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Déclaration liminaire à la soixante-neuvième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire

Discours et déclarations

Déclaration liminaire à la soixante-neuvième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire

1 Octobre 2018

Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, lors de son allocution d'ouverture de la soixante-neuvième session du Comité exécutif.

Telle que prononcée

Madame la Présidente,

Distingués délégués,

Mesdames et Messieurs,

 

Aujourd’hui, je suis à mi-parcours de mon mandat.

Lorsque je jette un regard rétrospectif sur le monde, je constate que son état n’est pas bon.

Au cours des deux dernières années et demie, les principes et les valeurs de la coopération internationale ont subi d’immenses pressions.

Les conflits internes se sont aggravés, alimentés par des rivalités régionales et mondiales.

Les crises se sont intensifiées sous l’effet de la pauvreté, de l’exclusion et de l’impact croissant du changement climatique.

Les défaillances au niveau de la gouvernance ont laissé des espaces aux extrémistes et aux criminels.

Les termes utilisés en politique sont devenus impitoyables, donnant lieu à la discrimination, au racisme et à la xénophobie. Les réfugiés et les migrants sont devenus des cibles et des victimes des agendas pour la conquête du pouvoir.

Au lieu de s’efforcer d’unir, des dirigeants politiques se contentent très souvent aujourd’hui de diviser.

Le nombre de réfugiés dans le monde a augmenté de près d’un cinquième, dépassant pour la première fois la barre de 25 millions.

Toutefois, malgré autant d’adversité, le multilatéralisme tient bon, mais comme le Secrétaire général l’a dit la semaine dernière à New York, nous devons le renforcer.

Je suis fier du fait qu’au HCR, nous participons chaque jour à cet effort. Je suis fier de ce que le HCR a pu réaliser, grâce à l’immense dévouement de mes collègues et de nos partenaires, et bien évidemment, grâce à votre appui.

La Déclaration de New York est un jalon important, c’est-à-dire un engagement politique au plus haut niveau, fondé sur les normes de la coopération internationale et de la protection des réfugiés.

Le Pacte mondial sur les réfugiés trace clairement la voie à suivre, grâce à un modèle de réponse plus solide, plus juste et mieux élaboré.

C’est à ce niveau, je pense, que le multilatéralisme est puissant, en tant que mécanisme pratique de contrepoids à la rhétorique et à la démagogie électorale qui envahissent souvent les débats publics sur les réfugiés et les migrants, et comme point de ralliement pour la solidarité, qui place la dignité, les droits et les aspirations des réfugiés et de leurs communautés d’accueil au centre de nos entreprises communes.

***

En janvier 2016, lorsque je prenais mes fonctions, les déplacements dans le monde avaient déjà atteint des niveaux records.

La crise syrienne était à sa cinquième année, avec le nombre de réfugiés syriens approchant les 5  millions. Les conflits en Iraq et au Yémen s’aggravaient.

L’Europe s’efforçait d’élaborer une réponse commune à l’arrivée d’un million de réfugiés et de migrants.

En Afrique, une série de crises ont récemment affecté le Burundi, la République centrafricaine, le Nigéria et le Soudan du Sud, provoquant des déplacements massifs de réfugiés.

Au nord de l’Amérique centrale, un flux complexe, alimenté par la pauvreté, l’exploitation et les violences commises par des gangs, prenait de l’ampleur.

Le conflit en Ukraine a déraciné des centaines de milliers de personnes.

Des millions de personnes sont restées prises au piège en exil ou dans des déplacements internes, en raison des conflits prolongés en Afghanistan, en Colombie, en République démocratique du Congo et en Somalie.

Près de trois ans après, toutes ces situations ont continué d’évoluer. Certaines comme au Soudan du Sud et au Yémen se sont aggravées.

Ailleurs, comme en Syrie, des opérations militaires répétées ont provoqué de nouvelles vagues de déplacement et de retour, les changements géopolitiques y ayant joué un rôle central.   

D’autres situations comme en Iraq et dans la région du Lac Tchad ont évolué vers une plus grande stabilité, sans aboutir à une solution définitive.

De nouvelles crises ont émergé, avec des conséquences dramatiques. Une opération brutale de sécurité a poussé près de 700 000 Rohingyas de l’État de Rakhine au Myanmar vers le Bangladesh.

