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Allocution prononcée par M. Gerritt J. van Heuven Goedhart, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la deuxième session du Comité consultatif du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le 15 septembre 1952

Discours et déclarations

Allocution prononcée par M. Gerritt J. van Heuven Goedhart, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la deuxième session du Comité consultatif du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le 15 septembre 1952

15 Septembre 1952
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Monsieur le Président,

Je suis très heureux de pouvoir souhaiter la bienvenue, en mon nom et en celui de mes collègues, aux membres du Comité consultatif qui participent à la deuxième session. Conformément au statut du Haut Commissariat, je dois prendre l'avis du Comité « en particulier en cas de difficulté ». J'ai dès l'abord eu la ferme conviction qu'un comité consultatif composé de représentants des gouvernements, bien au courant des problèmes qui nous préoccupent, nous serait de la plus grande utilité dans notre tâche, et l'expérience a clairement montré jusqu'à présent que cette tâche ne va pas sans difficultés. Nous en rencontrons constamment dans presque tous les domaines, et c'est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à recevoir l'avis d'un organisme spécial, se préoccupant uniquement des intérêts des réfugiés qui relèvent du mandat de l'Organisation des Nations Unies. Bien qu'il soit tentant d'esquisser devant ce Comité, au début de sa deuxième session, la politique générale que le Haut Commissariat a peu à peu mise au point depuis son entrée en activité, je me rends compte que ce serait là abuser du temps limité dont dispose le Comité pour traiter les problèmes concrets qui se posent à lui. Je préfère donc, dans cette allocution, m'en tenir essentiellement aux problèmes que soulève la gestion du fonds de secours créé en vertu de la résolution 538 B (VI), adoptée l'année dernière par l'Assemblée générale, ainsi qu'aux questions que pose l'assimilation des réfugiés pour lesquels l'intégration constitue la seule solution.

Lorsque l'Assemblée générale a décidé de m'autoriser à créer un fonds destiné à fournir une aide d'urgence aux plus nécessiteux des groupes de réfugiés, j'étais optimiste quant au résultat de l'appel que je lancerais. Or, bien que certains gouvernement aient apporté une contribution généreuse au Fonds des Nations Unies pour le secours aux réfugiés, tel qu'il s'appelle maintenant, les résultats obtenus à la suite de mes appels ont dans l'ensemble été décevants. Tellement décevants même que je n'ai pu exécuter ne fût-ce que 20% du programme sur lequel se fondaient les prévisions soumises à l'Assemblée générale. Je ne ferais que faire perdre du temps au Comité si je lui répétais, au stade actuel, ce que les membres ont pu lire eux-mêmes dans les documents concernant le fonds de secours que l'on a distribués il y a quelque temps. Je tiens cependant à souligner l'urgence qu'il y a à trouver une solution à un problème dont il n'est que trop facile de sous-estimer la gravité.

Toute collectivité nationale comprend une faible proportion de personnes dont le reste de la collectivité se trouve obligé d'accepter, et accepte en fait, la charge : les vieillards, les malades, les infirmes, etc. Il est naturel et inévitable que la population de réfugiés qui se trouve dans chaque pays comprenne également un groupe de personnes appartenant à ces catégories. On ne peut résoudre le problème que pose leur existence en déclarant que les gouvernements des pays où résident ces réfugiés doivent accepter de leur fournir l'assistance matérielle nécessaire. En effet, non seulement certains gouvernements n'ont jamais accepté une telle charge, mais il en est également d'autres qui, bien que disposés à faire tout leur possible, ne sont pas en mesure d'augmenter d'une manière appréciable les charges auxquelles ils doivent déjà faire face. La collectivité internationale doit donc assumer en partie la charge des réfugiés nécessiteux, étant entendu que ses efforts viendront compléter ceux des gouvernements des pays où résident les réfugiés.

C'est pourquoi j'ai l'an dernier proposé à l'Assemblée générale de créer un fonds de secours d'urgence et que j'ai pu limiter les prévisions de mes dépenses à un montant que je crois modeste. A l'époque, j'ai fait valoir que le Haut Commissariat se préoccupait beaucoup de la situation des réfugiés nécessiteux à Shanghai et à Trieste. Cette situation n'a pas subi d'amélioration sensible depuis que j'ai soumis mon rapport annuel de l'année dernière. A Shanghai, le nombre des réfugiés qui se font inscrire auprès du haut Commissariat va croissant, et le problème se présente maintenant ainsi : il se trouve dan cette région environ 7,000 réfugiés, et ce nombre pourra peut-être même atteindre les 10,000. La situation de ces réfugiés ne leur donne pas à tous qualité pour recevoir une aide prélevée sur notre fonds, mais leur nombre s'accroît et le rythme auquel la migration et la réinstallation permettent de résoudre le problème des réfugiés à Shanghai est malheureusement bas. Ainsi, à moins qu'on puise prendre des mesures pour résoudre d'une manière définitive le problème des réfugiés en Chine, nous aurons à lui faire face pendant longtemps encore. D'ailleurs, même si l'on réservait à ces seuls réfugiés la totalité du montant de mon fonds de secours, cela serait insuffisant.

