Rapport intérimaire sur les consultations informelles concernant la fourniture d'une protection internationale à tous ceux qui en ont besoin
Rapport intérimaire sur les consultations informelles concernant la fourniture d'une protection internationale à tous ceux qui en ont besoin
EC/48/SC/CRP.32
Description : 12ème réunion
RAPPORT INTERIMAIRE SUR LES CONSULTATIONS INFORMELLES CONCERNANT LA FOURNITURE D'UNE PROTECTION INTERNATIONALE A TOUS CEUX QUI EN ONT BESOIN
I. GENERALITES
1. A la quarante-quatrième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le Comité exécutif a adopté une position reconnaissant qu'il existe des personnes qui, bien que ne relevant pas du champ d'application de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, n'en ont pas moins besoin d'une protection internationale. Cette position a été approuvée par l'Assemblée générale dans sa résolution 50/152. Le Comité exécutif a encouragé le Haut Commissaire à continuer de promouvoir la coopération internationale en vue de la fourniture d'une protection internationale et à procéder à des consultations et à des discussions au sujet des mesures et des principes directeurs à adopter pour que cette protection internationale soit étendue à toutes les personnes qui en ont besoin. Il fallait donc, une fois définis le contenu et la nature de cette protection, qu'un consensus se dégage sur les mesures que l'on pouvait prendre sans déroger aux instruments internationaux relatifs aux réfugiés.
2. Le HCR a entrepris de tenir à Genève une série de réunions d'experts gouvernementaux et universitaires pour un échange de vues informel sur divers aspects de ce vaste sujet. A ce jour, cinq réunions ont été organisées. La première, tenue les 2 et 3 mai 1996, a permis de cerner les grands domaines dans lesquels les problèmes restant à régler ont eu un effet préjudiciable sur les personnes ayant besoin d'une protection internationale. La deuxième réunion, tenue les 17 et 18 décembre 1996, a porté plus particulièrement sur la protection temporaire et sur l'étendue de la protection en cas d'afflux de grande envergure. La troisième réunion, tenue les 5 et 6 mai 1997, a permis de poursuivre la discussion sur le rôle de supervision du HCR, sur l'apatridie et sur les questions restant à régler en matière de protection temporaire. La quatrième réunion, tenue les 4 et 5 décembre 1997, a porté sur le partage de la charge et la détention des réfugiés, des demandeurs d'asile et des apatrides. La cinquième réunion, la dernière de cette série, tenue les 11 et 12 mai 1998, a essentiellement porté sur les questions relatives aux personnes déplacées à l'intérieur du territoire et au renforcement des capacités.
3. Le document EC/46/SC/CRP.34 du Comité exécutif du 28 mai 1996 contient un résumé des discussions qui ont eu lieu à la première réunion, celles qui se sont tenues à la deuxième et troisième réunions étant résumées dans le document EC/47/SC/CRP.27 du 30 mai 1997. La présente note contient le résumé approuvé des discussions tenues aux quatrième et cinquième réunions. Il s'agit d'une synthèse des questions abordées et toutes les vues exprimées par les participants n'y sont pas reproduites. Ce résumé donne une indication de l'état actuel de la réflexion sur les questions à l'examen et constitue une base constructive pour continuer de les élaborer.