Environ 5 000 personnes quittent aujourd’hui le Venezuela chaque jour dans le cadre du mouvement de populations le plus massif de l’histoire récente de l’Amérique latine. 

Exposées à une cruauté et à des dangers inimaginables, des milliers de personnes continuent de traverser le Sahel, sous l’effet du désespoir, pour se rendre en Libye et traverser la Méditerranée centrale.

Les déplacements forcés dans le monde ont augmenté pour atteindre en 2017 le chiffre de 68,5 millions de personnes, dont 40 millions de déplacés internes.

Dans une large mesure, les pays voisins ont gardé leurs frontières ouvertes – même si tel n’a pas toujours été le cas – et ont accueilli et abrité généreusement les réfugiés, malgré d’énormes contraintes.

Toutefois, plus loin, souvent dans des pays riches, la tendance est de rendre la recherche de l’asile difficile, même en fermant les frontières ou en repoussant les gens.

Les enfants, séparés de leurs parents, porteront pour le reste de leur vie des cicatrices psychologiques. Les demandeurs d’asile errent au niveau des clôtures frontalières, ou sont détenus indéfiniment, alors qu’ils n’ont commis aucun crime. Des réfugiés déshumanisés, traités comme des marchandises, passent d’un État à un autre.

Aujourd'hui, lorsque je discute avec les dirigeants des pays voisins de ceux en crise, quel n’est pas mon embarras de leur demander d’accueillir plus de personnes pendant que certains dans des pays plus riches débattent des moyens de fermer leurs portes.

***

Au cours de la première année de mon mandat, nous nous sommes engagés dans une opération ambitieuse consistant à fixer les principales orientations devant guider notre travail au cours des cinq années suivantes.

Cette opération a abouti aux Orientations stratégiques dont les principaux éléments consistent à protéger, répondre, inclure, responsabiliser et résoudre. Permettez-moi de revenir très brièvement sur ces éléments.

Au cours des trois dernières années, notre travail visant à protéger est resté fondé sur les normes internationales. Pour être un gardien efficace des principes, nous devons montrer les moyens pratiques de les appliquer.

Le travail de protection, qui consiste à préserver la dignité humaine et les droits des réfugiés ainsi que l’accès à l’asile, a donné lieu à de nouveaux défis dans le contexte d’aujourd’hui marqué par la croissance des flux mixtes.

Par exemple, les mouvements de réfugiés et de migrants, de l’Afrique à travers la Libye, a présenté des défis très difficiles à surmonter.

Le pays lui-même est le théâtre d’un conflit dont la solution continue d’être insaisissable. Dans le même temps, la communauté internationale focalise son attention sur la réduction des arrivées en Europe. En dehors de la Garde côtière libyenne, aucune autre institution n’a été renforcée. Les bateaux avec à leur bord des migrants et des réfugiés sont ramenés sur les côtes libyennes.

Cela signifie que de plus en plus de personnes sont exposées à l’exploitation et à la détention, dans des conditions horribles.  

De toute évidence, la priorité absolue consiste à déployer tous les efforts nécessaires pour ramener la stabilité en Libye. Dans le même temps, les solutions d’urgence doivent se poursuivre. L’accord d’Abidjan entre l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies a offert un bon cadre ayant permis à l’OIM et au HCR de mener leurs opérations consistant à aider des milliers de migrants à rentrer chez eux pour l’OIM, et à essayer d’évacuer les réfugiés les plus vulnérables en les faisant sortir des lieux de détention pour le HCR.

À ce jour, près de 1 850 demandeurs d’asile et réfugiés ont été placés en sécurité, surtout au Niger, en vue de leur réinstallation.

Beaucoup de partenaires se sont mobilisés, et je remercie en particulier le Gouvernement nigérien et les 15 pays qui ont offert des places pour la réinstallation. Toutefois, travailler en Libye continue d’être extrêmement dangereux, et l’insécurité limite notre champ d’action. 

Avec dans le pays des dizaines de milliers de demandeurs d’asile et de réfugiés, dont le nombre continu de croître, il faut encore et de toute urgence d’autres solutions – des alternatives à la détention en Libye ; d’autres options d’évacuation ; davantage de possibilités de réinstallation et une réinstallation plus rapide ; des investissements réels et ciblés dans les pays d’asile et de transit ; et bien évidemment des mesures visant à s’attaquer d’une manière beaucoup plus stratégique, avec des ressources substantielles, aux causes profondes de ces mouvements, qui sont en particulier les conflits et les défis importants de développement.

