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Une réfugiée syrienne et championne de nage porte secours à d'autres réfugiés

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Une réfugiée syrienne et championne de nage porte secours à d'autres réfugiés

Quand leur bateau est tombé en panne au large de la Grèce, Sarah et Yusra Mardini, toutes deux nageuses d'élite, ont sauvé 18 réfugiés de la noyade. Aujourd'hui, Sarah travaille bénévolement en tant que nageur-sauveteur-secouriste dans cette même région.
27 Décembre 2016 Egalement disponible ici :
Sarah Mardini a fui la guerre en Syrie et elle a traversé la mer Egée.

À bord du bateau de recherche et sauvetage qui patrouille en mer Égée, Sarah Mardini, nageur-sauveteur-secouriste bénévole, balaie l'horizon derrière ses jumelles pour repérer les embarcations de réfugiés en provenance des côtes turques.


Accompagnée de sa jeune sœur Yusra, elle a elle-même effectué la périlleuse traversée jusqu'à Lesbos en août 2015 après avoir fui la guerre dans leur Syrie natale.

Toutes deux nageuses d'élite, les jeunes femmes ont captivé le public du monde entier, d'abord parce qu’elles ont sauvé 18 de leurs compagnons d'infortune après la panne de moteur de leur fragile embarcation, puis quand Yusra s'est taillé une place dans l'histoire en intégrant à 18 ans la première équipe d’athlètes réfugiés aux Jeux olympiques de Rio 2016.

À l'automne dernier, Sarah est retournée à Lesbos pour devenir à 21 ans nageur-sauveteur-secouriste bénévole du Centre international d'intervention d'urgence (ERCI), une organisation humanitaire grecque à but non lucratif dont la mission est de secourir les réfugiés en détresse qui tentent d'atteindre les côtes grecques.

« Je leur parle pour les rassurer. Je leur dis : ‘je sais ce que tu ressens parce que j'ai traversé la même expérience. »

Ils sont quatre dans l'équipe : une secouriste, le capitaine, un médecin et un traducteur. Dans l'eau, c'est souvent Sarah qui calme les réfugiés dont beaucoup ne savent pas nager.

« Je leur parle pour les rassurer. Je leur dis : ‘je sais ce que tu ressens parce que j'ai traversé la même expérience. Je sais ce que c’est et j'ai survécu’ », explique-t-elle. « Alors, ils se sentent mieux, parce que je suis une réfugiée comme eux. »

D'après le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, cette année a été la plus meurtrière pour les réfugiés et les migrants qui ont tenté de traverser la Méditerranée. Plus de 5000 personnes ont perdu la vie, pour la plupart en Méditerranée centrale.

Ce lourd bilan souligne l'importance des équipes de sauvetage comme celle de l'ERCI.

L’ERCI travaille avec les garde-côtes grecs et Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, afin de sauver les personnes en détresse qui ont rejoint les eaux territoriales grecques. La Grèce a reçu cette année plus de 172 800 réfugiés et migrants, contre près de 857 000 l’an dernier. Quelques dizaines de réfugiés continuent d'atteindre Lesbos chaque semaine.

Sarah et Yusra ont grandi à Damas où elles ont appris à nager avant de savoir marcher. Entraînées par leur père, un entraîneur professionnel, elles faisaient partie des meilleures clubs de natation et elles ont participé à des compétitions en Syrie et à travers tout le monde arabe, y compris au sein de l’équipe nationale de natation syrienne.

À mesure que la guerre empirait, la famille n'a cessé de déménager pour se mettre à l'abri des combats. Leur maison d'enfance a été détruite. L'année dernière, la famille a décidé d'essayer de faire passer Sarah et Yusra en Turquie, puis en Europe, en compagnie de deux hommes de la famille.

La traversée ne leur faisait pas peur, raconte Sarah, même cette nuit-là sur une côte turque, où 20 personnes ont essayé de s'entasser dans un canot pneumatique prévu pour huit passagers au plus.

