L'Afrique est en première ligne alors qu'un nombre croissant de réfugiés afflue vers les villes
L'Afrique est en première ligne alors qu'un nombre croissant de réfugiés afflue vers les villes
Alors que le HCR demande aux Etats, aux autorités municipales, aux maires, aux organisations humanitaires et à la société civile de répondre aux défis posés par l'accroissement de la population réfugiée dans les villes du monde entier, l'Afrique se trouve aux prises avec les migrants et les réfugiés.
La moitié des 10,5 millions de réfugiés relevant de la compétence du HCR résidant désormais dans les villes, la nouvelle politique du HCR consiste à inviter les Etats, les autorités municipales, les communautés, les organisations humanitaires et la société civile à prendre en compte cette nouvelle réalité - et à travailler ensemble pour y répondre. « Le sort dramatique des réfugiés, des personnes déplacées [à l'intérieur de leur propre pays] et des autres personnes relevant de la compétence du HCR ne peut plus être simplement traitée comme un problème du HCR ou un problème humanitaire », affirme António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Comme partout, l'Afrique est confrontée à un accroissement massif de sa population urbaine, y compris de personnes en quête d'une protection comme les réfugiés. Que ce soit Abidjan, Juba, Johannesburg, Khartoum ou Nairobi, les villes africaines en accueillent un nombre de plus en plus important.
Cadrant le débat global bientôt ouvert sur cette question, António Guterres ajoute : « Nous devrions garder à l'esprit que les droits fondamentaux des réfugiés les accompagnent où qu'ils aillent. Ils ont droit dans les villes à la même protection et aux mêmes services que ceux dont ils bénéficient dans les camps. »
La protection des réfugiés dans les villes incombe principalement aux gouvernements nationaux et aux autorités locales, nécessite la formulation d'une politique et invite à développer un esprit de solidarité renforcée et de responsabilité partagée.
Rôle clé des maires et des autorités municipales
Les défis varient beaucoup d'une région à l'autre. « Si le problème est mondial, les conditions varient énormément d'une région à une autre et la réponse est essentiellement locale. C'est pourquoi, de même que nous travaillons au niveau gouvernemental, nous soulignons le rôle central des maires et des autorités municipales. Nous nous tournons vers eux en particulier pour contribuer à renforcer la compréhension et la coopération entre les réfugiés et les populations locales sur le terrain. Ils peuvent faire une grande différence », affirme António Guterres.
Si de nombreux réfugiés se sont de fait établis et gagnent leur vie avec succès dans les villes, l'expérience sur le terrain montre bien qu'il s'agit d'une lutte pour survivre, que ce soit pour obtenir un logement et des documents d'identité, scolariser leurs enfants, accéder aux soins de santé ou à l'emploi. Si la loi ne les autorise pas à travailler, ou s'ils n'arrivent pas à trouver un emploi, ils sont davantage exposés aux dangers, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées. La xénophobie, la violence, l'expulsion forcée, le harcèlement, le vol, l'arrestation et la détention arbitraires, le retour forcé, la discrimination, le viol, le SIDA, la traite des êtres humains, les abus et l'exploitation par des fonctionnaires malhonnêtes ou le crime organisé figurent parmi les dangers auxquels ceux que l'on appelle les « réfugiés urbains » peuvent être confrontés quotidiennement.
Enregistrement - étape clé pour garantir les droits de base
La protection est donc un besoin encore plus essentiel pour les réfugiés dans les zones urbaines, en commençant, de manière décisive, par l'enregistrement et la délivrance de documents d'identité reconnus par les autorités. Dans les villes, les réfugiés sont inévitablement en contact avec la police et les forces de sécurité, avec les fonctionnaires locaux, avec des inspecteurs sur leur lieu de travail et sur les marchés. Dans ces situations, le fait d'avoir été formellement enregistré sur un fichier officiel et de posséder un document d'identité reconnu et respecté est essentiel pour garantir une protection contre l'arrestation, ainsi que pour avoir accès aux soins de santé, à l'école et pouvoir circuler librement. Les gouvernements ont l'obligation d'enregistrer les réfugiés et de leur délivrer les documents nécessaires. Cependant, il arrive fréquemment que le HCR soit obligé de remplir ces fonctions.
