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Note sur les passagers clandestins en quête d'asile

Réunions du Comité exécutif

Note sur les passagers clandestins en quête d'asile
EC/SCP/51

22 juillet 1988

I. INTRODUCTION

1. Depuis plus de 10 ans, les passagers clandestins en quête d'asile posent un problème de protection à la communauté internationale. Comme dans le cas des autres personnes en quête d'asile, la première tâche à accomplir en ce qui concerne les passagers clandestins en quête d'asile est de leur assurer une protection initiale en les faisant admettre sur le territoire d'un Etat où il est possible d'établir leur statut de réfugiés.

2. Toutefois, il n'est pas aisé d'obtenir un accord des Etats sur le lieu où le passager clandestin en quête d'asile doit débarquer. Normalement, la situation d'un passager clandestin en quête d'asile intéresse plusieurs Etats : l'Etat du port d'embarquement, celui dont le navire transporteur bat pavillon, celui du premier port où le navire a fait escale après la découverte du passager clandestin et ceux des ports subséquents, et tout autre Etat avec lequel le passager clandestin peut avoir des liens. Certains Etats estiment que les Etats dont les navires transporteurs battent pavillon sont ceux qui, en dernier ressort, sont responsables des passagers clandestins en quête d'asile; d'autres sont d'avis que cette responsabilité incombe à l'Etat du premier port d'escale, d'autres enfin sont favorables à des solutions prises dans chaque cas en fonction des circonstances.

3. Des désaccords entre Etats sur le point de savoir lequel d'entre eux devrait admettre des passagers clandestins en quête d'asile ont créé des situations dites de « mise en orbite ». Il est arrivé à maintes reprises que des passagers clandestins en quête d'asile soient confinés pendant de longues semaines ou même pendant plusieurs mois sur des navires naviguant d'un port à un autre. Dans un cas, le passager clandestin est resté à bord bien plus d'un an. Cela explique pourquoi les passagers clandestins en quête d'asile, bien qu'assez peu nombreux globalement, posent un grave problème de protection.

4. On trouvera dans les paragraphes qui suivent un exposé succinct des dispositions pertinentes du droit international et un certain nombre de suggestions quant au traitement à réserver à l'avenir aux passagers clandestins en quête d'asile.

II. LE DROIT INTERNATIONAL ET LE TRAITEMENT DES PASSAGERS CLANDESTINS EN QUETE D'ASILE

Droit maritime international

5. Le droit maritime international n'énonce pas de principes particuliers concernant la protection des passagers clandestins en quête d'asile. L'instrument pertinent en la matière est la Convention internationale sur les passagers clandestins, adoptée par la Conférence diplomatique de Droit maritime à sa dixième session, en 1957. Cependant, au cours des 30 années qui se sont écoulées depuis cette date, la Convention n'a obtenu crue neuf des dix ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. Bien qu'elle ne crée pas encore d'obligations juridiques, la Convention n'en est pas moins importante, car elle témoigne d'un certain accord entre les Etats au sujet des principes applicables. Ainsi, elle offre un cadre détaillé pour la détermination des responsabilités des Etats à l'égard des passagers clandestins et reconnaît expressément les dangers particuliers que courent les passagers clandestins qui fuient les persécutions.

6. La Convention donne du passager clandestin la définition suivante

« Passager clandestin » signifie une personne qui, en un port quelconque ou en un lieu en sa proximité, se dissimule dans un navire sans le consentement du propriétaire du navire ou du capitaine et qui est à bord après que le navire a quitté ce port ou lieu. »

7. La Convention définit clairement les devoirs respectifs du capitaine du navire et de l'Etat du port d'escale envers les passagers clandestins. L'article 2 dispose notamment que :

« Si au cours d'un voyage d'un navire immatriculé dans un Etat Contractant ou portant le pavillon d'un tel Etat, un passager clandestin est découvert dans un port ou en mer, le capitaine du navire peut, sous réserve des dispositions du paragraphe 3, livrer le passager clandestin à l'autorité compétente du premier port d'un Etat Contractant où le navire fait escale après la découverte du passager clandestin, et dans lequel il estime que ce passager sera traité conformément aux dispositions de la présente Convention. »

Aux termes du paragraphe 3 de ce même article, l'Etat du port d'escale doit recevoir ces passagers clandestins à moins qu'ils ne soient « sous le coup d'une mesure antérieure individuelle d'expulsion ou de refoulement ». Ces dispositions visent à assurer le débarquement des passagers clandestins le plus rapidement possible après leur découverte.

