Conclusion sur les questions relatives à la sécurité juridique dans le contexte du rapatriement librement consenti des réfugiés
Conclusion sur les questions relatives à la sécurité juridique dans le contexte du rapatriement librement consenti des réfugiés
No. 101 (LV) - 2004
Le Comité exécutif,
Rappelant ses conclusions No. 18 (XXXI) et No. 40 (XXXVI) sur le rapatriement librement consenti ainsi que les paragraphes y), z) et aa) de sa conclusion no 74 (XLV),
Rappelant sa conclusion no 96, et notant que cette conclusion ne s'applique pas aux personnes dont on estime qu'elles n'ont pas besoin de protection internationale,
Notant la pertinence pour le rapatriement librement consenti de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international sur les droits civils et politiques, le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes,
Se déclarant satisfait des discussions utiles sur le rapatriement librement consenti qui ont eu lieu dans le contexte de la troisième plateforme des Consultations mondiales sur la protection internationale,1 et tombant d'accord sur l'importance d'oeuvrer à l'amélioration des conditions du rapatriement librement consenti et du renforcement de la coopération pour rendre ce rapatriement viable conformément au but 5, objectifs 2 et 3, de l'Agenda pour la protection émanant de ces discussions,
Réaffirmant que le rapatriement librement consenti, l'intégration sur place et la réinstallation sont les solutions traditionnelles aux problèmes de réfugiés, et qu'elles restent toutes des réponses viables et importantes aux crises de réfugiés, réitérant que le rapatriement librement consenti, où et quand il est réalisable, reste la solution la plus souhaitable à la plupart des situations de réfugiés, et notant qu'une combinaison de solutions tenant compte des circonstances spécifiques de chaque situation peut contribuer à mettre en oeuvre des solutions durables,
Réaffirmant le caractère volontaire du rapatriement des réfugiés qui implique une décision individuelle prise librement et en toute connaissance de cause moyennant, entre autres, la mise à disposition d'une information complète, exacte et objective sur la situation dans le pays d'origine, et soulignant la nécessité de mettre en oeuvre le rapatriement librement consenti dans des conditions de sécurité et de dignité,
Reconnaissant dans le contexte du rapatriement librement consenti l'importance d'efforts résolus dans le pays d'origine afin de créer les conditions propices au retour volontaire et sûr des réfugiés et de garantir la restauration de la protection nationale,
Reconnaissant les complexités du rapatriement librement consenti à grande échelle et les difficultés auxquelles le pays d'origine peut se trouver confronté au moment de suivre les orientations fournies dans cette conclusion,
Notant l'intérêt pour les pays d'origine de s'attaquer aux questions de nature juridique ou administrative, en vue d'établir la confiance, de faciliter les décisions en matière de retours et d'assurer la viabilité de la réintégration,
Soulignant que certaines questions juridiques ou administratives pourraient ne trouver une solution qu'au bout d'un certain temps, et reconnaissant que le rapatriement librement consenti peut s'effectuer, et s'effectue, sans que toutes les questions juridiques et administratives mentionnées dans cette conclusion n'aient au préalable été résolues,
Reconnaissant l'utilité pour les Etats, en tant que pays d'asile ou pays d'origine, ainsi que pour le HCR de conclure, lorsqu'il convient, des accords tripartites pour faciliter les efforts de rapatriement librement consenti, fixant par là les composantes clés et les modalités du rapatriement librement consenti, les rôles et responsabilités respectifs des acteurs pertinents ainsi que les obligations des Etats concernant le retour des réfugiés, tout en notant également que, dans certains cas, le rapatriement librement consenti peut avoir lieu en l'absence de tels accords,
Reconnaissant également, sachant l'importance du rapatriement librement consenti spontané des réfugiés, que les mesures visant à promouvoir le rapatriement librement consenti organisé ne devraient pas créer d'obstacle au retour spontané des réfugiés,
Notant le caractère souhaitable d'intégrer des garanties juridiques appropriées pour le retour des réfugiés dans le contexte des accords de paix, si possible, en tant que mesure visant à établir la confiance et à l'appui de leur promotion dans la pratique,
Reconnaissant l'importance de tenir compte des critères de genre et d'âge dans tous les aspects des processus de retour des réfugiés, et, à cet égard, encourageant le HCR à élaborer des normes et indicateurs appropriés tenant compte de ces facteurs dans les programmes de rapatriement et de réintégration,
