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Rencontre avec le dessinateur syrien à l'origine de la toute première collecte de fonds du HCR basée sur la vente de NFT

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Rencontre avec le dessinateur syrien à l'origine de la toute première collecte de fonds du HCR basée sur la vente de NFT

Afin de marquer le 70e anniversaire de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, le dessinateur de renom Hani Abbas a créé sept images qui seront vendues sous forme d'objets de collection numériques afin de collecter des fonds en faveur de l'Afghanistan.
4 Novembre 2021
L'une des sept illustrations du dessinateur syrien Hani Abbas incluses dans la toute première collecte de fonds du HCR basée sur la vente de NFT.

Le dessinateur syro-palestinien Hani Abbas, 44 ans, est né et a grandi à Yarmouk, un camp de réfugiés palestiniens dans la banlieue sud de Damas, la capitale syrienne. À partir de la fin des années 1990, ses caricatures paraissent dans des publications et des expositions en Syrie et dans tout le Moyen-Orient, avant que lui et sa famille ne fuient le conflit en 2012 et finissent par s'installer en Suisse comme réfugiés.

Depuis lors, le travail d'Abbas qui aborde les thèmes de l'injustice et du coût humain des conflits, a été diffusé dans des publications telles que Le Temps et La Liberté en Suisse ainsi que Le Monde en France. Il est également membre de l'organisation Cartooning for Peace, un réseau de dessinateurs de presse engagés dans la promotion de la liberté et de la démocratie. En 2014, Abbas a reçu le prix international de la caricature éditoriale à Genève.

À l'occasion du 70e anniversaire du HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, Abbas s'est associé à la fondation suisse pour le HCR (Switzerland for UNHCR) pour le lancement de la toute première vente de NFT (jetons non fongibles) de l'agence. Abbas a créé sept dessins humoristiques. Dix exemplaires de chacun de ces dessins seront convertis en objets de collection numériques uniques et vendus en tant que NFT sur la place de marché en ligne OpenSea afin de collecter des fonds pour la réponse du HCR à la crise en Afghanistan.

Avant le début de la vente le 4 novembre, le HCR s'est entretenu avec Hani Abbas à propos sa vie en Syrie, ses expériences en tant que réfugié et la signification des images qu'il a créées. La conversation a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.

À quoi ressemblait votre enfance dans le camp de Yarmouk ?

On qualifie Yarmouk de camp, mais c'est en fait une partie de la ville avec des bâtiments, des rues et tous les services habituels. Grandir là-bas était à la fois agréable et difficile. Beaucoup de gens dans un petit espace, beaucoup d'élèves à l'école. Nous avions une vie belle et amusante. Dure, mais belle. Parfois, les souvenirs difficiles deviennent agréables quand on y repense. Quand je pense à cette époque, j'ai de la nostalgie. Je me souviens de mes amis, de mon quartier, de ma rue, de ma maison familiale.

Le caricaturiste syro-palestinien Hani Abbas à Genève, en Suisse.

Quand avez-vous commencé à manifester du talent pour le dessin ?

Quand j'étais enfant, j'adorais dessiner. Je dessinais tout, et je dessinais sur tout. Je dessinais sur les murs, dans les manuels scolaires, sur mon corps, partout. C'est ce que fait un enfant ! J'adorais dessiner et lorsque j'étais à l'école, mon professeur d'art m'a soutenu et a présenté mes œuvres à un prix de dessin pour enfants des Nations Unies, que j'ai remporté deux fois, à 13 et 14 ans. Ces prix m'ont donné le courage et la conviction de continuer à dessiner. Je sentais que j'avais quelque chose à dire à travers mes dessins. Vous pouvez expliquer votre histoire, vos sentiments, vos idées.

Avez-vous toujours voulu être un caricaturiste ?

Non. Au début, c'était n'importe quoi, mais vers 18 ans, j'ai commencé à penser aux dessins humoristiques parce que j'en voyais beaucoup dans les journaux et sur les murs du camp. Les murs étaient comme notre journal dans le camp. Yarmouk était un grand journal. En 1998, j'ai publié ma première caricature dans un magazine palestinien, puis j'ai exposé dans le camp, à Damas, à Alep et au Liban. J'ai commencé à entrer en contact avec des journaux. C'est comme ça que ça s’est passé. En même temps, j'étais enseignant dans une école primaire de Damas.

Quels thèmes abordez-vous dans vos caricatures ?

Mes premiers dessins portaient sur la Palestine et les réfugiés palestiniens au Moyen-Orient. Plus politiques que drôles, car il m'était difficile de dessiner quelque chose de drôle. Je vais toujours vers la tragédie et le côté sombre parce que je dessine ce que je ressens. J'essaie de révéler quelque chose à propos de moi-même et de mon peuple. À l'époque, je ne faisais que dessiner et il n'y avait aucun problème pour moi, mais lorsque le conflit a commencé, il fallait prendre sa vie en main quand on dessinait.

Je dessine toujours aujourd’hui. Dessiner dans un endroit sûr comme la Suisse, c'est bien dans la mesure où vous avez une liberté totale. Mais on perd le sens du danger, le défi. Pour moi, j'ai fait mes meilleurs dessins sous les bombes. J'ai perdu une grande partie de mon pouvoir de création quand j'ai quitté la Syrie, mais j'ai toujours le pouvoir de la mémoire.

