COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET LES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-CINQUIEME SEANCE
COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET LES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-CINQUIEME SEANCE
E/AC.32/SR.35
Présent : | ||
Président : | M. LARSEN (Danemark) | |
Rapporteur : | M. WINTER (Canada) | |
Membres : | ||
Belgique | M. HERMENT | |
Brésil | M. PENTEADO | |
Chine | M. CHA | |
Etats-Unis d'Amérique | M. HENKIN | |
France | M. JUVIGNY | |
Israël | M. ROBINSON | |
Turquie | M. NURELGIN | |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | Sir Leslie BRASS | |
Venezuela | M. PEREZ PEROZO | |
Observateurs : | ||
Italie | M. THEODOLI | |
Suisse | M. SCHURCH | |
Représentants d'institutions spécialisées : | ||
Organisation internationale du Travail | M. OBLATH | |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. WEIS | |
M. KULLMAN | ||
Représentants d'organisations non gouvernementales : | ||
Catégorie B et Registre | ||
Comité des Eglises pour les affaires internationales | M. MOURAVIEFF | |
Conseil consultatif d'organisations | M. KARLIKOW | |
Guilde internationale des coopératrices | Mlle ROSSIER | |
Ligue internationale de femmes pour la Paix et la Liberté | Mme BAER | |
Congrès juif mondial | M. BIENENFELD | |
Secrétariat | ||
M. Humphrey | Directeur de la Division des droits de l'homme | |
M. Giraud | Département juridique | |
M. HOGAN | Secrétaire du Comité |
TEXTES PROPOSES POUR UN PROJET E CONVENTION RELATIVE AU STATUT ES REFUGIES (E/1618, E/1618/Corr.1, E/1818, E/AC.32/2, E/AC.32/6, E/AC.32/6/Corr.1, E/AC.32/L.3 et E/AC.32/L.40) (suite).
Le Comité poursuit l'examen du projet de convention reproduit à l'Annexe I de son premier rapport (E/1618).
Article 5 - Dispense des mesures exceptionnelles (suite)
Le PRESIDENT rouvre la discussion sur l'article 5 du projet de convention relative au statut des réfugiés (E/1618) et sur les observations du Royaume-Uni au sujet de cet article (E/AC.32/L.40, page 35).
M. HERMENT (Belgique), à propos des observations formulées par la délégation du Royaume-Uni au sujet de l'article 5 (E/AC.32/L.40, page 35) et de celles que le représentant du Royaume-Uni faites à la séance précédent à ce même sujet dit qu'il reconnaît parfaitement que le Royaume-Uni a le droit de prendre toutes mesures nécessaires en vue de sa sécurité. Toutefois, il se demande s'il est vraiment nécessaire en vue de sa sécurité d'introduire dans le projet de convention une disposition précise concernant le droit, pour les gouvernements, d'interner tous les réfugiés originaires d'un pays déterminé et si, dans l'affirmative, il convient d'amender l'article 5. Le représentant du Royaume-Uni a décrit la situation dans laquelle se trouvait son pays en 1940. En Belgique, la situation était, à cette époque, très semblable à celle du Royaume-Uni. Les réfugiés qui se trouvaient dans ces deux pays en 1940 n'étaient pas de véritables réfugiés préalablement triés sur le volet, mais des individus fuyant leurs pays, qui ne jouissaient pas du statut de réfugiés. Il se trouvait parmi eux des éléments suspects, contre lesquels des mesures rigoureuses s'imposaient.