Soulignant la nécessité du renforcement de la coopération entre les pays d'origine, les pays hôtes, le HCR et les autres organisations internationales ainsi que la communauté internationale pour veiller à ce que le rapatriement librement consenti soit viable,
Notant que la réconciliation dans les situations post-conflit constitue un défi majeur et qui, s'il est relevé dès le début, si nécessaire par le biais des mécanismes transitoires de justice, et moyennant la participation des communautés, pourrait contribuer à créer les conditions propices au rapatriement librement consenti et à la réintégration durable,
a) Invite les pays d'origine, en coopération avec le HCR, d'autres Etats et acteurs concernés, si nécessaire et approprié, à traiter, dès que possible, les questions de nature juridique et administrative pouvant entraver le rapatriement librement consenti dans la sécurité et la dignité, tenant compte, entre autres, des orientations contenues dans les paragraphes du dispositif suivant;
b) Réaffirme que les réfugiés ont le droit au retour dans leur propre pays et que les Etats ont le devoir d'accueillir leurs propres nationaux et devraient faciliter ce retour; exhorte les Etats à délivrer les documents de voyage nécessaires, si besoin est, pour faciliter ces retours; et note également, à cet égard, que les réfugiés pourraient être tenus de subir de brèves entrevues au point d'entrée à la frontière concernée par les autorités du pays d'origine aux fins d'identification;
c) Reconnaît que les réfugiés, dans l'exercice de leur droit au retour dans leur propre pays, devraient, en principe, avoir la possibilité de rentrer dans leur lieu d'origine ou dans le lieu de résidence de leur choix sous réserve des seules restrictions prévues aux termes du droit international des droits de l'homme;2 et, dans ce contexte, note l'importance des efforts visant à réduire la probabilité de voir les rapatriés devenir des personnes déplacées à l'intérieur du territoire;
d) Souligne que, dans le contexte du rapatriement librement consenti, il incombe aux pays d'asile de protéger les réfugiés des menaces et du harcèlement, y compris de la part de groupes ou de personnes qui pourraient empêcher leur accès à l'information sur la situation prévalant dans le pays d'origine ou interdire le libre exercice de leur droit au retour,
e) Réaffirme que le rapatriement librement consenti ne devrait pas nécessairement être tributaire de l'application de solutions politiques dans le pays d'origine afin de ne pas interdire l'exercice du droit au retour des réfugiés; et reconnaît que le rapatriement librement consenti et le processus de réintégration sont généralement fonction des conditions prévalant dans le pays d'origine;
f) Demande instamment à tous les pays d'origine de veiller à ce que les réfugiés puissent rentrer sans risque de persécution, de discrimination, ou de détention, en raison de leur départ du pays ou du fait de leur statut de réfugié, de leur opinion politique, race, origine ethnique, croyance religieuse ou appartenance à un groupe social particulier;
g) Reconnaît l'utilité des amnisties pour la promotion du rapatriement librement consenti; recommande que les pays d'origine promulguent des décrets d'amnistie octroyant aux rapatriés l'immunité de poursuites pour avoir quitté le pays d'origine ou être restés à l'étranger; et reconnaît, en outre, que l'amnistie ne devrait toutefois pas couvrir les rapatriés accusés, entre autres, de sérieuses violations du droit international humanitaire, de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes constituant une violation grave des droits de l'homme ou d'un crime grave de droit commun, entraînant la mort ou une grave blessure corporelle, commis avant ou pendant l'exil;
h) Reconnaît qu'en principe tous les rapatriés devraient avoir le droit de recouvrer, ou d'être indemnisés en conséquence, leur logement, leurs terres ou les biens dont ils ont été spoliés de façon illégale, discriminatoire ou arbitraire avant ou pendant l'exil; note, en conséquence, la nécessité éventuelle de mécanismes de restitution justes et efficaces qui tiennent également compte de la situation des seconds occupants des biens des réfugiés; et prend également note que lorsque les biens ne peuvent être restitués, les rapatriés devraient être indemnisés de façon juste et adéquate par le pays d'origine;
i) Souligne la nécessité de veiller à ce que le cadre de restitution et d'indemnisation tienne compte de la situation des femmes rapatriées, en particulier lorsque les femmes, surtout les femmes chef de famille, ne peuvent faire valoir leurs droits de propriété conformément à la législation sur la succession ou lorsque les procédures du droit successoral les empêchent de recouvrer leurs biens dans un laps de temps raisonnable;
