Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

Déclaration liminaire à la soixante-huitième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire

Discours et déclarations

Déclaration liminaire à la soixante-huitième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire

2 Octobre 2017

Distingués délégués,

Mesdames et Messieurs,

Il y a un an, les États se sont rassemblés à New York pour réaffirmer les valeurs fondamentales de solidarité et de protection pour les personnes forcées à l’exil.

Ils ont convenu de partager les responsabilités pour traduire ces valeurs en actes concrets.

Ils ont décidé de s’attaquer au problème d’afflux de réfugiés et de le résoudre par un nouveau modèle qui place au centre d’une réponse globale les droits, les intérêts et le potentiel des réfugiés et de leurs communautés d’accueil.

Mesdames et Messieurs,

La réalisation de cette ambition n’a jamais été aussi urgente.

En seulement cinq semaines, un demi-million de réfugiés Rohingya ont fui les violences terrifiantes au Myanmar, après avoir subi pendant des décennies l’érosion progressive de leurs droits.

Pendant que ces Rohingya traversaient la frontière pour se réfugier au Bangladesh, plus de 50 000 réfugiés fuyaient du Soudan du Sud, la promesse d’indépendance ayant été compromise et le pays vidé de ses populations.

Par ailleurs, 18 000 personnes fuient de violents affrontements en République centrafricaine, malgré les premiers signes ayant donné à croire que le conflit était en train de s’apaiser.

Les crises en cours s’aggravent, et la quête de sécurité et de protection est devenue plus dangereuse pour bon nombre de réfugiés.

Dans la région septentrionale de l’Amérique centrale, des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se déplacent à la recherche d’un lieu leur permettant de se protéger contre la violence perpétrée par des gangs.

Au Yémen, près de 3 millions de personnes se sont déplacées à l’intérieur du pays au moment où celui-ci, menacé par la famine, fait face à une épidémie de choléra à grande échelle et à l’impact quotidien d’un conflit mené sans aucun respect pour la vie des civils. 

En République démocratique du Congo, la violence dans la région du Kasaï a provoqué un afflux de réfugiés en Angola, et porté le nombre de déplacés internes à plus de 3 millions.

Le long de la route de la Méditerranée centrale vers l’Europe, partant de la zone en-dessous du Sahara vers l’Italie en passant par la Libye, les réfugiés d’Érythrée, de la Somalie et d’autres pays continuent à faire face à de graves abus et exploitation, aux côtés de milliers de migrants. Ceux qui survivent au voyage ou réussissent à rentrer chez eux sont physiquement et psychologiquement traumatisés.

Les crises prolongées demeurent profondément enracinées. En Somalie, le Gouvernement déploie d’immenses efforts pour améliorer la sécurité et l’état de droit. Pourtant, les combats et les attaques directes sur les villages et les infrastructures civiles se poursuivent et une grave sécheresse déracine des centaines de milliers de personnes.

En Afghanistan, le nombre de victimes civiles a atteint son niveau le plus élevé en plus d’une décennie.

À Tindouf en Algérie, les réfugiés sahraouis vulnérables survivent à peine grâce à une ration alimentaire réduite, attendant une solution à leur problème depuis quatre décennies.

Le déplacement touche également des centaines de milliers de personnes au Burundi, en Ukraine, au Venezuela, etc.

Distingués délégués,

Il est évident que n’ont pas cessé, les circonstances contraignantes ayant poussé à l’adoption de la Déclaration de New York.

Sans une détermination commune à prévenir, arrêter et régler les conflits, le monde continuera à faire face à de nouveaux afflux de réfugiés et sera obligé de renforcer ses capacités pour y répondre.

Les réfugiés et les personnes déplacées sont les signes les plus visibles des fractures sociales, où une combinaison de causes profondes favorise les conditions d’un conflit et d’une persécution. Le sous-développement et la pauvreté, le changement climatique et la dégradation de l’environnement, l’inégalité et l’exclusion, la mauvaise gouvernance ou l’absence de gouvernance, ainsi que la faiblesse de l’état de droit donnent lieu à la colère, l’instabilité, la violence extrémiste, des réseaux de crimes transnationaux, et à des gangs organisés.

Les mouvements de réfugiés sont également la conséquence de la faiblesse de la coopération internationale.

Si la question de réfugiés a toujours eu des dimensions politiques, cette tendance s’est beaucoup renforcée au cours de ces dernières années. Les réfugiés sont devenus une question prépondérante en politique locale ou nationale, et même un instrument dans les rapports entre les États.

