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Réseaux mobiles, le cas de la Tanzanie

Réseaux mobiles, le cas de la Tanzanie

Retour sur le travail effectué par le Service de l'innovation en Tanzanie à travers le prisme de la connectivité et la participation du secteur privé, de façon à découvrir de nouveaux moyens pour renforcer l'action mondiale en faveur des réfugiés.
Les réfugiés congolais et burundais vivent dans des conditions difficiles à Nyarugusu, faute de financement pour de nouveaux abris.

Aujourd’hui, nous voyons un nombre sans précédent de personnes qui sont forcées de fuir, de quitter leur maison et d’aller vers un avenir incertain. Ce que nous ne voyons pas, ce sont des réponses adéquates et coordonnées à ces mouvements de population de grande ampleur, laissant les réfugiés et leur communautés hôtes sans solutions adaptées.

Pour la première fois en 2016, l'Assemblée générale a appelé à la tenue d’un sommet pour les réfugiés et les migrants, dans le but d’élaborer un plan d’action pour une meilleure réponse de la communauté internationale face au phénomène mondial des déplacements. A travers la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, l'Assemblée générale a décidé d’élaborer ce qui est désormais connu sous le nom de Pacte mondial sur les migrations sûres, ordonnées et régulières, un accord inédit pour une réponse commune et rationnalisée aux défis liées aux migrations internationales, et qui se fonde sur la collaboration, le partage des responsabilités, la non-discrimination et les droits humains.

L’année 2016 semble être le début d’un changement d’approche, d’une réaffirmation de l’engagement à respecter les droits de l’homme des réfugiés et à mieux soutenir les pays qui les accueillent. Une réponse plus globale aux déplacements forcés a commencé à prendre forme en mettant davantage l’accent sur l’autonomie des réfugiés et sur leur participation active au sein des communautés d’accueil.

Très bien et maintenant ? Comment appliquer ce cadre à notre travail ? Quels sont les éléments clés qui peuvent nous guider à concevoir et à mettre en œuvre des initiatives plus complètes et plus inclusives ?

Dans cet article, nous vous proposons de revenir sur le travail réalisé par le Service Innovation en Tanzanie sous l’angle de la connectivité et de l’engagement du secteur privé, afin d’identifier des moyens permettant de renforcer l’action mondiale en faveur des réfugiés.

Une réponse internationale en action : Connectivité pour les réfugiés

Au sein du Service Innovation, nous envisageons notamment de réaliser cet objectif ambitieux par le biais de l’initiative « Connectivité pour les réfugiés ». Pour un réfugié, avoir accès au réseau implique souvent de pouvoir être en mesure de rétablir un lien vital avec sa famille et ses proches et d’avoir accès à des informations et des services essentiels. La connectivité facilite également l'accès à l’information, à l'éducation et à des moyens de subsistance qui peuvent améliorer de manière considérable le bien-être et la coexistence pacifique des réfugiés et des communautés d'accueil.

Malgré tous ces avantages, il existe encore un certain nombre d'obstacles qui limitent l’accès à la connectivité des populations déplacées, allant du manque d'infrastructures aux législations restrictives, sans oublier des coûts parfois prohibitifs. Pour relever et surmonter ces défis, il faut aller au-delà des solutions déjà en place et nous montrer intransigeants dans la façon dont nous coopérons et dialoguons avec d’autres acteurs dans ce domaine.

L'une des pistes que nous avons explorées pour combler le déficit en matière de connectivité consiste à établir des partenariats avec des opérateurs locaux de réseaux mobiles. Pourquoi ? Tout simplement parce que la communication est leur cœur de métier.

Si vous pensez que cela pourrait vous intéresser et que vous souhaitez trouver les partenaires adéquats parmi les différents opérateurs de réseaux mobiles, lisez la suite. Cet article fait partie d’une série d’articles que nous publions dans lesquels nous partageons les enseignements tirés de notre expérience de travail pour améliorer l’accès à la connectivité pour les réfugiés. Dans chacun de ces articles, nous nous penchons sur des initiatives propres à certains pays ou à certains aspects de nos activités, lesquels peuvent avoir trait aux partenariats avec le secteur privé ou à la recherche et aux évaluations, entre autres.