j) Encourage les pays d'origine à fournir aux rapatriés sans foyer, selon qu'il convient, un accès à la terre et/ou à un logement adéquat en conformité avec les normes locales;
k) Note l'importance d'assurer une nationalité; exhorte les pays d'origine à éviter l'exclusion de la nationalité et, partant, l'apatridie aux rapatriés; et rappelle dans ce contexte la conclusion no 78 (XLVI) sur la prévention et la réduction des cas d'apatridie ainsi que la protection des apatrides;
l) Note également l'importance d'octroyer aux termes de la législation nationale la reconnaissance du statut civil des rapatriés et des modifications y afférentes, y compris suite aux naissances, décès, adoptions, mariages et divorces ainsi que tous les justificatifs ou registres adéquats délivrés par les organes compétents dans le pays d'asile ou ailleurs, compte tenu de la situation spécifique des femmes réfugiées ou rapatriées qui peuvent ne pas être en possession des documents prouvant leur statut juridique ou qui peuvent éprouver des difficultés à obtenir la reconnaissance des papiers délivrés par les autorités du pays d'asile;
m) Invite les pays d'origine et les pays de résidence habituelle, à réadmettre les réfugiés non nationaux mais ayant eu leur résidence habituelle dans ce pays, y compris ceux qui y étaient auparavant apatrides;
n) Souligne l'importance pour les membres de familles de rester ensemble pendant et après le rapatriement librement consenti; et prie les Etats, si nécessaire, en particulier d'aider les conjoints et les membres de la famille de différentes nationalités à rester unis au sein de la famille;
o) Note l'importance de l'acquisition de compétences par les rapatriés aux fins d'autonomie; dans ce contexte, encourage les pays d'origine à leur assurer un accès systématique aux processus, lorsqu'ils existent, visant à reconnaître, l'équivalence des diplômes, certificats ou licences attestant d'études secondaires, universitaires et professionnelles obtenus par les rapatriés pendant leur séjour à l'étranger; et encourage les pays d'origine à reconnaître l'équivalence des enseignements primaire et secondaire dispensés à l'étranger aux réfugiés qui rentrent chez eux;
p) Recommande, en consultation avec les communautés réfugiées, l'adoption de mesures spéciales pour permettre aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées et aux autres personnes ayant des besoins spécifiques de recevoir une protection, des soins et une assistance adéquats au cours du processus de rapatriement et de réintégration initiale; et souligne, dans ce contexte, qu'il convient de veiller tout particulièrement à ce que les enfants séparés ou non accompagnés ne soient pas rapatriés avant les recherches couronnées de succès de membres de leur famille ou sans dispositions spécifiques et adéquates en matière d'accueil et de soins dans le pays d'origine;
q) Réitère que, conformément à sa responsabilité statutaire, le HCR dispose d'un accès libre et sans entrave aux rapatriés, selon les besoins, en particulier afin de garantir le traitement adéquat de ces derniers conformément aux normes internationales, y compris concernant le respect d'amnisties, de garanties ou d'assurances ayant présidé au retour des réfugiés;
r) Encourage le pays d'origine, les pays hôtes et le HCR à coopérer avec les autres acteurs concernés pour fournir aux réfugiés une information complète, objective et exacte, y compris quant aux questions relatives à la sécurité physique, matérielle et juridique, avant le rapatriement librement consenti et leur réintégration dans le pays d'origine;
s) Encourage le HCR à collaborer avec d'autres entités des Nations Unies, des organisations internationales et non gouvernementales, en particulier celles dotées de mandats et de compétences en matière de légalité, de développement, d'établissement et de maintien de la paix, en vue de supprimer tous les obstacles juridiques, administratifs et autres au retour vers les pays d'origine et, ce faisant, à contribuer de façon plus générale à la promotion de la légalité et au respect des droits humains et des libertés fondamentales;
t) Encourage la communauté internationale dans son ensemble à s'efforcer de mobiliser un appui adéquat et soutenu aux pays d'origine, particulièrement ceux qui émergent d'un conflit, pour les aider à restituer à leurs citoyens et à leurs résidents habituels apatrides antérieurs, y compris aux rapatriés, une protection nationale, y compris le respect des droits humains.
1 EC/GC/02/5 du 25 avril 2002.
2 Voir l'article 12 3) du Pacte international sur les droits civils et politiques.