8. La Convention prend tout particulièrement en considération le cas des passagers clandestins en quête d'asile. Le paragraphe 2 de l'article 5 impose au capitaine du navire et aux autorités compétentes du port de débarquement de « tenir compte des motifs que le passager clandestin invoquerait Pour ne pas être débarqué ou renvoyé dans tels ports ou tels Etats mentionnés à la présente Convention'. Le paragraphe 3 du même article ajoute :

'Les dispositions de la présente Convention ne porteront en aucune manière atteinte aux droits et obligations de l'Etat Contractant à accorder l'asile Politique.'

A elles deux, ces dispositions reconnaissent la situation particulière des passagers clandestins qui sont aussi des personnes en quête d'asile et soulignent que les Etats ont, en vertu du droit international général, des obligations plus étendues à leur égard (y compris l'obligation de non-refoulement) .

9. Aux termes de la Convention, l'Etat du port de débarquement n'est que temporairement responsable du passager clandestin. La Convention indique assez précisément où l'Etat du port de débarquement doit renvoyer le passager clandestin une fois celui-ci débarqué. L'article 3 enjoint audit Etat de renvoyer le passager clandestin, de préférence à l'Etat dont celui-ci est un national ou, à défaut, à l'Etat du port d'embarquement, ou enfin à l'Etat dans lequel se trouve le dernier port d'escale avant que le passager ait été découvert. Si le passager clandestin ne peut être renvoyé dans aucun de ces Etats, c'est en définitive l'Etat dont le navire battait pavillon qui doit le recevoir. La Convention prévoit donc qu'en dernier ressort, c'est à l'Etat du pavillon qu'il incombe d'admettre le passager clandestin.

10. Il découle des principes généraux du droit maritime, tout comme de la Convention sur les passagers clandestins, que l'Etat du port de débarquement ne peut pas décliner toute responsabilité à l'égard du passager clandestin. En haute mer, les naissances, les contrats, les infractions et, vraisemblablement aussi, le transport illicite de passagers clandestins relèvent de la compétence exclusive de l'Etat dont le navire bat pavillon. Cet Etat demeure aussi la principale autorité compétente tant qu'il y a passage inoffensif du navire dans les eaux territoriales d'autres Etats. Toutefois, la compétence dudit Etat est moindre lorsque le navire entre dans un port étranger. La compétence des Etats côtiers est absolue sur leur territoire, y compris dans les ports. Les navires étrangers faisant escale ne peuvent accorder l'asile à leur bord à des fugitifs, qu'ils soient ressortissants de l'Etat côtier ou non. De plus, les autorités locales peuvent monter à bord, arrêter des fugitifs étrangers et les extrader vers l'Etat qui en fait la demande pour y être jugés. En d'autres termes, aucun principe d'extraterritorialité ne s'applique dans ce cas, et on peut donc soutenir que le passager clandestin en quête d'asile doit être considéré, aux fins de la protection internationale, comme se trouvant sur le territoire de l'Etat du port d'escale. Le fait que ledit Etat exerce une certaine juridiction sur les navires marchands étrangers vient encore renforcer l'argument selon lequel le passager clandestin a pénétré sur le territoire de l'Etat du port d'escale.

