COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET LES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-TROISIEME SEANCE
COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET LES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-TROISIEME SEANCE
E/AC.32/SR.33
Présidents : | |
Président : M. LARSEN (Danemark) | Vice-président du Comité |
Belgique | M. HERMENT |
Brésil | M. PENTEADO |
Canada | M. WINTER |
Chine | M. CHA |
Etats-Unis d'Amérique | M. HENKIN |
France | M. ROCHEFORT |
Israël | M. ROBINSON |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord | Sir Leslie BRASS |
Turquie | M. NURELGIN |
Venezuela | M. PEREZ PEROZO |
Observateurs : | |
Italie | M. THEODOLI |
Suisse | M. CHAMER |
Représentants d'institutions spécialisées : | |
Organisations internationale pour les réfugiés | M. WEIS |
M. KULLMAN | |
Représentants d'organisations non gouvernementales : | |
Catégorie « A » | |
Confédération internationale des syndicats libres | Mlle SENDER |
Catégorie « B » et Registre | |
Comité des églises pour les affaires internationales | M. MOURAVIEFF |
Comité de liaison des grandes associations internationales féminines | MLLE ROSSIER |
Congrès juif mondial | M. BIENENFELD |
Conseil consultatif d'organisations juives | M. TEMKIN |
Guilde internationale des coopératrices | MLLE ROSSIER |
Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté | Mme BAER |
Union internationale des ligues féminines catholiques | Mlle de ROMER |
Union catholique internationale de service social | Mlle de ROMER |
Secrétariat : | |
M. Humphrey | Directeur de la Division des droits de l'homme |
M. Giraud | Département juridique |
M. Hogan | Secrétaire du Comité. |
1. ELECTION D'UN VICE-PRESIDENT ET D'UN RAPPORTEUR
Le PRESIDENT souhaite la bienvenue aux observateurs des Gouvernements italien et suisse et déclare qu'il sera heureux d'accueillir les observateurs de tout autre pays s'intéressant aux problèmes qui occupent le Comité.
En l'absence du Président, empêché, c'est le Vice-président qui a été prié d'assurer la présidence. Il pense qu'il est souhaitable que le Comité élise un autre Vice-président ainsi qu'un autre rapporteur car M. Guerreiro ne pourra assister aux séances.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) propose pour la Vice-présidence la candidature de M. PENTEADO (Brésil).
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) appuie la proposition.
M. PENTEADO (Brésil) est élu Vice-président par acclamations.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) propose comme rapporteur M. WINTER (Canada).
M. MINTER (Canada) est élu rapporteur par acclamations.
2. DEBATS PRELIMINAIRES
Le PRESIDENT déclare que les travaux du Comité ont été définis dans la résolution adoptée par le Conseil économique et social (E/1818) le 11 août 1950. La préparation de projets d'accord révisés a été considérablement simplifiée, le Conseil ayant rédigé un préambule et préparé une définition du terme « réfugié » (article 1). Il propose que le Comité procède aussitôt à l'examen de l'article 2.
M. ROCHEFORT (France) estime, sans désapprouver la suggestion du Président, qu'il serait cependant souhaitable que les délégations ayant participé aux délibérations du Comité social et du Conseil, puissent faire connaître leurs vues générales sur les conclusions auxquelles sont arrivés ces deux organes. Il semble opportun, en effet, au représentant de la France, de mettre au courant de la situation les membre du Comité spécial qui n'ont pas assisté aux débats du Conseil sur la question des réfugiés et des apatrides.
M. HERMENT (Belgique) se demande si des exposées d'ordre général ne sont pas de nature à rouvrir une discussion sur des points déjà acquis, ce qui risquerait de retarder inutilement les débats du Comité. Il y aurait lieu, à son avis, de préciser dès maintenant, qu'il ne s'agit pas d'une discussion générale, mais d'exposée permettant de faire connaître la situation aux membres du Comité.
M. ROCHEFORT (France) fait observer qu'il n'a pas l'intention de remettre en discussion les points déjà acquis, mais simplement d'essayer de dégager la philosophie des délibérations du Comité social et du Conseil, afin de faciliter les travaux du Comité spécial.
