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Déclaration de M. Thorvald Stoltenberg, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la session extraordinaire du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, (Genève, le 28 mai 1990)

Discours et déclarations

Déclaration de M. Thorvald Stoltenberg, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la session extraordinaire du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, (Genève, le 28 mai 1990)

28 Mai 1990
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Genève, le 28 mai 1990

Monsieur le Président, distingués délégués, Mesdames et Messieurs,

J'ai le grand privilège aujourd'hui de vous souhaiter à tous la bienvenue à cette session extraordinaire du Comité exécutif. Cette occasion suscite en moi deux sentiments quelque peu contradictoires. D'un point de vue personnel, certes, je suis heureux de m'adresser à vous lors d'une réunion plénière officielle du Comité exécutif et de rencontrer les membres du Comité qui me conseilleront et me guideront dans mes fonctions de Haut Commissaire pour les réfugiés. Toutefois, Monsieur le Président, cette heure qui nous réunit ici est empreinte des plus vives préoccupations concernant le sort des 15 millions de réfugiés de par le monde qui relèvent de ma compétence, sous la forme d'une protection internationale, d'une assistance et de la recherche de solutions durables. La convocation-même de cette réunion extraordinaire découle tout naturellement de ces préoccupations, dans la mesure où elle devra décider du niveau et de la qualité de l'assistance accordée à ces êtres déshérités au cours du deuxième semestre de l'année.

Monsieur le Président, je reste toutefois convaincu que l'esprit de générosité, de compassion et de partage international de la charge dont les décisions de ce Comité en faveur des réfugiés ont toujours été empreintes, continuera de prévaloir. C'est pourquoi nous ne devons pas perdre de vue les lourdes responsabilités qui incombent à cette réunion extraordinaire ; d'ailleurs, j'en suis sûr, nous comprenons tous que les décisions qui seront prises ici, ces prochains jours, auront une incidence immédiate et directe sur le bien-être de nos semblables.

Monsieur le Président, avant de poursuivre, permettez-moi de souhaiter tout particulièrement la bienvenue à la délégation du membre en date de la communauté des Nations, la République de Namibie. Le fait qu'aujourd'hui la Namibie soit représentée à cette réunion en tant qu'Etat souverain et indépendant est le plus beau témoignage de ce que la solidarité et la coopération internationale peuvent accomplir. La première participation de la délégation namibienne à cette réunion doit constituer pour nous une source d'inspiration au moment où nous ouvrons ce débat.

Monsieur le Président, bon nombre d'entre nous ici aujourd'hui se sont souvenus ces derniers mois d'un chapitre à peu près semblable de notre histoire il y a environ 45 ans. En 1945, des ruines de la deuxième guerre mondiale, naissaient les Nations Unies, un édifice érigé au service de la paix. Malheureusement, contrairement aux espoirs et aux aspirations fondés en elles, ceux qui en ont jeté les bases n'ont jamais trouvé le moyen de vivre ensemble dans l'harmonie et la paix. A l'opposé, c'est la guerre froide qui a très vite grippé les rouages du mécanisme politique des Nations Unies. Aujourd'hui, nous assistons à la fin de guerre froide et à l'aube d'une nouvelle ère pour les Nations Unies. Nous pouvons raisonnablement espérer que les fondements de la paix son aujourd'hui plus solides.

Le dialogue entre les grandes puissances, la marche vers la démocratie dans de nombreuses régions du monde ainsi que la confiance renouvelée dans la capacité des Nations Unies à relever les défis qui lui sont lancés, tout nous laisse espérer que les causes de certains des exodes les plus importants et les plus anciens seront finalement éradiquées. Certes, ce nouveau climat politique a déjà porté ses fruits. Ces dernières années, un certain nombre de conflits régionaux apparemment insolubles ont trouvé une issue ou font l'objet de négociations.

La situation des réfugiés est un reflet de la santé politique du monde, et la capacité de la communauté internationale à régler les problèmes des réfugiés est un reflet de sa santé morale. Trop de gens ne considèrent le problème des réfugiés que sous l'angle de la charité. La charité est une bonne chose mais elle ne suffit pas. A l'aube d'une nouvelle ère de coopération internationale, nous devons nous assurer que les Etats ont la volonté politique de travailler ensemble, de résoudre des problèmes existants et d'en empêcher de nouveaux.