Bien que chaque expérience soit liée à un contexte particulier, nous espérons qu’en réfléchissant et en prenant le temps de présenter notre expérience, nous pourrons en dégager quelques lignes directrices générales et avoir une vue d’ensemble pour tous ceux qui travaillent dans le domaine de la connectivité. Nous vous invitons par ailleurs à nous partager vos expériences et à encourager d’autres acteurs à se joindre à nos efforts en faveur d’une meilleure connectivité pour tous.

Tanzanie : Une antenne contre l’isolement

Le Nord-Ouest de la Tanzanie, qui abrite des milliers de réfugiés burundais et congolais, est l’un des premiers endroits où le HCR a commencé à expérimenter différentes approches pour améliorer la connectivité des réfugiés, notamment en collaborant avec des opérateurs de réseaux mobiles.

L'un des principaux objectifs de l’approche internationale est de renforcer les droits et les libertés des réfugiés et des communautés d’accueil. Dans le cas de la Tanzanie, cela signifie qu’il faut répondre aux besoins de communication exacerbés et urgents des milliers des réfugiés qui fuient la détérioration de la situation au Burundi et en République Démocratique du Congo.

En septembre 2015, l’équipe du HCR qui porte l’initiative « Connectivité pour les réfugiés » s’est rendue dans le camp de réfugiés de Nyarugusu, dans la région de Kigoma, en Tanzanie, en vue d’évaluer les besoins des réfugiés en matière de connectivité. Il s’est rapidement avéré que les infrastructures existantes ne permettaient pas de répondre au besoin criant de la communauté en matière de connectivité, les offres commerciales disponibles sur le marché étant par ailleurs limitées. Si la collaboration avec des entités gouvernementales avait bel et bien constitué un premier pas, celle-ci n’avait toutefois pas suffit à répondre aux besoin en matière de connectivité.

C'est alors que nous nous sommes tournés vers les opérateurs de réseaux mobiles, en nous intéressant davantage à leur stratégie d’investissement qu’à leurs capacités de déploiement à ce moment-là, conformément à la « Stratégie mondiale du HCR pour le développement de la connectivité pour les réfugiés ». Nous avons rapidement découvert un réel intérêt de leur part pour investir en vue d’améliorer la connectivité des réfugiés. La société Vodacom, par exemple, a ainsi installé une antenne 3G dans le camp de Nyarugusu, ce qui a permis aux réfugiés comme à la population locale de bénéficier d’une couverture dans la région. Pendant plusieurs années, le camp de Nyarugusu a pu se prévaloir de la connexion 3G la plus forte et la plus stable des trois camps de réfugiés de la région de Kigoma.  Peu de temps après sa mise en place, l’antenne fonctionnait à pleine capacité, avec jusqu'à 180 000 appels par jour.

Lors d’une mission de suivi quelques mois plus tard, les retombées évaluées étaient sans appel. L’amélioration de la couverture s’est accompagnée d’une forte augmentation du nombre de détenteurs de téléphones, des abonnements, d’utilisation de données et des transactions bancaires effectuées à l’aide de terminaux mobiles. C’est aussi simple que cela : le seul fait d'avoir accès à la connectivité permet aux réfugiés d’y avoir davantage recours pour communiquer avec leurs familles et leurs proches.

L'exemple de Nyarugusu a permis d’établir le bien-fondé de ce type de partenariats avec le secteur privé, et un certain nombre d'opérateurs de téléphonie mobile, parmi lesquels Airtel, Halotel et Tigo, ont manifesté leur intérêt pour de futurs investissements en ce sens. À l’issue d’une année de sensibilisation constante en faveur d’un environnement durable dans lequel les réfugiés ont accès à la connectivité, la GSMA, une association d'opérateurs mobiles, a mené des recherches et des évaluations concernant l'impact de la connectivité au camp de Nyarugusu.

UNHCR

L’engouement qu’a suscité l’élargissement de la connectivité en faveur des réfugiés se limite-t-il à la Tanzanie ? Sera-t-il possible d’obtenir les mêmes résultats ailleurs, avec les mêmes niveaux de participation et d’engagement des parties prenantes ? Voilà des sujets qui nous intéressent et que nous avons hâte d’explorer. Quelle est votre expérience en la matière ? Vos partenaires ont-ils manifesté un intérêt similaire ou ont-ils au contraire un autre point de vue à ce sujet ? Nous sommes à votre écoute.