Le PRESIDENT Considère la proposition du représentant de la France comme utile et prie celui-ci d'exposer dans ses grandes lignes le point de vue de sa délégation.
M. ROCHEFORT (France) tient à préciser la position de la délégation française qui se trouve, au sein de ce Comité, dans une situation assez délicate.
En effet, il lui est arrivé de critiquer devant le Comité social la composition géographique du Comité spécial, les textes qu'il a élaborés et l'esprit dans le quel il à travaillé. Chose plus grave encore, la délégation française a proposé deux nouveaux projets qui, après avoir été amendés, ont été adoptés par le Comité social, en lieu et place des textes adoptés par le Comité spécial. Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi la délégation française s'est prononcée d'abord en faveur du renvoi de la question à l'Assemblée générale et, ensuite, en faveur d'une nouvelle réunion du Comité spécial.
La délégation française, il est vrai, s'est inspirée du texte élaboré par le Comité spécial pour rédiger les projets qu'elle a soumis au Comité social. Il est rai également qu'elle n'a accepté le renvoi des projets d'accords à l'Assemblée générale qu'à la condition que le Conseil prenne au préalable des décisions sur deux points essentiels, à savoir : le préambule de la Convention et la définition du terme « réfugié ». Ce sont là des questions d'ordre politique qu'il était absolument nécessaire d'examiner quant au fond a avant de les renvoyer à l'Assemblée générale, si l'on voulait éviter un échec. Les décisions prises par le Conseil devraient grandement faciliter les travaux du Comité spécial.
Etant donné que les comptes rendus des séances constituent un commentaire suffisant des deux textes adoptés par le Conseil, le représentant de la France se bornera à formuler quelques observations relatives à l'esprit dans lequel il convient d'aborder les travaux du Comité.
Le représentant de la France a évoqué les débats du Comité social pour souligner la nécessité impérieuse de subordonner l'élaboration juridique du texte à une vue très précise de la réalité. Faute d'en tenir compte, la convention préparée par le Comité spécial essuierait un échec devant l'Assemblée générale, puis, ce qui serait plus grave, devant les gouvernements qui seront invités à la signer. Il convient, à ce propos, de sa rappeler que ce sont ces gouvernement qui constituent la vraie majorité, même si cette majorité a pu être une minorité au sein du Comité spécial.
Parmi les différents pays européens représentés à ce Comité, la France a le lourd privilège d'avoir, dans ce domaine, le plus de charges et aussi d'être le pays le plus menacé. M. Rochefort a déjà eu l'occasion de rappeler devant le Conseil que son pays a accueilli depuis 1920 à titre provisoire ou définitif, 1 300 000 réfugiés, soit plus que l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) n'en a jamais eus sous son mandat. Certes, le plus grand nombre de ces réfugiés s'est fondu dans la communauté nationale, et d'autres ont pu regagner leurs pays respectifs, mais il en reste encore 300 000 environ, dont 75 000 sont des réfugiés de date récente.
Il convient de s'arrêter sur ces chiffres. On a prétendu que les pays d'accueil entretenaient artificiellement un problème de réfugiés, parce qu'ils ne suivaient pas une politique de naturalisation assez libérale. Or, il importe de souligner qu'il serait chimérique de croire qu'une telle politique pourrait permettre de résoudre immédiatement ce problème dans son ensemble. En effet, parmi les réfugiés qui se trouvent dans les pays d'accueil, tous ne sont pas des candidats à la naturalisation. Il suffit de lire la Convention de l'OIR pour se rendre compte que les 120 000 réfugiés espagnols, par exemple, ne résident en en France qu'à titre temporaire, en attendant de pouvoir retourner dans leur pays. Parmi les autres réfugiés, certains aspirent à quitter l'Europe, d'autres à retourner dans leur pays, et en attendant de pouvoir prendre une décision, la plupart restent où ils se trouvent sans être disposés pour autant à devenir des citoyens du pays qui les accueille. Il en est d'autres, enfin, que les pays de refuge peuvent ne pas souhaiter naturaliser. Parmi ceux qui ont choisi la liberté, certains ont été des oppresseurs dans leur propre pays. Il est donc permis, dans ces conditions, de douter de la sincérité de leur choix.