Or, puiser dans le fonds de secours pour fournir une assistance matérielle aux seuls réfugiés qui se trouvent en Chine, serait léser d'autre groupes nécessiteux qui relèvent tout autant de notre mandat et ont donc tout autant droit à des secours. J'ai déjà fait état de la situation qui existe à Trieste, sur laquelle j'ai publié il y a dix mois un rapport alarmant du Dr Marc Daniels, expert britannique de la tuberculose, qui, sous les auspices de l'OMS, a procédé à une étude sur place et est arrivé à la conclusion que, sur 4,000 réfugiés environ, 20% présentaient des cas de tuberculose évolutive ou non évolutive. Il existe en outre toute une série de petits groupes dispersés de réfugiés qui vivent dans une profonde misère, par exemple en Turquie, au Liban, en Syrie, sans parler de la Grèce, de l'Italie, de l'Autriche et de l'Allemagne où il faut également compléter les efforts que déploient les gouvernements pour aider ceux qui ont le plus besoin de secours. Vous comprendrez donc que le rythme peu rapide auquel se constitue le Fonds des Nations Unies pour le secours aux réfugiés préoccupe sérieusement le Haut Commissariat.

Il est peut-être utile que nous nous souvenions tous que tout problème relatif des réfugiés ne peut se résoudre que de trois manières : par le rapatriement, par l'émigration ou par l'intégration. Dans les conditions actuelles, le rapatriement est une solution presque purement théorique à ces problèmes. C'est à juste titre que l'organisation des Nations Unies a pris pour principe que le rapatriement ne peut se faire que si le réfugié en exprime librement le désir. Pour qu'il puisse prendre sa décision, il faut au réfugié tous les renseignements sur son pays d'origine que ce dernier pourra mettre à sa disposition. Le Haut Commissariat a considéré qu'il ne faut mettre aucun obstacle à la diffusion de renseignements auprès des réfugiés et que le droit de ces derniers à rentrer dans leur pays d'origine ne peut jamais être mis en doute. En revanche, le Haut Commissariat n'est pas habilité à procéder à des rapatriements comme l'étaient l'UNRRA et l'OIR. En fait, le nombre des réfugiés qui désirent être rapatriés est extrêmement limité et le rapatriement ne constitue que dans une très faible mesure une solution au problème des réfugiés. La migration et l'assimilation sont les deux solutions qui présentent vraiment de l'intérêt et, à l'heure actuelle, c'est l'assimilation qui est de loin la plus importante. Je ne veux pas dire par là que du point de vue du réfugié lui-même, la migration n'est plus la solution qu'il désire le plus ardemment. Elle l'est certainement. Aucun réfugié n'a vraiment le sentiment de « commencer une nouvelle vie » s'il n'est pas monté à bord d'un bateau ou d'un avion pour traverser un océan. C'est le fait d'arriver sur un continent nouveau, dans des conditions de vie complètement différentes, qui lui donne réellement la certitude qu'il a maintenant rompu ses attaches avec le passé et peut donc espérer un avenir nouveau.

C'est parce qu'il m'a fallu arriver à la conclusion que la migration ne peut se faire qu'à une échelle très limitée que j'ai soumis au Comité consultatif un document sur l'intégration des réfugiés, espérant obtenir du Comité des conseils sur la manière de traiter ce problème. A ce propos, il me faut souligner que l'une des conditions d'un programme de migration efficace reste également valable dans le cas de l'assimilation. Il s'agit du capital nécessaire pour donner au réfugié tous les moyens de s'intégrer, par lui-même, à nouveau dans une collectivité. Le Haut Commissariat a étudié ce problème d'une manière assez approfondie, notamment en vue de programmes d'assimilation en Allemagne, en Autriche et en Grèce. Je n'ai pu, jusqu'à présent, obtenir une aide financière appréciable de sources officielles ou privées, et il se peut bien qu'il faille créer un fonds distinct à cet effet. Pour le moment, je me contenterai de ces quelques observations sur la question et j'écouterai très attentivement les conseils que, je l'espère, le comité va me donner.