Pour le HCR, les solutions politiques aux conflits qui ont contraint les gens à fuir ouvrent des perspectives pour la meilleure des solutions au problème des réfugiés, c'est-à-dire le rapatriement librement consenti. Mon premier voyage hors de l'Europe depuis que je suis entré en fonction m'a conduit en Afrique pour assister à la Fête de l'indépendance de la Namibie où le HCR a eu le privilège de contribuer à l'opération, couronnée de succès, des Nations Unies visant à rapatrier chez eux plus de 40 000 exilés. Je me suis ensuite rendu au Pakistan et en Afghanistan où, avec le Coordonnateur des programmes d'assistance humanitaire et économique des Nations Unies relatifs à l'Afghanistan, le Directeur exécutif du PAM et le Représentant personnel du Secrétaire général, nous avons passé en revue et défini les moyens de promouvoir le rapatriement librement consenti de la population réfugiée la plus importante du monde, les Afghans, si généreusement accueillis par le Pakistan et la République islamique d'Iran pendant plus d'une mission. Nous avons décidé qu'une solution doit être trouvée au plus vite à un problème que ni les gouvernements, ni les réfugiés eux-même ne veulent voir se poursuivre pendant onze ans encore. Nous espérons que le retour nécessaire au rapatriement librement consenti de plus de 100 000 personnes dans les quatre mois à venir.

Nous essayons également d'apporter une contribution substantielle au processus de pais en Amérique centrale par le biais de notre participation, sous l'égide de la CIAV, au retour des Nicaraguayens dans leur pays. Il s'agit d'une opération complexe où la ligne de démarcation entre mandat et fonctions politiques et humanitaires requiert la plus grande prudence de la part d'une organisation apolitique comme le HCR. Nous sommes toutefois encouragés à cet égard par notre expérience positive des trois derniers mois qui ont vu le rapatriement librement consenti d'environ 7 700 réfugiés salvadoriens du Honduras, ce qui met un terme à un problème de réfugiés longtemps insoluble. Au Cambodge, le Secrétaire général a confié au HCR un rôle de tout premier plan dans le rapatriement des quelque 300 000 réfugiés et personnes déplacées du Cambodge. Tout en suivant du très près les initiatives actuelles sur la scène politique, le HCR planifie et prépare activement un éventuel rapatriement volontaire des Cambodgiens en étroite collaboration avec d'autres organismes des Nations Unies ainsi que des organisations non gouvernementales. Monsieur le Président, si les conditions prévalant en Afrique du sud le permettent, et si toutes les parties concernées le demandent, le HCR pourrait également être appelé à jouer un rôle logique dans le retour des réfugiés dans leur pays d'origine après, pour beaucoup d'entre eux, plus de dix ans en exil. Ces horizons prometteurs sont toutefois voilés par la pénurie de fonds. Jusqu'à présent, par exemple, l'appel de fonds visant à recueillir 37 million de dollars EU au titre de l'intégration sur place et du retour librement consenti d'environ 430 000 Ethiopiens n'a pas suscité de contributions substantielles. En attendant, nous avons dû poursuivre un programme onéreux de soins et entretien.

Certes, les solutions aux problèmes de réfugiés sont difficiles à trouver et parfois onéreuses à mettre en oeuvre. Le dilemme auquel le HCR est confronté aujourd'hui est qu'à un moment où les chances de remplir notre mandat, c'est-à-dire de mettre en oeuvre des solutions durables, sont plus réelles qu'à aucun autre moment de l'histoire du HCR, les ressources mises à sa disposition pourraient marquer le pas. Le fait est qu'en 1980, le HCR avait deux fois plus de ressources par réfugié qu'en 1990. La solution des conflits et l'allègement des tensions politique présentent la facture temporaire du prix à payer pour permettre aux réfugiés de devenir les bénéficiaires à part entière de ce nouveau processus de paix. Mais s'il est vrai que la paix est à ce prix, les coûts de l'autre option ne nous sont que trop connus.