« Les souvenirs occupent mon esprit en permanence ».

Comment le conflit vous a-t-il affecté personnellement ?

Je me suis déplacé plusieurs fois en Syrie, de mars 2011 à décembre 2012, date à laquelle je suis parti. Les six derniers mois ont été très difficiles à vivre sous les bombes en permanence. À cette époque, nous entendions trois sons. Le premier était le son de l'obus lorsqu'il était lancé. Le deuxième était le son de l'obus au-dessus de nous dans le ciel. Le troisième bruit était celui de l'explosion au sol, ou dans un bâtiment. Je dessinais tout le temps, mais quand j'entendais le premier bruit, je levais mon crayon et j'attendais, en pensant : « c'est peut-être mon dernier dessin. » Si j'entendais le troisième bruit, cela signifiait que j'étais encore en vie. J'ai eu de la chance car j'ai toujours entendu les trois sons, mais des milliers de Syriens autour de moi n'ont jamais entendu le troisième son.

Vous avez réussi à fuir la Syrie, d'abord vers le Liban, puis vers la Suisse. Comment votre vie a-t-elle changé ?

Avant, ma famille était réunie au même endroit, maintenant tout le monde est dispersé dans le monde entier. Je suis ici en Suisse, à Genève, mon frère est à Cologne en Allemagne, mes parents et deux de mes frères sont en Suède, et un autre de mes frères est à Madrid, en Espagne. Ce n'est pas facile de communiquer avec eux. C'est bien que nous ayons les médias sociaux et les appels vidéo, mais ce n'est pas pareil. Mes enfants parlent français maintenant, les enfants de mes frères parlent allemand, suédois et espagnol. Quand ils se rencontrent, il n'est pas facile de se connecter avec autant de langues, de cultures et d'éducations différentes. Nous allons perdre notre arbre généalogique. Les branches ont été coupées et dérivent sur une rivière dans différentes directions. Mais la Suisse est très bien pour mes enfants, sans aucun problème et sans aucun mauvais souvenir, sans aucun danger pour l'avenir. Pour moi, tout va bien. Je travaille ici, je dessine toujours, je me sens bien. La vie est belle. Mais les souvenirs occupent mon esprit en permanence.

Une autre des sept illustrations de la série intitulée « Fenêtres », qui examine la mémoire et la perte en période de conflit.

Les images que vous avez créées pour la vente sous la forme de NFT font partie d'une série que vous dénommez « Windows ». Quelle est la signification des fenêtres dans votre travail ?

Quelle est la signification des fenêtres dans mon cœur ? Elles sont nos fenêtres pour voir le pays, pour voir les gens, pour se connecter avec eux et les entendre. En 2011, après quatre mois de conflit, j'ai dessiné la première fenêtre. Un bâtiment détruit avec juste une fenêtre encore debout, et un jeune homme qui attendait dehors avec une fleur pour voir son amour, qui était parti. Cela représente ce que nous avons perdu. J'ai dessiné d'autres personnages qui ont tout laissé derrière eux mais qui emportent une fenêtre, parce que la fenêtre est leur mémoire. J'ai mes propres idées et sentiments sur ces images, mais j'espère que tous ceux qui les regardent peuvent voir les effets de la guerre sur les gens.

« J'espère que tous les gens qui ont des problèmes dans leur pays pourront en sortir ».

L'argent récolté à travers cette vente sera utilisé pour soutenir le peuple afghan. Qu'avez-vous ressenti en suivant les événements récents là-bas ?

Cela m'a paru familier parce que nous étions et nous sommes toujours comme eux. Les mêmes problèmes, les mêmes sentiments, les mêmes histoires. Aux informations, nous entendions toujours parler de politique, mais nous ne savions pas ce qui arrivait aux gens normaux. Pour moi, j'espère que tous les gens qui ont des problèmes dans leur pays pourront s'en sortir. Je soutiens les personnes qui veulent s'en sortir si elles ont des rêves, si elles veulent protéger leurs enfants.

Vous avez l'habitude de publier vos dessins humoristiques dans les journaux. Que pensez-vous du fait qu'ils soient transformés en actifs numériques uniques et vendus en tant que NFT ?

Je n'ai pas d'expérience dans ce domaine. Je ne fais que dessiner ! Mais tous les dessinateurs veulent que leur travail soit vu, et je soutiens ces nouvelles idées. Tout ce qui peut aider les gens et expliquer les conditions difficiles et les problèmes auxquels ils sont confrontés, et permettre à d'autres personnes de les soutenir. C'est une idée nouvelle, et quand j'en ai entendu parler, je l'ai adorée. Nous espérons maintenant qu'elle réussira à attirer l'attention sur les problèmes des Afghans et à leur faire gagner de l'argent, bien sûr, car ils en ont besoin. Parfois, pour changer un peu la vie des gens, il suffit d'une tente, d'un peu de nourriture, d'un peu de soutien ou d'un peu d'éducation.

Pour voir toutes les illustrations incluses dans la vente, cliquez ici.