De plus, les pays d'outre-mer doivent comprendre que les pays d'accueil européens sont tenus d'appliquer au stade de la naturalisation les conditions qu'ils imposent normalement eux-mêmes en cas d'immigration. Les pays d'Europe, tenant compte de leur position géographique, ont accordé l'hospitalité à de nombreux réfugiés ; force leur est d'en tenir compte également lorsqu'il s'agit de naturaliser ceux qu'ils ont si généreusement accueillis. Là où l'accueil se prodigue sans la moindre discrimination, il est naturel qu'une telle discrimination s'exerce au stade de la naturalisation.
Il convient aussi de se rappeler que l'action de l'OIR a contribué à ne laisser en Europe que les éléments les moins intéressants, c'est-à-dire ceux qui forment ce que l'on a convenu d'appeler le groupe résiduel, lequel ne représente que des charges pour les pays d'accueil.
En outre, dans les pays d'Europe, la situation en matière de réfugiés n'est pas statique comme elle l'est dans les pays d'outre-mer. En Europe, cette situation ne dépend ni de l'appréciation, ni même de la volonté des pays intéressés. En effet, il ne leur appartient pas d'interdire l'entrée de leurs frontières, alors que des pays où sévissent des régimes plus autoritaires ne parviennent pas à fermer leurs frontières à la sortie. A ce propos, le représentant de la France souligne que les frontières de l'est de son pays sont très exposées, non seulement en raison des nouveaux réfugiés pouvant venir des pays de l'est, mais en raison également de nombreux réfugiés qui se trouvent actuellement en Allemagne et en Autriche. Il convient de se rappeler que la France est, à l'ouest, le dernier pays avant la mer.
Tels sont les faits incontestables, et d'ailleurs incontestés, qu'il ne faut pas oublier. Dans ce conditions, la définition qui a été adoptée par le Conseil est l'expression même du libéralisme des pays européens. Il serait difficile de trouver une définition plus large ou plus menaçante pour ces pays.
Certes, la date limite du 1er janvier 1951 constitue une protection, mais cette date n'est nullement protectrice en ce qui concerne les nombreux réfugiés qui se trouvent en Autriche et en Allemagne et qui ont déjà acquis la qualité de réfugiés. Chaque mois, la France enregistre quatre à cinq mille nouveaux réfugiés qui ont passé clandestinement les frontières. Qui oserait prétendre qu'une telle situation est normale, qu'elle est facile à résoudre et qu'elle relève de la responsabilité du Gouvernement français ? Il faut que tous ces faits soient connus, afin d'envisager le problème sous son aspect véritable. L'hospitalité accordés par les pays d'Europe est un service qu'ils rendent à la cause de la liberté et de la civilisation au nom de toutes les Nations Unies.
Dans ces conditions, on comprendre les raisons qui ont amené le Comité social à reprendre dans les textes qu'il a adoptés dans dispositions que le Comité spécial avait rejetées, notamment un préambule rédigé en termes équitables pour les réfugiés aussi bien que pour les pays d'accueil et une définition du terme « réfugiés » qui, en excluant les personnes qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 14, paragraphe 2, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, rend la convention conforme aux exigences de la morale international et apporte une garantie aux vrais réfugiés et aux pays d'accueil. On a tenu également à ce que figurent dans la Convention des clauses de sortie de l'état de réfugié, non pas, bien entendu, que l'on veuille obliger les victimes des persécutions racistes à retourner dans le pays qui les persécute, mais de façon à ne pas faire bénéficier du statut de réfugiés des personnes qui ne sont plus, en fait, des réfugiés et qui n'ont plus aucune raison de se prévaloir de cette situation.
