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La Maison des Journalistes à Paris : un refuge unique au monde

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La Maison des Journalistes à Paris : un refuge unique au monde

La Maison des Journalistes (MDJ) accueille des journalistes réfugiés contraints de fuir leur pays après avoir subi des persécutions. L'objectif de la MDJ est de permettre à ces journalistes, des demandeurs d'asile ou des réfugiés, d'être logés, de s'adapter à leur nouvelle vie, de s'intégrer à la culture de leur pays d'accueil.
2 mai 2008
La Maison des journalistes reçoit des journalistes contraints de fuir leur pays où ils sont menacés en raison de leur métier. Elle permet à ces demandeurs d'asile en France de ne pas devenir des sans-abri. J.Remy Ngono, chroniqueur camerounais, enregistre son billet sur « l'oeil de l'exil », une émission de Fanny, France Terre d'asile.

Pensée et créée par deux journalistes français, Danièle Ohayon et Philippe Spinau, la Maison des Journalistes (MDJ), ouverte en 2002, est un concept unique au monde. Elle accueille, en lieu sûr, des journalistes réfugiés contraints de fuir leur pays après avoir subi des persécutions. L'objectif de la MDJ est de permettre à ces journalistes, des demandeurs d'asile ou des réfugiés, d'être logés, de s'adapter à leur nouvelle vie, de s'intégrer à la culture de leur pays d'accueil.

« La première fois que j'ai entendu parler du projet de la MDJ, j'étais encore journaliste à France Info avec Danièle Ohayon », explique Marie-Ange Lescure, journaliste à Radio France pendant 23 ans et aujourd'hui porte-parole de l'UNHCR en France. « C'est vrai que les journalistes ont, pour beaucoup d'entre eux, conservé leur capacité d'indignation et de mobilisation pour défendre les confrères persécutés ou emprisonnés », ajoute-t-elle. « Pour autant, Danièle et Philippe ont dû soulever des montagnes pour parvenir à donner vie à ce projet. Ils ont tout fait : ils l'ont pensé, ils ont surveillé les travaux, ils ont sollicité des appuis et ils ont ouvert leurs portes en présence des représentants de toute la profession et des élus, ce qui relève de l'exploit. »

Située dans une ancienne usine de plus de 800 mètres carrés dans le 15ème arrondissement de Paris - prêtée pour 18 ans par la Ville de Paris - la Maison des Journalistes occupe trois étages et offre 15 chambres. Elle accueille une quinzaine de journalistes pour une durée maximale de six mois. En cinq ans, 140 journalistes réfugiés ont été accueillis par Danièle Ohayon et Philippe Spinau. Chaque chambre est individuelle : Une intimité qui permet à chacun de se ressourcer. Toutes les autres pièces sont communes - cuisine, salle à manger, salle de télé, blanchisserie, salon de lecture, salle informatique - pour encourager les échanges et aplanir les éventuels conflits qui auraient poursuivi les demandeurs d'asile et les réfugiés depuis leur pays d'origine.

Ce qui ne serait qu'un ordinaire centre d'hébergement de demandeurs d'asile a pris une toute autre dimension. En effet, les deux journalistes français fondateurs ont voulu que les médias du pays d'accueil s'impliquent pour soutenir, intégrer et offrir à ces journalistes réfugiés l'occasion de retrouver leur métier, leur dignité et leur place dans le monde de l'information. Cette Maison des Journalistes n'existerait donc pas sans le soutien des médias français. D'ailleurs, chaque chambre porte le nom d'une télévision, d'un journal ou d'un groupe de presse français qui apporte son parrainage : Bayard, Canal +, France télévisions, etc. Le Fonds Européen pour les réfugiés, un autre partenaire de la Maison, soutient chaque année de nouvelles actions.

« Ce qui est frappant, c'est que les journalistes persécutés dans leur pays sont pour nous des héros, nous les admirons fortement pour ce qu'ils font, pour les risques qu'ils osent prendre », raconte Danièle Ohayon. « Ceux qui fuient sont souvent perdus une fois arrivés en France, ils sont souvent anéantis. Ils sont héros de loin mais transparents de près », continue-t-elle.

La plupart ne parlent pas français quand ils arrivent. C'est la raison pour laquelle la MDJ a décidé d'embaucher à plein temps un professeur de français, une réfugiée haïtienne aujourd'hui parfaitement intégrée. L'apprentissage de la langue du pays d'asile est, en effet, un vecteur d'intégration primordial et une porte ouverte sur le marché du travail.

Danièle Ohayon raconte : « il faut redonner à nos confrères leur visibilité, leur volonté de refaire ce qu'ils faisaient. » Pour leur permettre de rester actifs malgré l'asile, la MDJ édite un journal hebdomadaire en ligne réalisé par les résidents réfugiés eux-mêmes : « L'oeil de l'exilé ». En partenariat avec France Terre d'Asile, une association française qui vient en aide aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, les journalistes de la MDJ ont aussi créé Quasimodo, une radio en ligne, hébergée par le site Internet de France Terre d'Asile. Reportages et interviews participent chaque jour à une meilleure connaissance et à la défense du droit d'asile en France.

Certains journalistes réfugiés ont également rejoint des émissions de radio très écoutées, comme l'actualité du football sur RTL, la première radio française en terme d'auditeurs.

Cette année, le 3 mai, la Journée Internationale de la Liberté de la Presse, c'est la radio française d'information continue France Info qui accueille pendant toute une journée les journalistes de la MDJ et leur cède le micro pour présenter les journaux. L'an passé, ils avaient occupé l'antenne pendant toute une journée sur I Télé, la chaîne d'information continue du groupe Canal +. Pour Danièle Ohayon et Philippe Spinau, les deux journalistes fondateurs, ce soutien solidaire confraternel de la presse française est l'âme même de cette maison.

Tcheïta Vital, une journaliste haïtienne, est une ancienne locataire de la Maison. Arrivée en France en 2004 après de nombreuses persécutions dans son pays, elle dit aujourd'hui être une privilégiée. « Entre le moment où je suis arrivée en France et le moment où je suis entrée dans la Maison, je n'avais pas de vraie vie. Quand j'ai rencontré Danièle et que je suis rentrée dans cette Maison, c'était une délivrance. La Maison des Journalistes était devenue ma Maison. » Si Tcheïta est aujourd'hui indépendante, elle n'est jamais très loin de la MDJ puisqu'elle travaille à plein temps pour la radio Quasimodo. C'est sa manière de rester proche de ceux qui l'ont aidée et d'être présente à son tour pour aider les nouveaux arrivants.

Forte de son succès, la Maison des Journalistes a inspiré d'autres journalistes et d'autres groupes de presse. Bientôt une autre Maison des Journalistes va ouvrir ses portes à Cadix avec le soutien de la région d'Andalousie. Un projet est en cours de réflexion à Berlin et l'association des journalistes exilés en Grande-Bretagne est également très séduite par ce projet.

Il y a quelques semaines, la Maison des Journalistes a reçu en Italie le Prix Nonino. Ce prix récompense depuis 33 ans une personnalité ou une organisation qui entraîne par son action ou ses écrits, une évolution dans la société. Le jury du prix était présidé par V.S. Naipaul, prix Nobel de la littérature. Il regroupait des écrivains, des poètes, des philosophes et des sociologues. Parmi les lauréats des précédents Prix Nonino, figurent Jorge Amado, Peter Brook, Hugo Claus, Yves Coppens, les Mères de la place de Mai, Rigoberta Menchu.

Par Talia Thisse, UNHCR Paris