Il demeure aussi indispensable de préserver l’asile en Europe. Les événements ayant récemment eu lieu en Méditerranée ont été profondément troublants. Cette année, plus de 1 700 personnes sont mortes ou ont été portées disparues, alors qu’elles essayaient d’atteindre les côtes européennes.

Le sauvetage en mer, caractéristique de notre humanité commune, a été pris en otage par la politique. Le partage des responsabilités a été remplacé par la fuite devant les responsabilités.

Le sauvetage en mer doit donc être restauré. Repousser les gens ne saurait être la réponse, et négocier le débarquement bateau par bateau, même lorsque l’opération connaît du succès, n’est pas une bonne option. Avec l’OIM, nous avons fait une proposition concrète et pratique pour un mécanisme régional de débarquement, qui viendrait compléter la réforme si nécessaire du Système européen commun d'asile.

L’exode de Vénézuéliens à travers l’Amérique latine, et au-delà, constitue un autre exemple de défi de protection dans le cadre de flux complexes de populations.

Avec aujourd’hui plus de 2,6 millions de personnes à l’extérieur du pays, une approche humanitaire et apolitique est essentielle pour aider les États qui les reçoivent en nombres croissants.

Je salue l’approche régionale adoptée dans la Déclaration de Quito, et remercie les États de la région pour avoir gardé leurs frontières ouvertes et assuré l’accès à l’asile et à d’autres voies de séjour légal. Toutefois, davantage de travail reste à faire pour assurer la cohérence régionale de la réponse pour la protection.

Nous savons qu’il faut aussi davantage d’appui opérationnel. Une fois de plus, le travail de collaboration avec l’OIM s’est avéré crucial. Nous avons mis en place une plateforme régionale de coordination interinstitutions, et nommé un Représentant spécial commun, à savoir Eduardo Stein, qui travaillera avec les gouvernements et les partenaires pour nouer des alliances régionales et favoriser l’appui aux pays d’accueil.

***

Notre deuxième Orientation stratégique nous engage à répondre d’une manière rapide, fiable et efficace aux situations d’urgence, en posant tôt les bases pour les solutions.

L’année dernière, l’afflux massif de réfugiés au Bangladesh a nécessité une réponse de « l’ensemble du HCR ».

Les réfugiés, qui ont enduré des souffrances et traumatismes indicibles, sont arrivés sous le choc, dans un état de dénuement.

Les populations locales ont été les premières à les secourir avec beaucoup de générosité et de compassion.

Avec l’approche de la saison des moussons, le Gouvernement du Bangladesh a dirigé une opération de préparation aux situations d’urgence de grande ampleur, en collaboration avec des partenaires humanitaires, des ONG nationales et internationales, et les réfugiés eux‑mêmes. Cette opération a relativement réussi. Des abris ont été renforcés, des ponts construits et renforcés, et des terres aménagées. Des dizaines de milliers de personnes ont été relocalisées.

Cet effort massif montre ce dont nous sommes capables en agissant collectivement, lorsque les gens ont désespérément besoin de notre aide.

Maintenant nous avons besoin d’investissements dans le cadre d’arrangements à moyen terme au Bangladesh en vue d’améliorer les possibilités économiques, les infrastructures locales et les services essentiels pour les réfugiés et les communautés d’accueil. Nos remerciements vont à la Banque mondiale et à la Banque asiatique de développement pour leur contribution.

Toutefois, la solution à cette crise réside au Myanmar. Il faudrait s’attaquer à ses causes profondes, notamment à la grave discrimination, à la privation arbitraire de nationalité et à l’absence de développement.

Il s’agit là de la responsabilité du Gouvernement du Myanmar. Avec le PNUD, nous avons signé un mémorandum d’entente pour le soutenir à cet égard. La première phase des évaluations envisagées a été menée, mais l’accès demeure lent et difficile. La deuxième phase doit démarrer de toute urgence.

Le Gouvernement du  Myanmar doit montrer son engagement à procéder à des changements de grande portée, qui sont nécessaires pour rassurer les réfugiés qu’ils ont un avenir sûr et digne à leur retour au Myanmar. Les premières étapes doivent consister à améliorer les conditions de vie des Rohingyas restés dans l’État de Rakhine, à leur accorder la liberté de déplacement et à trouver des solutions appropriées pour les déplacés internes.