« On n'avait pas peur parce qu'on était ensemble, » dit Sarah. « Chaque fois qu’on est ensemble ma sœur et moi, même si c'est très dur, on arrive toujours à en rire. Si j'avais été seule ou si elle avait été seule, on n’aurait pas réussi à s'en sortir. C'est parce qu'on était toutes les deux qu'on y est parvenu. »

Les problèmes ont vite commencé après le départ du bateau. Avec le moteur en panne, le bateau a commencé à dériver et à prendre l'eau. Sarah était déterminée à ce que personne ne se noie. Elle s'est jetée à l'eau, suivie par Yusra. Tant bien que mal, elles ont tiré le bateau pendant trois heures et demie, pour finalement mettre tout le monde en sécurité.

« Quand on a touché le littoral, tout le monde nous a remerciées, » se souvient-elle. Mais je leur ai dit : ‘Nous sommes des nageuses, je suis maître-nageur. C'est notre travail. C'est tout à fait naturel pour nous’. »

Elle fait de cette nuit une description surréaliste. « Même aujourd'hui quand je raconte mon histoire, je n'arrive pas à y croire, » dit-elle. « C'est comme si ce n'était pas à moi que c'était arrivé. Je n'ai pas l'impression que c'est réel, même après toute une année. C'est comme si c'était un film. »

« Même aujourd'hui quand je raconte mon histoire, je n'arrive pas à y croire. »

Il leur a fallu 25 jours de voyage à pied, en train et en bus pour atteindre l'Allemagne. Peu de temps après leur arrivée, une association caritative berlinoise les a mises en contact avec un club de natation local, le Wasserfreunde Spandau 04, et c'est là qu’a commencé le parcours de Yusra jusqu'au Jeux olympiques de 2016. Sarah a abandonné la compétition en raison d'une vieille blessure à l'épaule qui s'est aggravée après leur traversée de nuit. Elles ont fait venir leurs parents et leur jeune sœur à Berlin quelques mois plus tard dans le cadre du programme de regroupement des familles.

Sarah avait prévu de retourner à Lesbos le 18 août, premier anniversaire de leur arrivée sur l'île. Mais au lieu de cela, les deux sœurs se sont retrouvées à Rio de Janeiro où Sarah a pu encourager sa sœur à la piscine olympique.

C'est à peu près à la même époque que Sarah a reçu un message Facebook d’Erik Gerhardsson, un bénévole suédois de l'ERCI. « Il disait que nous étions une source d'inspiration pour eux, que notre histoire était extraordinaire et que les enfants réfugiés sur l'île parlaient de nous comme des héroïnes, » raconte-t-elle.

« Et là, j'ai dit ‘ j'arrive’, » et il m'a répondu ‘Comment ça ? Tu arrives juste comme ça, tu es dingue ?’ Et je lui ai dit ‘oui, j'arrive’. »

« Elle est maintenant parmi nous à s'assurer qu'aucune nouvelle vie ne sera perdue dans cette périlleuse traversée. »

Elle a effectué sa première garde à l’ERCI quelques semaines après avoir intégré une équipe de 20 bénévoles originaires du monde entier.

« Sarah est une véritable héroïne, » déclare Panos Moraitis, le fondateur d'ERCI. « Après avoir risqué sa vie pour sauver 18 personnes à bord du canot qui était censé les amener jusqu'en Grèce, elle est maintenant parmi nous à s'assurer qu'aucune nouvelle vie ne sera perdue dans cette périlleuse traversée. »

C'est parfois difficile pour elle d'être de retour à Lesbos. Quand elle est sur l'eau au petit matin à patrouiller sur le bateau de l'ERCI, elle ne peut s'empêcher de repenser à cette terrible nuit. Sa première journée en tant que bénévole a été difficile. « Je n'arrêtais pas de me dire : ‘Comment nous, Syriens, avons-nous pu nous retrouver dans pareille situation’ ? » s'interroge-t-elle. « On [l’équipe d’ERCI] était là à essayer de les aider et moi, je les regardais. Ça m'a fait vraiment mal de voir mon peuple comme ça. »

Elle espère que son histoire contribuera à changer la manière dont les réfugiés sont perçus Elle a pris la parole devant l'Assemblée générale des Nations Unies à New York ainsi que dans diverses tribunes en Allemagne, en France, en Belgique, en République tchèque et en Bulgarie.

À l'automne prochain, Sarah espère reprendre ses études universitaires sur les droits de l'homme, une thématique qu’elle étudiait déjà en Syrie. Elle rêve de créer sa propre organisation non gouvernementale. Elle dit à son propre sujet : « Je suis juste une personne normale qui essaye d'apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin. »