De la Tanzanie à d'autres pays, régions et parties du monde, la question est de savoir comment concrétiser cet objectif ? Après mûre réflexion, trois idées principales se dégagent :

  1. Les populations sont prêtes pour la connectivité mobile : Les études ont montré que la grande majorité des personne interrogées souhaiteraient pouvoir utiliser davantage un téléphone mobile et l'accès à Internet : 97 % des personnes déconnectées souhaiteraient avoir accès à un téléphone et 57 % aimeraient bénéficier d’un accès à Internet. Ces statistiques reflètent les tendances observées à l'échelle mondiale en ce qui concerne l'utilisation d’appareils mobiles et les abonnements à des forfaits.  Cela signifie qu’avec un besoin de connectivité aussi manifeste, les opérateurs de réseaux mobiles sont les mieux placés pour répondre à cette demande. Bien que nous ayons observé cette tendance en Afrique de l’Est, notre équipe s’est engagée à tester cette hypothèse et à découvrir dans quelle mesure elle s’applique d'autres contextes. Grâce à notre collaboration avec la GSMA, nous menons des recherches en Jordanie, en Ouganda et au Rwanda pour comprendre les besoins des populations déplacées et l'intérêt dont peuvent faire preuve les opérateurs de réseaux mobiles à cet égard. Et ce n'est que le début ! Nous entendons poursuivre nos études et nos évaluations tout au long de l'année prochaine. Si vous vous intéressez aux besoins en matière de connectivité et aux différents types de services à valeur ajoutée, vous pouvez réaliser une évaluation des besoins en matière d’information et de communication ici (disponible en anglais et en français).
  2. Les études de rentabilité sont nécessaires :  Selon des recherches menées par la GSMA, les réfugiés de Nyarugusu qui utilisent un téléphone mobile estiment qu’ils dépensent environ 4,4 dollars par mois pour les appels et les données, « une dépense mensuelle qui dépasse le revenu moyen des abonnés en Tanzanie, malgré les possibilités de revenus limitées des réfugiés dans le pays ». Cela reflète non seulement l'importance de la connectivité pour les populations réfugiées, mais suggèrent par ailleurs que « l’extension de la couverture aux camps de réfugiés pourrait donner lieu à un modèle économique durable pour les opérateurs de réseaux mobiles, compte tenu de la forte densité de population dans les camps et de la demande de connectivité des réfugiés ».
  3. L’investissement appelle à l’investissement : L'installation initiale d’une antenne dans le camp par Vodacom a donné lieu à des investissements de la part de Airtel, Halotel et Tigo en faveur d’une meilleure connectivité pour les réfugiés.  La couverture réseau s’est considérablement améliorée dans le camp et aujourd'hui, la grande majorité des résidents bénéficient d'une bonne réception dans leur zone, et même parfois dans leurs foyers.

En parallèle des enseignements que nous avons tirés de l’expérience en Tanzanie, nous allons continuer à tester nos hypothèses et à enrichir notre corpus de données – notamment en collaborant avec la GSMA par le biais de leur programme intitulé Le mobile pour l'innovation humanitaire –, de façon à améliorer les services de connectivité mobile en faveur des réfugiés.

Bien que la situation diffère d’un pays à un autre en matière de télécommunications, ces approches peuvent être adaptées aux spécificités de chaque contexte. Nous espérons que les exemples et les enseignements tirés du contexte de la Tanzanie sauront vous inspirer quant aux différentes façons de collaborer avec les opérateurs de réseaux mobiles.

Des infrastructures, mais pas seulement

La collaboration avec les opérateurs de réseaux mobiles est essentielle, oui, mais la manière dont nous travaillons avec elles est également décisive. C’est pourquoi nous souhaitons vous faire part de ce que nous avons appris, afin que vous puissiez participer à la mobilisation des opérateurs de réseaux mobiles. L’exemple de la Tanzanie montre que l’établissement de relations durables avec des opérateurs de téléphonie mobile grâce à un plaidoyer fondé sur la recherche a conduit à un plus grand nombre de partenariats avec le secteur privé, l’expression d’un plus grand intérêt pour l’amélioration de la connectivité pour les réfugiés, et... l’installation d’antennes 3G.

