Compte rendu analytique de la 504ème séance
Compte rendu analytique de la 504ème séance
A/AC.96/SR.504
COMITE EXECUTIF DU PROGRAMME DU HAUT COMMISSAIRE
Quarante-sixième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 504ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève, le mercredi 18 octobre 1995, à 15 heures
Président : M. LARSEN (Danemark)
puis : M. MCHUMO (Tanzanie)
puis : M. LARSEN (Danemark)
Le présent compte rendu est sujet à rectifications.
Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.
Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.
La séance est ouverte à 15 h 20.
DEBAT GENERAL (point 4 de l'ordre du jour) (suite) Adoption du rapport du Sous-Comité plénier sur la protection internationale (A/AC.96/858)
1. Le PRESIDENT, après avoir présenté le rapport du Sous-Comité plénier sur la protection internationale (A/AC.96/858), dit qu'en l'absence d'objections, il considérera que le Comité exécutif adopte ce document.
2. Il en est ainsi décidé.
3. M. SAHIQI (Observateur de l'Afghanistan) dit qu'à la suite de l'occupation étrangère et de la guerre prolongée qui ont été imposées à son peuple et à son économie, l'Afghanistan a subi d'énormes pertes. De plus, pour différentes raisons, dont une ingérence étrangère dans ses affaires intérieures, le pays n'a pas réussi à se pacifier, et donc à se préparer au rapatriement des réfugiés. Comme les événements des trois dernières années en sont l'illustration, les réfugiés prendront immédiatement le chemin de leurs foyers dès que le pays sera en mesure de surmonter les problèmes avec lesquels il est actuellement aux prises.
4. En ce qui concerne l'aspect politique de la crise actuelle, les dirigeants de l'Etat islamique d'Afghanistan ont toujours soutenu les efforts du Représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies en vue d'un règlement et espèrent que pourra être mis sur pied un mécanisme acceptable permettant le transfert pacifique du pouvoir à une autorité représentative du peuple afghan. Malheureusement, les circonstances actuelles ne se prêtent pas au rapatriement des réfugiés. En effet, plus de 10 millions de mines ont été dispersées sur l'ensemble du territoire, le pays souffre d'un manque d'abris et de lieux sûrs, son infrastructure agricole et ses systèmes d'adduction d'eau ont été détruits, les établissements d'enseignement et de santé et les moyens de communication et de transport sont inexistants, les organismes des Nations Unies, les pays donateurs et les institutions internationales ont fourni une assistance limitée aux réfugiés qui ont regagné leurs lieux d'origine, et le pays est dépourvu des ressources et de l'assistance technique qui permettraient aux rapatriés de mener des activités productives et de devenir autonomes.
5. Certes, les raisons politiques qui ont poussé des millions d'Afghans à se réfugier principalement dans les pays voisins ont pour la plupart disparu. Cela dit, seule l'aide internationale permettrait aux réfugiés de rentrer au pays et d'alléger le fardeau supporté par le Pakistan et l'Iran depuis des années. Deux commissions tripartites s'occupent de tous les problèmes des réfugiés afghans vivant dans ces deux pays. Elles devront redoubler d'efforts pour créer les conditions propices au retour librement consenti, et dans des conditions de sécurité, des réfugiés afghans, en gardant à l'esprit les ressources disponibles en Afghanistan.
6. On ne saurait mettre en doute le fait que la reconstruction et le relèvement du pays ne peuvent se faire qu'avec le concours généreux des donateurs. Cependant, d'aucuns soutiennent qu'en raison de l'insécurité qui règne dans certaines régions du pays, l'aide internationale ne pourrait pas parvenir à destination et que l'heure n'est pas encore venue de fournir à l'Afghanistan une assistance économique et technique. Or, tout retard dans la reprise des activités de reconstruction et de relèvement ne ferait que prolonger la guerre et les souffrances du peuple afghan, notamment des réfugiés. Seules la paix et la sécurité intérieures, l'accès à des moyens de transport internationaux, l'application de mesures visant à satisfaire les besoins immédiats des rapatriés et la reconstruction de l'infrastructure encourageraient les réfugiés afghans à rentrer au pays et leur donneraient les moyens de retrouver une vie digne. Le Gouvernement afghan s'est félicité de la mission effectuée dernièrement par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires en Afghanistan afin d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les problèmes que connaît le peuple afghan, notamment les réfugiés, et espère que son appel à l'aide humanitaire sera bien accueilli.
7. Mme HART (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) dit que, étant depuis longtemps présent dans les pays en développement où il connaît la situation des femmes et des enfants, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) est en mesure d'évaluer et d'analyser les besoins des plus vulnérables et de prévoir une première intervention stratégique, tout en facilitant l'exécution de programmes de développement destinés à aider aussi bien les familles que la communauté à parvenir à l'autosuffisance.
8. L'UNICEF procède actuellement à un examen approfondi de son rôle et de son efficacité dans les situations d'urgence. A l'issue de cette étude, son Conseil exécutif sera saisi, en janvier 1996, de recommandations concernant une nouvelle stratégie fondée sur une appréciation exhaustive des besoins des enfants. A ce titre, l'UNICEF s'efforcera de satisfaire tous les besoins de tous les enfants sans discrimination, chaque fois qu'ils se trouvent dans une situation de crise, qu'ils soient dans leur propre communauté, déplacés ou réfugiés.
9. Avant même l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'UNICEF s'était posé en défenseur neutre des enfants, porteurs de paix. Pour cela, il a toujours milité auprès des belligérants pour qu'ils garantissent l'accès des femmes et des enfants aux vivres et aux secours vitaux et pour que soient respectés les principes humanitaires. A cet égard, Mme Hart a pris note avec une profonde satisfaction du fait que le HCR encourageait systématiquement l'application de la Convention comme cadre d'action pour répondre aux besoins des enfants réfugiés, et l'UNICEF attend beaucoup d'une coopération encore plus étroite avec le HCR pour promouvoir les principes humanitaires et l'adhésion aux codes de conduite pertinents.
10. L'UNICEF accordera systématiquement, et à titre prioritaire, une attention particulière aux besoins des enfants en détresse, ainsi qu'aux enfants non accompagnés, traumatisés, prisonniers ou combattants. Fermement attaché à collaborer avec les organismes collatéraux selon leurs mandats et compétences respectifs, il vise à jeter un pont entre l'aide humanitaire et le développement, car sa force tient à sa capacité d'exécution sur le terrain. Etant donné la corrélation étroite de leurs mandats - le HCR axant ses activités de protection des personnes vulnérables sur les réfugiés et l'UNICEF sur les enfants en détresse vivant dans leur pays ou leur communauté d'origine - les deux organismes doivent veiller à ce que leurs activités soient étroitement coordonnées.
11. De concert avec le HCR et d'autres organismes, dont la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et le Comité international de la Croix-Rouge, l'UNICEF a arrêté des directives régissant les activités d'aide aux mineurs non accompagnés et aux enfants traumatisés. Les besoins des enfants en période de crise humanitaire étant énormes et les ressources limitées, l'UNICEF s'engage à tirer le meilleur parti des moyens dont il dispose et à promouvoir la synergie qui est essentielle à l'efficacité et à la rapidité des interventions.
12. M. FERY (Volontaires des Nations Unies) dit que les VNU s'enorgueillissent de participer avec le HCR à la mise en oeuvre de sa stratégie axée sur la planification préalable, la prévention et la recherche de solutions. En 1994, des spécialistes des VNU ont appuyé la mise en oeuvre des programmes du HCR dans des domaines aussi divers que la planification préalable et l'intervention dans les situations d'urgence, l'accueil, la protection, le transit, le rapatriement et la réinstallation des réfugiés, ainsi que la gestion des camps. Les Volontaires étaient aux côtés du HCR dans des situations de conflit telles que celles du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie. En 1994, ce sont les services de quelque 200 Volontaires qui ont été prêtés au HCR dans 27 pays; plus d'une centaine de Volontaires se trouvent actuellement sur le terrain, notamment au Rwanda, au Burundi, au Mozambique et dans l'ex-Yougoslavie. Pour travailler encore plus efficacement ensemble, les VNU et le HCR ont mis en place un mécanisme de déploiement rapide de Volontaires appelés à servir dans des situations d'urgence. L'appui des gouvernements, notamment du Japon, de l'Irlande, de la Suède, du Royaume-Uni, du Canada et des Etats-Unis, a été crucial à cet égard.
