Treize ans après le début de la guerre, les réfugiés syriens perdent espoir face au manque de soutien
Treize ans après le début de la guerre, les réfugiés syriens perdent espoir face au manque de soutien
« J'ai pris mon nouveau-né dans les bras, et j'ai franchi la frontière avec mes quatre autres enfants. Nous n'avions même pas emporté un sac avec nos affaires. Nous pensions vraiment que nous ne resterions que peu de temps au Liban », se souvient Zouhour.
Mais au fur et à mesure que les jours passaient, puis les mois et ensuite les années, le désir de Zouhour de rentrer chez elle s'est progressivement estompé, la lutte pour la survie de la famille s’imposant comme impératif absolu. Treize années après le début de la guerre, elle fait partie des cinq millions de Syriens qui vivent toujours en tant que réfugiés dans les pays de la région.
« Nous avons perdu 13 ans de notre vie », se désole Zouhour.
Au Liban, qui accueille le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde, une grave crise économique qui a débuté en 2019 a entraîné une situation de pauvreté généralisée, y compris pour les plus de 780 000 réfugiés syriens. Les prix des denrées alimentaires ont plus que triplé tandis que le taux de chômage a plus que doublé, faisant basculer environ 80 % des Libanais dans la pauvreté.
Pour les familles libanaises et les réfugiés syriens qui connaissaient déjà des difficultés avant la crise économique, les cinq dernières années ont été catastrophiques. Parmi la population syrienne, le travail des enfants, les mariages précoces et forcés ainsi que l'insécurité alimentaire sont en augmentation. Plus de la moitié des réfugiés vivent dans des logements insalubres et peu sûrs, et plus d'un tiers des adultes disent limiter leur consommation de nourriture pour s'assurer que leurs enfants puissent être nourris.
Comme de nombreux réfugiés syriens, Zouhour et sa famille vivent dans un campement informel qui offre peu de protection contre les aléas climatiques que connaît le nord du pays. « En hiver, les pluies inondent les tentes et tout ce que nous possédons finit par être trempé. Nous brûlons ce que nous trouvons dans ce poêle pour nous réchauffer, comme des sacs en plastique, des chaussures ou des bouteilles. »
Zouhour – qui a travaillé comme infirmière en Syrie après avoir terminé ses études – explique l'asthme de sa fille par les fumées dégagées par l'incinération de ces déchets. Ses connaissances dans le domaine médical lui ont été utiles au cours des 13 dernières années, lui permettant de prendre soin de sa famille et de ses nombreux amis et voisins.
« Je m'occupe de tous ceux qui ont besoin d'aide autour de moi, mais il y a des plaies que l'on ne peut pas guérir », affirme-t-elle.
Le mari de Zouhour souffre d'un handicap qui l'empêche de travailler, ce qui rend la famille entièrement dépendante de l'aide financière qu'elle reçoit du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et du peu d'argent que ses enfants gagnent en faisant des petits boulots, par exemple en collectant des déchets recyclables. Mais même ainsi, ils doivent constamment lutter pour faire face à la flambée des prix de la nourriture, du carburant et du loyer.
Ces difficultés sont le lot de la grande majorité des 5 millions de réfugiés syriens qui vivent dans la région. Alors que les besoins humanitaires atteignent des niveaux sans précédent en raison des difficultés économiques que connaissent ces populations et de la prolongation de leur exil, le financement du Plan régional visant à répondre aux besoins des réfugiés les plus vulnérables et de leurs communautés d'accueil n'atteint que 40 % de son budget total. Cette situation a contraint le HCR et ses partenaires à prendre des décisions difficiles quant à la meilleure façon de prioriser les ressources disponibles.
La chose la plus difficile pour Zouhour au cours des 13 dernières années a été de voir ses enfants grandir sans avoir accès à l'éducation dont elle a elle-même pu bénéficier.
« Mon fils ramasse du plastique sur le bord de la route pour gagner de quoi vivre. Il sait à peine lire et écrire », confie-t-elle. « Mes enfants ont été victimes de nombreuses discriminations à l'école. Il n'a rien pu apprendre. Cela me brise le cœur, car j'ai moi-même fait des études. Je ne peux pas envoyer ma fille à l'école si elle doit marcher une heure pour s'y rendre. Je crains pour sa sécurité. »
Zouhour est donc contrainte de faire des choix difficiles pour faire ce qu'elle estime être le mieux pour sa famille. L'un de ses fils, Khaled, a envisagé de tenter la dangereuse traversée vers l'Europe en quête d'un avenir meilleur. Sa mère, qui voulait à tout prix lui éviter un voyage aussi risqué, a organisé son mariage juste avant son dix-huitième anniversaire afin de l'en dissuader.
« Je me considère comme une personne avisée et je comprends que le mariage précoce n'est pas une bonne chose en soi, voire même une mauvaise chose, mais j'ai été obligée d'arranger le mariage de mon fils pour détourner son attention de cette traversée », a-t-elle expliqué.
« Je ne veux pas le perdre. Une tente est parfois plus sûre que le rêve d'une maison », conclut-elle. « Ce qui compte pour moi, c'est de garder ma famille unie. Même si cela implique un mariage, je ferai tout ce qu'il faut pour que nous restions unis. »
« Nous avons perdu 13 ans de notre vie »