L'article 5, par contre, concerne les réfugiés qui jouissent du statut de réfugiés, qui habitent depuis des mois ou des années dans les pays où ils ne trouvent, et dont les antécédents ont fait l'objet d'enquêtes approfondies. Les éléments suspects qui auraient pu se trouver parmi eux constitueraient une faible minorité et o n aurait eu le temps de les démasquer. Autrement dit, l'article 5, concerne les réfugiés jouissant du statut de réfugiés et non les candidats à ce statut. Il serait trop cruel de priver ces personnes de tous les privilèges et garanties qu'elles avaient obtenus en tant que réfugiés authentiques dans les pays où elles se sont installées. En fait, cela reviendrait à pénaliser ces personnes pour n'être pas devenues apatrides, car la suggestion du représentant du Royaume-Uni ne vise pas les apatrides, mais uniquement les réfugiés ayant une nationalité. Il est indispensable de sauvegarder le principe inscrit dans l'article 5 ; c'est pourquoi M. Herment propose de conserver cet article tel qu'il est, et de laisser les gouvernements qui se trouveraient dans la même situation que celui du Royaume-Uni faire des réserves à son égard lors de l'adoption de la Convention.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare que le choix à faire par le Comité est très simple ; il faut, soit conserver le texte actuel de l'article 5 en laissant aux divers gouvernements le soin de formuler leurs réserves à son égard, soit l'amender de manière à rendre lesdites réserves superflues. La décision doit être prise avant que l'article soit soumis au Comité de rédaction.
M. PENTEADO (Brésil) et M. JUVIGNY (France) se déclarent partisans de la deuxième solution que vient d'indiquer le représentant des Etats-Unis.
M. HERMENT (Belgique) fait valoir que, si l'article est amendé dans le sens indiqué par le représentant du Royaume-Uni, les réfugiés risquent de se trouver dans une situation désavantageuse.
M. JUVIGNY (France) pense que l'on pourrait surmonter en partie la difficulté indiquée par le représentant de la Belgique en faisant, comme l'a propose la veille le représentant d'Israël, une distinction entre deux catégories de mesures exceptionnelles, à savoir : d'une part les mesures prises en temps de paix ou au cours de crises de caractère non militaire, telles que les crises économique et financières, ou encore, les mesures de « rétorsion », d'autre part, les mesures prises dans des circonstances exceptionnelles qui mettent en danger la paix ou la sécurité nationale. Les dispositions concernant les mesures de ce dernier type devront évidemment être plus rigoureuses que les autres. On pourrait préciser dans l'article 5 en quoi consistent les « circonstances exceptionnelles » et indiquer que ces circonstances seront les seules qui pourraient entraîner la suspension des dispositions de l'article. Les circonstances de guerre sont imprévisibles et, en cas d'extrême urgence, les gouvernements qui auront accepté la convention sans formuler de réserves seraient peut-être obligés d'interner des citoyens de pays ennemis. Dans l'esprit de l'orateur, l'article 5 invite les Etats à se maintenir, en cas de circonstances exceptionnelles, les réfugiés authentiques dans des camps d'internement que pendant une période aussi brève que possible. Il s'agit, en fait, de concilier l'intérêt de la communauté nationale et celui des réfugiés.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) estime que l'on devrait définir de façon plus précise qu'on ne l'a proposé la portée de toute limitation imposée à l'article 5 au lieu de laisser aux pays toute latitude pour formuler des réserves importantes. Il aimerait que la limitation fût aussi étroite que possible de façon que l'article puisse être accepté.
L'article 5 ne doit pas empêcher les gouvernements, en temps de guerre, de passer les réfugiés au crible, afin d'éliminer ceux qui cherchent à se faire passer pour réfugiés à des fins subversives. Les gouvernements ont déjà ce pouvoir en ce qui concerne les autres étrangers et leurs propres citoyens, de sorte qu'il ne saurait être question de discrimination. Il n'en resterait pas moins qu'une des raisons majeures de tenir un réfugié pour suspect serait sa nationalité ou son ancienne nationalité, de sorte que l'article 5 est en jeu.
M. HERMENT (Belgique) se rallie aux suggestions des représentants de la France et des Etats-Unis.
Toutefois, il fait observer que l'article 5, sous sa forme actuelle, ne prévoit pas le cas d'anciens ressortissants d'un pays ennemi.