Monsieur le Président, il est évident que l'une de mes principales préoccupations au cours des tout premiers mois de mon entrée en fonction a été la situation financière critique du HCR. Rarement un jour ne s'écoule sans que nous soyons, d'une façon ou d'une autre confrontés au problème dramatique des ressources. J'ai donc, en consultation étroite avec mes collaborateurs, beaucoup réfléchi aux stratégies visant à s'affranchir de nos difficulté actuelles. S'il est vrai que nos efforts ne porteront leurs fruits qu'au bout d'un certain temps, je voudrais vous esquisser dès aujourd'hui les six grandes lignes de ma stratégie.

La problème est une meilleure utilisation de nos ressources. Face à un problème, il est toujours sain de faire son auto-critique. Par conséquent, l'une de mes premières questions à été de demander et de voir si le HCR pouvait utiliser ses ressources de façon plus satisfaisante. J'étais convaincu, et je le reste, de cette possibilité. Cela a motivé ma décision prise en janvier d'établir un Groupe d'étude ad hoc interne chargé de définir le rôle du HCR en ce tout début des années 1990 dans un monde en mutation profonde et d proposer une structure organique qui permettrait au HCR de jouer un rôle importante sur la scène internationale. J'ai reçu, et j'ai transmis aux membres de ce Comité, le Rapport de Groupe de travail au début du mois de mars, je l'ai étudié et j'ai consulté mes collègues sur la façon de mettre en oeuvre ses recommandations. Nous avons déjà commencé à appliquer les recommandation de ce Rapport que je considère comme une base utile de notre travail. J'ai pour ambition de mettre en place, une fois que la nouvelle structure du Siège sera effective, et qu'une étude de la présence du HCR sur le terrain sera menée à bien, un Haut Commissariat plus efficace, plus rationnel et plus rentable au Siège ; j'ai réduit de 23 à 10 le nombre de voies hiérarchiques placées sous mon autorité. Compte tenu de toutes les contraintes inhérentes à une bureaucratie internationale, j'ai essayé d'instaurer un roulement au sommet de la hiérarchie. Avec le Comité supérieur de gestion, j'entends disposer d'un outil capable de prendre des décisions de politique générale et de veiller à leur application. Le processus ainsi amorcé devrait également se traduire par des économies attendues au plan des ressources humaines et financières comme l'indiquent les documents dont vous être saisis. Ultérieurement, je suis déterminé à appliquer une politique de roulement cohérente et à améliorer le statut des femmes au HCR. A cet égard, je suis heureux de vous annoncer que le Groupe de travail permanent sur la situation des femmes au HCR, constitué en août dernier, me présentera prochainement son premier rapport. J'espère que ses recommandations contribueront grandement à rétablir l'équilibre au niveau de la représentation des femmes à tous les niveaux.

Si je suis convaincu que nous pouvons mieux exploiter nos ressources, je suis en même temps tout à fait impressionné par les ressources humaines dont nous disposons. Bien que des réductions de personnel de l'ordre de 10 à 15% soient envisagées, outre le gel du recrutement extérieur, je suis pleinement conscient qu'une restructuration et une diminution de la dotation en personnel sont, à court terme, déstabilisantes. Mon objectif est donc d'y parvenir en provoquant le moins de bouleversements possibles et en adoptant une structure stable ayant le soutien du personnel. J'ai donc l'intention, et je le dois au personnel, d'agir dans le plus profond respect pour ces personnes et d'arriver à la réduction nécessaire du nombre de postes avec le moins de conséquences possibles pour leurs titulaires. Des plans sont actuellement à l'étude concernant la fermeture et la cessation graduelle d'activités de 10 à 15 bureaux extérieurs. Une fois encore, il nous faut procéder avec prudence et ne négliger aucun aspect d'ordre diplomatique, financier et matériel, étant bien entendu que notre considération primordiale es le bien-être des réfugiés concernés.

La deuxième grande ligne de ma stratégie financière est d'intensifier nos efforts pour trouver de nouveaux donateurs. L'appui toujours croissant des donateurs traditionnels et les sollicitations dont ils ne cessent de faire l'objet imposent au HCR d'aller plus loin cette voie. Je suis convaincu qu'il faut se préparer avec le plus grand soin pour se lancer dans l'exploration de nouvelles sources de financement. Ce travail préparatoire a déjà été entrepris et sera intensifié au cours des mois à venir. J'espère être en mesure d'ici à la fin de l'année de vous présenter un rapport sur les premiers résultats concrets de cette approche.

