etat, sans que la solution soit poux autant « juste et équitable » à l'égard de cet autre Etat si la personne en quête d'asile n'a avec lui d'autre lien que le séjour, relativement bref, qu'elle a fait sur son territoire lorsqu'elle y était en transit ou s'il s'agit d'un Etat que sa situation géopolitique expose à de graves problèmes en matière d'asile. A l'égard de ces derniers, il y a, lieu d'appliquer le principe du « partage du fardeau », qui est désormais très largement admis.2 En vertu le ce principe, nul ne devrait être contraint de demander l'asile dans l'un de ces Etats, à moins que des raisons impérieuses ne l'obligent.
13. Mais l'élaboration de critères permettant de tenir compte de tous les facteurs à prendre en considération pour définir le « pays de premier asile » n'apportera pas forcément de solution dans tous les cas. Il y aura toujours des cas pour lesquels ces critères, aussi bien conçus soient-ils, ne fourniront pas de réponse précise. De plus, comme indiqué plus haut, la solution « juste et raisonnable » exige parfois qu'il soit tenu compte des intérêts de la personne en quête d'asile mais aussi de ceux de l'Etat ou des Etats en cause. Pour trouver des solutions dans ces conditions, il faut donc que tous les intéressés fassent preuve de bonne volonté et adoptent unie attitude positive et constructive. C'est pourquoi, il faudrait, non seulement fixer des critères mais aussi prévoir des mécanismes institutionnels appropriés, par exemple des consultations entre les gouvernements intéressés pour régler les cas restés sans solution.
c) Irrecevabilité des demandes d'asile pour des raisons de forme
14. Dans certains Etats, les demandes d'asile ne sont recevables qu'à condition d'être présentées dans un certain délai suivant l'arrivée de personne en quête d'asile dans le pays. Passé ce délai, elles ne sont plus prises en considération. Certains Etats ayant adopté cette règle l'appliquent strictement. D'autres acceptent d'y faire exception si la personne un quête d'asile peut fournir des explications valables sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas présenté sa demande d'asile dans les délais prescrits. De telles règles ne devraient en principe pas être applicables aux personnes en quête d'asile qui sont entrées légalement sur le territoire de l'Etat, ni tant qu'elles y séjournent en toute légalité. Mais dès lors qu'une personne en quête d'asile est entrée irrégulièrement sur le territoire d'un Etat - ce qui est fréquent - cet Etat est légitimement en droit de veiller à ce qu'elle se présente sans retard aux autorités compétentes. Il est juste que la personne en quête d'asile qui ne le fait pas soit passible d'une sanction légale, mais elle ne devrait pas perdre son droit à demander l'asile.
15. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 31 de la Convention de 1951 prévoit que les réfugiés « arrivant directement d'un territoire A leur vie ou leur liberté était menacée » ne sont pas passibles des sanctions pénales auxquelles ils étaient exposés « du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers », « sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposant des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ». Par conséquent, s'ils ne se présentent pas aux autorités eu temps voulu, ils peuvent être passibles d'une sanction parce qu'ils sont entrés ou parce qu'ils se trouvent irrégulièrement dans le pays, mais ils n'en conservent pas moins leur statut de réfugié.
16. Pour les mêmes raisons, une demande d'asile qui n'a pas été présentée dans les délais prescrits ne devrait pas être frappée d'irrecevabilité. En pareil cas, en effet, là personne en quête d'asile se trouve placée dans une Situation qui l'oblige à chercher nu autre pays d'asile. Or, il y a de fortes chances pour qu'elle se heurte à de graves difficultés lorsqu'elle prendra contact avec les autorités de cet autre pays, celui-ci pouvant estimer qu'elle a déjà établi des liens avec le premier pays et qu'il peut donc être considéré comme « le pays de premier asile ».