13. Les pays hôtes sont souvent dépourvus des ressources voulues pour accueillir les réfugiés, d'où la nécessité de renforcer d'urgence la capacité nationale des Etats les plus touchés. Quant aux pays d'origine, ils ont eux aussi besoin d'aide afin de trouver des solutions propres à enrayer le flux des personnes en fuite et à empêcher la répétition d'événements tragiques. Les solutions en question passent nécessairement par la prévention, en faisant appel aux méthodes de règlement des conflits et de réconciliation. Les Volontaires des Nations Unies peuvent contribuer aux opérations lancées par le HCR sur une base locale, aussi bien dans les communautés d'accueil que dans les pays d'origine. Ils sont à présent à pied d'oeuvre au Burundi, aux côtés du Représentant spécial du Secrétaire général, et en Géorgie, en collaboration avec des ONG, et contribuent directement au renforcement des capacités locales en oeuvrant à l'instauration de la confiance, à la réconciliation, à la réinsertion et à la promotion de la paix. Dans ce contexte, les Volontaires des Nations Unies sont prêts à multiplier les liens avec le HCR dans le cadre de projets à impact rapide. A ce titre, le HCR peut faire appel, dans pratiquement tous les secteurs, aux services de spécialistes originaires de pays aussi bien industrialisés qu'en développement et recrutés pour une durée allant de trois mois à deux ans.
14. Mme AHLUWALIA (Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge) dit que la Fédération internationale et ses membres, les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, s'intéressent de très près aux activités en faveur des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde car plus de 60 % de leurs activités sont axées sur ces groupes de population. Ces organismes collaborent étroitement, et depuis longtemps, avec le HCR et espèrent que cette coopération se poursuivra.
15. Les opérations menées par le HCR dans la région des Grands Lacs en Afrique et la détresse des réfugiés et des personnes déplacées au Rwanda et dans la région sont un sujet de profonde préoccupation pour la Fédération internationale. La décision prise dernièrement de lancer le programme de rapatriement au Rwanda des personnes qui s'étaient réfugiées au Zaïre nécessite une analyse minutieuse et une coopération étroite entre le HCR et les organisations qui viennent actuellement en aide aux réfugiés. En effet, ce programme doit être exécuté à un rythme qui permette aux autorités rwandaises d'accueillir les rapatriés. Il faudra, d'urgence, que la communauté internationale accroisse son aide au Gouvernement rwandais pour que, aussi bien la population rwandaise que les rapatriés, bénéficient d'un soutien suffisant. Néanmoins, cette situation très exceptionnelle ne doit pas servir de norme pour l'avenir.
16. Quant à la situation en ex-Yougoslavie, le processus de paix qui semble être bien engagé ne doit pas être compromis par des rapatriements ou des mouvements de populations prématurés. A cet égard, la Fédération souscrit à la stratégie prudente du HCR en ce qui concerne le rapatriement, notamment à l'approche selon laquelle les personnes réfugiées dans les pays voisins seraient rapatriées en premier, et uniquement dans des zones sûres et prêtes à les accueillir. Les sociétés de la Croix-Rouge présentes dans la région continueront d'aider ceux qui sont dans le besoin.
17. L'année 1995 n'ayant pas connu les déplacements massifs de réfugiés qui se sont produits dans la région des Grands Lacs en 1994, la Fédération internationale a pu faire le bilan de ses capacités d'intervention d'urgence, tirer les enseignements de la crise du Rwanda et lancer la mise en place d'unités d'intervention d'urgence qu'elle entend utiliser à l'avenir.
18. Par ailleurs, Mme Ahluwalia indique qu'un certain nombre de sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s'inquiètent du recours, par le HCR, aux appels de fonds auprès du secteur privé. Il est certes compréhensible que le Comité exécutif se soucie d'élargir sa base de financement et de gagner la faveur du grand public, mais il faudra veiller, à l'avenir, à ce que ces campagnes ne compromettent pas les mécanismes d'appel de fonds mis en place par les organisations nationales qui oeuvrent déjà en faveur des réfugiés. A cet égard, Mme Ahluwalia se félicite de la décision prise par le Haut Commissaire de suspendre le démarchage direct par correspondance dans la plupart des pays donateurs.
19. S'agissant de la question de la protection, l'oratrice convient, avec le Haut Commissaire, qu'il faut mettre l'accent aussi bien sur la prévention des crises que sur une approche plus proactive destinée à garantir les conditions d'un retour sans risque. Cependant, une tâche aussi énorme ne peut être entreprise avec succès par le HCR qu'avec l'appui total, et actif, des gouvernements, une bonne coordination au sein du système des Nations Unies et la collaboration des organisations internationales et locales compétentes. Avec son réseau de 163 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la Fédération internationale est prête à jouer le rôle qui lui revient à cet égard.
20. En outre, il faudra, dans le cadre des programmes existants, se préoccuper tout particulièrement des violences dirigées spécifiquement contre les femmes et de la situation des enfants soldats. Dans cet ordre d'idées, la santé génésique et le soutien psychosocial méritent qu'on leur prête davantage attention. Enfin, dans plusieurs régions, les mines terrestres antipersonnel continuent de représenter une menace et un obstacle réels au rapatriement des réfugiés dans des conditions de sécurité et à la reconstruction.
21. Enfin, la représentante de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge indique que certains des problèmes que posent à la communauté internationale les réfugiés et les personnes déplacées seront examinés lors de la Conférence internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui se tiendra à Genève au début du mois de décembre et ne manquera pas de tirer parti des résultats de la présente session du Comité et du dialogue engagé avec le HCR.
22. M. MEJIA SOLIS (Nicaragua) relève que ce sont généralement des problèmes politiques qui obligent des personnes ou des groupes de personnes à quitter leur pays parce qu'elles craignent à juste titre d'être persécutées pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d'appartenance à un groupe social ou d'opinion politique ou parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté sont menacées du fait de la violence généralisée, d'une agression étrangère, de conflits internes, de violations massives des droits de l'homme ou d'autres facteurs troublant gravement l'ordre public.
23. Chacun se souvient que, sur le continent américain et en particulier en Amérique latine, la Déclaration de Carthagène de 1984 a placé la question des réfugiés, des personnes déplacées et des rapatriés dans le contexte plus large du respect des droits de l'homme et de l'édification de la paix, et ce, tout d'abord dans la région de l'Amérique centrale. La protection a ainsi visé un nombre considérablement plus élevé de personnes, y compris de personnes déplacées à l'intérieur de frontières nationales, qui étaient jusqu'alors laissées à elles-mêmes, victimes de la violence, de la répression, de conflits internes et de violations massives des droits de l'homme.
24. S'appuyant sur les Déclarations de Carthagène et de San José, le Gouvernement nicaraguayen considère qu'il faut continuer à accorder la plus grande importance aux principes de protection des réfugiés et aux normes minimales concernant le traitement dont ils doivent bénéficier en toutes circonstances et qu'il importe de rechercher des solutions durables, consistant en particulier dans le rapatriement librement consenti et la réinsertion locale. Il appelle pour ce faire à la solidarité de la communauté internationale. Pour qu'il n'y ait plus de migrations forcées du fait de la violence, comme cela a été le cas en Amérique centrale dans les années 80, les gouvernements des pays de cette région ont dû lutter résolument pour un développement durable selon des principes énoncés dans l'Alliance pour le développement durable en Amérique centrale, signée à Managua. On peut par ailleurs rappeler que la Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains a fait oeuvre novatrice en prenant en considération non seulement les réfugiés mais aussi les autres groupes de personnes déracinées. On considère en effet comme déraciné le rapatrié qui étant revenu à son lieu d'origine n'a pas encore été réellement réinséré. Ceci représente un progrès considérable parce que l'on a compris que le retour n'impliquait pas à lui seul que le problème avait été durablement résolu.