La troisième grande ligne est le secteur privé. J'ai déjà pris contact et participé à des rencontres avec de grandes sociétés industrielles. Nous étudions également le potentiel de fondations privées. Bien que, pour être franc, je ne pense pas que les résultats soient à la mesure du temps et des efforts consacrés, nos initiatives sont à ce jour très embryonnaires et doivent être encore développées avant que l'on puisse tirer des conclusions. Il va de soi, néanmoins, que nous avons besoin de soutien sans réserve des donateurs traditionnels pour nous engager dans cette nouvelle voie.

J'ai déjà fait allusion aux quatrième et cinquième grandes lignes de ma stratégie financière : les outils politiques et le rapatriement librement consenti. Bien que je sois extrêmement conscient de mon mandat apolitique, j'ai l'intention de ne laisser passer aucune initiative politique et d'attirer l'attention des parties concernées lorsqu'à mon sens elles peuvent, soit éviter une situation de réfugiés, soit permettre de trouver une solution aux problèmes existants ces initiatives pourraient souvent porter leurs fruits dans la promotion et la poursuite de mouvements de rapatriement librement consenti. Cette dernière solution ne représente pas seulement l'intérêt supérieur des réfugiés mais permet également de libérer des ressources pouvant être utilisées ailleurs.

La sixième et dernière grande ligne de ma stratégie financière est bien évidement les dominateurs traditionnels. Là, je tiens à exprimer la vive reconnaissance du HCR pour leur générosité jamais démentie. L'augmentation constante de leurs contributions au cours des dernières années et, en fait, au cours des cinq premiers mois de cette année, est une source d'encouragement sans égale pour le HCR.

Monsieur le Président, je serais très reconnaissant aux membres de ce Comité de me faire part de leurs idées sur les moyens d'améliorer l'assise financière du HCR. Entre-temps, mous avons besoin de votre appui pour que le HCR continue à s'acquitter de sa tâche sans interruption brutale jusqu'à ce que nous puissions constater les résultats de nos efforts conjugués.

Le budget que nous soumettons à l'approbation du Comité exécutif est, comme vous le savez, le résultat d'une opération délicate, parfois douloureuse, impliquant des coupures dans trois domaines : fourniture de l'assistance aux réfugiés, gouvernements hôtes et personnel du HCR. Je n'entrerai pas dans les détails chiffrés, et je ne vous parlerai pas de l'incidence que ces diverses coupures budgétaires ont eue sur notre programme. Cette information, vous la trouverez dans les documens présentés au Comité exécutif et vous l'entendrez dans l'exposé du Haut Commissaire adjoint. Je voudrais toutefois vous répéter, Monsieur le Président, toute la préoccupation que m'inspire la situation financière du Haut Commissariat. Non seulement nous sommes aujourd'hui confrontés à un calendrier extrêmement serré en matière d'engagements financiers pour le dernier mois de ce semestre et pour le reste de 1990, mais encore nous n'avons aucune indication quant aux ressources qui seront mises à notre disposition en 1991. J'ai appris que l'année dernière les comptes du HCR comportaient plus de 800 entrées représentant au total les 500 millions de dollars reçus sous forme de contributions, et cela en un peu plus de douze mois. Ce n'est qu'en janvier 1990, que mes collaborateurs ont su que l'Office recevrait les recettes projetées pour 1989. Ce manque de prévisibilité, et par conséquent de stabilité, doit retenir toute notre attention si nous entendons gérer notre budget de façon professionnelle et rentable.

Nous somme convaincus que le budget révisé que nous soumettons pour 1990 représente un équilibre raisonnable entre les besoins des 15 millions de réfugiés du monde et les recettes que nous pouvons raisonnablement escompter pour cette année. A cet égard, nous somme encouragés par l'accroissement des contributions enregistrées non seulement au cours des quatre dernières années mais aussi au cours des cinq derniers mois. Je souhaite, à ce propos, exprimer mes chaleureux remerciements au Président du Comité exécutif pour les efforts qu'il a déployés afin de renforcer l'assise financière du HCR. Pour être plus précis, je voudrais dire également que son appel du 7 mai, au nom des membres de ce Comité, est une précieuse source d'encouragement pour le Haut Commissariat.