La protection est constamment mise à l’épreuve. Quelquefois, les réfugiés semblent être devenus une marchandise commercialisée entre les États.

Le leadership moral a souvent entraîné l’érosion des droits des réfugiés, guidé par une opinion publique confuse et quelquefois effrayée, souvent alimentée par des politiciens. La coopération internationale a été remplacée par des réponses fragmentées, donnant lieu à des mesures restrictives en matière d’immigration et d’asile, même dans les pays ayant leur propre histoire d’exil et de migration, pouvant s’enorgueillir d’une tradition d’accueil.

Se sont malheureusement multipliées, les mesures comme la fermeture des frontières, la limitation de l’admission ou le rejet de la responsabilité sur d’autres, les procédures restrictives d’asile, la détention à durée indéterminée dans des conditions inhumaines, le traitement des demandes à l’extérieur et la pression pour un retour prématuré. On assiste également à la montée de la xénophobie ciblant les réfugiés.

Nous constatons que l’environnement de protection se détériore dans bon nombre de régions du monde, y compris dans les pays industrialisés (en Europe, aux États-Unis et en Australie).

Toutefois, dans le même temps s’est développé un mouvement de solidarité avec les réfugiés, enraciné dans la société civile et souvent renforcé par un leadership solide de maires, de chefs d’entreprise et d’autres personnalités. 

Les mesures de dissuasion et d’exclusion ont été contrecarrées par des actes individuels et collectifs de compassion et de bienvenue. 

Le caractère international de la protection des réfugiés a pris de nouvelles formes grâce à des réseaux de villes, d’organisations de la société civile, d’associations du secteur privé, d’entités sportives et d’autres formes de collaboration s’étendant au-delà des frontières.

Il convient surtout de relever que les principaux pays d’accueil de réfugiés – certains parmi les dirigeants de ces pays ayant leur propre expérience de fuite et d’exil – ont continué à faire montre d’un niveau extraordinaire de générosité et d’engagement pour la protection des réfugiés.

Demeurent indispensables, les mesures en vue de soutenir leurs efforts, de renforcer la protection et d’atténuer l’impact de la présence massive de réfugiés, ainsi qu’un partage véritable de responsabilités. Il s’agit là d’un défi fondamental que nous devons relever.

La question ne concerne pas uniquement les principes et les valeurs, il s’agit de construire la stabilité régionale et mondiale. La protection des réfugiés et leur sécurité sont des objectifs complémentaires devant être poursuivis en même temps.

Distingués délégués,

En fin 2016, le nombre de personnes contraintes au déplacement s’élevait à 65,6 millions, suivant la tendance à la hausse des cinq années précédentes.

Jusqu’ici, en 2017, plus de 2 millions de personnes ont fui leur pays comme réfugiés.

Elles arrivent souvent malades, traumatisées et affamées dans des zones frontalières reculées, au sein de communautés affectées par la pauvreté et le sous-développement.

Bon nombre ont des besoins urgents de protection : les enfants séparés de leurs familles, les hommes, les femmes, les filles et les garçons exposés aux violences sexuelles et de genre, et les personnes handicapées ou exposées à d’autres risques.

Les collègues du HCR et des partenaires à travers le monde – en particulier les fonctionnaires nationaux – travaillent sans relâche pour assurer leur protection et leur apporter de l’appui. Souvent, ils sont eux-mêmes exposés à de graves risques pour leur sécurité.

À chacune et à chacun d’entre eux, je voudrais exprimer ma profonde gratitude et mon plus grand respect pour leur courage et leur engagement.

Pour pratiquement aucune des crises de déplacement d’aujourd’hui, nous ne pouvons prévoir une résolution imminente et définitive.

Nous progressons cependant vers une nouvelle phase non moins compliquée, dans laquelle de nouvelles dynamiques importantes émergent, et je vais vous en donner deux exemples.

En premier lieu, les Syriens continuent de représenter le plus grand nombre de personnes déplacées de force dans le monde, alors que dans leur pays, tout comme en Iraq voisin, le déplacement est devenu très fluide.

Les civils sont les principales victimes des grands affrontements militaires aux principaux lieux stratégiques comme Raqqa et Deir-ez-Zor. Au cours de cette année, les déplacements massifs se sont poursuivis, même lorsque des changements au niveau du contrôle territorial ont ouvert la voie pour le retour des déplacés internes, généralement en raison de l’ampleur des ravages, et souvent à cause de l’absence d’autres alternatives viables.

