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Note sur les femmes réfugiées et la protection internationale

Réunions du Comité exécutif

Note sur les femmes réfugiées et la protection internationale
EC/SCP/39

8 Juillet 1985

1. Il est certain que, dans la plupart des cas, hommes et femmes réfugiés connaissent les mêmes difficultés et les mêmes problèmes de protection. Au demeurant, il est des circonstances où les femmes sont exposées à des risques particuliers du seul fait qu'elles sont femmes. L'objet de la présente note est d'exposer les problèmes de protection qui les concernent en particulier.

2. Eu égard à la protection internationale des femmes réfugiées, l'un des problèmes les plus importants, et de loin le plus odieux, est l'atteinte à l'intégrité de leur personne et à leur sécurité physique. L'illustration la plus frappante en est la fréquence des attaques de pirates contre des personnes en quête d'asile en haute mer au large de l'Asie du Sud-Est, attaques au cours desquelles des viols et des enlèvements de femmes se produisent presque toujours. Au cours des cinq dernières années, environ 2 500 femmes réfugiées ont été violées par des pirates qui en ont en outre enlevé un millier d'autres, souvent pour les faire passer de bateau en bateau et leur faire subir des outrages inhumains. Moins de la moitié des femmes enlevées depuis 1982 ont été retrouvées.

3. Ailleurs dans le monde, il y a eu aussi de nombreux cas où des femmes réfugiées, fuyant pour préserver leur sécurité, ont été soumises à des sévices sexuels. Même après leur arrivée dans des camps ou dans des zones d'installation, elles risquent de continuer à être victimes d'atteintes à leur sécurité physique : exploitation sexuelle, viol et prostitution, par exemple. Les sévices sexuels et l'enlèvement de femmes réfugiées auxquels se livrent, par exemple, les gardiens des camps et des zones d'installation, restent une source de profonde préoccupation pour les fonctionnaires des bureaux extérieurs du HCR. Il y a lieu de s'inquiéter aussi des cas tout aussi courants de réfugiées qui sont victimes d'exactions et de brutalités en dehors des camps et des zones d'installation.

4. Un autre sujet de préoccupation dans le domaine de la protection internationale des femmes réfugiées est l'exercice de leur droit à un traitement égal. A cet égard, il faut rappeler que la protection internationale a pour objectif fondamental de remédier, par l'application de règles juridiques universellement acceptées, à la position désavantagée dans laquelle les réfugiés se trouvent. Ces règles sont définies dans les instruments internationaux relatifs aux réfugiés - la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967, et le Statut de l'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés - et se traduisent dans des principes humanitaires généraux. Dans aucun de ces instruments et principes, il n'est fait de distinction entre hommes et femmes réfugiés, l'idée de base étant que tous les réfugiés, quel que soit leur sexe, se heurtent aux mêmes problèmes et doivent être traités dans les mêmes conditions. Dans la pratique toutefois, il arrive que certaines femmes réfugiées ne bénéficient pas de tous les effets des instruments internationaux relatifs aux réfugiés et des principes humanitaires, car la condition sociale de la femme dans certaines sociétés peut les en empêcher.

5. Les femmes et les jeunes filles constituent aujourd'hui la majeure partie de la population réfugiée dans le monde. De ce seul fait, il faut que leurs besoins et leurs problèmes particuliers soient pris en compte, en tant que facteur déterminant, dans la mise au point d'une ligne d'action internationale en faveur des réfugiés. La protection des femmes réfugiées doit également être tenue pour essentielle dans la recherche globale de solutions aux problèmes actuels des réfugiés, parce que les arrivées massives se caractérisent fréquemment par le démantèlement des structures d'appui traditionnelles - en particulier de la cellule familiale - au sein desquelles la position et le statut de la femme sont clairement définis. Il se peut pourtant, on l'a vu plus haut, que les garanties offertes aux femmes réfugiées par les principes de la protection internationale ne soient pas intégralement appliqués en raison d'attitudes générales dans le pays d'asile ou dans le pays d'origine. Toute étude de la protection internationale des femmes réfugiées exige dès lors une bonne compréhension des obstacles auxquels se heurtent les femmes dans de nombreuses sociétés, et la connaissance des problèmes particuliers qu'en tant que groupe spécifique, elles rencontrent quand elles sont réfugiées.

6. « Les femmes réfugiées » ont formé le thème d'une table ronde organisée par le Haut Commissaire en avril 1985. Dans leur déclaration finale, les participants, venus de diverses régions du monde, ont demandé notamment que des données statistiques soient rassemblées sur les femmes réfugiées, afin de permettre l'analyse systématique de leurs besoins particuliers et de leur vulnérabilité en tant que femmes. Il faut aussi voir dans une telle analyse le fondement nécessaire à des programmes d'action plus élaborés dans le domaine de la protection internationale des femmes réfugiées.

7. Il convient de signaler aussi qu'il y a eu un certain nombre de cas où des femmes ont cherché asile ou demandé le statut de réfugié, conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, à cause de la condition sociale de la femme dans leur pays et du traitement qui lui était réservé. A cet égard, le Parlement européen a adopté récemment une résolution par laquelle il émettait l'avis que les femmes à qui est infligé un traitement cruel ou inhumain parce qu'elles sont jugées coupables d'avoir transgressé les lois sociales de la communauté dans laquelle elles vivent peuvent être tenues pour appartenant à un « certain groupe social », au sens de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le Parlement européen a lancé un appel aux Etats pour qu'ils appliquent la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 dans ce sens.1

8. Pour faire face aux problèmes particuliers des femmes réfugiées, on peut prendre toute une série de mesures. Pour ce qui est de la violation de l'intégrité de la personne et de la sécurité physique des femmes réfugiées, il s'agit notamment de renforcer la présence du HCR dans les zones frontières, le long des itinéraires de fuite et dans les camps et les zones d'installation des réfugiés. L'expérience a montré que cette présence pouvait avoir un effet dissuasif. En ce qui concerne plus précisément la violation de l'intégrité physique des femmes réfugiées en haute mer, il faudrait apporter un appui total au programme spécial de lutte contre la piraterie et en renforcer l'action. Les pays d'asile devraient également prendre les mesures voulues pour assurer le maintien de l'ordre et faire en sorte que ceux qui portent atteinte à l'intégrité et la sécurité physiques des femmes réfugiées soient traduits en justice.

9. Concernant la nécessité de garantir le droit des femmes réfugiées à l'égalité de traitement, il faut entreprendre d'autres études approfondies axées plus particulièrement sur les besoins particuliers et la vulnérabilité des réfugiées en tant que femmes. Ces études sont aussi nécessaires pour définir les modes d'action spécifiques que le HCR devrait promouvoir dans le domaine de la protection internationale des femmes réfugiées.

10. Enfin, pour les femmes soumises à un traitement cruel ou inhumain parce qu'elles sont jugées coupables d'avoir transgressé les lois sociales de leur communauté, les Etats devraient s'attacher à interpréter l'expression « appartenance à un certain groupe social », utilisée au paragraphe A 2) de l'article premier de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, comme s'appliquant à cette catégorie de femmes.


1 Résolution sur l'application de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, adoptée par le Parlement européen le 13 avril 1984.