25. A une échelle plus large, les grandes crises qui ont agité le monde au cours des dernières années montrent qu'il est difficile de trouver la voie menant à la paix et à la prospérité. La délégation nicaraguayenne relève cependant avec beaucoup d'espoir l'évolution positive qui se produit au Moyen-Orient, dans les territoires de l'ex-Yougoslavie et dans d'autres régions du monde.
26. La délégation nicaraguayenne appuie les priorités définies dans le discours liminaire du Haut Commissaire et dans les documents établis par le HCR. Premièrement, il faut renforcer les mesures de protection des réfugiés qu'il s'agisse de cas individuels ou d'afflux massifs. Deuxièmement, il faut continuer à rechercher des solutions durables dès qu'une crise se produit en veillant toujours à faire preuve d'impartialité. Troisièmement, il faut se préoccuper de la situation des personnes déplacées à l'intérieur de frontières nationales pour des raisons très similaires à celles qui ont amené des personnes à fuir leur pays. Quatrièmement, il est très important de faire largement connaître les problèmes humanitaires et les droits des réfugiés et autres personnes déracinées pour que le traitement qui leur est réservé réponde à des considérations hautement humanitaires. Enfin, on a eu tendance à considérer que le problème des réfugiés ne pouvait jamais être résolu et qu'il ne causait que des difficultés aux pays d'accueil. L'analyse impartiale de divers cas d'intégration montre que, si on leur en donne la possibilité, les réfugiés peuvent apporter une contribution précieuse aux pays qui leur permettent de rester sur leur territoire.
27. La délégation nicaraguayenne appuie tout particulièrement l'idée du Haut Commissaire de créer une base de coopération et de coordination plus solide avec les institutions spécialisées des Nations Unies afin d'éviter tout double emploi. Elle met aussi en garde contre le risque d'oublier le rôle que les institutions financières internationales doivent jouer dans l'intégration et le développement social. En ce qui concerne le rapatriement librement consenti, le Nicaragua est convaincu que le retour au pays ne constitue pas à lui seul une solution durable. En Amérique centrale et en Amérique du Sud, l'expérience a montré que les rapatriés avaient besoin d'une aide matérielle pour réussir leur réinsertion économique et parfois aussi d'une assistance juridique pour recouvrer l'exercice effectif de leurs droits civils et politiques. Cela dit, on ne peut se contenter d'aider les rapatriés en ignorant la situation difficile dans laquelle se trouvent les personnes déplacées à proximité des zones d'accueil de rapatriés. On a ainsi été amené à prendre la saine décision de fournir une aide aux personnes déplacées et à celles qui n'ont jamais été déracinées mais qui ont elles aussi des besoins humanitaires pressants. Au Nicaragua, les autorités, agissant de concert avec le HCR et bénéficiant de l'appui de la Commission européenne ont oeuvré en ce sens.
28. Comme le Nicaragua l'a déjà dit, la prévention - dans le strict respect de la souveraineté nationale - est un principe important pour les personnes et pour les Etats parce qu'elle consolide la paix et la réconciliation et améliore le bien-être et la sécurité des personnes. La sensibilisation aux problèmes humanitaires reste l'un des meilleurs moyens de protection et même de prévention. Comme l'a affirmé le Haut Commissaire, la véritable prévention passe par le renforcement de la volonté et de la capacité des gouvernements d'agir individuellement et collectivement pour éliminer les causes des exodes. Enfin, le Gouvernement nicaraguayen rend à nouveau hommage au formidable travail qu'effectue le personnel du HCR, au prix de lourds sacrifices et en courant de grands dangers, sous la conduite éclairée du Haut Commissaire. Il espère que la communauté internationale dans son ensemble et les principaux donateurs en particulier se mobiliseront pour que des actions humanitaires puissent continuer à être menées là où elles s'avèrent nécessaires.
29. M. KABAIJA (Observateur du Rwanda) fait part de la profonde gratitude du Gouvernement rwandais au Haut Commissaire et aux membres de la communauté internationale pour l'appui qu'ils ont inlassablement apporté au peuple rwandais tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire. Le Gouvernement rwandais appelle tous les peuples du monde épris de paix à l'aider à résoudre le problème des réfugiés rwandais qui a pris une ampleur sans précédent après le déclenchement du génocide et de la guerre civile. Des millions de personnes ont quitté en masse le Rwanda. Parmi elles figuraient : premièrement, de véritables réfugiés fuyant la guerre; deuxièmement, des dirigeants politiques, des militants politiques et des miliciens de l'Interahamwe qui avaient planifié le génocide ou en étaient les auteurs; troisièmement, des soldats du régime précédent dont la plupart avaient participé au génocide, politiciens et militaires poussant les premiers à fuir avec eux en employant la force ou en diffusant des messages par la radio. Le monde entier a pu les voir à la télévision, pillant et emportant tout ce qui était transportable. Ils ont continué à tuer en toute impunité non seulement des réfugiés innocents dans les camps mais aussi des ressortissants des pays d'asile. Selon certains rapports, les anciens dirigeants politiques continuent d'exercer un droit de vie et de mort dans les camps et de se livrer à des actes d'intimidation comme le personnel au travail dans les camps peut en témoigner.
30. Il est vrai que la situation dans les camps s'est quelque peu stabilisée, mais, presque partout, sous la houlette des anciens dirigeants du pays, qui les utilisent comme boucliers ou comme monnaie d'échange, les réfugiés sont organisés selon des structures administratives identiques à celles qui existaient au Rwanda. Il reste aux gouvernants d'hier à rendre compte des massacres où des millions de Rwandais ont trouvé la mort. Il faut d'ailleurs que la communauté internationale continue d'aider le Rwanda pour que justice soit faite.
31. A ce propos, la délégation rwandaise ne peut qu'être choquée de savoir que plusieurs des instigateurs du génocide, qui ont joué un rôle dans l'attentat qui a coûté la vie au président Habyarimana, déambulent dans les rues de Nairobi sans être inquiétés. Quel est le but recherché par le Gouvernement kényan ? Pourquoi celui-ci parle-t-il d'invasion extérieure à propos de la guerre civile qui a déchiré le Rwanda à la veille du génocide ? Pourquoi ressasser dans cette enceinte des questions qui ne sont pas du ressort du Comité exécutif du HCR ?
32. Il faut, quel qu'en soit le prix, aider au rapatriement des réfugiés innocents. Le Gouvernement rwandais est en fait prêt à accueillir tous les fugitifs, même ceux qui ont participé au génocide. Ce sont des Rwandais et il est préférable pour eux de revenir au Rwanda pour y être jugés. Comme l'a déclaré l'actuel Président de la République rwandaise lors de la dernière visite effectuée dans le pays par le Haut Commissaire, aucune condition préalable n'est imposée au retour des réfugiés, dont le droit au rapatriement est inaliénable. Au cours des 13 derniers mois, environ 2 millions de réfugiés rwandais - réfugiés de longue date ou personnes qui avaient fui le pays en 1994 - sont rentrés.
33. Depuis la Conférence de Bujumbura, près de 100 000 réfugiés sont revenus du Burundi et le mouvement se poursuit à un rythme moyen de plus de 1 000 par jour. Le rythme des rapatriements à partir du Zaïre est plus faible, avec une moyenne d'environ 500 personnes par jour au cours des cinq derniers mois, mais il devrait s'accélérer grâce à l'intensification des efforts déployés conjointement par les Gouvernements zaïrois et rwandais et le HCR. Le rythme des rapatriements à partir de la République-Unie de Tanzanie est plus faible encore, mais une campagne est menée de concert avec les autorités tanzaniennes et le HCR pour lutter contre la désinformation. La plupart des réfugiés qui se trouvent en République-Unie de Tanzanie devraient avoir regagné le Rwanda dans les six mois à venir et tous ceux qui se trouvent au Burundi dans les trois mois. Le Gouvernement zaïrois a pour sa part exprimé sa volonté de rapatrier massivement les réfugiés rwandais qui sont sur son territoire.