M. Rochefort tient maintenant à répéter ce qu'il a déjà dit devant le Conseil : les pays d'accueil européens ont été heurtés par une certains conception qui se dégage des comptes rendus des séances du Comité spécial. En effet, déclarer qu'on peut être fier du fait que le problème de la protection ne se pose pas dans son pays, c'est déclarer a contrario qu'un pays où se pose un tel problème, non seulement n'a pas le droit d'en être fier, mais peut-être même devrait en être honteux. On pourrait, selon cette conception, croire que, justement indignée par l'impuissance des pays d'Europe à pratiquer à l'égard des réfugiés un traitement aussi libéral que des pays plus lointains, la communauté des nations s'en est émue, qu'elle s'est saisie volontairement du problème et qu'elle entend que soit élaborée une convention applicable dans tous les pays d'accueil. Ce serait commettre une erreur fondamentale.
La vue de la réalité telle qu'elle vient d'être exposée conduit à une conclusion évidente ; le problème de la protection ne se pose dans les pays d'Europe que parce que ceux-ci ont fait preuve d'un excès de libéralisme en pratiquant une politique d'accueil non discriminatoire. Ces pays ont le droit de tirer quelque légitime fierté de leur attitude.
Une conception différente que tendrait à faire retomber sur ces pays la responsabilité de e problème se fonderait sur un certain nombre d'oublis. Ce serait oublier que les pays d'Europe ont toujours été les premiers à provoquer les initiatives dans le domaine de l'élaboration de conventions internationales pour la protection des réfugiés. Ce serait oublier que la France, en particulier fait bénéficier des personnes se trouvant dans l'état de réfugiés mais ne jouissent pas de ce titre, des mêmes droits et avantages que si elle y était tenue par des conventions. Ce serait oublier que le Gouvernement français a étendu ces droits aux réfugiés espagnols sans qu'aucune convention internationale ne l'y obligeât.
Toutes ces considérations peuvent sembler éloigner la discussion du centre du débat. La délégation française estime cependant qu'elles sont fondamentales et que seule la connaissance concrète de la situation telle qu'elle se pose dans les pays d'Europe permettra de poursuivre l'examen du texte de la convention d'une façon réaliste, conforme aux besoins des réfugiés et conformé également aux possibilités des Etats.
La délégation française a souhaité voir participer aux débats de ce Comité les observateurs des gouvernements intéressés à ce problèmes. Il suffit de lire dans un mémoire adressé par l'un de ces gouvernements au Secrétaire général que, sur une population de 7 millions d'habitants, l'Autriche compte 450 000 réfugiés, pour imaginer que l'application d'une convention sur les réfugiés ne pose pas dans un tel pays un simple problème juridique, mais qu'elle soulève des difficultés autrement lourdes que les difficultés que comporte un débat juridique. C'est pourquoi la délégation française souhaite que le Comité prête attention aux observations que pourraient faire valoir notamment les représentants de l'Italie, de la Suisse et de l'Autriche.
Le représentant de la France a parlé dans le sens dans intérêts de son pays, mais ce faisant, il a également parlé dans le sens des intérêts des pays voisins de la France qui se trouvent dans une situation identique. Il a conscience également d'avoir parlé, en définitive, dans l'intérêt même des réfugiés car, à quoi servirait-il d'élaborer un texte de convention qu'un ou deux pays seulement seraient en mesure d'accepter ?
La délégation française n'a pas l'intention de formuler des exigences considérables au cours du débat qui va suivre, mais il y aura lieu de tenir compte des observations des pays européens représentés au sein de ce Comité et qui ont déjà fait valoir des soucis très légitimes. Il est nécessaire de prévoir un texte suffisamment souple, notamment en ce qui concerne la clause des réserves. Prévoir un texte monolithique, à appliquer ou à rejeter en bloc, serait courir à la plus grave des déceptions, ou au plus lourd des échecs.