Cette crise a montré que si l’action humanitaire est indispensable pour sauver des vies, une approche plus large de solidarité, englobant l’aide bilatérale et multilatérale pour le développement et l’appui aux solutions durables, est tout autant nécessaire. 

En Syrie, nous devons aussi garder l’aptitude à répondre avec souplesse, afin de nous adapter aux nouveaux développements. Nous formons le vœu que les récents accords sur la situation à Idlib permettront d’empêcher des pertes massives en vies humaines et des déplacements forcés.

Au moment où le conflit se poursuit, les perspectives de retour pour les réfugiés ont dominé les discussions sur l’avenir du pays.

Je voudrais être clair. Les réfugiés ont le droit fondamental de rentrer chez eux en sécurité et dans la dignité au moment qu’ils auront choisi. Nous soutenons toutes les mesures contribuant au plein exercice de ce droit. Une décision libre et éclairée est indispensable, tout comme les mesures devant être prises par les autorités chargées d’enlever les obstacles au retour. Cette position n’est nullement dictée par les circonstances politiques. Elle cadre avec les normes internationales établies, et avec notre position sur le retour des réfugiés dans d’autres régions.

Cette année, plus de 750 000 déplacés internes syriens seraient rentrés chez eux, surtout dans les régions où les destructions ont été maîtrisées. Toutefois, le nombre de réfugiés rapatriés est plus faible – moins de 1% du chiffre de l’année dernière, et encore plus faible en 2018.

La direction que prend le conflit dans les prochains mois et la manière dont les hostilités sont conduites, constitueront d’importants facteurs dans la prise de décisions par les réfugiés. La sécurité, disent-ils, est une préoccupation majeure, de même que les besoins essentiels, à savoir d’abris, de soins de santé, d’éducation pour les enfants et d’emplois.

Les réfugiés ont aussi d’autres préoccupations à caractère juridique et administratif, liées aux actes d’état civil ; à la conscription ; aux terres et aux biens ; à l’amnistie ; et pour certains aux questions de nationalité. L'accès sans entrave du HCR et d'autres organismes humanitaires sera primordial pour restaurer la confiance.

Nous discutons avec le Gouvernement syrien sur ces questions et apportons de l’aide juridique en matière d’actes d’état civil dans le cadre de l’assistance humanitaire et pour la réintégration aux personnes retournées. 

Nous ne devons cependant pas oublier que les pays voisins abritent 5,6 millions de réfugiés à travers la région, et continueront de le faire. Si les donateurs ont été généreux, les financements et les places de réinstallation sont insuffisants, et je m’inquiète des signes indiquant une baisse de l’appui. Les engagements récemment pris aux conférences de Londres et de Bruxelles doivent être pleinement honorés et soutenus.

Dans ce contexte, deux points méritent en général d’être mentionnés.

Les interventions en espèces jouent un rôle important dans les pays abritant les réfugiés syriens et ailleurs. Cette année, nous fournissons des espèces dans 100 opérations à travers le monde, dont la valeur totale est d’un demi-milliard de dollars E.-U., contre 42 opérations en 2015. Pour ce faire, nous avons besoin non seulement de l’appui des donateurs, mais aussi d’une coopération accrue avec d’autres organisations impliquées dans les interventions en espèces, comme le Programme alimentaire mondial. Nous nous y employons.

L’appui aux Syriens illustre aussi les synergies entre les responsabilités du HCR pour les réfugiés et son engagement avec les déplacés internes. Le renforcement de cet engagement constitue un point important dans nos Orientations stratégiques. J’aimerais que nous développions dans les situations de déplacement interne les mêmes réflexes que pour les réfugiés.

En 2017, nous avons achevé une revue opérationnelle et nous sommes maintenant en train de travailler sur les politiques, la préparation et l’engagement en temps voulu, la gestion des données, l’adaptabilité et la spécialisation de notre personnel. Nous travaillons aussi avec l’OCHA et des partenaires au Comité permanent interorganisations pour mettre au point des approches plus cohérentes et orientées vers des solutions.