Non seulement dans le domaine de l'enregistrement et de la délivrance de documents mais également dans d'autres domaines aussi fondamentaux, la réponse au phénomène croissant de ceux que l'on appelle les réfugiés urbains est différente dans chaque pays. Dans certains pays, il existe un clair mouvement de retour vers les camps de réfugiés comme principal outil pour gérer à la fois la présence des réfugiés et leur protection. Dans d'autres, on peut observer des approches plus libérales. En Afrique du Sud, exemple de cette dernière approche, nonobstant des défis incontestables, les réfugiés ne résident pas seulement dans les villes mais ils bénéficient également de la liberté de circulation et ont légalement le droit de travailler.
La façon dont les Zimbabwéens ont été traités en Afrique du Sud est à la fois explicative et instructive quant à l'approche adoptée. Situé dans une fourchette comprise entre 800 000 et trois millions, leur nombre en Afrique du Sud a augmenté au cours des deux dernières années du fait des troubles politiques, sociaux et économiques qui ont touché leur pays. Beaucoup ont des motifs d'être reconnus en tant que réfugiés. La pression pour mettre dans des camps un nombre si important de personnes pénétrant dans un pays au moins en partie pour des raisons propres aux réfugiés aurait très bien pu être énorme. Cependant, en Afrique du Sud, aucune décision n'a été prise de mettre dans des camps ni les Zimbabwéens, ni d'autres nationalités vivant dans les villes du pays après avoir fui les dissensions et les conflits dans leurs pays d'origine. En application de la loi nationale sur les réfugiés, les Zimbabwéens bénéficient en principe de la liberté de circulation et du droit au travail. Ceux qui possèdent des compétences ont une vraie opportunité de gagner leur vie. Les autres sont confrontés à la lutte et à la compétition pour les opportunités avec les étrangers et les citoyens.
Atténuer les risques de xénophobie
Ces facteurs peuvent créer un mélange explosif et potentiellement violent dans un contexte de pauvreté urbaine et de disparités économiques. Les étrangers, y compris les réfugiés, peuvent être perçus par la communauté locale soit comme des concurrents dans la course à des ressources limitées, soit comme mieux lotis - en particulier s'ils ont manifesté avec succès leur esprit d'entreprise. Ils risquent de devenir la cible d'attaques xénophobes comme celles qui ont eu lieu au Cap, à Johannesburg et à Pretoria en 2008.
Suite à ces débordements, le HCR a créé des partenariats avec des organisations sur le terrain pour fournir de manière plus intégrée de l'alimentation d'urgence, des abris, des soins de santé, des services d'éducation, des formations, des moyens d'existence, du micro crédit et d'autres formes d'assistance accordées aux réfugiés. Les besoins sont immenses - que ce soit pour les nationaux ou pour les réfugiés - et la priorité consiste donc à identifier et à cibler les plus vulnérables. D'autres mesures conçues pour contrer la xénophobie sont mises en place à différents niveaux pour prévenir toute propagation incontrôlée de la violence xénophobe. Les dirigeants gouvernementaux ont condamné fermement la xénophobie, rappelant l'histoire unique de l'Afrique du Sud aux habitants. Le HCR, les autorités locales et les groupes de la société civile ont aidé à mettre en place des mécanismes pour la prévention des crises, y compris des équipes de conciliation qui se déplaceront dans les points chauds pour calmer les situations de crise, stopper la violence et négocier avec toutes les parties dans l'intérêt d'établir une coexistence à plus long terme. Le HCR coopérera également avec la Fondation Nelson Mandela sur une période de deux ans pour promouvoir la cohésion sociale en organisant des rencontres entre les différentes communautés nationales pour discuter des défis et des solutions durables pour vivre ensemble pacifiquement. Le HCR coopèrera avec les autorités de police afin de réagir rapidement et fermement à tous les incidents xénophobes, y compris en poursuivant les auteurs et en impliquant les chefs communautaires respectés et responsables.