17. Ce genre de situations peut d'ailleurs se produire aussi dans des cas autres que celui où la demande d'asile doit être présentée dans des délais prescrits, par exemple si, une fois la demande reçue, certaines formes de la procédure ne sont pas respectées, comme les délais fixés pour produire des documents ou pour se présenter aux autorités compétentes. Les conséquences de ce non-respect - qui est bien souvent le fait d'un simple oubli - sont généralement aussi graves que celles dont il a été question dans les paragraphes précédents.
d) Accords de refoulement
18. Un certain nombre d'Etats ont conclu des accords prévoyant que les personnes venant d'un autre Etat contractant, qui sont entrées irrégulièrement sir leur territoire, seront renvoyées dans cet Etat. Ce renvoi est normalement subordonné à certaines conditions, comme le temps passé par l'intéressé dans l'autre Etat contractant, ou la présentation de sa demande de réadmission dans un délai prescrit. Ces accords de refoulement sont applicables aux ressortissants des Etats contractants mais aussi, souvent, aux étrangers. Ils pourraient donc s'appliquer aussi aux personnes qui quittent un Etat contractant et passent illégalement dans un autre pour y chercher asile. Mais l'application des accords de refoulement aux personnes en quête d'asile risque d'aboutir à des situations où les critères qui servent à déterminer le « pays de premier asile » ne sont plus pris en considération et où les personnes en quête d'asile sont renvoyées dans l'autre pays pour des raisons de pure forme. Il est donc souhaitable que les accords de refoulement soient appliqués compte dûment tenu de la situation particulière du demandeur d'asile.
III. Perte du droit de résider ou de rentre le pays d'asile
19. Une fois que le réfugié a obtenu l'asile dans un pays donné autrement qu'à titre strictement transitoire, il peut arriver qu'il perde le droit de résider ou de rentrer dans son pays d'asile sans avoir pour autant obtenu le droit de résider ailleurs. Ceci peut se produire dans toutes sortes de circonstances : le réfugié peut perdre son droit de résidence parce qu'il a quitté le pays ou qu'il s'en est absenté pendant un certain temps; la durée de validité de son titre de voyage ou du droit de retour conféré par ce titre peut être arrivée à expiration, alors qu'il se trouvait hors du pays et les autorités qui ont délivré le document peuvent se considérer comme n'étant pas tenues de le renouveler; il peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion; enfin, il peut y avoir des cas dans lesquels le réfugié doit quitter son pays d'asile pour des raisons impérieuses.
a) Perte du droit de résidence due au départ ou à l'absence prolongée
20. Un réfugié qui a obtenu l'asile dans un pays peut néanmoins être amené à se rendre à l'étranger pour de longues périodes, par exemple pour y poursuivre des études ou y chercher un emploi. Or, la loi ou les règlements de certains payé prévoient que le réfugié peut perdre son droit de résidence s'il quitte le pays ou s'en absente pendant plus d'un certain temps. Même si le titre de voyage qui lui a été délivré par les autorités compétentes de ce pays est encore valable et lui confère toujours le droit de revenir, le réfugié risque de se trouver dans une situation difficile à son retour dans le pays s'il a perdu son droit d'y résider. Les autorités de certains pays acceptent en ce cas de régulariser la situation du réfugié qui est revenu et de lui donner un nouveau permis de résidence. Mais, dans d'autres pays, l'attitude adoptée à l'égard du réfugié qui revient est beaucoup plus stricte et il peut y faire l'objet de sanctions ou de mesures de détention motivées par le fait que sa situation dans le pays n'est plus considérée comme régulière. Une telle attitude peut sérieusement décourager le réfugié de rentrer et il risque, s'il n'a pas obtenu le droit de résider ailleurs, de se retrouver sans pays d'asile.
b) Expiration de la validité du titre de voyage du réfugié ou de son droit de retour, ou des deux
21. Lorsqu'un réfugié se rend dans un autre pays avec un titre de voyage délivré par son pays d'asile et que la validité de ce titre est arrivée à expiration pendant qu'il se trouvait à l'étranger, le pays qui a délivré le titre de voyage peut refuser de le réadmettre même s'il n'a pas obtenu le droit de résider dans un autre pays. Il arrive que le droit d'être réadmis conféré par le titre de voyage soit d'une durée inférieure à la durée de validité du titre proprement dit. En pareil cas, le pays qui a délivré le titre peut ne pas accorder la réadmission, même si le titre de voyage est encore valable. Il pont arriver aussi que le réfugié ait laissé passer le délai de validité du titre de voyage ou du droit de retour par ignorance des règlements ou bien qu'il l'ait fait intentionnellement, pour rompre ses liens avec le pays qui a délivré le titre. Quoi qu'il en soit, il risque dans un cas comme dans l'autre, de se retrouver sans pays d'asile.