Même si nous disposions de tout le capital nécessaire pour exécuter un programme général d'assimilation pour les réfugiés en Europe occidentale, nous n'aurions pas, pour cela, rempli toutes les conditions qu'exige une intégration effective. Il faut tout d'abord aligner, dans la mesure du possible, le statut juridique des réfugiés sur celui des ressortissants du pays, notamment pour ce qui est des droits économiques et sociaux. En outre, le réfugié doit avoir l'assurance de pouvoir obtenir facilement les pièces officielles qui sont indispensables à la vie de sa famille et à sa liberté de mouvement. Au cours de l'année dernière, on a réalisé quelques progrès dans ce sens. En Italie, aussi bien qu'en Autriche et en Allemagne, les gouvernements ont pris certaines mesures en vue d'améliorer la condition des réfugiés qui se trouvent sur leur territoire, et je leur en exprime ma gratitude. La Convention relative au statut des réfugiés, telle qu'elle a été adopté à la Conférence diplomatique de 1951, n'est cependant pas encore entrée en vigueur, car elle n'a jusqu'à présent même par reçu une seule des six ratifications nécessaires. Malgré ma déception de voir ainsi retardée la mise en vigueur de la Convention, j'ai la conviction que les divers parlements qui ont inscrit à leur ordre du jour la ratification de cette Convention, la voteront sous peu. Entre temps, depuis la première session du Comité, les pays suivants ont signé la Convention : Brésil, France, Italie et Saint-Siège.

Même si nous disposions du capital nécessaire pour exécuter un programme d'assimilation, et si les conditions juridiques, économiques et sociales qu'exige l'intégration étaient remplies, le problème n'en serait pas pour autant résolu. En effet, il faut également qu'existent des projets concrets en vue de l'assimilation des réfugiés dans les pays où ils résident. Ces projets peuvent consister en facilités de crédit pour les réfugiés, en cours de formation professionnelle pour jeunes réfugiés en plans de réinstallation sur des exploitations agricoles, plans de création d'industries familiales, etc. Il faut faire preuve d'imagination et d'un esprit fertile en ressources pour mettre au point toute une série de projets d'intégration, qu'il faut naturellement adapter aux conditions particulières de la région. A ce propos, je tiens, Monsieur le Président, à rendre hommage à toutes les institutions bénévoles dont les animateurs ont, à maintes reprises, fait preuve de ces qualités indispensables. Si, malgré l'insuffisance des moyens financiers et l'absence des conditions requises pour l'assimilation, des milliers de réfugiés ont pu tenter sérieusement de s'intégrer d'une manière stable dans l'économie des pays où ils se trouvent, toute leur reconnaissance doit aller aux diverses institutions bénévoles qui les ont guidés, orientés, conseillés et aidés. Je tiens à souligner pleinement toute la valeur d'exemple qui s'attache même aux projets de faible importance dont l'exécution a été menée à bonne fin, ou se poursuit à l'heure actuelle. Je tiens également à exprimer ma gratitude à la Fondation Ford aux Etats-Unis pour le don généreux qu'elle a fait au Haut Commissariat en vue de la mise en oeuvre de tels projets en Europe occidentale. Certes ce don ne permettra que de satisfaire une faible part des besoins des réfugiés, mais les programmes qu'il permettra d'exécuter encourageront fortement les organismes publics et privés à donner au problème une solution beaucoup plus large. Rien n'est plus encourageant que d'avoir devant les yeux la preuve qu'une solution est réellement possible. Je ne puis qu'espérer que les gouvernements intéressés et les organisations privées répondront à cette initiative clairvoyante de la Fondation Ford d'une manière qui sera tout aussi encourageante que le fait que cette Fondation a voulu se mettre à l'avant-garde de ceux qui désirent par leurs propres efforts s'acquitter de leurs obligations à l'égard de centaines de milliers de personnes qui se trouvent dans une situation angoissante.

Je me rends bien compte que les besoins du monde dans de nombreux domaines différents sont tellement considérables qu'il est presque impossible de donner à chaque problème une solution vraiment satisfaisante. Mais, je sais que je ne demande pas l'impossible en appelant constamment l'attention de tous les organes de l'Organisation des Nations Unies sur l'urgence qu'il y a à porter secours aux plus nécessiteux des groupes de réfugiés. Lorsque, l'année dernière, j'ai proposé la création d'un fonds de secours d'urgence, j'ai fixé comme objectif la somme de trois millions de dollars. Je suis convaincu que l'on peut réunir ce montant, et qu'on le réunira si les gouvernements et les peuples sont informés de l'aide d'urgence dont ont encore besoin des réfugiés qui, sans aucune faute de leur part, se trouvent dans la pire des situations. Dans la documentation que j'ai soumise au Comité à ce sujet, j'ai particulièrement insisté sur la situation qui existe en Chine, où les réfugiés relèvent encore de l'administration communiste et se trouvent, par conséquent, dans une situation particulièrement précaire. Le moins que l'on puisse faire pour eux, si le monde ne peut leur donner la possibilité de se réinstaller, c'est de veiller à ce qu'ils ne meurent pas de faim. Ici encore, j'espère que le Comité m'aidera à écarter des difficultés qui parfois paraissent vraiment insurmontables.

J'ai le sentiment, Monsieur le Président, de n'avoir pas abordé de nombreux problèmes et d'avoir négligé de nombreux domaines. C'est pourquoi, en terminant cet exposé, je tiens à préciser que mes collègues et moi-même restons à votre disposition pour vous fournir tous les détails ou éclaircissements que vous ou tout membre de votre Comité désireriez obtenir.