Voici les enseignements que nous avons tirés de cette expérience :

  1. Travailler ensemble avec les acteurs humanitaires et les opérateurs de réseaux mobiles : il convient d’établir une meilleure coordination au niveau des opérations et de renforcer la conduite et le soutien des initiatives menées en faveur de la connectivité. L’esprit d’initiative est essentiel pour assurer une coopération régulière et durable avec les opérateurs de réseaux mobiles et assurer une couverture réseau de qualité.
  2. Mobiliser du soutien à l’aide de données probantes : le plaidoyer interne auprès des collègues et de l’organisation dans son ensemble compte autant que la mobilisation des opérateurs de réseaux mobiles. Il s’agit là de deux éléments indissociables qui seront par ailleurs indispensables pour atteindre l’objectif de la connectivité pour tous.
  3. Engagez-vous et rester engagés : il ne suffit pas de rencontrer les bonnes personnes au sein des entreprises opératrices de réseaux mobiles. S’assurer du maintien de leur intérêt et de leur implication nécessite beaucoup d'efforts et de suivi, ce qui s’avère indispensable. Cet impératif montre bien qu’il est essentiel que le pays concerné s’approprie l’initiative pour pouvoir mobiliser les opérateurs de réseaux mobiles.
  4. Mettez les usagers au premier plan : réfléchissez à la manière dont vous pouvez changer les points de vue et reformuler la situation. Les réfugiés sont des clients (et de bons clients !), et si les opérateurs de réseaux mobiles comprennent cela, nous pouvons faire passer la conversation de la responsabilité sociétale des entreprises à une réflexion sur des modèles commerciaux durables.
  5. Communiquez (souvent) avec vos interlocuteurs gouvernementaux : La communication au sein des communautés de réfugiés et avec ceux qui se trouvent en dehors des camps constitue souvent un sujet sensible pour les pouvoirs publics. Il nous est nécessaire de réaliser des efforts considérables pour les tenir informés, laissant souvent moins de temps à consacrer à la mise en œuvre concrète des projets et des initiatives. Il est donc indispensable de s’efforcer de trouver un juste équilibre entre les exigences des pouvoirs publics, notre rôle d’information et la réalisation des projets. Une communication et un dialogue ouverts constitueront donc la première étape.

Cette liste n’est pas exhaustive, et a seulement vocation à rendre compte des leçons tirées de l'opération menée en Tanzanie. La mesure dans laquelle ces leçons vous permettront (ou non) de mobiliser les opérateurs de réseaux mobiles dépend du contexte de votre opération. 

Une étape à la fois

L’efficacité des efforts de plaidoyer visant à coopérer avec les opérateurs et les résultats de cet engagement se confirme dans le cadre de beaucoup d’autres opérations menées ailleurs qu’en Tanzanie. Les résultats obtenus par le biais d’une telle coopération en Ouganda, au Malawi et en Éthiopie démontrent que l’exemple tanzanien ne constitue nullement une exception. Chacun de ces endroits se caractérise par un contexte spécifique, c’est pourquoi nous avons dans certains cas dû adapter nos méthodes aux défis propres à chaque situation. La compréhension des besoins des réfugiés et des communautés d’accueil en matière de connectivité et le rapprochement avec les opérateurs constituent une étape cruciale pour assurer une meilleure connectivité pour tous et ainsi apporter une aide plus efficace aux réfugiés. Vous pouvez d’ailleurs vous y employer dès aujourd’hui.

Cet article est le premier d'une série de publications présentant différentes pistes et rendant compte des échecs et des succès rencontrés dans le cadre des initiatives menées en faveur d’une meilleure connectivité pour les réfugiés. Vous avez coopéré avec des opérateurs de réseaux mobiles ou d'autres partenaires et vous voulez nous parler de votre expérience ? Nous sommes à votre écoute. Veuillez nous écrire à l’adresse [email protected].