Les quelques points qui appelleront des observations précises de la part de la délégation française ont été soigneusement examinés par les services techniques de l'administration française. Ces points ne sont pas très nombreux, mais ils revêtent aux yeux de la délégation française une très grande importance. Aussi, le représentant de la France demande-t-il au Comité de se souvenir, lorsque ces points seront soulevés, non seulement des 300 000 réfugiés qui se trouvent actuellement en France, mais de tous ceux qui pourraient s'y trouver, à l'avenir, en vertu de la définition qui vient d'être adoptée, sans que le Gouvernement française ait pu les maintenir en dehors de son territoire par une politique de visas à l'entrée et sans qu'il ait le coeur de les renvoyer dans les pays d'où ils se sont enfuis.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) reconnaît avec le Président que la rédaction du préambule et de l'article 1 par le Conseil économique et social a soulagé le Comité d'un lourd fardeau. Les débats du Conseil montrent clairement que l'on ne s'attend pas à voir le Comité traiter des clauses fédérale et coloniale, clauses essentiellement politiques qui soulèvent des questions que l'Assemblée générale est mieux qualifiée pour résoudre que le Comité.
Le Conseil économique et social a cependant chargé le Comité de rédiger un article sur les réserves. La délégation du Venezuela aurait préféré que l'Assemblée générale se chargeât aussi de la rédaction de cet article ; en effet, les Etats Membres auraient alors eu l'occasion d'étudier le texte revisé de la convention et auraient été en mesure de mieux décider quelles réserves doivent légitimement être faites. L'Assemblée serait par suite mieux placée par rédiger un tel article.
Il ressort des débats au Conseil que les points les plus discutés ont été le préambule et la définition du terme « réfugié » et, dans une moindre mesure, les clauses fédérale et coloniale. Quant au reste du projet de convention, les délégations de l'Inde et du Chili ont critiqué les articles 5, 11, 17 et 18 en observant qu'ils accordaient des droits préférentiels aux réfugiés. On peut en tirer la conclusion que le Conseil a donné son agrément, au moins tacite, au reste de la convention. La mission du Comité, d'après ce qui a été dit au Conseil et d'après les quelques observations qui ont été reçues de gouvernements, est d'examiner avec les plus grand soin les expressions qui ont provoqué des objections telles que « les mêmes droits et privilèges qu'un national ». Il faut également se souvenir que la convention sera soumis à l'examen attentif des gouvernements de tous les Etats qui envisagent d'y adhérer ; il import donc de rédiger l'article concernant les réserves de telle façon qu'il recueille une approbation générale.
L'oeuvre entreprise est d'inspiration humanitaire ; les pays représentés ne recherchent aucune avantage et l'une des parties les plus délicates de la tâche est déjà achevée. Dans ces conditions, la session devrait être brève, et les laborieuses discussions du genre de celles qui se sont produites au cours de la session antérieure n'auront plus de raison d'être. En dehors de ces considérations, il est essentiel, du point de vue des délégations réduites, comme celle du Venezuela, que la tâche soit achevée sans retard ; sinon, M. Perez Perozo serait obligé de laisser son pays sans représentation au sein du comité pour pouvoir se préparer à la prochaine session de l'Assemblée générale.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) désire formuler quelques remarques avant que le Comité aborde son travail. Il se rallie dans une large mesure aux observations du représentant de la France et adopte aussi les opinions exprimées par le représentant du Venezuela, et notamment la suggestion d'après la quelle le Comité devrait procéder de façon aussi expéditive que possible, afin que tous les intéressés soient suffisamment documentés et préparés en vue de l'examen du projet de convention par l'Assemblée générale.