Puis-je, à cet égard, exprimer ma profonde reconnaissance au Premier ministre de la Suède pour l'initiative qu'il a prise de solliciter plus de 60 gouvernements en vue d'obtenir leur appui aux programmes du HCR pour les réfugiés. Son appel lancé au plus haut niveau, invoquant le responsabilité de toutes les parties concernées pour trouver une solution équilibrée au problème des réfugiés, est à la fois unique et exemplaire.

J'apprécie également beaucoup la compréhension et les contributions des pays hôtes pour répondre aux besoins des réfugiés. Cette générosités s'inscrit dans un contexte où les pays hôtes appauvris, dans la plupart des cas appartenant au groupe des pays les moins développés, assistant à une détérioration constante du niveau de vie de leurs propres citoyens et où, également, le nombre de réfugiés ne cesse de s'accroître dans un certain nombre de pays, 300 000 de plus au cours des six derniers mois. Cette situation grave est tout particulièrement critique sur le continent africain qui accueille une part très importante de la population réfugiée de monde. Nous devons cependant savoir qu'en arrivant en grand nombre dans les plus pauvres pays du monde, les réfugiés aggravent les difficultés existantes ; leur présence et les pressions qu'ils exercent sur des infrastructures déjà mises à l'épreuve s'ajoutent aux graves problèmes locaux. Dans de nombreux cas, les réfugiés constituent un obstacle de plus aux efforts de développement. Afin d'aider les réfugiés et la population locale à mettre un terme au cercle vicieux de la pauvreté, il est impératif de compléter les investissements limités du HCR dans le domaine humanitaire par des ressources plus importantes de la part d'organisme compétents en matière de développement. Telle est la toile de fond sur laquelle s'inscrit ma lettre du 11 avril 1990 à tous les organisme compétents des Nations Unies et aux organisations internationales. J'ai la ferme intention de donner suite à cette démarche et je compte sur le soutien des membre de ce Comité dans les diverses instance où ces questions sont traitées.

Comme vous l'aurez deviné, la crise financière préoccupante a pratiquement occulté ma fonction principale, celle d'accorder une protection internationale aux réfugiés. Cela ne veut pas dire toutefois qu'aucun événement important ne soit à signaler dans le domaine de la protection des réfugiés. Certains événements sont positifs et portent à l'optimisme, comme par exemple les changements intervenus dans les pays d'origine qui facilitent le rapatriement librement consenti des réfugiés, et la levées de la réserve géographique à la Convention de 1951 prononcée par deux Etats.

Par ailleurs, certains de ces événements sont très préoccupants. Par exemple, nous venons d'apprendre que des milliers de personnes ont été victimes de refoulement, de rejet, d'expulsion, d'extradition et, dans certains pays, des demandeurs d'asile et des réfugiés sont toujours détenus dans des conditions inhumaines. N'est-ce pas une ironie du sort de voir qu'à un moment où les droits de l'homme sont de plus en plus respectés dans des régions du monde où ce concept était jusque la ignoré, le droit des réfugiés à la protection est de plus en plus bafoué ailleurs ? je suis inquiet de constater le durcissement de l'attitude de nombreux pays de monde à l'égard de ceux qui cherchent une protection en la qualité de réfugié.

Je sais que l'une des conséquences de la régression économique et sociale dans les pays en développement a été l'augmentation des mouvements migratoires tant au plan national qu'international. A cet égard, je crains que les demandeurs d'asile authentiques n'en viennent parfois à être traités aux frontières comme des migrants économique fuyant la pauvreté plutôt que comme des réfugiés échappant à la persécution, politique ou autre. Ma première préoccupation, c'est naturellement que les réfugiés trouvent un have sûr et que l'asile réponde à la persécution. Mais je voudrais également que la communauté internationale relève le défi de la migration et de la fuite de la pauvreté en adoptent, entre autres, une approche aux situations d'urgence orientée vers le développement.

