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Les réfugiés en première ligne de la lutte contre la pandémie de Covid-19 : Accordons-leur les droits qu'ils méritent

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Les réfugiés en première ligne de la lutte contre la pandémie de Covid-19 : Accordons-leur les droits qu'ils méritent

30 Avril 2020
« Tout d'un coup, l'origine et le statut juridique des déplacés semblent devenus bien moins importants que les compétences, les connaissances et l'expérience qu'ils peuvent apporter. »

Carmen compte parmi les nombreux héros du combat contre le coronavirus. Médecin associée à un service ambulancier, elle a parfois été de garde 24 heures d’affilée à faire des consultations à domicile chez des gens qui se pensaient atteints du virus ou pour transférer des cas graves vers les hôpitaux. Mais autre chose encore caractérise Carmen : elle est demandeuse d’asile.

Dans le monde entier, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants titulaires de diplômes médicaux offrent leurs services,  comme ce cardiologue iraquien qui s’occupe de ses voisins et d’autres patients à Atlanta, cet enseignant syrien qui nettoie des salles d'hôpital à Londres, ou encore Carmen, médecin vénézuélienne, qui sauve aujourd’hui des vies à Lima.

De plus, ceux qui travaillent en première ligne ont également besoin des équipes de soutien : les réfugiés qui fabriquent du savon et des équipements de protection personnelle, qui cuisinent des repas gratuits pour les agents de santé, qui travaillent dans des centres d’appel  – tous engagés dans  un effort de bénévolat massif au sein de leurs communautés d’accueil.

Tout d’un coup, l’origine et le statut juridique des déplacés semblent devenus bien moins importants que les compétences, les connaissances et l’expérience qu’ils peuvent apporter face à notre difficile situation. Les histoires de ces réfugiés et demandeurs d’asile illustrent ce que ça peut donner quand les gens ont la possibilité de mettre à profit leurs compétences, leurs connaissances et leur expérience : tout le monde en profite.

Pris au piège

Et pourtant, la plupart des millions de personnes qui ont été forcées de fuir leur pays d’origine, notamment les 25, 9 millions de réfugiés  qui ont passé une frontière internationale, sont confrontées à l’impossibilité de travailler. Les diplômes de spécialistes hautement qualifiés ne sont pas reconnus. Leur conversion ou leur actualisation est impossible au plan administratif ou assujettie à des compléments d’études ou de formations qui sont souvent refusées aux réfugiés. 

Les réfugiés qui exploitaient dans le passé des sociétés florissantes ont du mal à obtenir les permis nécessaires pour lancer de nouvelles entreprises ou se voient refuser le droit de louer des surfaces commerciales. Même dans les 50% de pays qui accordent aux réfugiés l’accès au marché du travail, tout un train de restrictions – liberté de mouvement, droit de propriété, accès à des formations complémentaires – crée des situations où il est quasiment impossible de trouver un emploi durable, légal et correctement payé.

Certains réfugiés ont inversé la tendance, comme cette ancienne réfugiée libérienne qui travaille aujourd'hui comme infirmière en Pennsylvanie, ou ce réfugié irakien qui s'est requalifié en médecine au Royaume-Uni grâce à un programme novateur destiné à soulager les pressions pesant sur les services de santé du pays.

Pour autant, l’appel à la puissance d’intervention des réfugiés devrait s’appliquer à l’ensemble du marché du travail, et pas seulement dans le domaine de la santé. Aujourd’hui où nous célébrons en pleine pandémie la Journée internationale des travailleurs, il y a encore des récoltes à faire, des marchandises à transporter, les enfants des équipes d’urgence à prendre en charge, des étagères à regarnir et des caisses sans caissières. Alors que le coronavirus transforme étrangement la notion de « travailleur essentiel », des déplacés et des apatrides se sont proposés pour offrir leurs services.

Parallèlement, nous ne devons pas oublier qu’environ 85 % des réfugiés ne vivent pas en Europe ou aux États-Unis, mais dans des pays en développement ou dans certains des pays les moins avancés. Avec la propagation du COVID-19, les millions de gens qui vivent au jour le jour en milieu urbain, dépendants d’emplois occasionnels sur des marchés parallèles, pourraient se retrouver plongés dans la pauvreté si les restrictions à la liberté de mouvement les privent de cette possibilité.

Ils ne pourront plus assumer leurs loyers et leurs dépenses alimentaires. Les systèmes de santé de base qui avaient déjà du mal à assurer leur service seront encore plus pressurés. Si l’objectif est vraiment de « reconstruire en mieux » une fois cette crise passée, aider ces pays à consolider leurs infrastructures de base et stimuler le marché de l’emploi au moyen d’investissements hautement nécessaires semble un bon point de départ. En outre, les communautés d’accueil et les populations déplacées en profiteront tout autant les unes que les autres.

On ne peut plus nier que les réfugiés ont une contribution capitale à apporter. Leur accorder des droits de travail et leur permettre de réaliser leur plein potentiel est dans l’intérêt de tous – renforcement de nos systèmes de santé, sécurité alimentaire, prise en charge sociale, sans compter la multitude d’autres fonctions dont dépendent nos sociétés.

Les États doivent remanier leur législation du travail de fond en comble pour accorder aux réfugiés le droit de travailler en tout temps, et pas seulement en période de crise. Comme le déclarait l'Organisation internationale du travail : « L’accès à un emploi productif et un travail décent est la plus importante stratégie en vue d’une réponse durable à la présence des réfugiés et des autres personnes déplacées de force. »

La pleine participation à la vie de leurs pays d’accueil apporte l’autosuffisance aux réfugiés, augmente la réserve de consommateurs et de contribuables, favorise la cohésion sociale et offre davantage de mains tendues aux personnes vulnérables.

Après avoir fui le Venezuela, Carmen a travaillé pendant plus de deux ans comme serveuse, réceptionniste et vendeuse avant que le HCR et une organisation non gouvernementale vénézuélienne l’aident à faire valider ses diplômes médicaux au Pérou. Son histoire illustre bien à quel point il est contre-productif de faire barrage à un talent, une énergie et un courage tel que le sien.

Le changement exige une volonté politique, de l’audace et une vision, mais si nous pouvons assumer les coûts immédiats, nous en récolterons les bénéfices à long terme.

 

Cette tribune a été initialement publiée en anglais sur le site du Forum économique mondial en date du 30 avril 2020.