Quant au plan des délibérations du Comité, M. Henkin estime que tous d'abord doit intervenir la discussions des articles qui appellent des observations particulières, et cela surtout au profit des observateurs, afin que ces derniers pussent ajouter leurs propres commentaires. Il faudrait également tenir le plus grand compte des observations des gouvernements et il paraît opoprtun sur ce point de proposer que le Comité prête une attention spécial aux observations du gouvernement d'Israël (E/AC.32/L.40, page 10). Il faut aussi que la convention soit rédigée de manière à constituer un document autonome ; peut-être pourrait-on aussi insérer dans le texte toutes les explications nécessaires au sujet de certaines formules techniques et dans d'autres cas similaires. M. Henkin espère que l'on restera fidèle à l'esprit qui a inspiré le Comité au cours de sa dernière session, et qui consiste à rechercher un moyen terme entre la législation en vigueur dans les divers pays et un objectif humanitaire idéal. A cet égard, il songe en particulier aux observations faites par les représentants de l'Inde et du Chili au Comité social, sur certains articles qui accordaient aux réfugiés un traitement préférentiel par rapport aux étrangers ordinaires et aux nationaux des pays d'accueil. Le Gouvernement des Etats-Unis croit que dans de nombreux cas les pays seront disposés à accorder un statut privilégié aux réfugiés, et M. Henkin regretterait que la convention réduisît les droits accordés aux réfugiés à ceux qui sont donnés aux étrangers ordinaires. Cette procédure pourra naturellement créer des difficultés à certains pays, c'est pourquoi la délégation des Etats-Unis serait disposée à accepter une clause assez libérale sur les réserves. De toute façon le statut des réfugiés ne doit pas être moins favorable que celui des étrangers ordinaires. On se rappellera aussi que les travaux du Comité durant sa session précédente ont été grandement facilités par le fait que l'on n'a pas tenté de rédiger les clauses en Comité. M. Henkin propose donc que si les divers articles doivent être examinés en session générale, les question de rédaction qui pourront surgir soient confiées à un sous-comité de rédaction.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) voudrait simplement faire quelques brèves observations. Le Gouvernement du Royaume-Uni éprouve une profonde sympathie pour les réfugiés et désire leur donner toute l'aide possible. Sir Leslie Brass se trouve dans une situation assez délicate, car il n'a pas été présent lorsque le Conseil et le Comité social ont discuté la question, et il n'a pas encore eu le temps d'étudier les comptes rendus de leurs débats. Dans l'intervalle, donc, il lui faudra demander à ceux qui étaient présents de le renseigner sur les débats, et il tient à remercier le représentant de la France de sa déclaration. En outre, le Gouvernement du Royaume-Uni n'a pas pu étudier le résultat des délibérations qu'il vient de mentionner, de telle sorte que, de ce point de vue aussi, il se trouve un peu pris au dépourvu. En fait, le Gouvernement du Royaume-Uni espérait disposer de plus de temps pour étudier la question et pour formuler ses réactions à propos des divers discutés. Sir Leslie Brass toutefois s'efforcera de prévoir les conclusions vraisemblables de son Gouvernement.
Au point où l'on en est, l'orateur se bornera à attirer l'attention du comité sur les observations générales formulées par le Royaume-Uni (E/AC.32/L.40, pages 17 et 18) à propos du projet de convention. Dans le Royaume-Uni, la législation générale vise les étrangers aussi bien que les citoyens britanniques. Le Gouvernement de Sa Majesté ne voudrait pas créer une catégorie privilégiée d'étrangers, d'autant plus qu'à de rares exceptions près, l'étranger jouit dans le Royaume-Uni des mêmes droits et privilèges que le citoyen britannique et est en réalité traité de la façon la plus libérale quant à la vie quotidienne. Toutefois, l'étranger doit, bien entendu, demander l'autorisation de pénétrer dans le pays et l'octroi de cette autorisation est subordonné à certaines conditions.
L'étranger peut également être expulsé.
Le Gouvernement britannique hésite à accepter que certaines des dispositions du projet de convention soient universellement appliquées ; en effet elles ne prévoient ni les exceptionnels ni les cas d'urgence ni les crises. Après l'expérience des deux dernières guerres, le Gouvernement britannique estime que la question de sécurité doit être primordiale.
Quant à la définition du terme « réfugié » et aux opinions contradictoires formulée au Conseil par la délégation des Etats-Unis et celle du Royaume-Uni, Sir Leslie Brass pense qu'un définition aussi complexe est peut-être acceptable en matière administrative mais qu'elle ne peut guère servir à détermination de droits juridiques par les tribunaux. Toutefois, comme dans le Royaume-Uni les réfugiés et les étrangers sont traités de la même façon, qui d'ailleurs est fort peu éloignée du traitement dont jouissent les nationaux, la question des droits juridiques ne devrait pas se poser. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement du Royaume-Uni n'entend pas prévoir pour les réfugiés un régime juridique distinct de celui auquel sont soumis les autres étrangers.