34. Le Haut Commissaire et la communauté internationale devraient se pencher d'urgence sur la question du rapatriement des réfugiés rwandais du Zaïre, où les communautés locales voient leurs ressources s'amenuiser. La délégation zaïroise avait indiqué à la quarante-cinquième session du Comité exécutif que les changements politiques en cours au Zaïre nécessitaient le départ des réfugiés. Par ailleurs, des éléments armés venant des camps de réfugiés continuent de s'infiltrer au Rwanda par la frontière occidentale pour y détruire l'infrastructure et assassiner des citoyens rwandais. La combinaison de tous ces facteurs ne fait qu'aggraver le problème. Il est donc grand temps d'agir.
35. Avec l'appui de la communauté internationale, le Gouvernement rwandais remet le système judiciaire sur pied et améliore les conditions de détention dans les prisons. Les structures administratives ont été rétablies à tous les niveaux et le PNUD aide à la remise en état des services publics. Mais la réinstallation et la réinsertion des rapatriés représentent une tâche colossale. Le problème du logement est particulièrement préoccupant et le gouvernement manque de ressources nécessaires pour y remédier. Les donateurs avaient annoncé en janvier 1995 des contributions d'environ un milliard de dollars dont à peu près 30 % seulement ont été versés. La sécurité a été rétablie dans le pays. Les incidents qui se produisent ne sont pas généralisés et ne relèvent pas d'une politique que mènerait le gouvernement. Celui-ci a arrêté des directives en vue de protéger les biens de ceux qui sont actuellement en exil. L'administration à tous les niveaux, comme la population, a été mobilisée pour veiller à ce que les terrains et maisons provisoirement occupés par des personnes sans abri soient remis à leurs propriétaires légitimes dès que ceux-ci le leur demanderont. Le gouvernement continuera à coopérer avec la Mission des Nations Unies au Rwanda, les observateurs des droits de l'homme, les observateurs militaires de l'ONU ainsi que la Division de la protection internationale du HCR pour assurer la sécurité des rapatriés. Le Rwanda invite la communauté internationale à renforcer encore la sécurité sur son territoire en fournissant entre autres à la police nationale les moyens, de transport et de télécommunications par exemple, dont elle a besoin.
36. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc) dit qu'au moment où l'on célèbre le cinquantième anniversaire de la création de l'ONU, le constat est très lourd. Plus de 27 millions de personnes reçoivent une assistance du HCR. Le nombre de réfugiés sur le seul continent africain représente la moitié du nombre total des réfugiés dans le monde. L'ampleur de l'exode à partir du Rwanda est très significative de la tragédie humaine que connaît l'Afrique. Le HCR est digne d'éloges pour la rapidité et le courage avec lesquels il a fait face à cette situation malgré l'insuffisance de ses moyens. L'opération « Sécurité dans les camps » qu'il a lancée quelques mois auparavant pour protéger les réfugiés rwandais commence à porter ses fruits. On ne peut nier non plus les résultats qu'il a obtenus dans la corne de l'Afrique. Il y a lieu par ailleurs de se féliciter de l'énorme opération de rapatriement vers le Mozambique menée par le HCR, à laquelle les ONG ont aussi apporté leur concours. Le rétablissement de la paix en Angola et la réconciliation nationale qui y est en cours suscitent beaucoup d'espoir et il est clair que le HCR ne ménagera aucun effort pour faciliter le rapatriement et la réintégration des réfugiés.
37. L'Afrique n'est malheureusement pas le seul continent où les crises ont provoqué des afflux massifs de réfugiés qui demandent assistance et protection. Il est regrettable de constater que l'écrasante majorité des réfugiés dans le monde provient de pays musulmans. Du Rwanda à l'Afrique de l'Est, de l'ex-Yougoslavie au Caucase, de l'Asie centrale aux Caraïbes, on ne peut que partager, d'une part, les préoccupations des pays d'origine secoués par des drames aux graves répercussions sur le sort de centaines de milliers d'êtres humains et, d'autre part, celles des pays d'accueil dont il faut alléger la charge par une solidarité internationale accrue.
38. L'attention de la communauté internationale s'est une fois de plus portée surtout sur la situation en ex-Yougoslavie. Un seuil inacceptable a été atteint lorsque les zones de sécurité de l'ONU en Bosnie-Herzégovine ont été envahies par l'agresseur serbo-bosniaque et vidées de la plupart de leurs habitants, envoyés sur les routes de l'exode ou portés disparus. Dans ce conflit également, il convient de louer le courage avec lequel les organisations humanitaires et en particulier le HCR se sont mobilisés pour porter secours aux populations vulnérables, malgré les difficultés rencontrées dans l'acheminement de l'aide humanitaire. Il faut aussi rendre hommage aux nombreux fonctionnaires du HCR qui ont trouvé la mort en essayant de porter secours aux réfugiés et déplacés dans des conditions difficiles. Au moment où les perspectives de paix semblent de plus en plus se concrétiser, le Maroc apprécie l'effort de réflexion engagé par le HCR pour organiser le rapatriement librement consenti des réfugiés et des personnes déplacées, dans la sécurité et la dignité, lorsque la paix sera rétablie. En tant qu'Etat membre du Comité exécutif du HCR et Président de l'Organisation de la Conférence islamique, le Maroc assure le HCR de sa collaboration.
39. Le monde a été témoin au cours des dernières années de pratiques éhontées portant atteinte à l'intégrité physique et morale des réfugiés. Des pratiques telles que le nettoyage ethnique doivent être condamnées sans appel et sévèrement sanctionnées. Le Maroc se félicite de la création de tribunaux internationaux pour sanctionner les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda et lance un appel pour que les auteurs de ces crimes soient poursuivis et jugés et ne puissent bénéficier d'un quelconque arrangement. Les efforts faits par le HCR pour protéger les femmes et les enfants, qui sont les éléments les plus nombreux et les plus vulnérables dans les camps de réfugiés, méritent d'être encouragés.
40. Si la protection des réfugiés est l'une des tâches les plus nobles du HCR, le rapatriement librement consenti dans des conditions de sécurité et de dignité demeure la solution durable à privilégier. Le HCR encourageant les opérations de rapatriement dans toutes les régions du monde, on comprend difficilement pourquoi depuis 20 ans il ne semble avoir entrepris aucune action en ce sens en faveur des populations des camps de Tindouf en Algérie. Le Maroc demeure attaché à une mise en oeuvre rapide du plan de règlement adopté par le Conseil de sécurité en vue de la tenue du référendum dans les plus brefs délais. Cette position a été rappelée à la cinquantième session de l'Assemblée générale. La situation dramatique qui prévaut dans les camps ainsi que les efforts faits par le Polisario pour retarder la mise en oeuvre du plan de règlement devraient inciter le HCR à rechercher sans attendre, conformément aux orientations nouvelles et louables qu'il a présentées, les solutions durables souhaitées pour assurer le rapatriement librement consenti des Sahraouis. Sa Majesté Hassan II, roi du Maroc, a à maintes reprises lancé un appel au retour des réfugiés en rappelant que la patrie était clémente et miséricordieuse. Le Maroc a toujours été connu pour ses traditions séculaires de générosité, de mansuétude et de tolérance, vertus démocratiques par excellence. L'amnistie dont ont bénéficié beaucoup de ceux qui avaient pris les armes contre lui en est la meilleure preuve. L'appel lancé par le Roi à tous les Sahraouis offre à l'opinion nationale et internationale et donc au HCR la garantie que la protection des réfugiés sera effectivement assurée.
