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Déclaration de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Conférence sur la couverture des besoins humanitaires des réfugiés et des déplacés internes en Iraq et dans les pays voisins

Discours et déclarations

Déclaration de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Conférence sur la couverture des besoins humanitaires des réfugiés et des déplacés internes en Iraq et dans les pays voisins

17 Avril 2007
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Genève, 17 avril 2007

(Vérifier à l'audition)

Excellences,
Distingués délégués,
Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui, faisant la une des journaux télévisés et de la presse écrite sur toute la planète, l'Iraq est probablement le conflit le plus connu au monde. Mais bien qu'il soit sous les feux de la rampe, l'Iraq est peut-être également la crise humanitaire la moins bien cernée.

On a accordé trop peu d'attention à la tragédie du déplacement qui se trame dans l'ombre. L'exil des Iraquiens est une longue histoire.

Après 2003, la perspective de son terme a incité plus de 300 000 Iraquiens à rentrer chez eux, essentiellement depuis les pays de la région. Mais l'escalade dramatique de la violence confessionnelle, en particulier après la tragédie de Samara, a inversé cette tendance.

L'ampleur du problème parle d'elle-même. Dans le cadre du déplacement le plus important qu'ait connu le Moyen-Orient depuis les événements tragiques de 1948, un Iraquien sur huit a été chassé de son foyer. Environ 1,9 million d'Iraquiens sont actuellement déplacés dans le pays et 2 millions sont partis à l'étranger.

La situation est également préoccupante pour les réfugiés non iraquiens à l'intérieur du pays. Les Palestiniens, en particulier, ont été ciblés par ces violences, comptant 600 victimes à ce jour et plus de 15 000 personnes dans l'incapacité de fuir le pays.

Si ce déplacement massif a été largement méconnu, c'est en partie du fait que la plupart des gens qui fuient ne partent pas vers des camps très visibles mais sont absorbés par des communautés hôtes en Iraq et dans les Etats voisins. C'est la population urbaine la plus importante jamais prise en charge.

Mais ces communautés hôtes ploient sous ce fardeau extraordinaire alors que les souffrances des déplacés ne cessent de s'aggraver.

Mesdames et Messieurs,

Ce sont bien évidemment les Iraquiens qui paient le plus lourd tribut dans cette crise humanitaire.

Deux pays voisins, la République arabe syrienne et la Jordanie, ont toutefois fourni l'essentiel de la protection et de l'assistance humanitaire et j'aimerais rendre ici un vibrant hommage à leur générosité. Plus de 1 million de personnes ont cherché refuge en République arabe syrienne et 750 000 d'entre elles en Jordanie. L'impact de ces arrivées sur l'économie, la société et l'infrastructure de ces pays est considérable. L'heure est venue pour la communauté internationale de répondre dans un esprit de solidarité à la situation des Iraquiens déplacés et de leur apporter une assistance sans faille ainsi qu'aux Etats qui les accueillent.

D'autres pays sont également dignes d'éloges. Les réfugiés se sont également déplacés vers l'Egypte, le Liban, la République islamique d'Iran et la Turquie et en nombre variable vers d'autres pays. En 2006, les Iraquiens sont devenus le groupe le plus important de demandeurs d'asile dans les pays industrialisés, rang qu'ils occupaient en 2002.

J'ai eu l'occasion de rencontrer les réfugiés iraquiens en République arabe syrienne et en Jordanie et de me rendre compte « de visu » de la gravité de leur sort. Ils appartiennent à toutes les couches de la société : riches et pauvres, personnes âgées et enfants, cadres prometteurs et veuves en détresse, familles déchirées.

En tant que Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, j'ai demandé aux Etats de fournir une protection à ceux qui ont cherché refuge sur leur territoire. J'estime que les Iraquiens en général, s'ils fuient le conflit et l'insécurité, obéissent à la définition du réfugié. Mais pour moi, au-delà du fait qu'une personne soit qualifiée ou non de réfugiée, le plus important c'est qu'elle se voit accorder une protection tangible. Les pays de la région ont accueilli les Iraquiens dans la tradition arabe et musulmane de l'hospitalité, leur garantissant une sécurité conformément au concept d'« Aman », clairement présent dans la loi islamique depuis le Coran.