Il aimerait connaître le sens du mot « formellement », qui figure dans l'article.
Le PRESIDENT, parlant en tant que représentant du Danemark, reconnaît qu'il convient de prévoir le cas d'anciens ressortissants d'un pays ennemi et propose de remanier la fin de l'article de manière à lui donner la forme suivante : « ... un réfugié qui est ou qui a été ressortissant dudit Etat, uniquement en raison de sa nationalité actuelle ou antérieure ». Il est difficile de savoir avec certitude si une personne est vraiment un réfugié, car cela n'est pas toujours mentionné sur son passeport ; certains Allemands sont devenus d'authentiques réfugiés, tout en conservant leurs passeports allemands, d'autres réfugiés ont des passeports extraordinaires ou passeports dits Nansen.
M. JUVIGNY (France) explique au représentant de la Belgique que le mot « formellement » signifie en l'occurrence « juridiquement ».
Le représentant de la Belgique semble opposé à toute possibilité d'internement des réfugiés. Le texte toutefois n'interdit pareil internement que s'il a lieu uniquement en raison de la nationalité du réfugié. En 1939-40, et ultérieurement, les autorités françaises ont interné non seulement des étrangers mais aussi quelques ressortissants français, suspects d'appartenir à la cinquième colonne. Une telle pratique, qui ne se justifie que dans des circonstances dramatiques, ne saurait être interdite par l'article 5.
M. HERMENT (Belgique) remercie le délégué de la France de lui avoir expliqué la signification du mot « formellement ». Il propose de le remplacer par le mot « juridiquement ». Il tient par ailleurs à faire remarquer qu'à aucun moment il n'a contesté le droit, pour un gouvernement, d'interner qui que ce soit.
M. HOGAN (Secrétaire du Comité) donne lecture des deux variantes du texte proposé par le représentant du Royaume-Uni :1
SOIT :
« A. Article supplémentaire à insérer dans le projet de convention relatif au statut des réfugiés (document E/1618)
1. Tout Etat contractant a le droit, en cas de crise nationale, de déroger à toute disposition de la présente convention, mais seulement dans la mesure où cela est nécessaire dans l'intérêt de la sécurité nationale.
2. L'Etat contractant, ayant apporté une dérogation à la Convention en informera aussitôt les autres Etats contractants, par l'intermédiaire du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, ainsi que de la date à laquelle il aura mis fin à cette dérogation.
SOIT :
« B. Proposition visant à ajouter à la fin de l'article 5 le passage suivant :
... pourvu toutefois que, dans une période de crise nationale, un Etat contractant ait le droit d'appliquer temporairement ces mesures aux réfugiés en raison de leur seule nationalité, cela jusqu'à ce que ces mesures cessent d'être nécessaires dans l'intérêt de la sécurité nationale ».
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni), en présentant son amendement, déclare être d'accord avec le représentant des Etats-Unis qui a estimé que de nombreux Etats demanderont l'insertion dans la Convention de certaines dispositions concernant la sécurité nationale, en raison de la rédaction donnée à l'article 5. Dans ces conditions, il est préférable de régler cette question expressément dans le texte de la Convention plutôt que de laisser aux différent gouvernements la faculté de faire des réserves au sujet de cet article. Comme l'orateur l'a indiqué à la séance précédente, son Gouvernement désire faire figurer dans la Convention une clause générale d'exception déchargeant les Etats contractants de la nécessité d'observer les dispositions de la Convention en période de danger grave.