41. Quelques jours plus tôt, plusieurs Sahraouis ont pu s'évader des camps de Tindouf et témoigner des restrictions draconiennes et des vexations intolérables dont les réfugiés faisaient l'objet. L'appareil administratif et policier du Polisario d'une part, et l'autorité militaire du pays d'accueil d'autre part, les empêchent de quitter la région. Une telle situation est inacceptable. La population des camps qui - de manière incompréhensible - n'a jamais été recensée par le HCR doit pouvoir faire son choix en toute liberté sous le regard des Nations Unies, des observateurs et de la presse internationale. Le Maroc lance donc un appel sincère et dépourvu de tout esprit polémique pour que les responsables du HCR revoient la situation à la lumière des nouvelles orientations qui ont été définies et contribuent ainsi à un règlement satisfaisant et durable du problème.
42. Enfin, le représentant du Maroc souhaite exercer son droit de réponse pour apporter un démenti aux affirmations sans fondement du représentant d'un pays voisin qui a parlé d'invasion et de décolonisation à propos du Sahara dit « occidental ». Bien que ses droits légitimes sur le Sahara aient été reconnus par la Cour internationale de Justice en 1975, le Maroc a accepté que l'ONU y organise un référendum pour permettre aux populations concernées d'exercer leur droit à l'autodétermination. C'est dire que le Maroc n'est pas un Etat colonial. Affirmer le contraire revient à présenter de manière totalement déformée la question du « Sahara occidental », désigné initialement sous le nom de « Sahara espagnol », à propos de laquelle les instances régionales et internationales compétentes n'ont jamais connu d'autre puissance coloniale administrante que l'Espagne, ce dont elles ont toujours tiré les conclusions juridiques et politiques qui s'imposaient. Est-il besoin d'ailleurs de rappeler les états de service du Maroc en faveur de la décolonisation et de la lutte des peuples pour leur autodétermination, que ce soit en Algérie voisine, en Afrique du Sud ou encore dans les anciennes colonies portugaises dont les mouvements de libération se sont constitués au Maroc au début des années 60 ?
43. Le problème du Sahara est désormais le problème de la communauté internationale qui a opté pour un règlement par le Conseil de sécurité de l'ONU. En l'absence de disposition touchant à l'ouverture d'un dialogue dans le plan de règlement accepté par les deux parties et entériné par le Conseil de sécurité, il serait préférable que celles-ci s'abstiennent de faire des recommandations. Autrement dit, il faut cesser de parler de dialogue, de négociations directes et autres subterfuges qui ne font que compliquer la tâche de l'ONU. Pour sa part, le Maroc continuera à apporter sa pleine coopération à l'ONU et à l'aider, y compris sur le plan matériel, à s'acquitter de sa mission, en l'occurrence à faire aboutir le processus de paix pour lequel on a opté.
44. M. LEE (Observateur de la République de Corée) dit que sa délégation souscrit sans réserve à la stratégie axée sur le développement de la capacité d'intervention rapide, la prévention et la recherche de solutions pratiques qui est préconisée par le HCR pour faire face à ses responsabilités de plus en plus complexes et de plus en plus lourdes. Un objectif essentiel en la matière doit être d'enrayer à la base la formation de courants de réfugiés en réagissant rapidement aux situations d'urgence et en assurant une protection aux populations concernées. Une solution consiste à s'attaquer directement aux causes profondes de ces crises en renforçant la volonté et la capacité des gouvernements de lutter contre les raisons qui poussent les gens à s'enfuir. Même si cet aspect de la prévention n'est pas directement du ressort du HCR, il contribuera indubitablement à faciliter sa tâche. Un autre aspect d'une prévention efficace réside dans la dissuasion, dont un élément clé est la peur du châtiment. C'est pourquoi la République de Corée appuie pleinement la création d'une cour criminelle internationale pour juger les auteurs de violations des droits de l'homme.
45. La vocation première du HCR est la protection. Pour assurer la sécurité des réfugiés et des demandeurs d'asile, la délégation coréenne continue à insister sur l'importance du principe du non-refoulement. Cela dit, le traitement rapide des demandes d'asile est un aspect non négligeable de la protection, même s'il ne doit pas faire oublier que le rapatriement librement consenti est généralement la situation la plus souhaitable. Divers instruments juridiques se fondant sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et sur le Protocole de 1967 assurent, de jure, la protection internationale des réfugiés. Mais quelle est, en réalité, la situation de facto ? La communauté internationale doit adopter à cet égard une approche pragmatique en formulant des directives temporaires et non contraignantes pour combler les lacunes des instruments en vigueur. Un des points forts de la politique du HCR est la protection des femmes et des enfants réfugiés. La République de Corée se félicite de l'accent mis sur ce groupe particulièrement vulnérable et espère que les actions sur le terrain seront, à cet égard, à la hauteur des objectifs fixés.
46. Il est aussi très important de trouver des solutions durables au problème des réfugiés et la République de Corée salue à cet égard les efforts consentis par le HCR pour passer de l'aide d'urgence au développement et promouvoir l'autosuffisance des réfugiés dans les zones les plus durement touchées, en lançant notamment des projets à impact rapide. Il va sans dire que cette stratégie ne peut pas réussir sans le soutien actif des gouvernements et sans une meilleure coordination avec les autres organismes des Nations Unies, les institutions financières internationales et les ONG concernées. Le rôle de ces dernières est d'ailleurs très important et devrait s'accroître car elles peuvent aider à combler les lacunes partout où elles existent. Ainsi, par exemple, les ONG coréennes ont participé aux activités de secours en dépêchant notamment sur place du personnel médical et recueilli l'équivalent de 1,3 million de dollars de dons en espèces et en nature en faveur des réfugiés rwandais. Pour renforcer les capacités des ONG, la Corée souhaiterait que le HCR continue à promouvoir des activités de formation, en particulier dans les pays en développement tels que la République de Corée.
47. Un dernier point sur lequel la délégation coréenne voudrait insister touche à la nécessité de développer le rôle de chef de file du HCR pour lui permettre de faire face à ses responsabilités croissantes. La création proposée d'un poste de haut commissaire assistant chargé de la politique générale, de la planification et des opérations semble aller dans ce sens. La République de Corée se félicite aussi des mesures prises par le HCR pour assurer aux femmes un traitement plus équitable dans sa politique de recrutement. A ce propos, elle voudrait se joindre à la délégation japonaise pour demander au HCR de prêter davantage attention au principe d'un recrutement fondé sur une répartition géographique équitable. Enfin, s'agissant de la composition du Comité exécutif, elle se demande s'il ne serait pas possible d'envisager dans le contexte de la réforme globale de l'ONU le renouvellement de ses membres par roulement.
48. M. MACDONALD (Fonds des Nations Unies pour la population) dit que le FNUAP n'a pas pour vocation première de s'occuper des réfugiés et des personnes déplacées, puisqu'il a principalement pour mandat d'apporter une aide aux pays en développement pour les questions de population. Aussi, s'est-il généralement cantonné jusqu'ici à assurer des services de santé génésique de base dans les camps sous forme de soins prénatals et obstétricaux et de protection maternelle et infantile. Au cours des deux dernières années, il a aussi organisé ici ou là des distributions de préservatifs. Toutefois, il est apparu qu'en matière de santé génésique les besoins étaient aussi sinon plus importants chez les réfugiés que dans le reste de la population, qu'il s'agisse de la maternité sans risque, de l'accès à des services de planification familiale, du traitement et de la prévention des maladies sexuellement transmissibles y compris le SIDA, de la prévention et de la prise en charge des cas de violences sexuelles, de la surveillance gynécologique, de la prévention et du traitement des complications d'avortements effectués dans de mauvaises conditions ou de la prévention des mutilations sexuelles féminines.