Nous dirigeons ou codirigeons 24 des 26 groupes sectoriels en matière de protection sur le terrain, travaillant pour faire de la protection un objectif primordial dans les opérations humanitaires. En République démocratique du Congo, par exemple, nous avons renforcé nos capacités en matière de protection et d’abris au Kasaï, au Sud-Kivu et à Tanganyika, au moment où la violence politique continue de provoquer des déplacements internes massifs ainsi que d’importants mouvements à travers les frontières.

***

Nos troisième et quatrième Orientations stratégiques, consistant à inclure et à responsabiliser ont occupé une place centrale dans la transformation dont Kristalina Georgieva vous parlera cet après-midi, et qui a été accélérée par l’application du Cadre d’action global pour les réfugiés.

Le leadership et l’expertise de la Banque mondiale ont suscité un changement fondamental dans la manière dont les organismes de développement s’engagent dans les flux massifs de réfugiés et les déplacements internes. 

Nous commençons à avoir une meilleure compréhension des défis de développement présentés par les déplacements, surtout dès lors qu’ils deviennent prolongées. Nous sommes prêts à collaborer avec le Centre commun de données qui sera bientôt créé à Copenhague.

La Banque mondiale est aussi en train de mettre au point des instruments financiers innovants pour soutenir la résilience des réfugiés et de leurs communautés d’accueil. Elle noue des partenariats avec les États et le HCR pour exploiter le potentiel des réfugiés et faciliter leur inclusion. 

Le sous-guichet IDA18 pour les réfugiés et le mécanisme mondial de financement concessionnel sont véritablement révolutionnaires. Des millions de réfugiés et de membres de communautés locales pourront bénéficier des ressources ainsi rendues disponibles.

D’autres investissements d’organismes bilatéraux de développement et d’institutions financières internationales et régionales se multiplient également. Parmi les exemples qu’il convient de noter, il y a le travail abattu par la Commission européenne, le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni ainsi que la Banque africaine de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque interaméricaine de développement.

Par ces efforts collectifs, environ 6,5 milliards de dollars E.-U. de financements pour le développement ont été mobilisés à l’appui des réfugiés et de leurs communautés d’accueil, ce qui est une marque importante de solidarité. Nous devons à présent veiller à ce que les ressources soient décaissées rapidement et les programmes exécutés. Si les effets de ces mesures prendront du temps pour se faire sentir pleinement, des changements sont déjà visibles.

Ces ressources – et je voudrais insister sur ce point – sont et doivent rester complémentaires aux financements humanitaires. En fait, l’action humanitaire demeurera vitale. 

Je suis extrêmement reconnaissant pour la confiance sans faille que le HCR continue de bénéficier de ses donateurs. Cette année, les fonds disponibles devraient encore atteindre 4,5 milliards de dollars E.-U. Je remercie les États-Unis, l’Union européenne et l’Allemagne pour leur appui particulièrement solide, ainsi que la Suède, le Royaume-Uni, la Norvège et les Pays-Bas pour d’importants financements non affectés qu’ils ont fourni. Toutefois, l’écart entre les besoins et les ressources disponibles continue de se creuser, et atteindra 45 % cette année.

***

Quelques réflexions de plus sur inclure et responsabiliser.

Très souvent, nous observons des cas tristes de réfugiés et de demandeurs d’asile exclus et repoussés.

Toutefois, ces cas occultent quelquefois une transformation en silence, mais profonde, où le maintien des réfugiés à part pendant des décennies et leur confinement dans des camps ou en marge de la société cèdent la place à une approche fondamentalement différente, consistant à les inclure dans les systèmes nationaux, les sociétés et les économies des pays d’accueil, pour le temps qu’il faut, et à leur permettre de contribuer au développement de leur nouvelle communauté et d’assurer leur propre avenir, en attendant que leur situation soit résolue.

Je tiens à remercier les nombreux États qui ont pris des décisions humaines et quelquefois courageuses de revoir leurs lois et politiques pour renforcer les droits et élargir l’accès aux programmes nationaux, au marché du travail et aux systèmes de protection sociale.

Le secteur privé joue aussi un rôle primordial, aux côtés de groupes confessionnels, d’organisations sportives et de villes. Des progrès importants ont été réalisés au niveau de l’inclusion financière, au moment où le secteur financier reconnaît de plus en plus que les réfugiés constituent un marché viable pour les services comme les comptes bancaires, les prêts commerciaux, les envois de fonds et les facilités d’épargne.