M. CHA (Chine) expose que son Gouvernement n'est pas d'avis d'accorder aux réfugiés un traitement préférentiel. Le Gouvernement de la Chine a toujours été bienveillant à l'égard de ceux qui ont cherché refuge dans ce pays. Beaucoup de ces derniers, d'ailleurs, bien qu'ils y aient prospéré, n'ont pas sollicité leur naturalisation. L'opinion du Gouvernement chinois se fonde sur une longue expérience et notamment sur l'expérience amère de l'octroi d'un statut préférentiel dans le cadre du régime extra-territorial appliqué après la guerre de l'opium, il y a plus d'un siècle.
M. HERMENT (Belgique) propose de suivre la suggestion du représentant des Etats-Unis d'Amérique tendant à la création d'un sous-comité de rédaction et d'aborder l'examen de la question article par article.
Le PRESIDENT pense que les divers exposés qui ont été faits constitueront une base utile pour les travaux ultérieurs du Comité. Il propose, comme le représentant des Etats-Unis l'a suggéré, que le Comité examine le projet de convention article par article, en tenant compte de toutes les observations qui ont été faites. Sous sa forme actuelle, le texte n'est pas un document autonome et certaines observations qui figurent dans le rapport du Comité sur sa première session (E/1618) sont même contradictoires ; il faudra donc accorder la plus grande attention aux observations du Gouvernement d'Israël sur ce point. Il suggère également au Comité d'apporter la proposition tendant à créer un sous-comité chargé de rédiger les articles au fur et à mesure des besoins.
Le Comité décide d'adopter la procédure exposée par le Président.
M. CRAMER (Suisse) remercie le Comité spécial d'avoir permis à son pays d'envoyer des observateurs à ses délibérations.
Sans doute n'est-il ni nécessaire ni opportun de faire connaître des maintenant au Comité les vues du Gouvernement fédéral suisse sur les textes qui viennent d'être adoptés par le Conseil économique et social. Cependant, le représentant de la Suisse tient à dire que son pays se félicite notamment de l'adoption de l'article 1 du projet de Gouvernement il se permettra de présenter les diverses observations de son Gouvernement au cours de l'examen du texte, article par article.
M. GIRAUD (Secrétariat) tient à faire une remarque d'ordre général qui est de nature à faciliter les travaux du Comité.
L'article 36 du projet de convention qui traite des réserves, a lui-même été réservé et a fait l'objet d'observation de plusieurs gouvernements. Les membres du Comité ne sont pas sans savoir que, d'une façon générale, il existe une opinion défavorable aux réserves, car elles out pour effet de compliquer beaucoup l'application des conventions et d'en diminuer considérablement la portée. Aussi la doctrine des Nations Unies exige-t-elle que les réserves soient formellement accotées pour être valables.
Mais, dans le cas présent, il s'agit d'une convention de caractère particulier qui impose aux Parties contractantes des obligations, non pas à l'égard d'autres Etats, mais à l'égard des réfugiés ; les réserves n'entraînent donc pas, en l'espèce, les mêmes inconvénients. En effet, les Etats peuvent ne pas accepter la convention, et s'il n'est pas déshonorant de ne pas l'accepter du tout, il ne peut être déshonorant, non plus, de l'accepter sous certaines réserves.
Aussi pourrait-on admettre un système différent de la pratique générale, celui des « réserves libres » qui seraient valables même sans l'agrément ou l'accord des autres Parties contractantes. Toutefois, cette formule ne saurait s'étendre aux articles fondamentaux de la convention, tels que l'article premier les articles finaux et peut-être quelques articles spéciaux.
Cette façon de faire permettrait de ne pas rechercher le plus petit dénominateur commun, mais au contraire d'adopter des formules assez larges et assez générantes, Chaque Etat adapterait ses obligations à ses propres besoins et convenances et formulerait à son gré toutes réserves qu'il jugerait utiles.
La séance est levée à 13 heures.
1 Précédemment connu sous le nom de « Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes ».