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Journée mondiale de lutte contre le SIDA : L'amour pour surmonter la discrimination

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Journée mondiale de lutte contre le SIDA : L'amour pour surmonter la discrimination

Lorsqu'Ana a été diagnostiquée séropositive, elle s'attendait à une aide et de la compassion de la part de la collectivité locale. En fait, elle a été chassée de son village.
5 Décembre 2011 Egalement disponible ici :
Ana et Eduardo à Cucuta

CÚCUTA, Colombie, 1er décembre (HCR) - Lorsqu'Ana* a été diagnostiquée séropositive il y a cinq ans, elle s'attendait à recevoir de l'aide et de la compassion de la part de la collectivité locale. En fait, elle a été chassée de son village dans une région rurale du département de Norte de Santander, en Colombie.

Des avis de recherche ont été affichés dans les hôpitaux et d'autres bâtiments publics, tandis que la station de radio locale diffusait des annonces selon lesquelles elle était une « sidéenne », une personne séropositive, et qu'elle n'était définitivement pas la bienvenue. Des dépliants exhortant le public à transmettre des renseignements sur ses allées et venues étaient distribués partout dans la ville. Ana a révélé qu'un homme l'avait menacée et « lui avait dit qu'elle n'était bonne qu'à recevoir une balle dans la tête. »

En raison des persécutions et des menaces croissantes, Ana, enceinte, s'est réfugiée dans la capitale provinciale, Cúcuta, où elle a donné naissance à Juan Pablo*, un beau garçon en santé. « J'avais peur qu'ils n'arrêtent l'ambulance pour me tuer. Je suis arrivée seule à l'hôpital ; ma soeur était partie. Je me suis assise sur une chaise de plastique vert, sans rien, incapable de parler, en pleurs », relate-t-elle.

Par la suite, la femme de 35 ans, son nouveau-né et sa fille de six ans se sont rendus dans un centre d'accueil pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA géré par la fondation HOASIS. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés appuie le projet. L'agence pour les réfugiés a financé une salle et une aire de jeux pour les enfants, dans le cadre d'une politique visant à faciliter l'intégration de ce groupe vulnérable.

Le cas d'Ana est un exemple de tout ce qu'il reste à faire pour sensibiliser sur la prévention et la lutte contre le VIH/SIDA, en particulier dans les régions rurales éloignées, et lutter contre la stigmatisation, la discrimination et les persécutions que subissent toujours de nombreuses personnes séropositives, dont le nombre est estimé aujourd'hui à 34 millions. Selon le Réseau colombien pour les personnes atteintes du VIH/SIDA (RECOLVI), 27% des personnes déclarées se sont vu refuser un traitement médical au moins une fois.

Jeudi, à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le SIDA, le Haut Commissaire pour les réfugiés António Guterres a déclaré que le HCR devait « redoubler ses efforts de défense des intérêts et de collaboration avec les gouvernements, afin de veiller à ce que les réfugiés et les autres personnes relevant de sa compétence soient inclus dans les programmes nationaux de lutte contre le VIH et que leurs droits d'accès aux services, aux traitements, aux soins et au soutien soient protégés. Nos efforts de protection doivent garantir que ces personnes ne font pas l'objet de discrimination ou de stigmatisation parce qu'elles sont séropositives et qu'elles peuvent accéder aux régimes existants de protection sociale. »

Ana a continué à être stigmatisée après s'être enfuie de son village, y compris lorsqu'elle a tenté une fois d'y revenir. Mais on lui a également témoigné de l'amour et de la compréhension, en commençant par le centre d'accueil HOASIS, où elle a rencontré son partenaire, Eduardo*, un bénévole du centre. « Pour être honnête, j'ai d'abord eu le coup de foudre pour Juan Pablo (né séronégatif), puis pour Ana. Qu'elle soit séropositive m'importait peu », a-t-il affirmé au HCR.

Ana croyait qu'elle pourrait célébrer son premier Noël dans sa ville natale, mais elle s'est vite aperçue que rien n'avait changé. Après avoir été menacés, ils ont passé une terrible nuit à attendre le bus du matin. « J'avais vraiment peur, car je n'avais jamais rien vécu de tel », a confié Eduardo.

Avec une valise, quelques vêtements et 100 000 pesos colombiens (50 dollars), Ana, Eduardo et les deux enfants ont commencé une nouvelle vie dans une autre ville. Eduardo travaillait comme ouvrier en bâtiment et gagnait un salaire suffisant pour louer un appartement. Mais des rumeurs ont commencé à circuler sur l'état de santé d'Ana et ils sont rentrés à Cúcuta.

Eduardo a pu reprendre son travail au centre d'accueil HOASIS, mais le traitement qu'ils ont subi l'a laissé amer. Ils ont envisagé des recours judiciaires pour obtenir une compensation. « L'avenir de Juan Pablo ne peut pas se construire sur des miettes », a soutenu Eduardo.

La famille n'a jamais été confrontée à la discrimination à Cúcuta, mais elle est douloureusement consciente des obstacles que doivent surmonter les personnes vivant avec le VIH dans les communautés conservatrices, généralement illettrées : la stigmatisation et la désinformation. Il s'agit surtout d'un problème rural, mais il est également important dans les régions urbaines de la Colombie.

Les institutions d'État, en particulier à la campagne, sont mal outillées pour fournir l'aide et les services adéquats aux personnes vivant avec le VIH, surtout celles qui sont déplacées. Le HCR s'emploie à former les fonctionnaires, y compris des avocats, des travailleurs du secteur de la santé publique et des administrateurs, sur les droits des personnes infectées par le VIH/SIDA envers qui la discrimination est interdite en vertu de la Constitution.

Le HCR cherche à susciter le dialogue entre la société civile et l'État afin de créer une dynamique qui permettrait d'améliorer la qualité de vie des personnes infectées par le VIH/SIDA. Des programmes sont mis en place pour défendre leurs droits et éviter la discrimination en raison des déplacements, de l'orientation sexuelle, du sexe ou d'un diagnostic de séropositivité.

Nicolás Salazar, directeur de la fondation Provida (un partenaire du HCR), a souligné que l'infection au VIH ne devait pas détruire la vie d'une personne. « Aussi difficile que puisse devenir la situation, il y a toujours quelque chose de bien à espérer », affirme-t-il, en ajoutant que pour lui : « Ana et Eduardo représentent l'amour pur, un amour qui pourrait surmonter la maladie, les déplacements et la pauvreté ; un amour qui est noble parce qu'il a réussi à sauver ces deux vies. »

*Les noms ont été changés pour des raisons de protection.

Par Johanna Reina à Cúcuta, en Colombie