Mesdames et Messieurs,

Il est évident que l'intégration d'un aussi grand nombre d'Iraquiens dans les pays d'asile ne constitue pas une solution. La réinstallation dans des pays tiers n'est une réponse que pour les plus vulnérables. La meilleure solution pour l'immense majorité des réfugiés iraquiens sera tout naturellement leur retour volontaire dans la sécurité et la dignité une fois que les conditions le permettront.

Ce sont des réfugiés qui ont fui la violence généralisée et non pas une politique gouvernementale de persécution. Pour cette raison et dans l'attente de leur retour ultérieur, il est essentiel qu'ils maintiennent des liens avec leur pays. Et dans ce domaine, personne ne peut se substituer à l'action et à l'initiative du Gouvernement iraquien. Au cours de ma visite à Bagdad il y a deux semaines, j'ai été très encouragé de voir que les autorités étaient prêtes à appuyer les Iraquiens à l'étranger et à coopérer avec les gouvernements des Etats hôtes.

A l'intérieur de l'Iraq, tout doit être fait pour éviter une fuite ultérieure. Nous ne connaissons que trop bien les conséquences dévastatrices d'un sectarisme incontrôlé. Des efforts doivent être déployés le plus tôt possible pour éviter les déplacements prolongés et un exil sans fin. Notre objectif doit rester le retour volontaire dans le contexte de la réconciliation nationale.

Nous intensifions nos activités et nous donnons les moyens de mieux venir en aide aux Iraquiens les plus vulnérables dans les pays voisins et à l'intérieur de l'Iraq, y compris moyennant le déploiement d'une présence internationale à Bagdad. Mais nos efforts et ceux des autres institutions humanitaires ne sont qu'une goutte d'eau dans l'Océan.

Le HCR se félicite de l'établissement, la semaine dernière, du Cadre stratégique des Nations Unies pour l'action humanitaire en Iraq. Nous assumerons notre entière responsabilité vis-à-vis des déplacés internes, de concert avec nos institutions soeurs, et en coopération avec le Gouvernement, afin d'atteindre davantage de personnes en situation de risque à l'intérieur du pays.

Mesdames et Messieurs,

Il s'agit d'une conférence sur un problème humanitaire et mon institution agit dans le cadre strict d'un mandat fondé sur les droits. Nous n'avons d'autre agenda que les hommes - les hommes et les femmes qui souffrent et qui ont besoin de protection, de l'assistance et d'une solution à leur détresse. Mais nous savons tous que les problèmes humanitaires sont les symptômes d'une maladie dont le remède ne peut être que politique.

Toutes les entités concernées seront des acteurs essentiels dans la recherche de cette solution politique. Nous nous félicitons de la rencontre récente des Etats concernés à Bagdad le 10 mars dernier. Nous envisageons avec intérêt des initiatives similaires et nous engageons à soutenir le Groupe de travail chargé des questions de réfugiés et de contribuer à son succès.

Les besoins considérables des Iraquiens et les défis auxquels sont confrontés les pays hôtes requièrent une expression urgente et significative de solidarité de la part de la communauté internationale, si bien représentée ici aujourd'hui, ainsi qu'une action efficace pour se répartir le fardeau humanitaire. Cela inclut un appui financier, économique et technique mais également un accroissement des possibilités de réinstallation pour les plus vulnérables. La générosité des pays hôtes doit appeler en miroir celle de la communauté internationale tout entière.

Le maintien de frontières ouvertes, la garantie pour les Iraquiens en quête de sécurité de ne pas être renvoyés vers des situations où ils seraient en danger et où ils ont accès à une protection et à des conditions de vie décentes, la réaffirmation de l'importance du respect des droits fondamentaux de l'homme et des principes humanitaires, telles sont les responsabilités que nous devons tous assumer, et pas simplement les pays de la région.

Mesdames et Messieurs,

Cette conférence n'est qu'un premier pas dans ce qui sera, nous l'espérons, un dialogue suivi ainsi qu'une réponse coordonnée et globale à la crise humanitaire en Iraq. Nous sommes prêts à coopérer avec l'ensemble des acteurs pour veiller à ce que l'espace de protection soit préservé, que la dignité des Iraquiens déplacés soit sauvegardée et que les communautés d'accueil reçoivent un appui efficace.

La dimension humanitaire du problème ne peut plus être ignorée. Presque 4 millions d'Iraquiens nous regardent aujourd'hui. Leurs besoins sont évidents, tout comme l'impératif moral de leur venir en aide. Nous tous - représentants de gouvernements, organisations internationales et membres de la société civile - sommes aujourd'hui dans l'obligation d'agir.

Merci.