Sans un règlement politique, les progrès vers la stabilité demeureront fragmentés et limités. Entre-temps, doivent se poursuivre la protection et l’appui de la communauté internationale aux 5 millions de réfugiés syriens dans les pays voisins.

Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Syrie, les signes de résilience commencent à se faire voir, et il est important de les encourager, surtout si entre-temps sont réalisés aux pourparlers d’Astana des progrès au niveau de la désescalade.

En second lieu, le Nord-Est du Nigéria connaît de plus en plus de  stabilité dans certains endroits et la protection se renforce progressivement pour les communautés autrefois exposées à une brutalité incontrôlée. Comme convenu en février à la conférence d’Oslo, des investissements rapides pour le développement sont indispensables pour permettre aux personnes retournées et à leurs communautés de reconstruire leurs vies.

Ces situations et d’autres situations instables doivent être gérées attentivement.

Partout, les retours doivent être pleinement volontaires. Ils ne devraient pas dépasser les capacités de réception et d’absorption des personnes rentrées chez elles. Des expériences amères ont montré que les retours prématurés, en particulier sous pression, sont éphémères et risqués.

Nos actions doivent s’adapter aux personnes déplacées qui recherchent leur propre voie de solutions, même dans des circonstances défavorables. Elles doivent soutenir ces personnes.

Si nous devons garder le cap en faveur de la protection dans les pays d’asile, nous devons également favoriser les conditions permettant aux éléments de solutions d’émerger.

Pour ce faire, nous devons investir dans l’éducation, les moyens d’existence et le développement des compétences, pour que les réfugiés soient prêts au moment où ils sont en mesure de rentrer chez eux.

L’éducation est une question particulièrement urgente. Seulement six enfants réfugiés sur 10 fréquentent l’école primaire, contre neuf enfants sur 10 dans le monde. Refuser l’éducation aux enfants réfugiés c’est refuser un avenir à leur pays.

Mesdames et Messieurs,

Il est temps de nous préparer à l’avenir, de soutenir et d’accélérer le changement dans la manière dont nous répondons au déplacement forcé.

Le Cadre d’action global pour les réfugiés, joint en annexe de la Déclaration de New York, offre un nouveau modèle de réponse.

Auparavant, il n’y a jamais eu une telle convergence universelle sur la nécessité de réinventer la manière dont nous nous engageons dans les crises de réfugiés, en réunissant dans un cadre tant des éléments testés et prouvés que de nouveaux éléments.

Ces éléments vont davantage se cristalliser dans le Pacte mondial sur les réfugiés qui est un mécanisme de partage des responsabilités devant engager tous les États membres.

Concrètement, le processus entraînera un appui plus prévisible aux pays et communautés d’accueil, davantage de places de réinstallation et d’autres voies légales d’admission dans des pays tiers, et un plus grand engagement dans la résolution des conflits (au niveau de leurs causes profondes) pour que le rapatriement volontaire devienne une option réelle et durable. Nous devons travailler ensemble sur tous ces éléments, avec la même détermination.

Il est important de relever que toutes ces actions sont envisagées au moment où les réformes engagées par le Secrétaire général pour la paix et la sécurité prennent corps, faisant de la prévention et de l’atténuation des conflits ainsi que des efforts de maintien de la paix la tâche principale des Nations Unies.

Il s’agit donc là d’une circonstance unique, d’une occasion que nous ne saurions rater.

Comme vous le savez, il avait été demandé au HCR d’élaborer et d’entreprendre en collaboration avec les États et d’autres parties prenantes le Cadre comme socle pour le Pacte mondial.

Je remercie vivement les États d’accueil de réfugiés qui l’appliquent ainsi que les donateurs et les organismes partenaires ayant fourni des ressources financières, des conseils techniques et des experts nous ayant permis de le mettre en œuvre. 

Le Cadre d’action global pour les réfugiés est actuellement appliqué par 11 États, à savoir le Costa Rica, Djibouti, El Salvador, l’Éthiopie, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, la Somalie, l’Ouganda et la République-Unie de Tanzanie. Ses éléments sont également appliqués dans d’autres opérations. Ils seront progressivement étendus à toutes les situations de réfugiés de grande échelle, qu’elles soient nouvelles ou prolongées.

Nous observons des changements concrets sur le terrain.

À Djibouti, par exemple, une nouvelle loi a été adoptée pour donner aux réfugiés le droit de travailler et les intégrer dans les systèmes nationaux de soins de santé et d’éducation.