Le Royaume-Uni attache beaucoup d'importance à la question de la sécurité nationale. Pendant la dernière guerre, des sujets britanniques et des ressortissants étrangers, encore que n'appartenant pas à des pays ennemis, ont été internés quand les autorités avaient des raisons de douter de leur loyalisme. De nombreux ressortissants de pays ennemis - pas tous, il est vrai - ont été internés en 1940, simplement parce qu'ils étaient ressortissants d'un pays ennemi. Après leur internement, on les a passés au crible et au bout d'une année, seul un très petit nombre est resté interné. Le représentant de la Belgique s'est demandé s'il était nécessaire d'appliquer des mesures exceptionnelles à des réfugiés ressortissants d'un Etat ennemi. L'orateur est très nettement d'avis que cela est nécessaire et il croit que le Président, en tant que représentant du Danemark, penche dans le même sens. Il est impossible de soumettre tous les réfugiés entrant dans un pays à un examen approfondi du point de vue de la sécurité nationale, cet examen ne pouvant guère avoir lieu avant d'être rendu nécessaire par suite de circonstances exceptionnelles.
L'orateur tient à faire observer que le terme « mesures exceptionnelles » vise non seulement l'internement en soi, mais également des mesures restrictives, telles que, par exemple, l'interdiction de posséder un appareil de T.S.F., afin d'empêcher éventuellement la réception de messages en code, et l'interdiction de transformer un appareil récepteur en appareil émetteur.
Le texte que l'orateur propose n'est qu'un avant-projet. Le Gouvernement britannique désirerait, faire, figurer dans la Convention une disposition conforme à peu près au sens de la variante a, laquelle constitue un nouvel article dans le projet de Convention. Le Comité aura à trancher la question de savoir à quels articles s'appliquerait éventuellement l'exception prévue dans ce nouvel article. L'orateur lui-même pense qu'elle devrait s'appliquer, par exemple, à l'article 21 qui a trait à la liberté de circulation. Il a rédigé la variante B afin d'aider le Comité car il avait cru comprendre que tel était le voeu du Comité.
M. CHA (Chine) se prononce en faveur de la variante A car, à son avis, il convient de prévoir la possibilité d'appliquer en période de crise, des mesures exceptionnelles plus étendues que ne l'admet le texte actuel de l'article 5. L'orateur relève avec satisfaction les dispositions qui figurent à l'alinéa 2 de l'article proposé par le représentant du Royaume-Uni, en vertu desquelles le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies doit recevoir notification des mesures exceptionnelles adoptées.
M. HERMENT (Belgique) se prononce aussi en faveur de la variante A.
M. ROBINSON (Israël) estime qu'au stade actuel de la discussion, on ne peut discuter d'une clause générale de sauvegarde prévoyant des dérogations possibles aux dispositions de la Convention en période de danger grave ; l'examen de la variante A se placerait mieux après la discussion de tous les autres articles de la Convention, car on saurait alors de quels droits jouiront les réfugiés.
Si le Comité décide d'insérer une clause générale du genre de la variante A, l'orateur est d'avis qu'elle ne pourrait s'appliquer qu'aux articles 5 et 21 et qu'elle devrait être rédigée en termes plus précis. Mais il estime que ce qui doit être inséré à l'article 5, c'est une clause dans le genre de la variante B et il propose que le Comité prenne ce texte pour base de ses délibérations.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) se prononce en faveur de la variante A, proposée par le représentant du Royaume-Uni. Il estime que l'objection soulevée par le représentant de l'Etat d'Israël à propos de l'ordre de la discussion serait levée si, la variante A une fois examinée, le Comité l'adoptait au cours de la présente séance à titre provisoire, car les problèmes que pose l'article 5 doivent être tranchés séance tenante. On demanderait au Comité de rédaction de déterminer où devrait être inséré le nouvel article contenu dans la variante A de la proposition britannique, et d'apporter aux autres articles les modification s qui découlent logiquement de l'adoption de ce nouveau texte.
