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En Corée du Sud, un restaurant yéménite flatte les palais et séduit les cœurs

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En Corée du Sud, un restaurant yéménite flatte les palais et séduit les cœurs

Sur l'île sud-coréenne de Jeju, un restaurant tenu par des chefs cuisiniers et des serveurs, tous des Yéménites, invite les réfugiés et les locaux à gouter aux spécialités culinaires de leur pays.
13 Février 2019 Egalement disponible ici :

Avant l’ouverture d’un restaurant yéménite l’année dernière sur cette île paradisiaque sud-coréenne, Kim Hee-yeol ignorait presque tout de la nourriture et de ce pays ravagé par la guerre.


Toutefois, après y avoir goûté aux brochettes, au pain plat et au houmous préparés par des chefs réfugiés et apportés à table par d’enthousiastes serveurs yéménites, Kim s’est familiarisée avec la gastronomie et le Yémen.

« Déguster des plats préparés et servis par des Yéménites me donne l'impression de mieux connaître le Yémen », révèle Kim, au milieu d’une foule de convives composée de Coréens, de Yéménites et de touristes, un vendredi soir au restaurant Wardah.

« Quand le serveur a essayé de prendre ma commande en coréen à l'aide d'une application de traduction, cela m’a touchée. Ils s'efforcent vraiment de s'adapter ici », explique-t-elle.

« Déguster des plats préparés et servis par des yéménites me donne l'impression de mieux connaître le Yémen. »

Au printemps dernier, 500 Yéménites ayant fui la guerre civile dans leur pays sont arrivés à Jeju, une île touristique très animée au large de la côte sud de la Corée du Sud où les permis de séjour ne sont pas nécessaires.

Leur arrivée massive et quelque peu inhabituelle a suscité des inquiétudes tant sur l'île que sur le continent, où les Coréens sont peu exposés à la question des réfugiés ou des musulmans. Le restaurant s’efforce aujourd’hui de modifier cette perception grâce à ses spécialités culinaires.

Wardah, qui signifie « fleur » en arabe, est l'idée d'une restauratrice et musicienne locale, Ha Min-kyung, qui a décidé d'ouvrir son studio de musique pour héberger des Yéménites après avoir appris via les médias sociaux qu’ils dormaient dans la rue, faute d'argent.

« Les Yéménites m'ont remercié avec une telle sincérité pour quelque chose de si facile à faire que j'avais presque honte », partage la jeune femme de 38 ans, les yeux embués à l’évocation de ce souvenir. « Le studio était vide la plupart du temps et tout ce que j'avais à faire, c’était de l’ouvrir. A mon niveau, c’était facile… »

Après avoir passé des mois à aider les demandeurs d'asile yéménites et à devenir leur amie, Ha s'est rendue compte que beaucoup ne mangeaient pas à leur faim car il était difficile d'obtenir de la nourriture halal de qualité à Jeju.

Avec le soutien de ses amis yéménites et coréens, elle a alors décidé d'ouvrir le premier restaurant yéménite de l'île en lui donnant le nom de Wardah, que les Yéménites lui ont également attribué. 

Le restaurant sert des plats entièrement halal, y compris des kebabs, du riz, des falafels, du poulet agdah, ainsi que du houmous et d'autres produits de base du Moyen-Orient. Les clients yéménites bénéficient d'une remise spéciale de 50 %.

« Les Yéménites m'ont remercié avec une telle sincérité pour quelque chose de si facile à faire. »

« Ce sont les saveurs de chez nous », s’enthousiasme Mohammed Ali, 37 ans, demandeur d'asile et habitué du restaurant Wardah. « Dehors, je ne mangeais que des légumes car je n'étais pas sûr que le poulet vendu dans les magasins coréens était vraiment halal. Ici je ne suis pas inquiet. »

Originaire des États-Unis, Nathan Dewan vit sur l'île depuis quatre ans et enseigne l'anglais dans une école publique coréenne. Il compte parmi les habitués.  

« La nourriture permet de nous identifier et c'est aussi un excellent moyen de faire connaître une personnalité et une histoire... C'est merveilleux d'avoir cet endroit pour combler les différences culturelles », souligne Nathan.

Le conflit en cours et la situation désastreuse au Yémen ont déplacé environ 2,3 millions de personnes à l'intérieur du pays et plus de 20 millions de Yéménites ont désespérément besoin d'une aide humanitaire. 70 000 personnes ont fui à l'étranger en quête de sécurité.

Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, est présent sur le terrain au Yémen et fournit activement une aide humanitaire d'urgence. Le HCR considère qu'un Yéménite ne peut actuellement pas retourner en sécurité dans son pays.

Pour Ha, voir son restaurant rempli de Coréens, de Yéménites et de visiteurs interagir ensemble autour d'un repas a été un plaisir inattendu.

« J'aurais ri si quelqu'un m'avait dit l'année dernière que j'allais ouvrir un restaurant yéménite », avoue-t-elle. « Avant que des Yéménites ne commencent à arriver ici, je ne savais rien du Yémen. »

Depuis 1994, la Corée a reçu près de 49 000 demandes d'asile et accueille actuellement environ 2 900 réfugiés et détenteurs d'un visa pour motif humanitaire qui proviennent de divers pays comme le Pakistan, la Chine, la Syrie ou le Yémen.

Le gouvernement sud-coréen a accordé un visa temporaire pour motif humanitaire à la majorité des 484 Yéménites qui ont demandé l'asile sur l'île et a reconnu deux d’entre eux en tant que réfugiés. Toutefois des difficultés subsistent, en particulier pour 56 requérants dont la demande a été rejetée. Ils ont le droit de faire appel de la décision et ne seront donc pas rapatriés immédiatement.

« Nous ne sommes pas venus en Corée pour l'argent ou un meilleur travail. Nous sommes venus parce que la Corée est un pays sûr. »

« Nous ne sommes pas venus en Corée pour l'argent ou un meilleur travail. Nous sommes venus car la Corée est un pays sûr et que c’était notre seule option », a déclaré Sami Al-Baadni, serveur yéménite de 23 ans au restaurant Wardah. « Nous ne pouvons pas repartir, ni aujourd'hui, ni dans un avenir proche. Si nous retournons au Yémen, nous mourrons. »

Pour sa part, Mohammed Ameen Almaamari, âgé de 35 ans et chef cuisinier de Wardah, veut la paix au Yémen et la possibilité de rentrer chez lui en toute sécurité. Auparavant, il demande aux Coréens de considérer les Yéménites comme des êtres humains, «  au-delà des différences de race, de culture et de religion. »

Tout indique que le restaurant contribue à réaliser cet espoir. Après avoir dîné à Wardah, Kim Hee-yeol réfléchit à la nécessité de faire davantage pour aider les réfugiés en ces temps difficiles.

« On peut s'inquiéter de l'inconnu, mais ce n'est pas la faute de l'inconnu, n'est-ce pas ? » note-t-elle. « J'aimerais que le gouvernement redouble d'efforts pour convaincre et rassurer le peuple sur la responsabilité de la Corée pour protéger les réfugiés. »