Le Cadre d’action global pour les réfugiés a servi de moyen pour ces efforts dans les 15 pays où il est appliqué. Son importance continuera à croître, étant donné qu’il fait partie intégrante du Pacte mondial sur les réfugiés. 

La semaine dernière à l’Assemblée générale des Nations Unies, un accent particulier a été mis sur l’éducation des réfugiés. Dans ce domaine, des progrès ont été réalisés grâce aux nombreux États qui ont ouvert leurs systèmes nationaux aux réfugiés, et aux initiatives innovantes comme le Partenariat mondial pour l’éducation et Education Cannot Wait, qui ont mobilisé des ressources et de l’appui.

Ces investissements doivent être soutenus et accélérés. Le taux d’inscription à l’école primaire pour les enfants réfugiés est passé de 50 % en 2015 à 61 % en 2017. Toutefois, il continue à tomber en-deçà du taux mondial qui est de 92 %.

Un million d’enfants réfugiés, qui n’allaient pas l’école, sont aujourd’hui inscrits à l’école primaire, grâce à notre programme Educate A Child, soutenu par la Fondation Education Above All.

Pour l’enseignement supérieur, l’important programme allemand DAFI a vu sa taille se multiplier presque par trois au cours des trois dernières années.

Les plateformes numériques, comme Instant Schools Network, jouent aussi un rôle de plus en plus important.

***

Notre dernière Orientation stratégique porte sur la recherche de solutions.

Malheureusement, les voies vers les solutions deviennent de plus en plus compliquées. La paix est rarement réalisée d’une manière complète et définitive. Lorsqu’une plus grande stabilité intervient, elle est souvent liée aux opérations militaires ou de sécurité, qui ne sont pas toujours accompagnées de mesures permettant de s’attaquer aux causes profondes.

La recherche d’une gamme variée de solutions et l’aménagement de la résilience pouvant y conduire constituent d’importants aspects du modèle de réponse globale pour les réfugiés. Ils ont inspiré l’application régionale de ce modèle par l’IGAD au déplacement de Somaliens et dans le Nord de l’Amérique centrale, grâce à l’approche convenue l’année dernière à San Pedro Sula, à savoir celle du MIRPS. Le modèle a montré qu’il pouvait être adapté aux nouveaux contextes, notamment au récent afflux de Nicaraguayens dans la région.

L’attention à d’autres situations prolongées, notamment en Afghanistan, doit aussi être soutenue. Par exemple, lors d’une visite récente, j’ai vu comment des pays de la région prennent d’importantes mesures pour examiner le déplacement d’Afghans d’une manière holistique, avec un intérêt renouvelé pour les solutions. 

Je salue les récents développements intervenus dans la Corne de l’Afrique, notamment le dialogue entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Je forme le vœu qu’ils joueront un rôle de catalyseur pour les solutions aux déplacements dans la région.

Au Soudan du Sud, la revitalisation de l’accord de paix autorise de nouveau à espérer. L’attention de la communauté internationale doit être soutenue, et les droits et les perspectives pour les réfugiés et les déplacés internes considérés comme partie intégrante du processus de paix. J’ai été encouragé d’apprendre que le Président du Soudan du Sud a signé la semaine dernière l’instrument devant permettre l’adhésion à la Convention de 1951 et à son protocole de 1967. C’est également avec plaisir que nous avons facilité le dialogue à Khartoum entre les représentants des réfugiés sud-soudanais et les signataires de l’accord de paix. Il est important que ce dialogue se poursuive dans le cadre des efforts visant à éviter un nouvel échec catastrophique du processus de paix.

La réinstallation doit aussi être restaurée et renforcée comme outil de solutions et de partage des responsabilités au plan international. La diminution du nombre de places disponibles constitue un grand sujet de préoccupation. Nous devons profiter de cette occasion pour faire de la réinstallation un instrument véritablement mondial, engageant autant que possible beaucoup d’États et de communautés. Des efforts d’imagination comme l’Initiative mondiale de parrainage des réfugiés sont les bienvenus à cet égard.

Nous devons par ailleurs suivre fermement notre engagement à mettre fin à l’apatridie.

J’ai été heureux d’être à New York lorsque l’Espagne adhérait à la Convention de 1961 sur l’apatridie, et je vais aussi féliciter Haïti qui a adhéré la semaine dernière aux deux Conventions relatives à l’apatridie, portant ainsi à 20 le nombre d’adhésions à ces Conventions depuis le lancement de la campagne.