II. RESUME DES DISCUSSIONS SUR LE PARTAGE DE LA CHARGE
4. Dès le début, les participants ont d'une manière générale reconnu que le volume de réfugiés arrivant dans les pays en développement imposait de procéder à une répartition proportionnelle de la charge. On a également souligné que le partage de la charge ne pouvait constituer une condition préalable au respect des obligations fondamentales en matière de protection. Les participants se sont ensuite penchés sur diverses questions de base concernant le partage de la charge :
a) La responsabilité internationale en matière de partage de la charge devrait-elle reposer sur des fondements juridiques et réglementaires ? Différents points de vue ont été exprimés quant au fait qu'il existait une obligation juridique de partager la charge au plan international. On a fait observer que le principe du recours à la coopération internationale pour résoudre les problèmes humanitaires internationaux est inscrit dans un certain nombre d'instruments internationaux dont la Charte des Nations Unies et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, mais selon certains participants d'autres conditions supplémentaires devraient sans doute être réunies pour que l'on puisse soutenir que le partage de la charge est une obligation juridique. Selon certains participants, il n'est peut-être pas nécessaire d'examiner cette question en détail dans la mesure où les Etats ont en règle générale approuvé le partage de la charge en reconnaissant qu'il relève de l'engagement commun qu'ils ont pris d'assurer une protection internationale. On a souligné que le partage de la charge était essentiel si l'on voulait réagir aux afflux de demandeurs d'asile, particulièrement aux afflux massifs dans les pays en développement, en faisant intervenir certains principes, en respectant les normes requises en matière de protection internationale et en s'acquittant des obligations contractées à l'égard des réfugiés;
b) Faut-il systématiser la pratique du partage de la charge en cas d'afflux de réfugiés ou faut-il continuer de répondre à ce genre de situation au coup par coup ? Divers participants ont fait valoir que la systématisation pourrait assurer équité, efficacité et prévisibilité dans la manière dont la responsabilité du partage de la charge est assumée et qu'elle pourrait faciliter le respect des principes en matière de protection tout en garantissant que l'on sera mieux préparé à recevoir les afflux de réfugiés, mais d'autres participants ont mis en garde contre toute systématisation car elle représenterait un écart notable par rapport à la pratique actuelle de la plupart des Etats qui réagissent ponctuellement aux situations d'afflux massifs;
c) Si on en arrivait à systématiser le partage de la charge, sur quelle philosophie centrale devrait-on s'appuyer ? Faudrait-il faire l'essai d'un système international de partage de la charge ou faudrait-il bâtir ce système autour d'un groupe régional ou d'un groupe ayant des intérêts convergents ? L'idée de mécanismes purement régionaux de partage de la charge a été largement rejetée par crainte que cela n'aboutisse à un partage inéquitable des responsabilités, mais d'aucuns ont émis l'avis que l'on pourrait établir dans la pratique un système international de partage de la charge en faisant intervenir des groupes aux intérêts convergents. Il a été largement souligné que l'existence de pareils groupes ne devrait pas dégager les Etats de leurs responsabilités internationales en cas de crise humanitaire;
d) A quel stade de l'évolution d'une crise de réfugiés faudrait-il lancer un système de partage de la charge et pour quel type de crise ? L'accord a été général quant au fait que le point de vue traditionnel selon lequel la responsabilité en matière de partage de la charge ne devait intervenir qu'après le départ et en cas de situation d'afflux massif correspondait à une approche trop étroite de cette responsabilité. Selon certains points de vue, tout système mis en place devrait impliquer une intervention et une responsabilité communes à tous les stades, depuis la phase précédant le départ (prévention) jusqu'à l'exode (protection) et, au-delà, jusqu'à la phase postérieure au départ et jusqu'à la recherche de solutions après la phase d'urgence. En réponse à la question de savoir si, pour qu'un quelconque mécanisme puisse être mis en place, il fallait que l'Etat d'accueil fasse savoir qu'il a des difficultés à faire face à la situation, un participant a fait valoir que la capacité de faire face à une situation est une notion relative et que le partage des responsabilités ne devrait pas dépendre du niveau de détresse dans l'Etat d'accueil;
e) Quels devraient être les éléments constitutifs d'un système de partage de la charge ? Les participants ont reconnu l'impact des afflux massifs sur les pays en développement aux ressources limitées. Il est ressorti des discussions sur ce point que le terme « charge » a une connotation multidimensionnelle qui va au-delà de l'idée des coûts financiers et englobe certains aspects démographiques, la compétition pour nourrir le pays, des services médicaux, des emplois et des logements. Par ailleurs, d'autres coûts non quantifiables en termes de dommages environnementaux et écologiques et d'effets déstabilisateurs sur les populations locales ont également été évoqués. Il a également été souligné que le partage de la charge implique la reconnaissance de la contribution apportée et des sacrifices consentis par les Etats d'accueil et l'idée que ces sacrifices et contributions devraient recevoir davantage de publicité dans les pays développés a rallié certains suffrages.