Permettez-moi de mentionner brièvement l'exemple du Sud-est asiatique. Comment appréhender de façon véritablement globale le problème tragique des réfugiés de la mer vietnamiens ? A son sens, il n'est aucune réponse strictement humanitaire à cette question que nous devons replacer dans un contexte historique et politique complexe. Certes, l'histoire contemporaine dans cette région du monde a engendré un certain nombre de problèmes économiques et sociaux qui pèsent de plus en plus lourd sur la décision prise par de nombreux Vietnamiens de fuir leur pays. Quinze ans après la fin de la guerre en Indochine, les gouvernements, et particulièrement ceux des pays de premier asile ainsi que mon Office sont toujours aux prises avec ce cauchemar humanitaires dont on ne voit pas la fin. Il me semble que l'heure est venue pour nous de reconnaître que, si nous ne nous attaquons pas aux causes profondes, cet exode a toutes les chances de se poursuivre en dépit des efforts du HCR. Si cette prédiction devait être avérée, la conséquence en serait une érosion plus grave encore de la bonne volonté des gouvernements de la région et un manquement possible aux principes et à la pratique du premier asile, compte tenue de l'arrivée ininterrompue de demandeurs d'aile dans le cadre de mouvements qui, ces dernières années, sont de plus en plus clairement migratoires. Pris, comme nous le serions inévitablement, dans une telle spirale, notre aptitude à protéger et à assister les réfugiés authentiques serait gravement, voire irrémédiablement, hypothéquée. En dernier ressort, cette région sombrerait une fois encore dans l'abîme, avec son lourd tribut en souffrances et en vies humaines en haute mer. De toute évidence, nous ne pouvons accepter le naufrage d'efforts humanitaires multilatéraux dans un domaine où, dans le passé, l'action concertée de la communauté internationale a produit des résultats aussi impressionnants. J'exhorte tous les gouvernements à assumer leurs responsabilités respectives pour qu'un consensus se dégage sur une solution à ce problème. Je renouerai prochainement mes contacts directs avec les gouvernements concernés pour parvenir à ce consensus.

Monsieur le Président, nous n'avons que trois jours et je voulais être aussi bref que possible. Je n'ai donc pas parlé de l'importance que j'attache au rôle et au partenariat des organisations non gouvernementales. Dans un certain nombre de réunions avec les ONG depuis janvier dernier, j'ai cependant essayé de définir et de mettre en pratique mes idées dans ce domaine. Je me réjouis de la poursuite de contacts en la matière. Je n'ai pas parlé non plus de l'importance évidente que j'attache aux besoins et aux ressources spécifiques des femmes réfugiées ainsi qu'à la nécessité de les intégrer dans tous les aspects des activités de HCR. Je puis vous assurer que mon expérience passée m'impose de placer ce souci au premier rang de mes priorités. Je n'ignore pas non plus que les femmes et les enfants réfugiés constituent la grande majorité des réfugiés du monde. J'entends résolument éviter que les enfants réfugiés et leurs aspirations à l'éducation et à la recherche d'un avenir meilleur, ne soient les victimes de nos problèmes financiers. J'espère également que le prochain Sommet mondial sur les enfants attirera l'attention des plus hauts responsables gouvernementaux sur le sort des enfants réfugiés.

Monsieur le Président, à la fin de cette année, en décembre, le HCR célébrera son quarantième anniversaire. Chez les êtres humains, on parle parfois de crise de la quarantaine. Certes, il est évident que le HCR traverse actuellement une période difficile. A mon avis, il ne sert à rien de s'appesantir sur le passé si ce n'est dans de domaines où nous pouvons tirer une leçon de nos errements. Je suis convaincu que le HCR sortira renforcé de cette crise. Les relations étroites qui se sot développées entre le Comité exécutif et le HCR sont, à cet égard, un atout précieux. Je crois également que le besoin qu'a le HCR de redéfinir et de réadapter son rôle à un monde en mutation, tant au plan de la rationalisation nécessaire de l'institution qu'un plan de sa capacité à saisir toutes les chances possibles de solutions, fera sa force. Enfin et surtout, je suis sûr que, fort de ses quarante années d'expérience et de maturité, le HCR, lorsqu'il se tournera de façon constructive et réaliste vers on avenir, sera mieux à même de faire face aux réalités des années 1990. Au cours de son histoire, le HCR a aidé quelque 26 millions d'êtres humains à trouver une solution durable à leur problème. Il ne sont plus réfugiés. Nous devons aujourd'hui avoir comme point de mire les 15 millions de personnes, femme, enfants et hommes, qui attendent une telle issue. Je ne vois pour nous aucune ambition plus noble que celle de réunir les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de solutions à leur sort. Je me réjouis d'oeuvrer avec vous à la réalisation de cet objectif.

Merci, Monsieur le Président.