L’année prochaine, nous marquerons l’étape à mi-parcours de la Campagne décennale #J’appartiens par l’organisation lors du Comité exécutif d’un Événement de haut niveau pour dresser le bilan et favoriser les progrès, notamment par des engagements spécifiques.

***

Mesdames et Messieurs,

Suivre les orientations stratégiques exige que le HCR s’adapte aux nouvelles dynamiques et aux nouvelles opportunités, notamment celles qu’offre le Pacte mondial sur les réfugiés. Cela suppose surtout de la souplesse et de l’agilité sur le terrain, et c’est la raison pour laquelle, comme vous le savez, nous avons entamé un processus de réformes en 2016.

Les premiers changements, qui consistent à aligner les fonctions du Siège à l’appui des opérations sur le terrain, sont bien avancés. Nous avons créé une Division de la résilience et des solutions, reconfiguré nos fonctions de partenariat et de communication, et nous sommes en train de transformer nos capacités en matière de ressources humaines. 

Actuellement, nous sommes sur le point d’entamer une nouvelle phase décisive, en allant vers un modèle véritablement décentralisé au cours de l’année 2019. Le but principalement visé est de mettre en place des bureaux-pays solides et responsabilisés, en rapprochant le pouvoir des lieux de prestation de services tout en restant cohérents et efficaces dans le respect des principes et normes de protection des réfugiés.

Les bureaux régionaux seront déplacés de Genève vers les régions respectives, reconfigurés et équipés pour apporter un appui efficace aux opérations-pays et y exercer un meilleur contrôle.

Les principaux systèmes et processus seront réalignés et simplifiés pour davantage déléguer le pouvoir aux opérations sur le terrain. Au Siège, la direction exécutive, soutenue par des divisions fonctionnelles et rationalisées, assurera le leadership, la cohérence globale, et fixera les orientations. Je saisis cette occasion pour dire combien je suis reconnaissant envers la Haut Commissaire Adjointe et les Hauts Commissaires Assistants pour m’avoir aidé à m’acquitter de mes responsabilités à cet égard.

Au cours des trois prochains mois, nous établirons une feuille de route pour mettre en œuvre les décisions ainsi prises, notamment en arrêtant les coûts et en réglant d’autres aspects d’intérêt pour vous. Au fur et à mesure, nous continuerons à vous consulter d’une manière transparente.

Ce travail cadre avec l’engagement solide que nous avons souscrit dans le cadre du Grand compromis. Il s’inscrit aussi dans le cadre des réformes générales aux Nations Unies. En exécution de cet engagement, je suis fier de coprésider le Groupe des innovations institutionnelles avec le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial. Ce Groupe constitue l’élément le plus concret, dont l’évolution est la plus rapide dans ces réformes. Nous nous efforçons de transformer les activités opérationnelles des Nations Unies et leurs fonctions administratives, afin de générer l’efficacité et recentrer les ressources sur notre travail principal. 

Le HCR est également un organisme fondé sur des valeurs, avec un engagement solide en faveur de l’intégrité.

Toutefois, comme vous le savez, nous fonctionnons dans un environnement instable et à haut risque, dans lequel les risques de fraude, de corruption, d’exploitation et d’abus sont quelquefois élevés.

Nous avons récemment connu des cas où certains collègues et partenaires ont agi en violation de nos principes et valeurs. Cette situation a des conséquences très néfastes pour les populations que nous servons, ainsi que pour la crédibilité et la légitimité de nos programmes.

Je suis fermement engagé à lutter contre la fraude, la corruption et d’autres formes d’inconduite, et de manière énergique, transparente et efficace. Ce processus commence par la prévention.

L’année dernière au Comité exécutif, j’ai annoncé le lancement de l’Initiative 2.0 pour la gestion des risques. Cette initiative assoit à titre temporaire une expertise additionnelle de gestion des risques dans quelques opérations, afin de renforcer les systèmes pour identifier et gérer les risques, assurer l’intégrité de nos programmes et s’attaquer aux causes profondes des manquements constatés. Cette année, l’approche est en train d’être appliquée dans six pays.

Nous avons continué d’améliorer notre architecture de contrôle, notamment par une nouvelle capacité de contrôle stratégique au Bureau de l’inspecteur général.