En Éthiopie, 20 000 autres enfants réfugiés ont été inscrits dans le primaire au cours de la dernière année scolaire, et des dizaines de milliers de réfugiés seront bientôt en mesure de travailler légalement et de contribuer à l’économie locale.

La politique progressive de l’Ouganda qui admet sur son territoire tous les réfugiés et leur attribue des terres a tenu bon malgré d’énormes pressions. Le Sommet sur la solidarité qui a eu lieu en juin a généré un appui international important.

Des décennies d’expérience, avec le processus CIREFCA en Amérique latine et le processus de Bali en Asie, ont montré comment les approches régionales pouvaient permettre de trouver des solutions aux situations de réfugiés.

Aujourd’hui, deux applications régionales du Cadre s’en inspirent.

Dans la Déclaration de Nairobi, adoptée en mars au Sommet spécial de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), un cadre régional a été convenu pour maintenir l’espace d’asile et trouver des solutions au déplacement des Somaliens. Il comprend des politiques progressives sur l’accès à l’éducation et à l’emploi et sur la liberté de déplacement. Est actuellement en cours, la mise en œuvre d’une feuille de route, dirigée par l’IGAD avec l’appui de l’Union européenne et du HCR, mon Envoyé spécial pour la situation en Somalie y étant pleinement engagé.  

Je vais par ailleurs prendre part à une conférence régionale que le Gouvernement du Honduras organisera ce mois. S’appuyant sur une tradition de coopération régionale, elle entend adopter un cadre permettant de renforcer la protection et de promouvoir des solutions en Amérique centrale et au Mexique.

Mesdames et Messieurs,

L’action et le financement pour le développement sont au centre du nouveau modèle pour favoriser le dialogue politique, étendre la fourniture de services et accroître les possibilités économiques pour les réfugiés et leurs communautés d’accueil. Ensemble, ces actions peuvent contribuer à la résilience et à l’autonomie des réfugiés et permettre d’accomplir des progrès vers des solutions à moyen et à long terme.

Après des décennies de tentatives sporadiques, je suis convaincu qu’un changement fondamental est en cours.

Bien soutenue par des instruments politiques et des investissements pour le développement, l’inclusion socio-économique des réfugiés profite à la fois à ceux-ci et à leurs communautés d’accueil, et cadre avec l’Agenda 2030 pour le développement durable et son principe consistant à « ne pas faire de laissés-pour-compte ».

Ce travail est sous-tendu par le renforcement de plusieurs alliances majeures pour le HCR.

Avec la Banque mondiale, nous menons un partenariat transformatif, et je voudrais remercier profondément le Président Jim Kim et la Directrice générale Kristalina Georgieva pour la mise en œuvre de cette vision.

La facilité globale de financement concessionnel de la Banque mondiale pour les pays à revenu intermédiaire faisant face à des crises majeures de réfugiés ouvre de nouvelles perspectives, en particulier au Moyen-Orient. Nos deux organisations ont aussi coopéré étroitement pour préparer les programmes devant être financés grâce à l’allocation IDA18 de la Banque mondiale de 2 milliards de dollars E.-U., de subventions et de prêts pour les pays à faible revenu abritant des réfugiés. Vendredi dernier, le Conseil des gouverneurs de la Banque mondiale a confirmé que les premières demandes de huit programmes-pays d’une valeur de 1 milliard de dollars étaient éligibles pour le financement.

Nous entretenons également des partenariats fructueux avec d’autres partenaires du développement. La Banque africaine de développement, d’autres banques multilatérales de développement et plusieurs organismes bilatéraux de développement soutiennent les pays d’accueil dans l’inclusion des réfugiés et de leurs communautés d’accueil dans les plans nationaux de développement. Des initiatives comme « One Belt, One Road » (Une ceinture, une route) de la Chine ont beaucoup de potentiel.

Notre partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a été particulièrement renforcé dans la situation des réfugiés syriens. Nous travaillons avec l’Organisation internationale du travail sur l’accès des réfugiés au marché du travail, les droits au travail et aux moyens d’existence, et avec l’Organisation de coopération et de développement économiques et d’autres partenaires sur l’inclusion économique des réfugiés et l’intégration, si nécessaire.

Ce travail cadre avec les recommandations du Groupe de haut niveau sur le financement de l’action humanitaire. Le « Grand compromis » donne lieu à un certain nombre de changements institutionnels, même au HCR, sous l’impulsion de Madame Kelly Clements, Haut Commissaire Adjointe.