49. En 1994, le FNUAP a fait porter toute son attention sur les besoins particuliers en matière de santé génésique des personnes se trouvant dans des situations d'urgence. Ainsi, en mai 1994, il a défini une politique pour les opérations de secours d'urgence dans laquelle on reconnaît que les réfugiés et les personnes déplacées ont les mêmes droits, en matière de santé génésique, que n'importe qui d'autre; en juin, le Conseil exécutif du Fonds a approuvé l'allocation de crédits pour la fourniture d'une aide d'urgence au Rwanda et en septembre, la Conférence internationale sur la population et le développement a adopté un programme d'action qui fixe des objectifs et des principes directeurs concernant l'assistance aux réfugiés. Enfin, en novembre, le FNUAP a créé à Genève un bureau des opérations de secours d'urgence qui a pour tâche principale de définir des options pour la prise en charge des besoins des personnes en situation d'urgence dans le domaine de la santé génésique et de coordonner les activités correspondantes. Cette unité sera désormais chargée de promouvoir et de renforcer les services de santé génésique en faveur des réfugiés.
50. Conscients de la nécessité de développer une nouvelle optique parmi le personnel du siège et le personnel sur le terrain, le FNUAP et le HCR ont organisé du 28 au 30 juin à Genève, un Colloque interinstitutions sur la santé génésique des réfugiés, en collaboration avec l'UNICEF et l'OMS et avec la participation de plus d'une cinquantaine d'institutions diverses et d'ONG. Entre autres recommandations, le Colloque a débouché sur l'idée de créer un comité interorganisations pour assurer la mise en place et le renforcement de services de santé génésique et d'éditer un manuel général à l'intention du personnel sur le terrain pour l'aider à rendre ces services pleinement opérationnels. Par ailleurs, la formation permanente du personnel est essentielle pour assurer des services de qualité.
51. Le 30 juin 1995, le HCR et le FNUAP ont signé un mémorandum d'accord, officialisant les efforts de coopération des deux organismes. Le but de cet accord est de définir un cadre général pour la collaboration et la coordination entre le FNUAP et le HCR, qui doit profiter à toutes les personnes relevant du mandat du Haut Commissariat. Il n'est évidemment pas question que le FNUAP crée une structure parallèle pour la prise en charge des réfugiés et des personnes déplacées; il apportera son assistance technique dans ce domaine, par l'intermédiaire de ses bureaux dans les pays et de ses équipes sous-régionales de soutien technique, en collaboration étroite avec les institutions et les organisations non gouvernementales qui s'occupent des programmes de secours d'urgence.
52. M. GOAGOSEB (Namibie) dit que la restauration de la paix et de la démocratie dans plusieurs pays d'Afrique australe et en particulier au Malawi et au Mozambique a permis à plus de 1,6 million de réfugiés de rentrer chez eux. Le processus de paix qui progresse en Angola devrait permettre encore d'autres rapatriements. Cette évolution positive dans toute la région est une illustration du lien qui existe entre l'action humanitaire et les initiatives politiques propres à promouvoir la paix et le respect des droits de l'homme, ainsi que le développement au sens le plus large.
53. Toutefois, malgré ce contexte favorable, de très nombreuses personnes cherchent encore à émigrer hors de la région car elles estiment avoir de meilleures chances ailleurs. Ces flux migratoires sont en partie imputables aux difficultés nées des programmes de restructuration économique recommandés par les institutions internationales, et à la différence de traitement qui est faite entre les demandeurs d'asile et les réfugiés, notamment sur le plan de l'assistance, auxquels ces personnes ont droit. Les mouvements de populations en question ont pris une telle ampleur en Afrique australe qu'ils sont parfois source de conflits et de poussées xénophobes. La Namibie, par exemple, est utilisée comme couloir de passage ou pays de transit par ces populations migrantes. La communauté internationale, assistée par les institutions humanitaires compétentes, devrait se pencher sérieusement sur ce phénomène, avec la volonté politique d'instaurer partout une paix durable. En effet, l'assistance humanitaire qui peut être fournie à la population civile ne constitue jamais qu'un palliatif.
54. La Namibie, qui a adhéré à tous les instruments internationaux relatifs à la protection des réfugiés, se fait un devoir de venir en aide aux personnes qui essaient d'obtenir le statut de réfugié sur son sol. Toutefois, sa politique de portes ouvertes fait affluer des demandeurs d'asile provenant de pays aussi éloignés que le Libéria, et la question du pays de premier asile doit être sérieusement reposée. La Namibie continuera à apporter son soutien sans faille au HCR, dont elle tient à saluer l'action, et participera activement aux différentes réunions intersessions pour essayer de s'attaquer aux défis que pose le problème des réfugiés.
55. Mme CASSARINO (Observatrice de l'Uruguay), se référant à la note sur la protection internationale (A/AC.96/850), dit que sa délégation apporte tout son appui à l'action du HCR tendant à renforcer et mieux asseoir encore la protection internationale des réfugiés et offrir des bases juridiques plus sûres aux personnes qui en ont besoin. Les événements de l'année écoulée, marquée notamment par une série de conflits ethniques et de violations des droits de l'homme, ont fait ressortir de manière plus saillante encore l'importance fondamentale de la notion d'asile et de principes de base comme celui du non-refoulement. La délégation uruguayenne constate avec satisfaction que la note en question commence par préciser que les nouvelles stratégies doivent viser avant tout à renforcer l'application de la Convention et de son Protocole. Dans le même ordre d'idées, il lui semble essentiel, si l'on veut déterminer de nouvelles modalités de protection, d'insister d'abord sur la nécessité, pour les Etats parties, de respecter les obligations juridiques découlant de ces instruments en tant que normes minimales qui, loin de pouvoir être revues à la baisse, devraient servir de point de départ pour élargir la protection internationale et en donner une interprétation généreuse. L'Uruguay partage, à ce sujet, les préoccupations qui ont été exprimées concernant certaines interprétations restrictives de la Convention et du Protocole, susceptibles d'abaisser le niveau de protection auquel les réfugiés ont droit, et lance un appel à tous les pays pour que les instruments régionaux qui seront élaborés et les nouveaux principes qui seront édictés en matière de protection temporaire n'aient pas pour conséquence d'édulcorer les normes minimales de protection garanties par les instruments juridiques en vigueur.
56. L'Uruguay reconnaît toutefois que les menaces qui pèsent contre l'institution de l'asile ne pourront pas être levées sans une prise en compte des besoins des pays d'accueil et sans une action visant à empêcher que de nouvelles crises n'éclatent. Dans le passage de la note traitant de la solidarité internationale (par. 14 et suivants), il est fait très justement référence aux conditions sociales, économiques, politiques et environnementales qui peuvent, d'une part, donner naissance à des courants de réfugiés et, d'autre part, influer sur l'attitude adoptée par les pays d'accueil ainsi que sur les facteurs permettant le retour librement consenti et la réintégration des réfugiés dans des conditions de dignité et de sécurité satisfaisantes. En tant que pays d'Amérique latine, l'Uruguay est tout particulièrement sensible à cette dimension économique du problème des réfugiés, qui exige la recherche de solutions structurelles pour favoriser le développement et lutter contre la pauvreté et le renforcement des capacités matérielles et de la volonté politique des pays chez qui les réfugiés déferlent en masse. Enfin, l'Uruguay a accueilli avec intérêt la définition d'un nouveau type de protection, orienté vers la recherche de solutions concrètes, et partage pleinement l'idée que l'on ne saurait trouver de solution efficace et définitive au problème des réfugiés sans raisonner dans la perspective de la protection, c'est-à-dire si l'on néglige de garantir aux individus leurs droits fondamentaux.
57. M. LASSO (Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme) dit que les violations des droits de l'homme étant l'une des principales causes des déplacements de populations à l'intérieur des pays comme à l'extérieur, toute stratégie préventive doit impérativement inclure des mesures en vue de la protection, du renforcement et de la promotion de tout l'éventail de ces droits. Car s'il est important, dans l'optique d'une solution durable, d'éliminer les causes profondes des mouvements de populations il faut aussi préparer le terrain au retour des personnes déplacées. D'où la nécessité d'assurer au préalable le respect des droits fondamentaux de l'homme.