III. RESUME DES DISCUSSIONS SUR LA DETENTION DES REFUGIES, DES DEMANDEURS D'ASILE ET DES APATRIDES
5. La discussion sur ce sujet a tourné autour des questions suivantes :
a) La conclusion du Comité exécutif sur la détention des réfugiés et des demandeurs d'asile (A/AC.96/688, par. 128) constitue-t-elle une bonne base pour aborder les problèmes de la détention des demandeurs d'asile ? Un consensus s'est dégagé selon lequel les normes arrêtées par le Comité exécutif dans cette conclusion restaient valables, le problème tenant essentiellement à leur mise en oeuvre. Toutefois, il a été reconnu d'une manière générale que depuis lors, des progrès notables ont été réalisés en matière de détention dans les instruments internationaux protégeant les droits de l'homme et effectivement certaines questions ne sont pas traitées dans cette conclusion;
b) Que pensent les participants des principes directeurs du HCR concernant la détention des demandeurs d'asile ? Tout en reconnaissant leur utilité, les participants ont été d'accord pour dire qu'ils devraient être révisés et mis à jour compte tenu de l'évolution des instruments internationaux protégeant les droits de l'homme et devraient notamment mettre l'accent sur des solutions autres que la détention;
c) Faut-il que le HCR intervienne dans les questions de détention des demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée ? A cet égard, certains participants ont indiqué que le HCR ne devrait pas intervenir au plan opérationnel dans le rapatriement des demandeurs dont la demande a été rejetée mais pourrait envisager d'intervenir comme catalyseur ou facilitateur si les Etats le lui demandaient. Selon un participant, le HCR ne devrait pas intervenir dans l'élaboration des normes relatives à la détention des demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée, mais d'autres participants ont estimé que ce rôle lui incombait bien;
d) Serait-il utile d'instaurer des solutions autres que la détention pour les demandeurs d'asile ? Un consensus s'est dégagé quant au besoin pour les Etats de mieux comprendre les solutions autres que la détention et pour le HCR de favoriser la discussion dans ce domaine;
e) Faut-il traiter de la question de la détention des apatrides qui ne sont ni des demandeurs d'asile ni des réfugiés ? L'idée a été avancée que compte tenu du manque d'informations dans ce domaine, le HCR devrait mettre au point des méthodes permettant de résoudre efficacement ces cas chaque fois que possible.
IV. RESUME DES DISCUSSIONS SUR LES PERSONNES DEPLACEES A L'INTERIEUR DU TERRITOIRE
6. La discussion a mis en lumière les grands points suivants :
a) Les Principes directeurs concernant les déplacements à l'intérieur du territoire constituent un instrument juridique pratique pour définir les mesures à prendre en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire. Ces principes devraient être largement diffusés par le HCR et d'autres organisations amenées à fournir protection et assistance à cette catégorie de personnes. Il faudrait également utiliser ces Principes directeurs de manière suivie pour les opérations menées par tous les organismes s'occupant de personnes déplacées à l'intérieur du territoire;
b) Il est nécessaire de rendre opérationnels les Principes directeurs, notamment en apportant des éclaircissements sur les responsabilités institutionnelles de tous les organismes concernés. Certains concepts mériteraient également des éclaircissements, notamment le concept de protection dans le cadre des déplacements à l'intérieur du territoire;
c) C'est aux Etats qu'incombe en premier lieu la responsabilité de prendre les mesures qu'appellent les déplacements à l'intérieur du territoire. Les activités des organismes s'occupant de cette question devraient viser à soutenir les efforts des autorités et à les aider à comprendre et à accepter la responsabilité qui leur incombe au premier chef à l'égard des personnes déplacées à l'intérieur du territoire;
d) Les questions concernant ces personnes excèdent la capacité de n'importe quel organisme et exigent une collaboration entre les institutions compétentes. Il s'agit d'éviter dans le cadre de cette collaboration tout double emploi des efforts et toute concurrence entre les organismes concernés et de mettre l'accent sur les points forts de chacun d'entre eux. Le HCR et d'autres organismes concernés devraient apporter un appui total à l'initiative prise par le Comité permanent interorganisations (CPI) en ce qui concerne les « pratiques optimales ».
e) Il est nécessaire de renforcer l'efficacité du CPI/Bureau du coordonnateur pour les affaires humanitaires pour en faire le principal organisme de coordination du système des Nations Unies;
f) La Commission des droits de l'homme devrait continuer de jouer le rôle clé qui consiste à vérifier que les instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme et les Principes directeurs sont bien respectés et appliqués. Tout autre amélioration apportée par la Commission aux normes relatives aux déplacements à l'intérieur du territoire devrait se faire en consultation active avec les organisations concernées telles que le HCR;
g) Les organisations non gouvernementales tant locales qu'internationales ont un rôle important à jouer dans la satisfaction des besoins des personnes déplacées à l'intérieur du territoire. Le HCR et les autres organismes concernés devraient aider ces organisations et renforcer leur coopération avec elles;
h) Les interventions en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire devraient être axées sur les droits de ces personnes. Il convient de ne pas perdre de vue les besoins de ces personnes en matière de protection et de tenir compte en les renforçant encore des liens qui existent entre les activités de protection et d'assistance;
i) Lorsque le déplacement intérieur a entre autres pour cause un conflit armé ou autre, les besoins des personnes déplacées en matière de protection doivent également être pris en compte dans le cadre d'un processus de résolution des conflits;
j) A ce jour, le Comité exécutif du HCR est intervenu dans les cas où des problèmes de déplacement intérieur se sont produits à l'occasion d'opérations relevant directement du HCR;
k) Il convient de souligner le rôle méritoire joué par le représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées à l'intérieur du territoire et de continuer de soutenir son mandat.