Nous participons au travail visant à mener la réforme engagée par le Secrétaire général sur le système des Nations Unies pour le développement. Nous souhaitons que ce travail contribue à faciliter des programmes communs en matière politique, humanitaire et de développement, sur la base des forces distinctes, mais complémentaires, des mandats des institutions.   

Distingués délégués,

Des 17,2 millions de réfugiés relevant du mandat du HCR, seulement un demi-million ont été en mesure de retourner chez eux en 2016.

Si ce chiffre est le double de celui de l’année précédente, le rapatriement dans certains cas, notamment du Pakistan vers l’Afghanistan où les retours ont été les plus importants, se déroule dans des conditions loin d’être idéales, ce qui suscite des inquiétudes concernant sa durabilité. Le Soudan et la Somalie ont chacun connu le rapatriement de réfugiés dont le nombre se situe entre 30 000 et 40 000. Dans d’autres pays, comme en République centrafricaine et au Mali où le rapatriement reprenait, de nouvelles flambées de violence ont entraîné un nouvel exode.

Malgré ces défis, nous avons une responsabilité collective envers les réfugiés et les déplacés internes de rechercher activement des possibilités de solutions. Pour ce faire, nous devons résolument nous attaquer aux causes profondes et apporter de l’appui à la réintégration. Sur cette question, il est encore une fois indispensable de travailler avec les acteurs du développement.

Nous ne devons pas oublier que la réinstallation est une solution importante. Près de 1,2 million de réfugiés ont besoin d’être réinstallés à travers le monde. C’est donc un sujet de préoccupation majeure que moins de 100 000 places soient disponibles cette année pour la réinstallation, ce qui représente une diminution de 43 % par rapport à 2016.

Le nombre croissant de pays de réinstallation et l’extension des programmes communautaires et de parrainage privé sont encourageants. Ces programmes doivent être renforcés.

Je suis convaincu que nous pouvons faire davantage pour transformer la réinstallation et d’autres voies légales d’admission en instrument de protection, y compris dans certains cas par des mécanismes d’évacuation d’urgence.

Je soutiens l’appel récemment lancé aux États membres de l’Union européenne par la Commission européenne d’offrir 50 000 nouvelles places de réinstallation, et je voudrais réitérer ma demande de 40 000 places supplémentaires dans les pays d’asile et de transit le long de la route de la Méditerranée centrale.

Cette demande est cruciale, car la réinstallation fait partie d’un ensemble global d’interventions que nous commençons à mettre en œuvre le long de la route, en particulier en Libye, pour améliorer l’accès à la protection et aux solutions dans les pays d’origine, de transit et d’asile.

Un autre domaine important sur lequel nous travaillons pour des solutions est celui de l’apatridie où des progrès sont en train d’être accomplis. En 2016, plus de 60 000 personnes ont acquis une nationalité ou ont vu leur nationalité confirmée. Des réformes politiques ont été approuvées au Brésil, en Équateur, au Kenya, à Madagascar, en Thaïlande et dans les États membres de la CEDEAO.

Toutefois, la détermination nécessaire pour s’attaquer aux graves situations prolongées d’apatridie fait défaut. L’augmentation des cas de déplacement forcé expose à de nouveaux risques d’apatridie, et l’on assiste de plus en plus à la tendance de privation arbitraire de la nationalité.

Le lien entre l’apatridie et le déplacement n’est nulle part aussi évident que pour la communauté Rohingya du Myanmar, le refus de la nationalité étant un aspect majeur de la discrimination et de l’exclusion qui ont déterminé leur situation depuis des décennies.

Pour résoudre le problème de leur déplacement au Myanmar, au Bangladesh et dans d’autres pays de la région, il faudra mettre fin à la violence et appliquer une approche à deux volets pour s’attaquer aux causes profondes de leur situation, en réglant les questions liées à la nationalité et aux droits par un développement inclusif permettant de lutter contre la grave pauvreté qui affecte toutes les communautés dans l’État de Rakhine.

Mesdames et Messieurs,

La Déclaration de New York en appelle à diverses personnes et entités de s’engager directement dans la situation des réfugiés. Elle adopte une approche engageant l’ensemble de la société.

C’est ainsi que nous avons renforcé notre collaboration avec le secteur des entreprises, des mécènes, le monde sportif et des fondations.

Ces acteurs jouent un rôle important en favorisant des attitudes positives et en influençant les politiques publiques.