11. L'argument selon lequel la responsabilité du passager clandestin en quête d'asile doit incomber à l'Etat du pavillon est cependant affaibli par la multiplication des pavillons d'immatriculation libre, plus communément appelés pavillons de complaisance. Plus d'un quart de tous les navires marchands hauturiers portent des pavillons de ce genre. De ce fait, attribuer la responsabilité du passager clandestin à l'Etat du pavillon, ce serait imposer une charge disproportionnée à un tout petit nombre de pays. Il ne faut pas non plus perdre de vue que, si le lien entre le passager clandestin en quête d'asile et l'Etat du premier port d'escale est parfois lâche et accidentel, son rapport avec l'Etat du pavillon est généralement plus ténu encore et purement fortuit. Il est à noter que ce fait a été pris en considération dans le cadre du sauvetage des personnes en quête d'asile qui sont en détresse dans les eaux de l'Asie du Sud-Est, où les Etats ont établi un Plan d'offres de réinstallation au débarquement (DISERO) pour faciliter le débarquement rapide des personnes en quête d'asile qui ont été sauvées en mer, alors qu'elles étaient en détresse, par des navires portant des pavillons d'immatriculation libre.

Principes des droits de l'homme

12. L'ensemble des principes relatifs aux droits fondamentaux de l'homme fournit d'autres indications sur le traitement à réserver aux passagers clandestins en quête d'asile. Ces principes valent uniformément pour les nationaux et les non-nationaux, les réfugiés et les personnes en quête d'asile. Ainsi, le traitement des passagers clandestins en quête d'asile et la recherche de solutions à leurs problèmes doivent respecter les principes fondamentaux des droits de l'homme, y compris le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité individuelle, le droit de demander et de se voir accorder l'asile en cas de persécution et le droit de ne pas avoir à subir un traitement cruel ou dégradant.

13. Comme cela a été indiqué plus haut, au paragraphe 3, les passagers clandestins en quête d'asile sont souvent contraints de rester très longtemps à bord du navire. Le refus d'autoriser leur débarquement peut, dans ce cas, équivaloir à un traitement cruel et dégradant. C'est là, de toute évidence, un argument supplémentaire en faveur d'un débarquement aussi rapide que possible.

Droit des réfugiés

14. Certains principes du droit des réfugiés s'appliquent plus particulièrement aux passagers clandestins en quête d'asile. Le principe du non-refoulement, en particulier, limite le pouvoir des Etats de rejeter les passagers clandestins en quête d'asile. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 33 de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, de 1951

« Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit,1 un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »

15. Le principe du non-refoulement fait maintenant partie du droit international coutumier et s'impose à tous les Etats, qu'ils y aient adhéré expressément ou non. Le refus d'admission à la frontière est de plus en plus assimilé au refoulement lorsqu'il se traduit par l'expulsion ou le renvoi d'une personne sur les frontières d'un territoire où sa vie ou sa liberté serait menacée. La Déclaration sur l'asile territorial adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1967 précise au paragraphe 1 de l'article 3 :

« Aucune personne [qui est réfugiée] ... ne sera soumise à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière ou, si elle est déjà entrée dans le territoire où elle cherchait asile, l'expulsion ou le refoulement vers tout Etat où elle risque d'être victime de persécutions. »

16. La Déclaration n'autorise les Etats à déroger à cette règle crue « pour des raisons majeures de sécurité nationale ou pour protéger la population, comme dans le cas d'un afflux en masse de personnes ». La communauté internationale a réaffirmé et réitéré ce principe à plusieurs reprises, notamment dans les Principes de Bangkok applicables au traitement des réfugiés, adoptés par le Comité juridique consultatif africano-asiatique en 1966, la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, de 1969, la Déclaration de Carthagène de 1984 et diverses conclusions du Comité exécutif.

17. Si l'Etat du pavillon rejette toute responsabilité en ce qui concerne le passager clandestin et que le port d'escale suivant se trouve sur le territoire d'un Etat où la vie ou la liberté du passager clandestin serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, ce rejet de responsabilité et ce refus d'admission équivalent en pratique à un refoulement. Le problème de refoulement ne fera que s'aggraver si l'Etat du pavillon continue de rejeter toute responsabilité en ce qui concerne le passager clandestin en quête d'asile et que, dans le même temps, les Etats des ports d'escale où le passager clandestin en quête d'asile pourrait être débarqué en toute sécurité refusent d'autoriser son débarquement. Lorsque le débarquement est la seule possibilité d'éviter le refoulement, les Etats des ports d'escale aussi bien que l'Etat du pavillon ont clairement le devoir d'empêcher le refoulement. Le meilleur moyen d'y parvenir dépend des circonstances, mais il consiste le plus souvent à débarquer le passager clandestin en quête d'asile au premier port d'escale.