V. RESUME DES DISCUSSIONS SUR LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS ET DES CAPACITES
7. Les discussions ont mis en lumière les points saillants suivants :
a) Les participants ont reconnu que le renforcement des capacités a un rôle important à jouer, que ce soit dans les pays d'origine ou les pays d'accueil, dans la prévention et la résolution de situations entraînant des déplacements intérieurs et des mouvements de réfugiés. On a estimé que, dans ce contexte, le renforcement des capacités devrait viser :
i) à améliorer la qualité de la protection assurée aux réfugiés;
ii) à assurer la durabilité du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du territoire; et
iii) à renforcer les mécanismes de protection des droits de l'homme afin d'éviter des déplacements forcés de population.
Toutefois, l'activité de renforcement des capacités qui sera retenue dépendra des besoins du pays concerné et devra être exécutée d'une manière qui tienne compte de la diversité des conditions locales;
b) Les participants ont reconnu que le renforcement des capacités relève essentiellement de la responsabilité des Etats et qu'il faut donc que les gouvernements prennent l'engagement politique de veiller au succès des activités de renforcement des capacités;
c) Le renforcement des capacités fait appel à des activités visant à élaborer davantage la législation et à mettre en place des structures gouvernementales et non gouvernementales. On a examiné l'idée selon laquelle le renforcement des capacités devrait être entrepris dans le cadre d'une approche axée sur le développement;
d) Le Statut du HCR donne pour mandat à cette organisation de « poursuivre, par voie d'accords particuliers avec les gouvernements, la mise en oeuvre de toutes mesures destinées à améliorer le sort des réfugiés et à diminuer le nombre de ceux qui ont besoin de protection ». Le HCR a également un rôle à jouer dans la réduction du nombre des cas d'apatridie. Il a été reconnu que ces deux fonctions impliquaient une responsabilité en matière de renforcement des capacités. Le renforcement des capacités dans les pays d'origine ne devrait absolument pas porter atteinte aux normes établies de protection des réfugiés, particulièrement en ce qui concerne le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile;
e) Le renforcement des capacités implique un effort de collaboration dans le cadre d'un partenariat avec les institutions du système des Nations Unies, les ONG et d'autres organisations;
f) Le renforcement des capacités se trouve intrinsèquement limité par la disponibilité des moyens. Il est nécessaire que les organismes s'occupant de renforcer les capacités assurent une utilisation optimale de leurs ressources en collaborant, chacun dans son propre domaine de compétence mais dans un souci de complémentarité. Les mesures prises devraient être « orientées vers l'obtention de résultats » et non « orientées vers l'accomplissement du mandat ».
VI. CONCLUSIONS
8. A la dernière séance, les participants se sont déclarés de manière générale satisfaits des résultats des consultations et ont été d'accord pour dire qu'il y avait intérêt à poursuivre la discussion de questions ponctuelles de protection dans ce genre de réunion informelle. Par ailleurs, le souhait a été exprimé d'obtenir une participation aussi large que possible. On s'est demandé comment établir la relation entre ces discussions informelles et la procédure suivie par le Comité exécutif. On a souligné qu'il importait d'informer les capitales des résultats de ces consultations informelles étant donné les progrès notables réalisés dans la discussion de certains des sujets traités. On a également recommandé que les documents écrits préparés pour être discutés par les experts indépendants soient plus largement diffusés.
9. Les consultations ont impliqué pour le HCR beaucoup de travail et un gros apport de ressources dont il faudra tenir compte dans une éventuelle poursuite de ces consultations. On a également reconnu qu'il fallait prévoir d'autres consultations pour déterminer les questions appelant un complément de discussion et la fréquence des discussions à venir.
10. Au cours des cinq consultations informelles tenues à ce jour, toute une série de questions ont été étudiées sur les mesures à prendre pour assurer une protection internationale à toutes les personnes qui en ont besoin. Les principaux sujets définis auparavant dans ce domaine ont été traités. Le Comité exécutif voudra peut-être se prononcer sur les prochaines étapes du processus entrepris et déterminer en particulier s'il convient de poursuivre l'examen des observations et des points saillants découlant des diverses discussions et dans l'affirmative de quelle manière. Le HCR attend du Comité exécutif une orientation quant à la suite à donner aux consultations informelles.