22. Ce genre de problèmes peut se poser lorsque le titre de voyage délivré au réfugié est celui qui est prévu par la Convention de 1951, aussi bien que lorsqu'il s'agit de documents d'un autre typo (par exemple dans le cas où l'Etat qui lui a accordé l'asile n'est pas partie à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967). Au sujet des titres de voyage délivrés aux réfugiés en vertu de la Convention de 1951 ou du Protocole de 1967, le paragraphe A 1) de l'Annexe à la Convention dispose que
« Le renouvellement ou la prolongation de validité du titre est du ressort de l'autorité qui l'a délivré, aussi longtemps que le titulaire ne s'est pas établi régulièrement dans un autre territoire et réside régulièrement sur le territoire de ladite autorité. L'établissement d'un nouveau titre est, dans les mêmes conditions, du ressort de l'autorité qui a délivré l'ancien titre. »
De plus, le paragraphe 11 de l'Annexe prévoit que :
« Dans le cas d'un réfugié changeant de résidence et s'établissant régulièrement dans le territoire d'un autre Etat contractant, la responsabilité de délivrer un nouveau titre incombera désormais, aux termes et aux conditions de l'article 28, à l'autorité compétente dudit territoire à laquelle le réfugié aura le droit de présenter sa demande. »
23. L'objet de ces dispositions est d'éviter toute solution de continuité et de faire en sorte qu'il y ait toujours un pays auquel incombe la responsabilité de délivrer un titre de voyage au réfugié et dans lequel, en vertu do ce titre, le réfugié puisse retourner. Le libellé du paragraphe 6 de l'Annexe a toutefois donné lieu à certaines difficultés d'interprétation du fait qu'il prévoit que l'obligation de proroger la validité du titre de voyage ou de le renouveler existe aussi longtemps que le titulaire du titre ne s'est pas établi régulièrement dans un autre territoire et « réside régulièrement sui le territoire » de l'autorité qui a délivré le titre. Les travaux préparatoires n'éclairent nullement le sens de ces mots qui pourraient vouloir dire que l'obligation pour l'Etat qui délivre le titre de voyage du réfugié de renouveler ce titre ou d'on proroger la validité n'existe que si le réfugié reste effectivement prisent sur son territoire. Cette interprétation n'irait toutefois pas dans le sens des paragraphes 6 et 11 de l'Annexe puisqu'elle reviendrait à dire qu'un Etat pourrait ne plus être responsable de délivrer un titre de voyage à un réfugié même si ce dernier ne s'est pas régulièrement établi dans un autre pays, c'est-à-dire à placer le réfugié dans une situation où il serait sans pays d'asile.
c) Expulsion
24. Il existe malheureusement des situations dans lesquelles les autorités d'un pays d'asile se voient dans l'obligation de recourir à une mesure d'expulsion contre un réfugié. Même si une telle mesure se justifie au sens de l'article 32 de la Convention de 1951, elle a pour le réfugié des conséquences très graves et revient souvent à le placer dans une situation très difficile. Le réfugié va, en particulier, perdre son droit de résidence dans son pays d'asile et il n'y aura normalement pas de pays autre que son pays d'origine où il aura le droit de s'établir régulièrement. S'il se rend irrégulièrement dans un autre pays - ce qu'il se verra parfois contraint de faire - il s'y heurtera à de multiples difficultés et risquera même d'être arrêté et emprisonné pour présence illégale sur le territoire. Il risque aussi d'être renvoyé dans son premier pays d'asile où, cependant, sa présence est aussi illégale. En d'autres termes, il se trouve de nouveau dans la situation d'un réfugié sans pays d'asile.
