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Marcher sans relâche : Des Vénézuéliens traversent des chaînes de montagnes à pied

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Marcher sans relâche : Des Vénézuéliens traversent des chaînes de montagnes à pied

Affaiblis par la faim, des centaines de réfugiés et de migrants vénézuéliens traversent les hauts plateaux andins pour chercher la sécurité en Colombie et au-delà.
5 Septembre 2019 Egalement disponible ici :
Alexander Pérez, 41 ans, a atteint le pic de Berlín en Colombie, après plusieurs jours de marche depuis la frontière vénézuélienne à 135 kilomètres de là.

Avec sa chemise à manches longues, son survêtement confortable et ses chaussettes trouées protégées par des sabots Crocs, Víctor Sivira était mieux préparé que nombre de ses compatriotes pour affronter les températures glaciales de Berlín, le point le plus élevé, le plus froid et le plus traître de ce dangereux périple vers la sécurité.


Durant les centaines de kilomètres parcourus à travers la Colombie, un nombre incalculable de réfugiés et de migrants vénézuéliens a passé ce col situé à plus de 3000 mètres d'altitude après être quasiment partis du niveau de la mer.

Quatre jours auparavant, Víctor et Alexander Pérez, son ami et compagnon de voyage, ont quitté leurs foyers dans l'État de Lara au nord-ouest du Venezuela, pour passer en Colombie via le pont international Simón Bolívar qui est devenu le symbole de l'exode des Vénézuéliens.

Plus de 4 millions de Vénézuéliens ont fui les bouleversements politiques et sociaux qui ont provoqué dans leur pays une inflation écrasante, des pénuries d'aliments et de médicaments essentiels, des coupures de courant incessantes et une violence généralisée. Comme tant d'autres réfugiés et migrants vénézuéliens en quête de sécurité, Victor et Alexander se sont lancés dans un périple qui leur a fait traverser une impressionnante chaîne de montagnes, appelée le Nœud de Santurbán, plein est des Andes.

« Je n'ai jamais vécu quoi que ce soit d'aussi difficile. C'est dangereux, glacial et épuisant. »

« Je n'ai jamais vécu quoi que ce soit d'aussi difficile. C'est dangereux, glacial et épuisant. J'ai mal dans tout mon corps », dit Víctor, un ouvrier agricole de 33 ans, qui a fait fi d'un boitement prononcé — legs d'une opération bâclée, consécutive à un accident de moto, qui l’a laissé avec une jambe plus courte de quatre centimètres — pour parcourir les 135 km qui séparent la frontière tropicale des brumes de Berlín. « Ce n'est pas comme si on avait le choix. Il fallait partir. On mourait de faim. »

On ne sait pas précisément combien de Vénézuéliens ont entrepris le voyage mais d'après les données enregistrées dans les abris qui jalonnent le chemin, entre 100 et 250 personnes quittent chaque jour le pays pour rejoindre des destinations diverses, dont les villes colombiennes de Cali et Medellín — toutes deux à des centaines de kilomètres — ainsi que les pays voisins, l’Équateur, le Pérou, voire le Chili, le pays le plus au sud de de l'Amérique latine.

Ils marchent sans relâche dans l'espoir de retrouver des amis ou des parents déjà établis à l'étranger, de trouver des emplois qui leur permettront d'envoyer des fonds à ceux qui sont restés au pays ou de trouver la sécurité, la stabilité et la liberté.

Des groupes d'hommes, de femmes et d'enfants avancent péniblement le long de la route étroite et sinueuse qui mène au col de montagne et au-delà. Ils marchent en file indienne en longeant l'accotement pour échapper aux camions et aux autobus qui prennent les virages sans visibilité à tombeau ouvert.

Ils essaient souvent de se faire embarquer par les camions, mais comme la police vénézuélienne sanctionne les personnes qui transportent des Vénézuéliens, les conducteurs sont peu enclins à leur venir en aide.

Certains de ceux aujourd'hui appelés caminantes, ou marcheurs, portent des sacs à dos ; d'autres traînent des valises encombrantes ou serrent contre eux des nourrissons ou des bambins épuisés. Ils sont en shorts et en T-shirts, avec des tongs ou de vieilles baskets élimées quand encore elles ne sont pas complètement trouées. Certains n'ont même pas de chaussures.

Ils s'arrêtent pour manger et dormir dans les cuisines et les abris populaires — gérés par des organismes de bienfaisance, des organisations humanitaires et même des personnes privées — qui jalonnent le chemin. Quand il n'y a plus de place dans les abris, ils dorment le long de la route, soumis aux éléments. Plus ils montent, plus il fait froid. Ils s'enveloppent dans ce qu'ils ont — draps, serviettes, chaussettes en guise de mitaines — pour écarter les vents et les températures souvent glaciales.

Certains y ont laissé leur vie. Une jeune femme de 19 ans a récemment été tuée, percutée par un camion devant un abri. D'autres, déjà considérablement affaiblis par les pénuries alimentaires au Venezuela, tombent malades en chemin.

Selon une récente enquête réalisée par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de la moitié des quelque 8000 Vénézuéliens interviewés risquent beaucoup en chemin, que ce soit en raison de leur âge, de leur sexe, de leur santé ou d'autres circonstances qui les rendent hautement vulnérables et en grand besoin de protection et de soutien.

Grexys González a été hospitalisée en raison d'une dysenterie amibienne le troisième jour de son périple, dans la banlieue de la ville colombienne de Pamplona. Originaire de la banlieue d’El Tigre dans le nord du Venezuela, cette comptable de 29 ans n'avait pas d'autre choix que d'entreprendre le voyage car l’entreprise de services pétroliers que l’employait a cessé de payer ses salariés, la laissant dans l'impossibilité de régler les visites mensuelles chez le médecin pour sa fille hypoglycémique de trois ans.

« Je savais que c'était très risqué, mais je savais que si je ne prenais pas le risque, ça irait de pire en pire », explique-t-elle en levant la voix pour se faire entendre parmi la soixantaine d'autres femmes, enfants et nourrissons entassés dans l'abri où elle a passé la nuit après sa sortie de l'hôpital.

« Je savais que c'était très risqué, mais je savais que si je ne prenais pas le risque, ça irait de pire en pire. »

Filiforme, le visage émacié et les yeux cernés, Grexys, qui pesait 63 kg avant la crise au Venezuela, n'en faisait plus que 47 après les pénuries alimentaires dans son pays et son accès épuisant de dysenterie. Il était évident qu’elle n'était pas en mesure de poursuivre le voyage, mais sans argent et sans possibilité de passer plus de deux nuits au même endroit, elle était en bien mauvaise passe.

« Au Venezuela, nous avons un proverbe qui dit ‘Vite arrivé, vite envolé’ », dit Grexys. « C'est clair, rien de cela n'est facile. Nous vivons des temps très durs. Mais je pense que si nous pouvons traverser cette épreuve, les choses seront meilleures de l'autre côté du tunnel. »

Pour aider les réfugiés et migrants vénézuéliens vulnérables, le HCR a intensifié sa réponse et travaille en étroite collaboration avec les gouvernements hôtes et ses partenaires pour soutenir une approche globale et coordonnée. À ce titre, l'Agence apporte son concours aux États pour améliorer les conditions d'accueil aux postes frontaliers où les caminantes arrivent dans des états pitoyables et coordonner l'apport d'informations et d'assistance afin de répondre aux besoins essentiels immédiats, notamment les abris.