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Questions/Réponses : L'école sous les arbres aide un « lost boy » à démarrer dans la vie

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Questions/Réponses : L'école sous les arbres aide un « lost boy » à démarrer dans la vie

John Dau est l'un de ceux que l'on appelle les « Lost Boys » du Soudan, le groupe des garçons perdus. L'épopée de sa fuite et de sa vie dans les camps de réfugiés dans les années 80 et 90 est racontée dans le documentaire « God Grew Tired of Us ». John Dau, qui a été réinstallé aux Etats-Unis en 2001, raconte comment la possibilité de faire des études a transformé sa vie de réfugié.
19 Octobre 2007 Egalement disponible ici :
John Dau dominant de toute sa hauteur la star américaine de la chanson, Tony Bennett, sous le regard du Haut Commissaire adjoint pour les réfugiés, Craig Johnstone (au centre, en costume sombre) et d'autres.

SYDNEY, Australie, 19 octobre (UNHCR) - John Dau est l'un de ceux que l'on appelle les « Lost Boys » du Sud-Soudan, le groupe des garçons perdus. L'épopée de la fuite et de sa vie dans les camps de réfugiés dans les années 80 et 90 est racontée dans le documentaire « God Grew Tired of Us ». John Dau, un Soudanais d'ethnie dinka mesurant deux mètres, a eu de la chance ; il a été choisi pour être réinstallé aux Etats-Unis en 2001, où il a fait des études brillantes. John soutient également des campagnes de récoltes de fonds organisées par l'UNHCR, comme ninemillion et Christmas Star Appeal, à l'occasion desquelles il souligne constamment l'importance de l'éducation. Lors d'un entretien téléphonique en début d'année avec Alison Gibbs, qui écrit pour l'association Australia for UNHCR, John Dau a raconté comment le fait d'avoir pu avoir accès à l'éducation dans le camp de Kakuma, au nord ouest du Kenya, a transformé sa vie de réfugié. Voici quelques extraits de l'interview :

Où et quand avez-vous été à l'école pour la première fois ?

C'était en 1989, dans le camp de Pinyudu, en Ethiopie. Ce n'était pas une école, mais c'est là que j'ai commencé à apprendre. Ce n'est qu'en 1992 que j'ai fréquenté une vraie école, à Kakuma. Maintenant j'étudie dans l'une des meilleures universités des Etats-Unis, à Syracuse, mais je pense que l'éducation reçue à Kakuma était, sous plusieurs aspects, bien meilleure de celle que je suis actuellement. Pourquoi ? Car elle m'a ouvert les yeux. J'étais comme un aveugle. Imaginez-vous : vous êtes aveugle ; vous ne voyez rien puis, soudainement, quelqu'un arrive, vous ouvre les yeux et vous pouvez voir le monde entier. C'est qui s'est passé dans mon cas.

A Kakuma, nous avons commencé l'école sous les arbres - au début, il n'y avait pas de classes. L'UNHCR faisait beaucoup d'effort pour en construire et faire venir des enseignants, des enseignants soudanais. Sous chaque arbre se tenait une classe. On commençait les cours vers 8h30 ou 9h00 du matin ... on s'asseyait en cercle sous l'arbre et l'enseignant se tenait debout au milieu du cercle, une ardoise dans une main et une craie pour écrire dans l'autre.

On se déplaçait autour de l'arbre, pour suivre son ombre. Nous écrivions avec nos doigts dans la poussière. On suivait tout le parcours de l'ombre de l'arbre, puis on rentrait chez nous ; avec nos camarades de lecture, on s'asseyait, on parlait, on faisait des dictées et on écrivait l'alphabet.

Aviez-vous du matériel pour écrire ?

Non, pas au début. Nous écrivions avec nos doigts ; on a même fait des examens en écrivant avec nos doigts. Plus tard, l'UNHCR a travaillé dur pour nous fournir des cahiers.... Ils coupaient les cahiers en deux, m'en donnant une moitié et la deuxième à un autre élève. Les cahiers sentaient si bon ! Les crayons étaient coupés en trois parties, pour que nous puissions en avoir un morceau chacun.

Nous utilisions ces cahiers de cette façon : on commençait l'anglais d'un côté, et de l'autre côté nous écrivions les mathématiques. Et au milieu du cahier, il y avait la géographie, l'histoire et le civisme. Et de l'autre côté, on écrivait les sciences. Si on travaillait vraiment bien, nous pouvions avoir un cahier entier chacun.

Et les bâtiments scolaires ?

