L’histoire d’Ammar : comment le football aide les réfugiés à reconstruire leur vie

Avant qu’Ammar Mahmoud ne fuie le conflit au Soudan en 2017, jouer au football lui offrait chaque semaine un exutoire, ainsi qu’une pause bienvenue dans ses études pour devenir agent des douanes. Depuis qu’il a obtenu l’asile en France et décroché une qualification comme entraîneur à plein temps, le football l’a aussi aidé à prendre un nouveau départ, tant sur le plan professionnel que dans sa philosophie de vie.

« En tant que joueur, j’étais dans la compétition. En devenant entraîneur, j’ai appris à me consacrer aux autres », explosait Ammar, qui encadre désormais des joueurs dans plusieurs clubs locaux. « J’ai appris à me concentrer sur l’inclusion, pas seulement sur la performance. J’encourage tout le monde à jouer, quel que soit son niveau. Avec le temps, même les meilleurs joueurs ont commencé à demander à s’entraîner avec des joueurs moins expérimentés, pour équilibrer les équipes. C’est l’esprit que nous voulons. »

« Sur le terrain, les différences disparaissent. Nous sommes simplement des gens qui jouent ensemble. »

La nouvelle carrière d’Ammar et son approche égalitaire doivent beaucoup à une organisation non gouvernementale appelée Kabubu, partenaire de la Fédération française de football (FFF), qui soutient l’intégration des réfugiés par le sport. Environ deux tiers des participants aux séances gratuites de football de Kabubu sont des réfugiés, tandis que les autres sont des membres de la communauté locale.

Construire des liens

Le 7 octobre, Ammar et ses coéquipiers ont eu la chance de rencontrer des joueurs de l’équipe de France sur leur terrain d’entraînement de Clairefontaine, avant d’assister au match de qualification pour la Coupe du monde entre la France et l’Azerbaïdjan au Parc des Princes.

FFF

Ammar a entendu parler de Kabubu à une période où il avait du mal à s’adapter à un nouveau pays et à une nouvelle culture. « Je savais que c’était fait pour moi », se souvient-il. « J’ai trouvé des gens comme moi, des réfugiés de différents pays et aussi des locaux. Nous jouions ensemble chaque semaine. J’étais souvent le premier arrivé et le dernier à partir. »

« Jouer au football m’a aidé à créer des liens et à déconstruire les préjugés. Sur le terrain, les différences disparaissent. Nous sommes simplement des gens qui jouent ensemble. »

Ne pouvant pas terminer sa formation de douanier en France, Ammar a décidé de s’inscrire au programme de formation FIT de Kabubu. Il a ensuite obtenu un diplôme professionnel (BPJEPS APT), ce qui a ouvert la voie à un épanouissement à la fois professionnel et personnel.

« Grâce au sport, je me suis fait des amis, j’ai rencontré ma compagne et j’ai même vu d’autres familles se construire. Le sport brise les barrières et montre la beauté du multiculturalisme », dit-il.

Unity EURO Cup

Ammar a participé à la Unity EURO Cup de l’an dernier en Suisse. Cette année, il se rend aux Pays-Bas comme entraîneur de l’équipe française.

UEFA via Getty Images

Kabubu emploie Ammar comme entraîneur et, ce mercredi, ils représenteront la France lors de la Unity EURO Cup, un tournoi annuel organisé par le HCR (UNHCR) et l’UEFA, pour des équipes européennes composées de réfugiés et de membres des communautés d’accueil.

« C’est un immense honneur. La première fois que j’ai été invité par le HCR, j’ai eu l’impression de rêver », raconte-t-il. « Je n’aurais jamais imaginé participer à un tournoi organisé par l’UEFA, rencontrer autant de joueurs et d’arbitres différents, et me connecter avec d’autres réfugiés venus de différents pays. »

Ammar, qui a pris part aux trois éditions passées, se souvient encore du moment où le bus de l’équipe de France est arrivé lors du tournoi inaugural à Francfort, il y a deux ans.

« Des écoliers nous ont vus descendre du bus avec notre tenue de l’équipe de France et ont pensé que nous étions des stars. Ils ont demandé des autographes, c’était incroyable », dit Ammar. « Ce moment a ravivé des rêves que j’avais presque abandonnés. Il m’a donné une nouvelle motivation pour continuer à croire en moi. »

« Parlez à quelqu’un, même une minute. Cette conversation peut suffire à dissiper beaucoup de malentendus. »

Le message d’Ammar

Chaque équipe de l’Unity EURO Cup est composée de sept joueurs réfugiés et de quatre joueurs issus des communautés d’accueil.

UEFA via Getty Images

Aujourd’hui, le HCR invite souvent Ammar à parler du rôle que le sport peut jouer dans l’intégration des réfugiés. Il donne le même conseil aux réfugiés et aux communautés d’accueil :

« Faites le premier pas. Parlez à quelqu’un, même si ce n’est qu’une minute. Une simple conversation peut suffire à dissiper de nombreuses idées préconçues alimentées par nos préjugés. Au fond, nous sommes tous des êtres humains, et il n’y a aucune raison d’avoir peur les uns des autres. »

Ammar espère que son histoire inspirera d’autres réfugiés à travers l’Europe à croire en leurs propres rêves.

« N’abandonnez jamais, quels que soient les défis. Restez sur le bon chemin, même si tout semble aller contre vous. Continuez, les choses s’amélioreront. »