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Des professionnels nicaraguayens fuient au Costa Rica en quête de sécurité

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Des professionnels nicaraguayens fuient au Costa Rica en quête de sécurité

Des médecins, des avocats et des professeurs font partie des professionnels contraints de fuir leur pays en Amérique centrale pour continuer à pouvoir mener leur travail.
12 Septembre 2019 Egalement disponible ici :
Braulio Abarca, 28 ans, avocat nicaraguayen et défenseur des droits humains, dans une église de San José, la capitale du Costa Rica.

Lorsque des manifestations antigouvernementales ont éclaté au Nicaragua en 2018, Sara*, pédiatre, savait que le serment d'Hippocrate l'obligeait à traiter toute personne dans le besoin. L'avocat nicaraguayen et défenseur des droits humains Braulio Abarca a estimé qu'il était de son devoir de défendre les droits des manifestants emmenés à la célèbre prison El Chipote de Managua. Quant au professeur d'université Carlos*, sa conscience l'obligeait à se tenir aux côtés de ses étudiants pendant les manifestations.


Pour ces raisons, ces trois professionnels ont fait l'objet de représailles, d'intimidation et de menaces de mort. Tous trois ont fui pour sauver leur vie, demandant l'asile au Costa Rica voisin - qui a reçu plus de 68 000 sur les quelque 82 000 Nicaraguayens ayant fui leur pays depuis le début de la répression en avril 2018.

La répression a visé non seulement les manifestants, mais aussi toute personne soupçonnée de les aider ou même de sympathiser avec eux. Ne pouvant plus poursuivre les carrières construites à la sueur de leur front, tous trois ont dû se démener pour occuper des emplois de toutes sortes afin de pouvoir payer leurs factures.

Après l'interdiction faite aux médecins des hôpitaux publics de soigner toute personne soupçonnée d'avoir été blessée durant les manifestations, Sara*, 34 ans, mère de deux enfants, s'est jointe à un groupe de médecins, infirmières, auxiliaires médicaux et autres qui se sont associés pour traiter des patients dans le besoin. Par conséquent, elle a été la cible de représailles. Des groupes paramilitaires l'ont suivie à plusieurs reprises, a-t-elle déclaré, et ont une fois envahi la maison où elle vivait avec ses jeunes enfants.

« Ils nous ont forcés à fuir le pays… Sinon, ça aurait été la mort ou la prison. »

« J'ai décidé de partir immédiatement.... Je sentais que ma vie était menacée et je ne pouvais pas rester plus longtemps », se souvient-elle. « J'ai quitté l'hôpital où je travaillais, ma vie stable, j'ai sorti mes enfants de notre situation enviable et je les ai plongés dans une situation que je ne voudrais pas pour eux. »

Mais elle insiste sur le fait qu'elle n'avait pas le choix.

« Ils nous ont forcés à fuir le pays », a déclaré Sara, qui a demandé à cacher son identité par crainte que sa famille et ses amis encore au Nicaragua puissent être pris pour cible de la même manière. « Sinon, ça aurait été la mort ou la prison. » 

Braulio, un avocat de 28 ans qui travaillait pour une organisation appelée Centre nicaraguayen pour les droits de l'homme, a déclaré qu'il faisait face à des menaces ciblées en représailles pour avoir représenté des manifestants détenus à la prison d'El Chipote, où les militants affirment que les prisonniers sont régulièrement victimes de torture et de violences sexuelles.

« En tant que défenseurs des droits humains, nous faisions entendre la voix de personnes persécutées, qui sont réduites au silence car elles ne pensaient pas comme le gouvernement », a-t-il indiqué. Il a ajouté avoir reçu des messages via les médias sociaux disant que « si je continuais à dénoncer la police, je me réveillerais avec des mouches dans la bouche, ce qui signifie que je pourrais être tué pour... avoir simplement fait mon travail. »

Avec l'aide d'un coyote ou « passeur », Braulio a franchi la frontière poreuse au sud du Nicaragua pour entrer au Costa Rica dans l’obscurité, une nuit.

« En tant que défenseur des droits de l'homme, vous recommandez souvent aux gens de quitter le pays, pour protéger leur vie et leur liberté », a-t-il dit. « Mais devoir le faire soi-même.... devoir... prendre un sac à dos et mettre une chemise, un pantalon, une paire de chaussures et traverser la frontière clandestinement, sans pouvoir dire au revoir à sa famille...... Je ne souhaite cela à personne. »

Pour Carlos*, le professeur d'université qui a participé à des manifestations aux côtés de ses étudiants, les menaces étaient encore plus explicites. Il a décrit trois occasions différentes où on lui a tiré dessus. Au cours d’un autre incident, il a affronté des membres d'un groupe armé qui surveillaient les maisons de ceux qu’ils considéraient comme anti-gouvernementaux et lui ont dit de but en blanc qu'il allait être tué.

Ces menaces évitées de justesse l'ont fait réfléchir.

« Ma fille vit ici. Mes autres enfants viennent ici.... et mes petits-enfants vivent ici », dit Carlos, un père de trois enfants de 60 ans, qui a neuf petits-enfants et un arrière-petit-enfant. Il s'est dit : « Si je ne veux pas mettre ma famille en danger, je dois partir. »

« Ce sont des cas classiques relevant de la compétence du HCR… Il s'agit essentiellement de personnes et de leur famille qui fuient des persécutions ciblées. »

Comme Braulio, Carlos a franchi la frontière en pleine nuit et a demandé l'asile au Costa Rica.

« Ce sont des cas classiques relevant de la compétence du HCR », a déclaré César Pineda, 42 ans, qui dirige le bureau local de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés à Upala, une petite ville du Costa Rica près de la frontière avec le Nicaragua. « Il s'agit essentiellement de personnes et de leur famille qui fuient des persécutions ciblées...... Nous avons des gens qui ont été victimes de violence, certains ont été torturés, d’autres ont de très bonnes raisons d'avoir peur de retourner au Nicaragua car ils y ont été personnellement menacés. »

Pour ces trois professionnels contraints de fuir parce qu'ils ont fait leur travail ou exprimé une opinion politique, joindre les deux bouts au Costa Rica s'avère un défi majeur.

Comme la réglementation au Costa Rica l'oblige à passer par un long processus bureaucratique avant de pouvoir reprendre son travail de médecin, Sara s'est démenée pour trouver un emploi rémunéré – au point de travailler dans la restauration rapide ou en tant que caissière de supermarché. Elle a fini par trouver un poste de conceptrice de sites web. Bien qu'elle soit reconnaissante pour ce travail, elle est déçue de ne pas pouvoir mettre ces compétences à profit dans son pays d'accueil.

Braulio, quant à lui, a vécu dans un refuge avant de former un groupe avec six de ses anciens collègues - qui avaient également été forcés de fuir après le saccage des bureaux du Centre nicaraguayen pour les droits de l'homme – afin de former le Nicaragua Never Again Collective, une organisation sans but lucratif qui fournit une aide juridique à d'autres demandeurs d'asile au Costa Rica.

Carlos a vécu dans la rue avant de trouver un emploi au sein d’une ONG basée dans un bidonville de San José, où il enseignait dans des classes de rattrapage au lycée. Il n'est toujours pas sûr, ainsi que les autres professionnels, de pouvoir rentrer dans son pays, bien que cela demeure leur plus grand espoir. « Je rêve de retourner au Nicaragua », dit Carlos.

* Les noms ont été changés pour des raisons de protection.