58. La multiplication des conflits à travers le monde met à rude contribution les procédures et les mécanismes traditionnels d'aide aux réfugiés. Partout, il a fallu adapter les moyens d'action aux nouvelles réalités. Une des méthodes utilisées consiste à accorder une protection temporaire à des groupes à l'intérieur d'une zone déterminée pour éviter que les mécanismes existants soient submergés sous le flot des demandes d'asile individuelles. Dans le même temps, les opinions publiques de certains pays poussent de plus en plus les gouvernements à distinguer entre les immigrants qui fuient la pauvreté, appelés communément réfugiés économiques, et ceux qui ont véritablement besoin d'une protection. Il convient de noter à cet égard que le plus gros du fardeau imposé par les déplacements de populations est supporté par des pays pauvres, auxquels il faut rendre un vibrant hommage.
59. Pour s'adapter aux réalités nouvelles, le HCR a dû inclure dans son mandat l'assistance à des groupes de personnes qui ne relèvent normalement pas de la Convention relative aux réfugiés de 1951 et du Protocole connexe, notamment les populations déplacées par des conflits armés et, dans certains cas, les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. La démarche du HCR procède de deux considérations importantes. La première est que de multiples obstacles les empêchent de rentrer chez elles en sorte qu'un processus de rapatriement ne peut aboutir que si tous les problèmes qu'ils rencontrent sont réglés simultanément. La deuxième tient au fait que les problèmes qui se posent à des populations vivant dans des pays distincts mais dans une seule et même région sont souvent interdépendants et ne peuvent par conséquent être réglés par des mécanismes nationaux. Il est évident qu'aucune organisation n'a, à elle seule, les moyens d'aborder globalement des problèmes d'une telle ampleur. La coopération de toutes les parties concernées est nécessaire. L'expérience montre d'ailleurs combien la collaboration des Etats des organisations intergouvernementales et des ONG au programme des Nations Unies relatif aux droits de l'homme peut être fructueuse. A cet égard, les mécanismes de coopération avec le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, l'Organisation de l'unité africaine, l'Organisation des Etats américains, l'Organisation des Etats baltes et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) se sont révélés extrêmement efficaces.
60. Les activités opérationnelles de surveillance et d'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme menées dans le territoire de l'ex-Yougoslavie témoignent de l'importance croissante qu'accordent la Commission des droits de l'homme et le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme aux stratégies régionales globales dans le domaine des droits de l'homme. Au moment où s'amorce un processus de paix en Bosnie-Herzégovine, de nombreuses tâches attendent la communauté internationale. Il faudra notamment empêcher de nouvelles violations des droits de l'homme, enquêter sur celles qui ont déjà été commises, surveiller la situation générale des droits de l'homme, notamment pour encourager le rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées, veiller à ce que les violations des droits de l'homme soient signalées aux autorités locales et nationales et aux organismes compétents, assurer une formation dans le domaine des droits de l'homme à l'élément militaire et civil des forces de maintien de la paix, établir les programmes de coopération technique nécessaires pour la mise en place d'un appareil judiciaire et d'institutions nationales de défense des droits de l'homme ou leur renforcement s'ils existent déjà, appuyer l'éducation dans le domaine des droits de l'homme et lancer des activités pour la promotion des droits de l'homme au sein des collectivités.
61. En sa qualité de Haut Commissaire aux droits de l'homme, M. Lasso fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter dans les domaines qui relèvent de sa compétence la tâche des organismes et des programmes des Nations Unies, et en particulier du HCR ainsi que celle des organisations régionales telles que l'OSCE et le Conseil de l'Europe. A cet effet, il entreprendra bientôt des consultations avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et d'autres partenaires concernés (gouvernements, organismes des Nations Unies, organisations européennes et ONG) en vue de l'élaboration d'un plan d'action global pour les droits de l'homme dans l'ex-Yougoslavie, l'objectif étant d'assurer une répartition rationnelle des tâches entre les différentes parties concernées à la lumière des objectifs communs et des besoins prioritaires des populations touchées par la guerre. Déjà, des mesures ont été prises pour renforcer la présence des observateurs des droits de l'homme à Zagreb, Mostar, Sarajevo et Skopje. En outre, le Haut Commissaire aux droits de l'homme a engagé un dialogue avec le Gouvernement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) en vue d'assurer une présence continue du personnel de son bureau dans l'ensemble du territoire de la République.
62. L'importance accordée par le Haut Commissaire aux droits de l'homme aux stratégies globales dans le domaine humanitaire est aussi mise en évidence par sa participation à des activités telles que la Conférence des Etats des Grands Lacs, qui s'est tenue à Bujumbura. Le principe à la base de sa démarche est que les activités qui permettent d'améliorer la situation dans un pays auront automatiquement des conséquences positives sur les pays voisins, et il est, par conséquent, important de coordonner les différents programmes intéressant la sous-région et, notamment, les activités des trois rapporteurs chargés par la Commission des droits de l'homme de surveiller la situation au Burundi, au Rwanda et au Zaïre. C'est, d'ailleurs, dans ce contexte qu'intervient la décision du Haut Commissaire aux droits de l'homme de lancer une opération pour la protection des droits de l'homme au Rwanda et de renforcer les moyens dont dispose son bureau au Burundi. En outre, un bureau est actuellement mis en place au Zaïre, l'objectif étant d'assurer une présence permanente dans cette partie de la région.
63. Parmi les autres manifestations de cette démarche régionale, il y a lieu de mentionner la participation et l'appui à la prochaine conférence sur les réfugiés, les personnes rapatriées, les populations déplacées et les mouvements migratoires connexes dans la Communauté d'Etats indépendants (CEI) et les Etats voisins concernés. Des démarches similaires sont également envisagées pour d'autres régions.
64. Un des enseignements tirés de l'expérience du HCR et de l'action du Haut Commissaire aux droits de l'homme lui-même est qu'il est vital de redonner confiance aux populations affectées et de leur assurer une protection effective. Dans le cadre de l'opération en cours au Rwanda, plusieurs mesures ont été prises pour répondre aux besoins en matière de sécurité : envoi de fonctionnaires des droits de l'homme pour surveiller la situation dans les différents districts, fourniture de services consultatifs et d'assistance technique pour aider les autorités à analyser les lois et les pratiques et améliorer les capacités de l'appareil judiciaire (renforcement des tribunaux, formation des forces de police et humanisation des conditions de détention). Il n'est pas facile de faire régner la justice lorsque, faute de moyens, des milliers de personnes doivent attendre un temps infini avant de comparaître devant un tribunal. Il est certes nécessaire de mettre fin à une tradition d'impunité, mais les souffrances endurées par les détenus et leur famille risquent de compliquer les efforts de réconciliation et de relèvement.
65. Sur le terrain, le personnel du HCR et les fonctionnaires chargés des droits de l'homme collaborent étroitement. Un mémorandum d'accord entre le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme régit la coopération entre les deux parties dans le cadre de l'opération au Rwanda. Leur action conjuguée vise notamment à faire converger les principes du droit relatif aux droits de l'homme, du droit humanitaire et du droit des réfugiés afin d'assurer le même traitement à toutes les personnes en toutes circonstances. Il convient aussi de mentionner les efforts tendant à identifier les signes avant-coureurs des mouvements de réfugiés ou des déplacements massifs de populations.
66. Le succès des activités visant à prévenir et à atténuer les souffrances des personnes déplacées et à trouver une solution durable à leurs problèmes est tributaire de plusieurs facteurs. Par-delà les questions de ressources, un des aspects les plus importants est la capacité d'analyser minutieusement les activités menées à leur terme en vue d'en tirer toutes les leçons. C'est là la seule façon de progresser méthodiquement vers les objectifs visés. Compte tenu de l'interaction entre les problèmes des réfugiés et les violations des droits de l'homme, une intervention rapide en cas d'urgence dépend d'une coordination étroite entre les mécanismes du système des Nations Unies. Le Haut Commissaire aux droits de l'homme en est pleinement conscient, c'est pourquoi il ne ménagera aucun effort pour que son bureau et le Centre pour les droits de l'homme collaborent étroitement avec le HCR.