25. Le problème de l'expulsion des réfugiés a été étudié par le Comité exécutif à sa vingt-huitième session. Dans ses conclusions, le Comité a reconnu qu'une mesure d'expulsion pouvait avoir des conséquence, très graves pour le réfugié et les membres de sa famille immédiate résidant avec lui. Le Comité a donc recommandé notamment que, dans le sens de l'article 32 de la Convention de 1951, une mesure d'expulsion frappant un réfugié ne puisse être prise que dans des cas tout à fait exceptionnels et après qu'on ait dûment examiné tous les aspects de la question, y compris la possibilité, pour le réfugié, d'être admis dans un autre pays que son pays d'origine. Le Comité a recommandé en outre que, dans les cas A l'exécution d'une mesure d'expulsion est impraticable, les Etats envisagent d'accorder aux réfugiés délinquants le même traitement qu'aux délinquants nationaux, et que les Etats examinent la possibilité d'élaborer un instrument international donnant effet à ce principe (document A/AC.96/549, paragraphe 53, 5)).
d) Cas dans lesquels un réfugié quitte son pays d'asile pour des raisons impérieuses
26. Lorsqu'un réfugié a obtenu l'asile dans un pays donné, il n'a normalement pas le droit de le demander dans un autre pays. S'il veut établir sa résidence permanente dans un autre pays, il ne pourra le faire que si les autorités de ce pays acceptent qu'il s'y réinstalle ou s'il y transfère sa résidence légale au sens des paragraphes 6 et 11 de l'Annexe de la Convention de 1951 (voir plus haut, paragraphe 22). Un réfugié peut toutefois se trouver dans une situation si précaire dans son pays d'asile (par exemple si sa sécurité physique ou sa liberté sont menacées) que l'on peut raisonnablement considérer qu'il n'y jouit pas de la protection normalement associée à la notion d'asile et il n'a pas trouvé d'« asile » au sens propre du terme. Par conséquent, s'il se voit contraint de demander asile dans un autre pays, il faut examiner favorablement son cas et non lui dire simplement qu'il a déjà un pays d'asile.
27. Il peut aussi arriver que les conditions existant dans le pays d'asile soient telles - chômage, impossibilités de faire des études, etc. - qu'il soit vraiment impossible au réfugié de s'y établir. Les cas de ce genre devraient normalement être résolus dans le cadre de la réinstallation. Toutefois, si un réfugié qui se trouve dans cette situation quitte son pays d'asile de sa propre initiative, les autres pays pourraient légitimement considérer avec bienveillance son désir compréhensible de s'établir ailleurs. Quoi qu'il en soit, il importe que le réfugié puisse au besoin être réadmis dans son pays d'asile pour éviter qu'il ne se retrouve encore dans la situation d'un réfugié sans pays d'asile.
IV. Conclusions et solutions possibles
28. A sa vingt-huitième session, le Comité exécutif s'est montré préoccupé de ce qu'il se produit encore des cas où des personnes en quête d'asile se heurtent à de graves difficultés pour trouver un pays disposé à leur accorder un refuge même temporaire et de ce que, dans un certain sombre de cas, le refus de l'asile permanent ou temporaire ait eu de graves conséquences pour la personne en cause. Il semblerait logique en effet qu'une personne qui fuit la persécution puisse toujours trouver un refuge temporaire ailleurs si sa protection immédiate en dépend et qu'elle ait aussi la possibilité de trouver un asile durable le plus rapidement possible. L'objet des paragraphes qui précèdent était de montrer les diverses difficultés auxquelles les personnes en quête d'asile peuvent se heurter à cet égard et d'indiquer comment un réfugié qui a déjà obtenu l'asile peut se retrouver dans la situation d'un réfugié sans pays d'asile. Les situations dans lesquelles les réfugiés et les personnes en quête d'asile rencontrent ce genre de problèmes sont toujours excessivement pénibles et il faut, autant que faire se peut, empêcher qu'elles se produisent en adoptant des solutions appropriées au plan international. Ces solutions pourraient s'inspirer des considérations ci-après :
a) Les Etats qui suivent actuellement des pratiques restrictives en matière d'asile, par exemple en fermant leurs frontières à toutes les personnes en quête d'asile ou à certains groupes d'entre elles, devraient, dans un esprit de solidarité internationale, adopter une attitude plus souple pour augmenter les possibilités qu'ont les réfugiés de trouver un pays d'asile.