Nous avons renforcé l’accent sur la conduite éthique au HCR, en nous efforçant d’asseoir les valeurs comme la tolérance, le respect, la diversité et l’égalité entre les sexes dans notre culture institutionnelle et nos attitudes personnelles.

Avec une prise de conscience accrue et la multiplication d’allégations, le système a aussi été renforcé pour répondre à un volume accru d’enquêtes complexes. La lutte contre l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels a été un pilier central de ce travail, et un Coordonnateur principal mobilise les efforts du HCR à ce sujet. 

Entre autres mesures, nous avons procédé à une revue indépendante de nos politiques et processus, renforcé la protection contre les représailles, créé une ligne d’assistance pour la dénonciation. La priorité est accordée aux allégations d’inconduite sexuelle, confiées à des enquêteurs formés.

Nous travaillons étroitement avec des organismes partenaires. L’année prochaine au mois de juin, je remplacerai Henrietta Fore, Directrice exécutive de l’UNICEF, comme Champion du Comité permanent interorganisations sur l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels.

Je suis personnellement engagé à susciter un réel changement sur ces questions. Avec d’autres collègues de haut rang, nous saisissons toute occasion pour transmettre le message montrant que l’inconduite sexuelle n’a pas de place au sein de notre Organisation, et que notre milieu de travail ne doit pas être défini par l’utilisation du pouvoir qui légitime les abus, mais par l’exercice de l’autorité basé sur le respect.

***

Avant de conclure, je voudrais revenir sur le point par lequel j’ai commencé, à savoir l’importance vitale de la coopération internationale.

Ensemble, nous avons entamé un processus important, avec l’élaboration du Pacte mondial sur les réfugiés.

Je tiens à vous remercier tous pour votre diligence et votre engagement, ainsi que pour les échanges riches que nous avons eus pendant des mois de consultation.

Le document final traduit un équilibre réaliste des intérêts et des aspirations des pays d’accueil, des donateurs et d’autres parties prenantes. Il est éclairé par des décennies d’expérience dans la gestion des crises de réfugiés.

Au moment où nous allons vers sa validation par l’Assemblée générale des Nations Unies, je voudrais faire un important plaidoyer : Au vu des efforts que vous avez déployés pour élaborer le Pacte mondial, je souhaite vivement qu’au moment venu, vous allez l’accueillir et l’approuver fermement afin de couronner nos efforts collectifs. Ce geste augmentera la force et la crédibilité du texte. Cet esprit solide de partenariat sera aussi indispensable lorsque nous démarrerons sa mise en œuvre en 2019.

Une fois adopté, ce pacte historique sera le premier du genre en plus d’un demi-siècle, c’est‑à-dire une manifestation puissante du multilatéralisme dans le monde fragmenté d’aujourd’hui.

Pendant très longtemps, les pays d’accueil de réfugiés ont supporté un trop lourd fardeau de ce qui constitue une responsabilité collective. Trop de réfugiés ont vu leur vie être placée en attente, confinés dans des camps, parvenant juste à subsister, sans être en mesure de prospérer ou de contribuer.

Le Pacte mondial reconnaît le fait qu’en apportant de l’aide et de la protection, les pays d’accueil et leurs nationaux agissent pour nous tous. Ils produisent un bien public mondial, contribuent à la paix et à la sécurité internationales et régionales, aident les réfugiés à trouver un sens nouveau de stabilité et facilitent la recherche de solutions.

Le Pacte mondial est un point de ralliement pour des gens humains et pragmatiques de toutes les couches, prêts à exprimer leur solidarité par des actes concrets, comme les habitants de Cox’s Bazar ayant fourni la première assistance aux réfugiés Rohingyas ; les populations de Valence accueillant des milliers de survivants de l’Aquarius et les Ougandais partageant leurs champs avec les réfugiés.

L’octroi de l’asile est l’un des gestes les plus communs et les plus anciens de solidarité de l’histoire humaine. Il a permis de sauver des vies, et de construire et de reconstruire des nations. Il préserve notre sens d’humanité. Le Pacte mondial nous aidera à traduire les valeurs sous-tendant cette noble tradition en mesures concrètes et adaptées à notre monde plein de défis, à l’abri des avatars de la politique.

Il appartiendra à nous tous de rendre le Pacte mondial fonctionnel et de faire de ses promesses une réalité pour les millions de personnes qui comptent sur cet instrument. 

Je vous remercie.