À Lima au Pérou, j’ai été invité il y a quelques jours par le Président du Comité international olympique au lancement d’une nouvelle fondation olympique devant promouvoir des initiatives sportives pour les réfugiés.

Nous travaillons avec la Chambre de commerce internationale pour explorer les domaines de collaboration avec son réseau de plus de six millions d’entreprises.

Nous posons les bases pour porter progressivement à 1 milliard de dollars E.-U. les revenus tirés chaque année du secteur privé.

Les partenariats existants et nouveaux avec les organismes des Nations Unies et les organisations non gouvernementales continueront d’être indispensables dans tous les aspects de nos opérations.

Permettez-moi de relever en particulier que nous travaillons avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans des situations d’asile ou de migration, notamment en Libye et le long de la route de la Méditerranée centrale. Le nouveau statut de l’OIM comme organisme apparenté des Nations Unies et notre engagement commun dans les deux Pactes mondiaux offrent, à mon avis, l’occasion de clarifier davantage les rôles et les responsabilités respectifs.

En 2016, nous avons alloué 1,4 milliard de dollars E.-U. à plus de 900 partenaires. Vingt pour cent de nos dépenses de programme sont allouées aux partenaires nationaux et locaux, et nous entendons porter cette proportion à 25 % d’ici à 2020, conformément à l’engagement que nous avons souscrit dans le cadre du « Grand compromis ».

La raison est que, comme je l’ai une fois de plus constaté la semaine dernière au Bangladesh, les premiers acteurs dans une situation d’urgence sont toujours les personnes et les organisations locales. 

Mesdames et Messieurs,

Une importante tâche collective nous attend en 2018 : le Pacte mondial sur les réfugiés.

Je forme de grands espoirs à cet égard. 

Avec les discussions thématiques dirigées par le Haut Commissaire Assistant M. Volker Türk, nous entrons dans une période d’intenses consultations.

Nous avons déjà tenu la première de ces discussions, et il y en aura quatre autres dans les semaines à venir. Je vous encourage à y participer activement par des suggestions et des idées concrètes devant contribuer à l’élaboration du Programme d’action que nous allons proposer dans le cadre du Pacte.

En décembre, lors du Dialogue du Haut Commissaire sur les défis de protection, nous évaluerons les progrès accomplis dans l’application du Cadre d’action global pour les réfugiés et les résultats des discussions thématiques.

Sur cette base, un document de consensus, élaboré en collaboration avec vous, permettra en 2018 de structurer une série de consultations formelles.

Je vous prie d’être engagés d’une manière ouverte et constructive dans ce processus.

Distingués délégués,

C’est grâce à l’adaptation et à la souplesse que le HCR a été en mesure de répondre au déplacement causé au cours de ces dernières décennies par d’importants facteurs comme la décolonisation en Afrique, l’exode de millions de personnes provoqué par la guerre au Bangladesh, les dictatures militaires dans les Amériques, les guerres en Indochine, et les crises de la guerre froide et de la période postérieure à celle-ci.

Tous ces éléments ont exigé et généré de la créativité, des changements d’approche et des investissements dans de nouvelles expertises et capacités.

Très récemment, l’ampleur et la nature de la crise des réfugiés syriens nous a amenés à essayer de nouvelles approches, à exploiter de nouvelles technologies en partenariat avec les entreprises, et à révolutionner la manière dont nous écoutons les réfugiés et répondons à leurs besoins.

Nous vivons à une époque appelée « ère des accélérations », à laquelle trois des plus grandes forces sur la planète à savoir la technologie, la mondialisation et le changement climatique, s’accélèrent en même temps, avec des implications majeures pour nos sociétés, nos méthodes de travail et la géopolitique. L’urbanisation rapide et la très grande mobilité humaine sont les éléments de ces accélérations ayant trait aux questions qui nous intéressent.

Il est donc plus que jamais indispensable de s’adapter. Le mandat du HCR consistant à assurer la protection, à trouver des solutions aux problèmes de déplacement, ainsi qu’à prévenir et à régler les cas d’apatridie, demeure constant. Il continuera d’orienter notre travail. Toutefois, nous devons innover afin d’être en mesure de nous acquitter efficacement de ce mandat dans un monde en mutation. 

Au moment où la vision de la Déclaration de New York prend racine, le HCR doit effectuer sa propre transformation. La nature du déplacement forcé d’aujourd’hui exige une réflexion profonde sur ce que doit précisément être notre contribution. Celle-ci repose sur l’autorité légale et morale liée à mon mandat et déterminée par le rôle général que l’Organisation joue comme acteur multilatéral ayant des compétences internationales et transfrontalières, notre solide présence sur le terrain et notre proximité avec les personnes déplacées et apatrides, notre expertise et notre expérience en matière de protection acquises pendant des décennies.

