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INTER'ACT Tour 2020 dans les collèges du Calvados

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INTER'ACT Tour 2020 dans les collèges du Calvados

En octobre, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés et des bénévoles réfugiés se sont rendus dans des collèges du Calvados afin d'échanger avec les jeunes sur la situation des déplacements forcés dans le monde. Témoignages, ateliers de rap et goûter oriental étaient au programme de ce rendez-vous annuel dans le département.
13 Octobre 2020

Vendredi 9 octobre au matin, devant l’une des classes du collège Montgomeri, à Troarn. Quelques élèves de quatrième, regroupés à la fenêtre, essayent de deviner ce qu’il se trame à l’intérieur. Les intervenants du HCR et les bénévoles réfugiés finissent d’installer une exposition de douze panneaux sur les déplacements forcés dans le monde. Quelques minutes plus tard, le professeur principal sonne le rassemblement et invite les élèves à entrer. Débordant d’impatience, la première classe de collégiens pénètre dans la salle.

Lancé en 2017, l’INTER’ACT Tour est le rendez-vous annuel du HCR avec les collégiens du Calvados. Il facilite les rencontres avec des intervenants réfugiés, qui partagent leurs histoires, cultures et divers talents, au travers d’une série d’activités. Cette année, la semaine avait débuté les lundi 5 et mardi 6 octobre au collège des Sources d’Aure, à Caumont-l’Eventé, puis dans les établissements Charles Letot et Jeanne d’Arc, à Bayeux. En tout, six classes d’une trentaine d’élèves de troisième et seconde avaient déjà pu faire la connaissance de deux réfugiés bénévoles, Alhassan et Feroz.

Exposition, témoignages et échanges sur les déplacements forcés

Ce vendredi matin, pour la dernière journée de l’INTERACT Tour, trois classes de 4e vont se succéder afin d’en apprendre davantage sur la situation des réfugiés dans le monde et en France. Devant l’exposition développée par le HCR, les membres de l’équipe chargée du projet au sein du HCR commencent par apporter des clés de compréhension sur le phénomène des déplacements forcés, les solutions apportées et le mandat du HCR. Qu’est-ce qu’un réfugié, un apatride ou un demandeur d’asile ? Pourquoi est-ce important de protéger les gens qui fuient la guerre et les persécutions ? Alors que certains collégiens découvrent le sujet, d’autres semblent déjà assez bien renseignés et partagent quelques informations avec la classe.

Après ce préambule, c’est au tour d’Azeez d’intervenir. Le jeune homme a fui l’Irak en 2014 et a depuis obtenu la nationalité française. Il poursuit aujourd’hui des études de développement international et s’engage bénévolement auprès de plusieurs organisations, dont le HCR, pour partager son témoignage et ses convictions auprès de différents publics.

« J'avais plein de rêves en Irak. Faire des conférences, voyager dans le monde, rencontrer le Pape... je n'ai jamais baissé les bras : tout cela je l'ai réalisé ! " Azeez

D’abord plutôt timides, les collégiens s’enhardissent à mesure que la conversation avance. Plusieurs mains se lèvent. C’est la voix de Charlise qui brise la première le silence : « Ça devait être dur de devoir quitter votre maison, sans pouvoir emporter quoi que ce soit, non ? » Après un sourire, Azeez lui répond doucement : « Oui, c’était dur. Mais nous étions en vie, c'est le plus important. On peut créer d'autres souvenirs, se faire de nouveaux amis. Si on est fort, c’est parce que les gens nous aiment. » Bien qu’il ait aussi témoigné des épreuves et défis rencontrés lors de l’exil ou à son arrivée en France, Azeez a choisi de centrer son témoignage sur le positif, à l’image d’un grand frère bienveillant : « Il faut croire en son talent. Casser les barrières. Un sourire, un mot peuvent changer un destin. C’est pour ça que je suis là devant vous. »

Il poursuit dans le même élan, sous le regard de collégiens visiblement inspirés : « J'avais plein de rêves en Irak. Faire des conférences, voyager dans le monde, rencontrer le Pape... je n'ai jamais baissé les bras : tout cela je l'ai réalisé ! Ne dites jamais c'est impossible. Vous pouvez changer le monde ! ». Avant de conclure, dans un sourire que ses yeux laissent deviner : « Vous êtes tous comme des petits diamants, qui sont encore à polir. Et quand ça commence, si un rayon de soleil tombe sur vous, il repartira dans toutes les directions. Vous pourrez alors ensoleiller le chemin des autres personnes ! »

Le talent d’Azeez, c’est aussi de deviner les fragilités, les doutes, et de savoir trouver les mots pour impliquer tout le monde. Libérer la parole. Pendant la discussion, beaucoup sont sortis de leur timidité pour lui parler. Après l’activité, les élèves souhaitent le remercier pour son histoire et l’échange, avant de poser pour une photo collective à ses côtés. Quelques heures plus tard, ils ne manqueront pas de lui écrire de nombreux messages sur son compte Instagram.