b) Il faudrait s'efforcer de résoudre le problème du « pays de premier asile » en fixant des critères communs. Pour les arrêter, il conviendrait de tenir compte des facteurs suivants
i) Ces critères devraient permettre de désigner de manière positive le pays à considérer comme celui auquel il incombe de connaître de la demande d'asile et aux autorités duquel la personne en quête d'asile peut effectivement s'adresser. Ils devraient offrir une solution et non, comme il arrive fréquemment aujourd'hui, servir simplement à déterminer que le pays auquel la personne en quête d'asile s'est adressée n'est pas celui auquel elle aurait dû présenter sa demande.
ii) Lorsqu'une personne en quête d'asile est passée par un ou plusieurs pays intermédiaires, il devrait être tenu compte non seulement du temps passé dans ces pays mais aussi de la nature du séjour, notamment de la question de savoir si les liens qu'elle peut avoir avec un ou plusieurs autres pays sont d'un caractère tel qu'il y a tout lieu de penser qu'elle y demandera l'asile.
iii) Il devrait être tenu compte autant que possible des intentions de la personne en quête d'asile concernant l'Etat auquel elle souhaite présenter sa demande.
iv) Il devrait également être tenu compte du principe selon lequel l'asile ne devrait pas être refusé pour le seul motif qu'il aurait pu être demandé à un autre Etat.
v) Il faudrait non seulement fixer des critères mais aussi prévoir des mécanismes institutionnels appropriés, par exemple des consultations régulières entre les gouvernements intéressés, notamment pour régler les cas pour lesquels il n'a pas été possible de trouver de solution.
vi) Les accords de refoulement ne devraient pas être appliqués aux personnes en quête d'asile sans qu'il ait été dûment tenu compte de leur situation particulière.
c) Les demandes d'asile ne devraient pas être irrecevables pour seul motif qu'elles ne répondent pas à certaines exigences de forme, par exemple qu'elles n'ont pas été soumises dans les délais voulus.
d) Les Etats devraient accorder une attention particulière à la nécessité d'empêcher que se créent des situations dans lesquelles des réfugiés perdraient leur droit de résider ou de rentrer dans leur pays d'asile sans avoir obtenu la possibilité d'élire résidence dans un autre pays.
e) Conformément aux conclusions adoptées par le Comité à sa vingt-huitième session, s'ils se trouvent contraints de recourir exceptionnellement à des mesures d'expulsion à l'encontre d'un réfugié, les Etats devraient dûment tenir compte de la possibilité qu'a ou non ce réfugié d'être admis dans un pays autre que son pays d'origine.
f) Dans l'application des lois et règlements nationaux régissant la perte du droit de résidence en ce qui concerne les réfugiés ainsi que, d'une manière générale, en cas de départ ou d'absence prolongée, les Etats devraient tout particulièrement tenir compte de la nécessité d'éviter que se créent des situations dans lesquelles les réfugiés se retrouvent sans pays où ils puissent légalement résider.
g) Conformément à l'esprit des paragraphes 6 et 11 de l'Annexe de la Convention de 1951, les Etats devraient prolonger la validité des titres de voyage des réfugiés ou les renouveler aussi longtemps que ceux-ci ne se sont pas établis régulièrement sur le territoire d'un autre Etat contractant. Une pratique analogue devrait autant que possible être suivie, mutatis mutandis, en ce qui concerne les titres de voyage autres que ceux qui sont délivrés aux réfugiés conformément à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967.
h) Si un réfugié qui a déjà obtenu l'asile dans un Etat demande l'asile dans un autre Etat parce qu'il a des raisons impérieuses de quitter le pays d'asile où il se trouve, par exemple parce que sa sécurité ou sa liberté y sont menacées, les autorités du second Etat devraient examiner favorablement sa demande.
1 Voir le rapport de la Conférence des Nations Unies sur l'asile territorial A/CONF.78/12, Annexe II.
2 Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial du 14 décembre 1967 - article 2; Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, septembre 1969, article II.4.