Le HCR proteste contre le retour forcé de réfugiés congolais du Rwanda
Le HCR proteste contre le retour forcé de réfugiés congolais du Rwanda
Genève, le 5 septembre 2002
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Ruud Lubbers a aujourd'hui fait part de sa vive inquiétude quant à la décision du gouvernement rwandais de renvoyer quelque 1 500 réfugiés congolais chez eux.
Dans une lettre adressée au président rwandais Paul Kagame, protestant contre le rapatriement depuis les camps de réfugiés dans le nord et l'ouest du Rwanda,
M. Lubbers a indiqué que le HCR ne voulait pas être associé à une opération de rapatriement qui ne semble être « ni volontaire ni viable ».
Depuis samedi 31 août, près de 1 500 réfugiés ont été contraints de regagner le nord Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), en quatre opérations séparées. Ces mouvements de retour, conjointement organisés par le gouvernement rwandais et le groupe rebelle, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD/Goma), se poursuivent actuellement.
Ruud Lubbers a demandé au gouvernement rwandais de mettre un terme à ce rapatriement forcé qui est une violation du principe de non-refoulement, l'une des clés de voûte de la protection des réfugiés. Cette lettre a été rédigée quelques jours après une réunion avec les membres du gouvernement rwandais, au cours de laquelle le HCR avait demandé aux autorités de respecter les principes du retour volontaire.
« De telles pratiques [retour forcé] sont en désaccord avec les principes fondamentaux du rapatriement volontaire, en vertu desquels les réfugiés doivent avoir la possibilité de décider en toute liberté et en toute connaissance de cause s'ils veulent ou non rentrer », a écrit M. Lubbers dans sa lettre au président du Rwanda, Paul Kagame. « En outre, les retours ne doivent pas résulter en une situation de déplacement interne en raison de l'insécurité qui persiste dans le pays d'origine. »
Le HCR a indiqué que les réfugiés congolais des camps de Gihembe dans la préfecture de Byumba, et de Kiziba, dans la préfecture de Kibuye, ont subi des pressions pour retourner dans la région de Masisi, contrôlée par le groupe rebelle, RCD/Goma. Le fait que ces rapatriés sont emmenés dans des camps pour personnes déplacées dans le nord Kivu est une source d'inquiétude pour le HCR.
D'après certains réfugiés du camp de Gihembe, les autorités rwandaises ont fait savoir que ce serait la dernière possibilité pour les réfugiés de bénéficier d'une aide au retour. D'autres disent avoir été menacés d'être emmenés par la force s'ils opposaient la moindre résistance. Les autorités locales à Byumba auraient fixé le 15 septembre comme dernier délai pour le retour. M. Lubbers a précisé que des rapports émanant du HCR, d'ONG et de réfugiés « indiquent très clairement que ces mouvements de retour s'effectuent sous la contrainte ».
« Je dois vous faire part de mon extrême préoccupation face à ces événements et je vous demande de mettre un terme à ces mouvements de rapatriement forcé », souligne le Haut Commissaire dans sa lettre.
Invoquant, entre autres problèmes, celui de l'insécurité, des groupes de réfugiés ont demandé au HCR à Byumba d'intervenir auprès du gouvernement pour qu'il leur permette de rester au Rwanda. Les réfugiés, quant à eux, hésitent de plus en plus à se confier au personnel du HCR, par crainte d'être arrêtés.
Mardi, des réfugiés se trouvant dans le camp de Gihembe ont commencé à démonter leurs abris afin de vendre les bâches en plastique et le bois de leurs huttes avant de partir. Plusieurs familles qui ont déjà démonté leurs abris dormaient en plein air et s'étaient regroupées à l'une des entrées du camp, en attendant d'être transportées à destination du nord Kivu. Des représentants du Ministère rwandais du gouvernement local étaient présents dans les deux camps et supervisaient le chargement des camions.
Les camps de Gihembe et de Kiziba accueillent 31 923 réfugiés. Les réfugiés congolais sont essentiellement des Tutsis de la région de Kivu, également connus sous le nom de Banyamulenge. Ils sont arrivés au Rwanda entre 1995 et 1996 pour échapper aux persécutions des milices hutus Interahamwe qui avaient fui le Rwanda et s'étaient réfugiés dans la région de Kivu au lendemain du génocide rwandais de 1994 et la prise de pouvoir du Front patriotique du Rwanda (FPR).
Le Rwanda abrite 35 800 réfugiés, dont la majorité viennent de la RDC.