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Courir pour fuir m'a sauvé la vie, maintenant je cours dans un but précis

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Courir pour fuir m'a sauvé la vie, maintenant je cours dans un but précis

Le report des Jeux olympiques de Tokyo a donné à l'athlète olympique et réfugié sud-soudanais Yiech Pur Biel l'occasion de réfléchir à son parcours - et à l'opportunité d'améliorer ses performances pour 2021.
12 Août 2020
Le coureur sud-soudanais Yiech Pur Biel en 2016, au Kenya, à l'entraînement pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016.

Dans cet article d’opinion, Yiech évoque son entraînement aux Etats-Unis, où il étudiera et pratiquera la course à pied à l'université* cet automne. Il parle également des trois principes qui guident sa vie, de ce que le sport lui a appris sur la façon dont les gens réagissent à des traumatismes indicibles, et de son nouveau rôle en tant qu’Ambassadeur de bonne volonté pour le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.


En 2005, quand j'avais 10 ans, des groupes armés ont un jour attaqué mon village. Nous avons tous fui dans la brousse et je me suis retrouvé séparé de mes parents et de mes frères et sœurs. Je ne savais pas à l'époque, que je perdrais contact avec ma famille pendant plus de 10 ans.

Ce jour-là, j'ai pensé que j’allais mourir. Au contraire, ma vie a pris une toute autre direction et j'ai surmonté de nombreux obstacles. Je suis devenu un athlète et j'ai participé à la toute première équipe olympique d’athlètes réfugiés aux Jeux olympiques de Rio 2016 dans l'épreuve du 800 mètres. J'ai récemment commencé à étudier les relations internationales. Et, depuis 2016, je travaille comme défenseur des réfugiés. Je voyage à travers le monde pour raconter mon parcours à d'autres réfugiés, aux dirigeants et aux décideurs à travers le monde entier.

Je me suis beaucoup entraîné pour être à nouveau sélectionné dans l'équipe olympique des athlètes réfugiés en 2020. Depuis le report des JO, je m'entraîne jour et nuit pour améliorer mes performances pour 2021. Ma tutrice américaine me précède en vélo pour que je puisse suivre le rythme et elle me donne les directions, car je ne connais pas encore vraiment la ville. On ne sait jamais sur quel chemin la vie va nous mettre.

Comme vous pouvez le voir, j'ai déjà fait un long voyage.

Après avoir été séparé de ma famille ce jour-là, des gens des Nations Unies m'ont trouvé dans la brousse et m'ont mis en sécurité au camp de réfugiés de Kakuma au Kenya. Là-bas, le football (soccer) est devenu ma première passion dans le sport. Il m'a aidé à me distraire du manque de ma famille et de mon foyer. Au début, je me souviens d'avoir été surpris lorsque des coéquipiers se battaient après avoir perdu un match de football. Mais j'ai vite appris qu'ils ne se battaient pas à cause du match. Ils faisaient face au traumatisme qu'ils avaient subi, à quelque chose de douloureux qui leur restait dans le cœur. Ils avaient peut-être vu des gens se faire tuer devant eux. Peut-être avaient-ils vu des gens faire du mal à d'autres. J'ai beaucoup appris en jouant au football, et j'ai apprécié d'être entouré d'autres jeunes. J'ai appris à faire partie d'une équipe.

Mais en vieillissant, j'ai commencé à me dire ce que ce serait bien d'accomplir quelque chose par moi-même. En 2015, quand j'avais 20 ans, la Fondation Tegla Loroupe pour la paix et le HCR ont organisé une course de fond de 10 km dans le camp. Je n'avais pas de chaussures de course mais je voulais y participer, alors j'ai couru pieds nus. Mes pieds saignaient, mais je suis arrivé troisième. Ensuite, à ma grande surprise, les organisateurs m'ont demandé si je voulais m'entraîner à plein temps à Nairobi. Ils m'ont dit que si je m'entraînais dur, je pourrais même faire partie de l'équipe olympique des athlètes réfugiés. Je ne savais même pas ce qu'étaient les Jeux olympiques, mais j'étais impatient à l’idée de m'entraîner.

L'année suivante, en juin, les entraîneurs nous ont réunis au centre d'entraînement pour annoncer la liste des athlètes qui avaient réussi à intégrer l'équipe olympique. Mon nom était le premier sur la liste. J’étais tellement heureux. J'ai dû baisser le regard et fermer les yeux pour m'empêcher de pleurer.

Yiech Pur Biel termine le 800 mètres aux Jeux olympiques de Rio 2016.

C'était un rêve devenu réalité de participer aux Jeux olympiques au sein de la première équipe d’athlètes réfugiés et d'entrer dans l'histoire à Rio de Janeiro en 2016. Mais il y a eu d’autres moments forts. Un soir, par l'intermédiaire d'une ONG, j'ai reçu un appel. C'était ma mère. J’avais peine à le croire. Je ne lui avais pas parlé depuis que nous étions séparés, même si bien sûr j'avais pensé souvent à elle.

« Es-tu en vie ? Es-tu mon fils ? » Elle avait tant de questions. J'ai ressenti une profonde joie et du soulagement. C'était comme si elle était juste à côté de moi. Elle et le reste de la famille étaient en sécurité et vivaient au Soudan du Sud dans un village différent de celui où j'ai grandi.

Quand j'ai reparlé à ma famille après toutes ces années, je leur ai dit que je les soutiendrais et que je serais là pour eux, mais que j'avais aussi des millions d'autres personnes qui comptaient sur moi. J'avais une responsabilité envers ma famille au Soudan du Sud, mais aussi envers ma famille à Kakuma (les réfugiés qui s’y trouvent encore aujourd’hui), mes coéquipiers et les quelque 79,5 millions de personnes déracinées à travers le monde.

Ces millions de personnes qui ont été forcées de fuir leur foyer en quête de sécurité... parfois elles perdent tout espoir dans la vie. Mon travail en tant qu'Ambassadeur de bonne volonté pour le HCR consiste à faire entendre la voix des réfugiés, ainsi que des personnes qui sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays et des apatrides.

 

Yiech Pur Biel au départ du 800 mètres aux Jeux olympiques de Rio 2016.

Je crois qu'il faut veiller à ce que les jeunes réfugiés aient accès à l'éducation et aux installations sportives. Le sport donne aux jeunes la chance de se prendre en charge, de retrouver l'espoir et d'interagir avec des personnes d'origines différentes. Nous étions d’environ 19 nationalités différentes quand j'ai grandi dans le camp de réfugiés de Kakuma ! Mais c’est le football qui nous a rapprochés.

Je suis guidé par trois principes : le travail, la détermination et la foi en Dieu.

On ne sait jamais ce que la vie prévoit pour nous mais j'ai de la chance dans ma propre vie. Maintenant, je veux utiliser mon propre parcours pour défendre la cause des réfugiés et même, si c'est possible, pour inspirer les autres. Je suis parti de rien, et être entouré de personnes inspirantes, comme les autres Ambassadeurs de bonne volonté du HCR, est une bénédiction pour moi. Mais je dois rester humble, et me rappeler que je fais cela pour les réfugiés qui m'admirent et pour les personnes qui me soutiennent.

C'est le départ d'une nouvelle course.

*Pour des raisons de confidentialité et de sécurité, Yiech ne souhaite pas divulguer sa localisation.

 

Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, est une organisation mondiale qui se consacre à sauver des vies, à protéger les droits et à construire un avenir meilleur pour les réfugiés, les communautés déplacées internes et les apatrides.