D'abord les classes se déroulaient sous un arbre puis, deux ans après, l'UNHCR et d'autres ONG ont commencé à construire des bâtiments.... Ils ont utilisé du bois provenant de la région, de la terre et de l'herbe pour le toit. Nous avons été autorisés à fabriquer nos propres bancs avec de la terre. Puis, encore deux ans après, ils ont remplacé ces bâtiments par d'autres en « brique verte », comme nous disons chez nous. Le toit était en tôle ondulée et c'était bien ! Et l'UNHCR a engagé des menuisiers pour fabriquer des bancs que nous pouvions déplacer, et ils étaient très bien faits, vraiment. Voici toutes les améliorations que nous a apportées l'UNHCR.

Pour nous, il n'y avait qu'une seule chose dans ce camp : l'école. Souvent on manquait de nourriture, voire même de sécurité, mais on avait l'éducation. Et c'était le plus important.

Combien d'enfants allaient à l'école ?

Peut-être 13 000. Il y avait beaucoup d'écoles autour du camp. Une école pouvait peut-être accueillir 1 000 enfants, et il y avait peut-être 13 écoles.... Nous avons travaillé si dur et nous utilisions tout ce qui nous tombait sous la main, des textes à lire, des livres. L'UNHCR ou les professeurs nous achetaient des livres et des cahiers d'exercice.

Et nous étions vraiment inquiets, vous savez. Car quand il n'y avait pas assez de nourriture, les gens disaient : « Que pouvons-nous faire ? Pourquoi nous ne prendrions pas le matériel de l'école pour le vendre et acheter ensuite de la nourriture ? » Pour nous les élèves, c'était vraiment un sujet d'inquiétude, qu'ils nous prennent des choses de l'école.

L'école était si importante pour vous ?

Oui, car nous savions qu'en allant à l'école, on pouvait ensuite devenir professeur, médecin ou directeur de camp.

Ce que vous aviez, c'est une vision de l'avenir, la certitude de ce que vous pourriez faire.

Oui. Et même davantage parfois, je crois, que les enfants aux Etats-Unis. La seule chose qui nous restait, c'était l'éducation. Nous n'avions ni nos parents, ni proches ; nous n'avions plus rien d'autre que l'éducation. L'éducation remplaçait nos pères et nos mères.

Comment l'éducation peut-elle remplacer vos parents ?

Selon les coutumes africaines, vous dépendez de votre mère et de votre père pour la nourriture, la protection. Quand vous avez votre mère, vous savez que vous allez pouvoir manger. Quand vous avez votre père, vous vous sentez protégé des dangers, de l'humiliation. Vous vous sentez protégé. Puis vous perdez votre père et votre mère. L'éducation devient la solution pour avoir à nouveau de quoi manger. Vous trouvez un emploi, la sécurité, le contrôle de votre vie.

Comment êtes-vous entré à l'Université de Syracuse ?

Cela s'est passé après mon arrivée aux Etats-Unis. Après un an, j'ai décidé d'aller à l'école [dans l'Etat de New York]. J'ai commencé par le lycée public. J'ai passé les examens, en anglais et en mathématiques, et j'ai été reçu. J'ai travaillé toujours dur ; j'avais deux emplois, et en même temps, j'étudiais pour préparer l'examen de fin de scolarité au lycée public.

Je voulais vraiment aller à Syracuse, mais c'était trop cher. Alors je suis allé au lycée public et, comme j'avais d'excellents résultats, j'ai reçu une bourse d'études. Tant que j'obtiens de bons résultats, je n'ai rien à payer.

Etudiez-vous encore aujourd'hui ?

J'ai pris un semestre de congé et j'en prendrai sans doute un autre car je suis maintenant engagé dans un projet pour construire un centre médical en Afrique, là où je suis né. Nous avons un médecin et des infirmières et je vais en construire peut-être cinq autres [cliniques].

En Amérique, nous avons une maxime, « bats le fer tant qu'il est encore chaud. » J'ai ce film et maintenant beaucoup de gens me connaissent, alors le fer est chaud, et je veux en profiter pour collecter des fonds. Nous avons déjà réuni plus de 500 000 dollars pour construire ces cliniques. C'est comme cela que je peux aider maintenant.

Il me manque seulement 15 crédits à l'université - encore un semestre et j'aurai fini. Alors je dois battre le fer quand il est chaud, puis je retournerai à l'école.

Quelle formation suivez-vous ?

J'étudie les politiques publiques. C'est ce que je veux faire car ce domaine aide directement les gens. Il consiste à voir un problème dans une communauté et à proposer une solution. Et c'est ce que j'aime faire. Je suis un homme de solution !

L'éducation est-elle importante pour les jeunes réfugiés ?

Je crois que l'éducation est comme un verre. Si vous n'avez pas de verre, il est très difficile de boire de l'eau. Donner de l'argent pour aider peut être comme donner de l'eau sans avoir de verre où la verser et tout ce qu'elle fait c'est couler. Vous devez fournir l'éducation pour que les gens puissent utiliser cette aide pour changer leur situation, pour reconstruire leur communauté et changer le monde. Elle [l'éducation] est si importante.