67. M. MALLOW (Observateur de Djibouti) dit que jamais le problème des réfugiés ne s'est posé en des termes aussi graves qu'au cours des dernières années. Des massacres ont été perpétrés dans des camps et des milliers de personnes en quête d'une terre d'asile ont péri sur le chemin de l'exil. De nombreux pays africains et européens ferment leurs frontières devant des réfugiés fuyant le danger. Face à l'afflux massif de réfugiés, certains Etats se sont sentis menacés dans leur propre existence. Pour que les obligations humanitaires continuent d'être honorées, la communauté internationale doit apporter tout l'appui nécessaire aux pays hôtes qui ont accueilli et continuent d'accueillir des centaines de milliers de réfugiés malgré les difficultés politiques, économiques et sociales auxquelles ils se heurtent.
68. Depuis son accès à l'indépendance, la République de Djibouti n'a cessé d'accueillir les vagues successives de réfugiés provoquées par les conflits qui déchirent la région de la corne de l'Afrique depuis une vingtaine d'années. Les opérations de rapatriement vers l'Ethiopie ont à peine allégé le fardeau du pays qui doit encore faire face à une présence massive de populations déracinées. Il y a actuellement dans les camps de réfugiés aménagés à Djibouti environ 25 000 réfugiés somaliens et quelques milliers de réfugiés éthiopiens. En plus des réfugiés pris en charge par la communauté internationale, des dizaines de milliers de personnes se sont installées spontanément dans des conditions plus ou moins précaires à Djibouti-ville provoquant une grave détérioration de l'environnement. Les maigres infrastructures sociales du pays sont mises à rude épreuve et ne peuvent plus répondre aux besoins essentiels de la population.
69. Grâce au HCR, le rapatriement de 15 000 réfugiés urbains éthiopiens est en cours. Mais il ne faut pas s'attendre à ce que cette opération règle définitivement le problème, car très souvent les personnes rapatriées repartent au bout d'un certain temps. La réalisation de programmes de développement dans les régions dont ces populations sont originaires reste la seule solution durable. S'il y a quelques lueurs d'espoir pour les réfugiés éthiopiens, les problèmes restent entiers en ce qui concerne les Somaliens dont les perspectives de rapatriement sont quasiment nulles compte tenu de la détérioration de la situation dans le nord-ouest de la Somalie.
70. Pour les familles djiboutiennes, qui se ressentent déjà des effets de la crise économique que connaît le pays, cette situation est de plus en plus difficile à supporter. C'est pourquoi la délégation djiboutienne exhorte la communauté internationale à redoubler d'efforts pour aider le pays à s'acquitter de ses obligations humanitaires. Pendant trois longues années, Djibouti a été en proie à une guerre civile. Mais, grâce à la sagesse des uns et des autres, un accord de paix a été signé le 26 décembre 1994 entre le gouvernement et le Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD). Les efforts pour reconstruire le pays et éliminer les séquelles de la guerre se poursuivent. Le HCR et la communauté internationale peuvent y contribuer en aidant le Gouvernement djiboutien à rapatrier ses nationaux exilés dans des pays voisins et à élaborer un programme d'assistance en faveur des personnes qui ont regagné spontanément leur localité d'origine et de celles qui sont encore déplacées à l'intérieur du pays.
71. L'évolution de la situation en Somalie depuis le retrait de l'Organisation des Nations Unies ne laisse pas d'inquiéter les autorités djiboutiennes. La tragédie humanitaire qui avait amené l'ONU à intervenir peut se reproduire si la communauté internationale se détourne de ce pays meurtri. Les conséquences d'une telle situation seraient catastrophiques pour le peuple somalien et tous les pays de la corne de l'Afrique qui paient déjà un lourd tribut ainsi que pour la communauté internationale qui a investi des centaines de millions de dollars pour remettre ce pays sur pied.
72. La République de Djibouti est consciente que les crises humanitaires sont de plus en plus nombreuses et que les ressources mises à la disposition du HCR sont sans commune mesure avec les tâches qui lui incombent. Tout en souscrivant entièrement aux mesures tendant à améliorer la gestion des programmes, la délégation djiboutienne souhaite attirer l'attention sur le déséquilibre dans la répartition des ressources entre les régions. Bien que l'Afrique soit le continent le plus touché par les crises humanitaires, les moyens mis en oeuvre pour secourir les réfugiés africains s'amenuisent. Il faudra veiller à ce que ces réfugiés, qui se sentent de plus en plus abandonnés, bénéficient d'une assistance et d'une protection équitables.
73. La délégation djiboutienne souhaite, en conclusion, appeler l'attention sur la précarité des opérations de rapatriement, notamment celles menées à partir de Djibouti vers l'Ethiopie. Pour elle, les facteurs à l'origine des déplacements de populations demeurent essentiellement économiques, et il incombe, par conséquent, au HCR et à la communauté internationale de donner la priorité aux activités de développement dans les pays d'origine pour permettre aux rapatriés d'entamer une vie nouvelle. Elle fonde, à cet égard, de grands espoirs dans l'actuel processus de règlement des conflits au niveau régional et dans les initiatives prises récemment à l'appui des programmes de développement des pays membres de l'IGADD, convaincue qu'elle est que pour prévenir les situations de crise il faut opérer en amont.
74. M. MEGHLAOUI (Algérie), exerçant son droit de réponse, dit qu'il regrette de prendre la parole à une heure si tardive. Il n'a nullement l'intention d'entrer dans une polémique ou de revenir sur des questions que les délégations présentes ne connaissent que trop bien. Mais, compte tenu des allégations faites par l'ambassadeur du Maroc, il est dans l'obligation de rappeler ce qu'il a dit la veille au sujet de la question des réfugiés sahraouis. La délégation algérienne avait réaffirmé la volonté de l'Algérie de poursuivre son assistance aux réfugiés sahraouis, maliens, nigériens et autres qui ont trouvé asile sur son territoire. Elle avait, d'autre part, lancé un appel au HCR pour qu'il accorde aux réfugiés sahraouis une aide plus substantielle car ces derniers dépendent totalement de l'assistance extérieure et vivent dans une région complètement désertique. Dans son analyse des causes du problème, elle s'était contentée de rappeler les faits, notant, à ce propos, que le territoire du Sahara occidental avait été envahi en 1975 par deux Etats voisins. C'était alors qu'avait eu lieu le premier grand flux de réfugiés. Un de ces deux Etats s'était retiré en 1979, conformément à un accord conclu avec le Front Polisario après des négociations directes. En revanche l'autre Etat envahisseur ne s'était pas encore retiré. Il fallait rappeler à cet égard que le Polisario a été reconnu par la communauté internationale en tant que partie au conflit du Sahara occidental.
75. La position de la communauté internationale est claire, le Maroc n'a pas à exercer sa souveraineté sur le Sahara occidental. Autrement, comment expliquer la décision de l'ONU d'organiser un référendum ? Lorsqu'il y a un problème de réfugiés, il faut essayer d'en déterminer les causes, mais aussi de trouver des solutions. C'est dans ce contexte que s'inscrit le plan de règlement adopté par l'ONU. Toutes les parties concernées, y compris l'Algérie, l'ont approuvé. Mais son application a été retardée, ce qui a amené le HCR à réactualiser le plan de rapatriement qu'il avait établi en 1991. Il est temps de régler le conflit afin que les réfugiés sahraouis puissent enfin rentrer chez eux. Pour ce faire, il faut que les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario, entament des négociations directes. Tels sont les faits et tout le reste n'est que propagande.
76. M. BENJELLOUN-TOUIMI (Maroc), exerçant son droit de réponse, dit que ce que pense l'Algérie ne présente aucun intérêt en la matière. Un plan de règlement a été établi et il faut laisser le processus suivre son cours. La question est d'ailleurs actuellement examinée à la Quatrième Commission de l'Assemblée générale de l'ONU. Cela dit, la délégation marocaine a soulevé un certain nombre de préoccupations d'ordre humanitaire. Ces préoccupations sont légitimes, et elle attend du HCR qu'il y réponde, ne serait-ce qu'en privé.
La séance est levée à 18 h 10.