L'orateur propose qu'à l'alinéa 1 de la variante A, on fasse figurer les mots « et de l'ordre public », après les mots « de la sécurité nationale ». En effet, cette expression figure dans plusieurs conventions relatives aux réfugiés ainsi qu'à l'article 27 du projet de convention, actuellement soumis au Comité. Cette expression a été insérée à l'article 27 parce que des mesures exceptionnelles doivent être prévues non seulement pour le cas d'un danger extérieur, mais aussi pour celui d'un danger intérieur, comme par exemple une révolution. Il serait injuste de ne pas soumettre les réfugiés à de telles mesures, alors que les ressortissants du pays n'en sont pas exempts.
M. HERMENT (Belgique) estime que chacun des représentants devrait se prononcer sur les deux textes proposés par le représentant du Royaume-Uni, avant que le Comité ne prenne une décision à ce sujet, fût-ce celle de renvoyer ces textes au Comité de rédaction.
M. WINTER (Canada) se prononce pour la variante A. Au Canada, les réfugiés bénéficient d'un statut légal après avoir subi un premier contrôle au moment de l'immigration. Parfois, des renseignements obtenus ultérieurement révèlent, parmi ces réfugiés, des cas d'individus dangereux pour la communauté nationale. Si les pouvoirs publics, une fois en possession de tels renseignements, ne pouvaient prendre des mesures à l'égard de tels réfugiés, ils hésiteraient beaucoup à accorder des naturalisations.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) est d'avis que la variante A est rédigée en termes plutôt trop généreux. Dans ces conditions, il se prononce en faveur de la variante B, sans vouloir par là préjuger l'adoption ultérieur d'une autre clause, plus générale. L'orateur propose de donner pour instructions au Comité de rédaction de faire figurer la variante B à l'article 5, étant entendu que ce nouveau passage serait supprimé par la suite si l'on constatait que des dispositions exceptionnelles du même ordre seraient nécessaires pour d'autres articles de la Convention et que, dans ces conditions, il serait préférable de les réunir tous dans un article distinct.
M. NURELGIN (Turquie) se prononce en faveur de la variante A et exprime l'espoir que le Comité de rédaction indiquera dans son rapport où il convient d'insérer cette clause.
M. HERMENT (Belgique) estime qu'il vaudrait mieux adopter la variante A à titre provisoire. On verra ensuite s'il est nécessaire de modifier ce texte.
Le PRESIDENT remarque que les représentants semblent hésiter entre les variantes A et B et qu'ils pourraient bien, à cet égard, modifier encore leur attitude au cours de la discussion qui va suivre. Dans ces conditions, il propose au Comité de passer à l'examen des autres articles pour revenir plus tard à l'article 5 et aux variantes proposées par le représentant du Royaume-Uni ainsi qu'à l'amendement du représentant du Venezuela.
Il en est ainsi décidé.
Article 6 : Continuité de résidence
M. HOGAN (Secrétaire du Comité) donne lecture de l'article 6 ainsi que des observations présentées à ce sujet par le Gouvernement autrichien (voir document E/AC.32/L.40, page 36).
Le PRESIDENT constate que le Gouvernement autrichien n'ayant pas envoyé d'observateur pour le représenter à la réunion du Comité, il n'est pas possible d'ajouter grand chose à ce qui a déjà été dit au sujet de cet article au cours des réunions antérieures.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) constate que les observations présentées par le Gouvernement autrichien ne visent que la situation spéciale qui existe en Autriche, mais ne s'appliquent pas à d'antres pays. Il regrette que l'Autriche n'ait pas envoyé d'observateurs ; il propose donc d'adopter à titre provisoire le texte de l'article 6, étant entendu que le Comité représenterait ce texte si le Gouvernement autrichien décidait par la suite d'envoyer un observateur aux réunions du Comité.
