Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

Eliminer les ombres qui dansent

Articles et reportages

Eliminer les ombres qui dansent

Dans un camp de réfugiés, lorsque le soleil se couche, de nombreux dangers peuvent survenir. Une idée lumineuse de la Fondation IKEA éclaire la voie à suivre.
2 Février 2015
Um Fadi tient une lampe solaire devant sa nièce Rama, âgée de 13eans.

Écrit par Kirsty McFadden

Les camps de réfugiés peuvent être mornes. Pour des milliers de personnes vivant dans des tentes et des caravanes loin de chez elles, la journée s'arrête concrètement au coucher du soleil.

Le manque de lumière rend les réfugiés vulnérables aux risques de blessure ou de malheur, limite leurs perspectives en terme d'éducation et il leur est plus difficile de gagner un revenu. Pour les femmes et les jeunes filles, des activités simples comme utiliser les toilettes ou aller collecter de l'eau sont synonymes de danger.

Aujourd'hui, dans une série de camps sélectionnés en Jordanie, en Ethiopie, au Tchad, au Soudan et au Bangladesh, le HCR travaille avec la Fondation IKEA pour améliorer l'accès à l'éclairage, les énergies renouvelables et l'éducation primaire. Grâce aux lanternes de rue, les collectivités se rassemblent : les échoppes restent ouvertes plus tard dans la soirée et les femmes se sentent plus en sécurité à l'extérieur de leur abri après le coucher du soleil. Les lanternes solaires rendent permettent aux enfants réfugiés d'étudier après la tombée de la nuit. Enfin, la lumière chasse l'ombre de la vie des personnes déracinées.

Amer (à gauche) avec ses parents et frères et soeurs dans leur abri au camp de réfugiés d'Azraq en Jordanie. « Quand nous n'avons pas de lumière, les ombres se mettent à danser et vous imaginez le pire. »

Les enfants regardent la soeur d'Amer, Bouchra (à gauche) et la mère, Mona (à droite), préparer un repas dans leur abri au camp d'Azraq en Jordanie.

Amer, 20 ans, à l'intérieur de l'abri de sa famille au camp d'Azraq. « Avec la lumière extérieure, nous nous pouvons nous retrouver tous plus facilement et parler avec des amis et des proches. Le fait de pouvoir socialiser nous aide à nous sentir mieux. »

Amer

Des tourbillons de sable balayent le paysage aride entourant le camp d'Azraq en Jordanie. Dans l'un des abris isolés contre les conditions hivernales qui parsèment l'horizon, Amer, 20 ans, intensifie la lumière venant de la lanterne solaire qui a transformé la vie de sa famille en exil.

«Si nous avions la lumière, nous pourrions voir le visage de notre père quand il est en colère », explique-t-il en riant, en appuyant sur l'interrupteur pour éclairer l'abri. La lueur accentue les cernes sous ses yeux. « Je suis sérieux. Lorsque nous n'avons pas une bonne lumière, les ombres commencent à danser et vous imaginez le pire. C'est difficile la nuit, quand vous ne voyez pas correctement. »

« Quand nous n'avons pas de lumière, les ombres se mettent à danser et vous imaginez le pire.»

Avec ses parents et ses quatre frères et soeurs, Amer est arrivé en Jordanie en mai 2014, après deux ans de déplacements multiples à l'intérieur de la Syrie qui ont traumatisé ses jeunes frères et soeurs. Le camp d'Azraq a fourni à sa famille la sécurité nécessaire, mais son éclairage et l'énergie limités ont prolongé leur anxiété.

« Mon frère Eyad, âgé de 15 ans, est très traumatisé de ce qui s'est passé en Syrie. La nuit est particulièrement difficile pour lui. Pouvoir allumer la lumière, pour expliquer l'origine d'un bruit, nous aiderait. Les abris sont bruyants la nuit car ils sont en tôle ondulée, et certains des sons nous rappellent ce que nous avons vécu. »

Des centaines de lampadaires solaires ont été installés, ce qui aide à améliorer la sécurité durant la nuit. « La lumière est très importante ici », explique Amer. « Avec la lumière extérieure, nous pouvons nous rassembler plus facilement et parler avec des amis et des proches. Pouvoir socialiser nous aide à nous sentir mieux. »

Esaf, 40 ans, à l'extérieur de l'abri qu'elle partage avec sa famille de sept personnes au camp de réfugiés d'Azraq en Jordanie. « Nous nous sentons ici comme si nous étions de retour dans les temps anciens, sans électricité ».

Esaf

« L'environnement est très venteux et poussiéreux ici », explique Esaf, âgée de 40 ans, alors qu'elle plonge un tee-shirt d'enfant dans un bol d'eau tiède. Hors de la petit abri, la nuit est en train de tomber. « Je dois laver nos vêtements chaque jour, ce qui me prend plusieurs heures, car je fais tout à la main. A la maison, en Syrie, j'avais une machine à laver. Je rêve d'une machine à laver maintenant je suis ici! »

Esaf et sa famille de sept personnes sont arrivés au camp de réfugiés d'Azraq en Jordanie l'année dernière, après que des bombardements aient détruit leur maison en Syrie. Ici, la température atteint régulièrement 46° C en été. En hiver, il gèle. « La chaleur est très difficile à supporter et l'électricité améliorerait grandement notre vie ici », explique Esaf. « Si nous le pouvions, nous aurions un petit réfrigérateur pour garder notre nourriture au frais et même un ventilateur pour garder le frigo au frais. »

« À la maison en Syrie, j'avais une machine à laver. Je rêve d'avoir une machine à laver maintenant je suis ici ! »

Maintenant, la distribution de lanternes solaires assure à des réfugiés comme Esaf d'avoir de la lumière après que la nuit soit tombée. L'éclairage solaire dans la rue a également été installé pour améliorer la sécurité la nuit. Mais davantage reste à faire.

« Notre vie a été si difficile pendant si longtemps avec la guerre », explique Esaf. « Nous nous sentons un peu comme si nous vivions de nouveau dans les temps anciens, sans électricité et sans pouvoir appuyer sur un interrupteur pour allumer la lumière. Mon plus jeune fils a très peur du noir, et, quand il ne dort pas, je ne peux tout simplement pas allumer une lumière pour qu'il se sente mieux. Les lanternes solaires ont beaucoup d'avantages, mais elles n'ont pas assez de puissance pour durer toute la nuit. »

Depuis qu'ils ont fui la Syrie, Karim, 65 ans, et son petit-fils Hamza, 3 ans, vivent au camp de réfugiés d'Azraq en Jordanie. « Avoir la lumière permet à notre monde de prendre forme la nuit. »

Karim

Pendant plus de trois ans, Karim, 65 ans, regardait la guerre violente se dérouler en Syrie non loin de sa famille. Puis, après une nuit terrifiante en juin 2014 où un bombardement a détruit sa maison à Homs, il a finalement décidé que le moment était venu de fuir.

« Avant la guerre, la vie était belle », explique Karim, en plissant les yeux dans l'ombre de son petit abri en tôle ondulée au camp d'Azraq. « Les bombardements et les combats ont tout détruit et notre pays était méconnaissable, quand nous l'avons quitté. »

« Avoir la lumière permet à notre monde de prendre forme la nuit. »

Aujourd'hui, avec ses sept fils adultes et leurs familles, il est en sécurité dans le camp situé au milieu du désert. Mais ce lieu reculé pose de nouveaux problèmes. « Nous sommes reconnaissants de l'aide reçue ici - envers le HCR et le Gouvernement jordanien - mais le camp est peu équipé. Nous espérions qu'il y aurait tout ce qu'il faut. Mais, pour le moment, notre abri n'est pas équipé de sol en béton ni d'électricité. »

Désormais le camp est en train de changer. Des lampes à énergie solaire sont distribuées, des lampadaires de rue à énergie solaire sont installés et il devient possible d'utiliser des sources d'énergie renouvelable.

« Comment dire ? » demande Karim, en tirant sur sa barbe. « Sans mes lunettes, le monde n'est pas clair et je ne suis pas sûr de moi. Quand je mets mes lunettes, le monde prend forme et tout devient clair. Avoir la lumière permet à notre monde de prendre forme la nuit. »

Oum Fadi a marché pendant des jours pour fuir la Syrie, mais la vie dans un camp de réfugiés apporte de nouveaux défis. « Lorsque vous allumez la lumière, vous chassez les ombres au loin et vous pouvez voir ce qu'il y a face à vous. »

Oum Fadi

Oum Fadi est restée aussi longtemps qu'elle le pouvait mais, quand la guerre en Syrie a commencé à menacer la vie de sa jeune nièce et de ses neveux, elle a décidé qu'il était temps de fuir.