Le contexte évolutif qui est le nôtre exige une réflexion profonde sur les domaines où nos forces peuvent le mieux être exploitées, où elles doivent être directement traduites en actes et où elles doivent nous permettre de jouer un rôle de catalyseur, en créant davantage d’espaces pour que d’autres puissent déployer leur expertise et leurs ressources, en canalisant et en éclairant leurs efforts.

La préparation du Pacte mondial offre l’occasion d’explorer et de promouvoir cette transformation.

La nécessité de s’adapter impose par ailleurs un certain nombre d’importantes mesures internes pour lesquelles nous sollicitons votre appui.

Cette année en janvier, nous avons publié les Orientations stratégiques définissant clairement la voie à suivre dans notre travail au cours de la période allant de 2017 à 2021, et les domaines dans lesquels il faudra investir pour évoluer conformément à la vision énoncée dans la Déclaration de New York.    

J’ai présenté leurs premiers éléments dans la déclaration que je vous ai faite l’année dernière, notamment les principales directions consistant à « protéger, répondre, inclure et responsabiliser et résoudre ».

Afin de nous équiper pour mettre en œuvre cette vision, j’ai lancé une série d’initiatives de réforme

J’ai commandé une étude indépendante sur la conception, la structure et les processus du Siège. Cette étude prône le changement nous permettant de rester une organisation dynamique et orientée vers le terrain.

Elle nous permettra d’obtenir des gains d’efficacité et de mieux aligner nos fonctions à l’appui de nos opérations sur le terrain. À plusieurs égards, elle reprend les réformes annoncées par le Secrétaire général. J’ai demandé à Mme Daisy Dell de coordonner les efforts déployés à cet égard.  

Nous avons déjà entrepris une importante réforme de nos systèmes en matière de ressources humaines. En outre, nous avons publié une nouvelle politique de recrutement et des affectations visant à nous doter d’un effectif souple et hautement qualifié, ayant le profil, les compétences et l’expertise requis. Nous mettons en œuvre une série de mesures pour davantage promouvoir l’inclusion, la diversité et l’égalité entre les sexes.

Je suis par ailleurs convaincu que de meilleures données sont indispensables pour assurer des réponses efficaces.

Sous la conduite du Haut Commissaire Assistant M. George Okoth-Obbo, nous renforçons la capacité du HCR de fournir des données de haute qualité relative aux réfugiés et à leurs communautés d’accueil.

Nous voulons que chaque réfugié ait une seule identité numérique, ce qui permettrait de renforcer l’obligation redditionnelle et de faciliter la communication dans les deux sens entre les réfugiés et les prestataires de services. Cette manière d’agir permettrait également de prévenir et de réduire les cas d’apatridie.

L’initiative sera renforcée par le lancement d’un nouveau domaine de coopération avec la Banque mondiale afin de mettre au point au cours des trois prochaines années un système global de données sur le déplacement forcé, permettant d’avoir en temps voulu et d’une manière systématique des informations comparables et fiables, accessibles depuis l’extérieur et indispensables pour l’implication accrue des acteurs du développement dans les réponses en faveur des réfugiés.

En exécution des engagements que nous avons pris dans le cadre du « Grand compromis », nous faisons également d’importants investissements dans les interventions en espèces. Notre appui en espèces, prenant surtout la forme de subventions à buts multiples, a atteint 2,5 millions de personnes en 2016, et a dépassé pour la première fois l’assistance en nature.

Nous entendons travailler par des mécanismes interinstitutions de fourniture des espèces, utilisant des services gérés par le secteur privé mais disponibles à tous les partenaires dans les mêmes conditions. J’en appelle à tous les donateurs de soutenir cette importante approche.

Conformément à nos Orientations stratégiques, nous venons d’achever la revue de l’engagement du HCR avec les déplacés internes. Le travail est désormais en cours pour mettre en œuvre ses recommandations.

Dans l’allocation des ressources pour l’année prochaine, nous avons entrepris des mesures concertées pour programmer les situations de déplacés internes, avec un accent particulier sur l’engagement prévisible à l’appui de nos responsabilités en matière de protection et de coordination. 