Le PRESIDENT appuie la proposition du représentant de Etats-Unis. Même si l'Autriche devenait signataire de la Convention dans son texte actuel, elle pourrait toujours, afin de parer aux difficultés indiquées dans ses observations, exiger pour la naturalisation une période de résidence plus longue, car la loi de 1945 relative à la nationalité autrichienne ne donne pas à un candidat à la naturalisation le droit d'acquérir la nationalité autrichienne dans certaines circonstances déterminées, mais spécifie uniquement quelles conditions il doit remplir pour pouvoir bénéficier d'une mesure de naturalisation.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) s'associe également à la proposition du représentant des Etats-Unis. Le cas de l'Autriche est particulier et son Gouvernement pourra sans doute, lorsque la situation sera redevenue normale, résoudre les difficultés spécial qu'il rencontre.
L'orateur accepte l'article 6 pour le fond mais est d'avis que la signification du terme « forcibly displaced » qui est utilisé au deuxième alinéa du texte anglais pourrait être précisé. Ce terme ne vise probablement pas des personnes déportées par le Gouvernement du pays où se trouvait le réfugié en raison d'un crime ou d'une activité suspecte, mais seulement des personnes déportées par les autorités d'un pays ennemi ou d'une puissance d'occupation.
Le PRESIDENT est d'avis que la difficulté soulevée par le représentant du Venezuela peut être attribuée à la différence de sens qui existe entre les termes utilisés dans le texte anglais et le texte français respectivement. Le mot anglais « displaced » ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'un individu déporté par les autorités du pays de sa résidence, tandis que c'est bien le cas du terme français « déporté ». Il incombera au Comité de rédaction de rechercher une terminologie plus précise.
M. JUVIGNY (France) ne voit pas d'objection à ce que le Comité de rédaction examine à nouveau les termes utilisés dans le texte. Il faut toutefois remarquer que le mot « déporté » en français est en train d'acquérir une signification juridique précise et s'applique comme tel à une personne qui, pour certaines raisons déterminées, a été contrainte par les autorités d'occupation de quitter le territoire français pendant un certain temps. Seules les personnes qui ont dû quitter leur pays dans ces conditions honorables reçoivent la « carte de déporté ».
De l'avis de l'orateur, il faut voir si l'on peut se servir d'un autre terme au lieu du mot « déporté » ou mieux encore, si l'on peut trouver une rédaction qui, tout en conservant ce terme, préciserait la signification du passage.
L'orateur tient aussi à faire ressortir qu'en France la durée de résidence d'une personne ne lui donne pas un droit à naturalisation, mais l'habilite à demander la faveur de se faire naturaliser.
M. WEIS (Organisation internationale pour le réfugiés) est d'avis que le terme anglais « displaced person » a une signification juridique : ce terme est en effet défini à l'Annexe I de la Constitution de l'OIR où il est précisé qu'il ne s'applique qu'aux personnes qui ont été transportées sur le territoire des Puissances de l'Axe pendant la deuxième guerre mondiale. L'orateur estime que l'article 6 deviendrait plus clair si, dans le texte anglais, on adoptait les mots « displaced person » dans le texte français de la Constitution de l'OIR ces mots sont traduits par les termes « personne déplacée ». L'orateur propose d'utiliser les mêmes mots dans le texte français de l'article 6.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) est d'avis que la terminologie utilisée dans le projet de texte est correcte en anglais. Cette question devrait maintenant être renvoyée au Comité de rédaction qui examinera sans doute toute expression française équivalente que pourrait lui proposer le représentant de la France.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) signale que dans son intervention, il s'est basé sur le texte espagnol qui est une traduction du texte français. Le mot qui en espagnol correspond au mot français « déporté » est plus fort que le terme français et s'applique à la déportation des criminels. Il propose que dans le texte espagnol, on se serve de l'équivalent espagnol du terme « displaced ».
Le PRESIDENT propose au Comité de transmettre au Comité de rédaction les observations présentées au cours de la séance. Le Comité reprendrait l'article 6 dès que celui-ci aurait été examiné par le Comité de rédaction.
Il en est ainsi décidé.
La séance est levée à 13 heures.
1 Reproduit par la suite dans le document E/AC.32/L.41.