« Nous avons marché tout le long du voyage depuis la Syrie », se souvient-elle, les yeux dans la lueur d'une petite lanterne à énergie solaire. « Il nous a fallu des jours. Il a fallu déjà douze heures de marche pour la seule traversée du no man's land entre la Syrie et la Jordanie. Les enfants étaient épuisés. »

Ils ont trouvé refuge au camp de réfugiés d'Azraq en Jordanie, mais Oum Fadi explique que ce n'est pas une nouvelle maison. « La Syrie dont je me souviens était un paradis et elle l'est toujours, quoi qu'il arrive… qu'il y ait des bombardements ou des meurtres. Y a-t-il un autre endroit mieux que son chez-soi ? »

« Lorsque vous allumez la lumière, vous chassez les ombres au loin et vous pouvez voir ce qu'il y a face à vous. »

Oum Fadi tente de tirer le maximum de son abri en tôle ondulée. Bien qu'ils soient encore traumatisés par ce qu'ils ont subi en Syrie, ses enfants se font de nouveaux amis. « Ici, ils se sentent un peu mieux car, au moins, ils peuvent aller jouer dehors avec d'autres enfants. Mais nous avons besoin d'électricité pour commencer à vivre convenablement dans ce camp », explique-t-elle.

Avec le soutien de la Fondation IKEA, des lanternes à énergie solaire sont désormais distribuées et des centaines de lampadaires de rue à énergie solaire ont été installés.

« C'est d'éclairage dont nous avons le plus besoin », explique Oum Fadi, en enroulant une couverture autour de son plus jeune neveu. « Malek est anxieux pendant la nuit et je pense qu'un bon éclairage lui permettrait de se sentir mieux. Lorsque vous allumez la lumière, vous chassez les ombres au loin et vous pouvez voir qu'il y a face à vous. »

Paul McCallion (à droite) discute de l'éclairage avec son collègue Paul Quigley au camp d'Azraq. « Avec la lumière, les gens peuvent se créer des opportunités et des libertés qui sont perdues quand la nuit tombe. »

Paul

Au camp d'Azraq en Jordanie, sous la chaleur du soleil d'été, l'expert du HCR en énergie Paul McCallion inspecte des lanternes à énergie solaire. « La lumière et l'électricité sont des services d'aide essentiels », dit-il, en tirant la visière de sa casquette vers le bas. « Nous sommes tellement conditionnés à avoir la lumière et l'électricité au contact d'un interrupteur qu'il serait difficile de se rappeler de ne pas en avoir. »

Paul sait mieux que quiconque l'importance de technologies de l'énergie renouvelable, après avoir passé des années à travailler dans le secteur de l'énergie électrique. Désormais, dans son rôle au HCR, il espère apporter la lumière et l'électricité pour les communautés réfugiées à travers le monde entier.

« Avec la lumière, les gens peuvent se créer des opportunités et des libertés qui sont perdues quand la nuit tombe. »

« Au niveau individuel et familial, l'impact de la lumière et de l'énergie électrique sont immenses », déclare-t-il. « Avec la lumière, les gens peuvent se créer des opportunités et des libertés qui sont perdues quand la nuit tombe. »

Il espère que le grand public va participer à la campagne. « Si vous pensez que de cette façon, pour chaque ampoule achetée par une famille dans un magasin IKEA, vous aiderez à donner de la lumière à une famille dans un camp de réfugiés », dit-il en souriant, en tenant la lanterne à énergie solaire. « C'est une famille qui donne de la lumière à une autre famille. »

La campagne « Un brillant avenir pour les réfugiés » contribuera à améliorer l'accès à l'éclairage, aux énergies renouvelables et à l'enseignement primaire dans le camp d'Azraq en Jordanie, ainsi qu'en Ethiopie, au Tchad, au Soudan et au Bangladesh. Pour chaque ampoule led vendue dans un magasin IKEA participant entre le 1er février et 29 mars 2015, la Fondation IKEA versera 1 euro au HCR.

Kate Bond, auteur/réviseur numérique au HCR à Genève, a également contribué à cet article.