Nous avons continué à entreprendre des réformes pour renforcer les systèmes de contrôle au HCR, notamment par des changements au niveau de notre architecture de surveillance. Nous continuons de professionnaliser notre service d’évaluation et de lier la fonction d’une manière plus décisive à l’apprentissage institutionnel.

Je demeure résolument engagé à veiller à l’intégrité de toutes nos activités. Si nous sommes restés vigilants, avec des résultats positifs, des lacunes auraient cependant pu être comblées.  C’est ainsi que j’ai décidé de démarrer une nouvelle approche ambitieuse de gestion des risques, de prévention de la fraude et de la corruption, et d’amélioration de l’exécution des programmes. Nous l’appellerons « Gestion des risques 2.0 ». Elle utilisera des techniques de pointe d’évaluation des risques pour renforcer l’intégrité et éliminer les causes profondes de la fraude et de la corruption.  

Nous appliquons déjà cette approche au Kenya. L’année prochaine nous allons l’étendre à d’autres opérations, et ce, dans un esprit de transparence et de coopération.

Mesdames et Messieurs,

Je suis profondément reconnaissant pour l’appui solide que les donateurs continuent de nous apporter. En 2016, nous avons reçu 4 milliards de dollars E.-U. de contributions volontaires, ce qui constitue un chiffre sans précédent. Toutefois, même avec au total un montant de 4,4 milliards disponibles, nous avons terminé l’année avec un déficit financier de 41 %.

Cette année, le tableau semble moins reluisant, les besoins ayant augmenté. Jusqu’ici, nous avons pu collecter 3,3 milliards de dollars E.U. de contributions volontaires, et sur la base des projections actuelles, nous envisageons d’avoir 4,2 milliards de dollars E.-U. de fonds disponibles. Avec ce montant, près de la moitié des besoins ne seront pas satisfaits.

Pour 2018, le tableau semble même plus incertain, et se traduit, pour des besoins de prudence financière, en une approche plus conservatrice en matière de planification. Obligés d’établir des priorités, nous sommes de plus en plus confrontés à des choix impossibles, et dans certains cas, les réponses tombent en deçà des normes minimales, abandonnant des personnes sans protection et des pays d’accueil sans appui.

J’en appelle donc à tous les donateurs de maintenir et d’accroître leur appui par des financements souples et des contributions en temps voulu, afin de nous permettre d’éviter les incertitudes et de concentrer les fonds dans les domaines où les besoins sont les plus importants.    

Madame la Présidente, distingués délégués,

Cette année lors des missions que j’ai effectuées sur le terrain, il m’a été rappelé d’une manière constante et vigoureuse la souffrance indicible que provoquent les déplacements forcés.

Lors de mes voyages les plus récents au Bangladesh, en Amérique centrale et dans les pays voisins du Soudan du Sud, j’ai rencontré des enfants gravement traumatisés, séparés de leurs familles ainsi que des hommes et des femmes ayant subi de graves atrocités, certains avec de graves blessures physiques.

Je me suis entretenu avec des personnes âgées se débrouillant par elles-mêmes, des personnes handicapées, déracinées de leur communauté et exposées aux intempéries dans un milieu surpeuplé et insalubre.

J’ai rencontré des femmes qui avaient été violées et d’autres qui se battaient pour s’occuper de leurs enfants, leurs partenaires étant morts ou disparus. 

L’épreuve que traverse ces personnes désorientées, traumatisées et jetées dans la précarité est la même que connaissent des millions de réfugiés et de personnes déplacées à travers le monde.

Quand j’étais avec elles, je ne pouvais m’empêcher de penser que la communauté internationale les avait abandonnées.

Aujourd’hui, les intérêts concurrents des États sont très souvent recherchés par des rivalités régionales et des guerres par procuration à la place d’une vision d’un ordre international de coopération au cœur du système multilatéral.

Aujourd’hui, l’accent est mis sur les intérêts à court terme et non sur la paix et la stabilité à long terme.

Le désespoir de millions d’hommes, de femmes et d’enfants chassés de leur maison et contraints à une vie pleine d’incertitudes, constitue une tâche dans notre conscience collective.

J’ai cependant bon espoir que les engagements qui ont résonné à New York il y a un an ne seront pas oubliés, que nous travaillerons ensemble avec courage et compassion pour restaurer une vision de la coopération internationale fondée sur des valeurs et que, par notre détermination, nous partagerons véritablement les responsabilités afin de remédier à la situation des personnes déracinées et de leur offrir les perspectives d’un avenir meilleur.

Je vous remercie.