18. L'entrée ou le séjour irréguliers de passagers clandestins sur le territoire de l'Etat du port de débarquement ne devraient pas être considérés comme portant atteinte au bien-fondé de leur demande d'asile. L'article 31 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés dispose que

« Les Etats Contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. »

19. Le Comité exécutif a expressément adopté une position analogue à deux reprises au moins. Dans sa conclusion No 15 (XXX) concernant les réfugiés sans pays d'asile, il a fait observer à l'alinéa vi) du paragraphe h) que :

'Les accords prévoyant le renvoi par les Etats des personnes venues d'un autre Etat contractant et ayant pénétré irrégulièrement sur leur territoire seront appliqués aux personnes en quête d'asile compte dûment tenu de leur situation particulière.'

20. Dans les cas d'arrivées massives, le sous-alinéa II B) 2) a) de la Conclusion No 22 (XXXII) précise que les personnes en quête d'asile qui ont été admises temporairement

« ne doivent pas être pénalisées ou exposées à un traitement défavorable exclusivement parce que leur présence dans le pays est jugée illégale ... »

21. Le Comité exécutif lui-même a souvent réexaminé la question de la sécurité en mer des personnes en quête d'asile ainsi que la nécessité pour elles de trouver un asile. Dans les conclusions sur la protection internationale qu'il a adoptées à sa vingt-septième session, le Comité exécutif a fait appel aux Etats pour qu'ils fassent bénéficier du premier asile les réfugiés et personnes déplacées recueillis en mer ou venus directement par mer ». Plus récemment, le Comité exécutif a adopté les Conclusions Nos 23 (XXXII), 26 (XXXIII) et 31 (XXXIV) qui visent à renforcer « le caractère fondamental de l'obligation de sauver les personnes en quête d'asile en détresse en mer ». Il a mis l'accent sur la nécessité de sauver, de débarquer et d'admettre au moins temporairement ces personnes, et de leur accorder des possibilités de s'installer, dans un esprit de solidarité internationale et de partage des charges.

III. CONCLUSIONS

22. Les principes fondamentaux des droits de l'homme s'appliquent également aux nationaux et aux non nationaux, aux réfugiés et aux personnes en quête d'asile. Aucune distinction ne saurait être faite en ce qui concerne des droits de l'homme tels que le droit à la vie, à l'intégrité de la personne et au respect de la dignité humaine. Le traitement que les Etats réservent aux passagers clandestins en quête d'asile devrait s'inspirer du souci de veiller à leur bien-être et de faire en sorte qu'ils ne soient pas soumis à un traitement cruel ou dégradant.

23. Le Comité exécutif a constitué en 1982 un groupe de travail chargé d'étudier les problèmes liés au sauvetage en mer, qui a aussi examiné la question des passagers clandestins en quête d'asile. Ce groupe a formulé, au sujet du traitement des passagers clandestins, une série de directives qui n'ont fait, jusqu'à présent, l'objet d'aucun autre examen. Il ressort cependant des paragraphes qui précèdent qu'elles méritent une attention favorable; aussi sont-elles présentées ci-après en guise de conclusion.

i) Comme toute autre personne en quête d'asile, le passager clandestin en quête d'asile doit être protégé contre un retour forcé dans son pays d'origine en vertu du principe du non-refoulement;

ii) Bien qu'il faille reconnaître qu'il n'existe pas actuellement de règle du droit international positif qui s'applique spécifiquement aux passagers clandestins en quête d'asile et définisse les responsabilités respectives des Etats intéressés, il convient de réserver aux demandeurs d'asile l'attention particulière que leur situation exige;

iii) Il conviendrait, chaque fois que c'est possible, d'autoriser les passagers clandestins en quête d'asile à débarquer au premier port d'escale et de leur donner la possibilité de faire examiner leur demande d'asile conformément aux procédures nationales en vigueur;

iv) Si besoin est, il conviendrait de demander au HCR d'aider à trouver une solution durable.


1 Non souligné dans le texte.