Un atelier d’écriture de rap avec les frères des Refugees of Rap

En début d’après-midi, les témoignages se sont poursuivis avec Yaser et Mohamed, du groupe Refugees of Rap, venus animer un atelier d’écriture. Les deux frères ont débuté la musique en Syrie, leur pays d’origine. À l’époque, déjà, ils proposaient des activités à destination des jeunes de Yarmouk : « Là-bas, on entendait la guerre partout. Et on utilisait la musique pour en sortir. On voulait leur montrer que l’art est très puissant, et qu’avec la voix, on peut faire beaucoup », expliquent-ils aux élèves de quatrième réunis devant eux et plutôt excités d’avoir affaire à deux rappeurs.

« La première étape, c’est de comprendre comment est composée un morceau de rap. » Yaser

L’objectif de l’après-midi ? Que chaque groupe d’élève écrive son propre couplet. « La première étape, c’est de comprendre comment est composée un morceau de rap », explique Yaser, en faisant signe à son frère. Mohamed passe au tableau et leur explique les rimes, l’importance de la rythmique et du choix des syllabes.

Face aux regards curieux, il invite la classe à produire ensemble un couplet en quatre phrases, pour illustrer son propos. Dans un concours d’inventivité et de malice, les élèves suggèrent toute une ribambelle de mots en rimes, "école", "contrôle", "geôle", "colle", qui leur donnent l’occasion de composer leur premier morceau collectivement.

Une fois le cadre posé, de petits groupes de quatre se forment aux quatre coins de la salle pour travailler. Après une petite demi-heure d’écriture en équipes, avec l’appui des professeurs, Mohamed réunit tous les élèves en cercle pour une dernière démonstration. Claps de main, de pieds, beat-box, tout le monde se prend au jeu et apprend à bien poser les paroles sur la musique. Les nouveaux rappeurs pourront présenter leurs créations après la pause goûter, organisée dans le réfectoire voisin.

Pour terminer, un goûter oriental avec la cheffe Maryam

Comme en 2018, c’est la cheffe Maryam, qui a accepté de faire découvrir de nouvelles saveurs orientales aux collégiens. Mobilisée depuis le matin dans les cuisines du restaurant « Sauvages sur un plateau » de Caen, elle leur a préparé un magnifique trio de goûter, composé d’un lait fouetté à la banane, d’une pâtisserie ronde à base de dates et graines de sésame et d’une crème Maïzena multicolore.

Attablés en silence, les élèves sont tout occupés à découvrir ces mignardises venues d’ailleurs. Leurs formes, leurs couleurs. Certains, qui n’osaient d’abord pas croquer dans la pâtisserie, s’y essayent timidement avant de la faire disparaitre d’une bouchée. Passant de table en table, Maryam reçoit les félicitations et les sourires comme récompense de sa journée passée à recomposer avec tendresse ces saveurs du Proche-Orient.

Les enfants font leur retour dans la salle de classe pour les restitutions de l’atelier. Appréhension et excitation sont perceptibles. Qui va se lancer en premier devant tout le monde ? Un premier groupe composé de deux garçons et deux filles lève la main et s’avance. Yaser et Mohamed les félicitent et envoient le rythme. Les élèves commencent, papier en main :  

« A cause de la guerre,
Je suis devenu réfugié,
Et maintenant je suis déterminé à tout changer.
Puis j’ai commencé à rapper.
Pour parler de la Syrie en danger. »

Ovation nourrie pour les quatre courageux qui ont brisé la glace. Neuf autres groupes suivront, avec plus ou moins de facilité, mais toujours sous les applaudissements de la classe. Certains prolongent le plaisir et proposent un morceau un peu plus long.  

« Dans votre pays, vous n’avez pas de liberté,
Vous ne pouvez pas même vous exprimer,
Donc vous vous êtes mis à rapper,
Pour nous parler de votre vie de réfugiés.
Dans votre pays vous avez pris l’avion.
On se retrouve en salle de réunion,
Aujourd’hui vous avez partagé votre passion.
Désormais, c’est nous qui rappons ! »

Après une dernière salve de remerciements, et quelques conseils pour poursuivre l’écriture à la maison, les Refugees of Rap se préparent à quitter la salle. Les élèves rangent leurs affaires, entre deux blagues sur leur nouvelle vocation de rappeurs.

L’après-midi touche à sa fin, comme l’INTER’ACT Tour version 2020. Cette année, plus de 260 élèves et 12 professeurs auront participé aux activités encadrées par six bénévoles réfugiés et les intervenants du HCR. Alors que la pandémie de Covid-19 laissait planer l’incertitude quant à la tenue des activités, la mobilisation de tous et un protocole sanitaire strict ont permis de maintenir l’événement.

Un rendez-vous plus que jamais indispensable pour informer les jeunes d’aujourd’hui sur la réalité des déplacements forcés dans le monde, l’intégration des réfugiés en France et le rôle important de la solidarité et de l’ouverture vers l’autre/de la curiosité dans la construction d’une société plus juste et solidaire à l’avenir.