CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA ONZIEME SEANCE
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA ONZIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.11
Présents :
Président : M. LARSEN
Membres : | |
Australie | M. SCHAW |
Autriche | M. FRITZER |
Belgique | M. HERMENT |
Canada | M. CHANCE |
Colombie | M. GIRALDO-JARAMILLO |
Danemark | M. HOEG |
Egypte | MUSTAPHA Bey |
Etats-Unis d'Amérique | M. WARREN |
France | M. ROCHEFORT |
Grèce | M. PAPAYANNIS |
Irak | M. Al PACHACHI |
Israël | M. ROBINSON |
Italie | M. DEL DRAGO |
Monaco | M. BICHERT |
NORVEGE | M. ARFF |
Pays-Bas | M. van BOETZELAER |
République fédérale allemande | M. von TRÜTZSCHLER |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | M. HOARE |
Suède | M. PETREN |
Suisse (et Liechtenstein) | M. ZUTTER |
Turquie | M. NIRAS |
Yougoslavie | M. MAKIEDO |
Observateur : | |
Iran | M. KAZEMI |
Représentants d'institutions spécialisées et autres organisations intergouvernementales | |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. SCHNITZER |
Représentants d'organisations non gouvernementales | |
Catégorie B et registre | |
Caritas Internationalis | M. BRAUN |
M. METTERNICH | |
Comité de coordination d'organisations juives | M. WARBURG |
Congrès juif mondial | M. RIEGNER |
Conseil consultatif d'organisations juives | M. NEYROWITZ |
Ligue des sociétés de la Croix-Rouge | M. LEDERMANN |
Pax Romana | M. BUENSOD |
Union internationale des ligues féminines catholiques | Mlle de ROMER |
Secrétariat : | |
M. Humphrey | Secrétaire exécutif |
Mlle Kitchen | Secrétaire exécutive adjointe |
1. PARTICIPATION DU SAINT-SIEGE AUX TRAVAUX DE LA CONFERENCE (reprise des délibérations de la deuxième séance)
Le PRESIDENT donne lecture d'un télégramme reçu du Vatican et faisant connaître que le Saint-Siège prend ses dispositions pour qu'un plénipotentiaire participe à la conférence.
2. EXAMEN EU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (Point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5) (Reprise des délibérations de la dixième séance)
i) Article 19 - Législation du travail et sécurité sociale (A/CONF.2/50, A/CONF.2/51) (suite)
Le PRESIDENT invite le représentant d'Israël à communiquer à la conférence le résultat de ses recherches sur la genèse des paragraphes 3 et 4 de l'article 19.
M. ROBINSON (Israël) déclare que les deux paragraphes sont censés s'appliquer au problème de la jouissance, hors du territoire d'un Etat, de droits acquis ou en cours d'acquisition dans ledit Etat en matière de sécurité sociale. Le problème peut se poser de deux façons. Dans le premier cas, un réfugié peut avoir acquis, dans le premier pays où il a trouvé asile, le droit à certaines prestations de la sécurité sociale et il peut exister, entre cet Etat et le deuxième pays d'asile du réfugié, un accord prévoyant le maintien de ces droits. S'il n'existe pas, dans une convention multilatérale relative à la protection des réfugiés, de disposition précise stipulant que le réfugié en question bénéficiera de ces prestations, la question de savoir si ces avantages lui seront accordés doit être réglée par les parties contractantes intéressées. A la quatorzième séance du Comité spécial, le représentant de la Belgique a mentionné un accord de ce genre conclu entre la France et la Belgique, et applicable uniquement aux ressortissants des deux pays, ainsi qu'un protocole spécial étendant le bénéfice dudit accord aux réfugiés qui ont résidé dans l'un de ces pays et y ont acquis certains droits en matière de sécurité sociale, puis se sont rendus dans l'autre. Il semble donc qu'en ce qui concerne de tels cas, la rédaction du paragraphe 3 de l'article 19 ne soit pas très appropriée. L'adoption de l'un des deux amendements présentés par le Royaume-Uni (A/CONF.2/50) et par la Belgique (A/CONF.2/51) supprimera une source de malentendu possibles. Une autre lacune ne subsisterait pas moins dans la rédaction de cette clause. En fait, ce qui importe, c'est que les Etats aient conclu des accords, et il semble que le paragraphe serait mieux conforme aux intentions du représentant du Royaume-Uni s'il prenait la forme suivante :
« Le bénéfice du maintien de droits acquis ou en cours d'acquisition conférés aux nationaux des Etats contractants en vertu de tous accords internationaux qui pourront être, à quelque moment que ce soit ce soit, en vigueur entre lesdits Etats, sera étendu aux réfugiés pour autant que ces derniers réunissent les conditions prévues pour les nationaux de ces Etats. »
Quelle sera la portée de cette clause ? Prenons le cas de l'accord entre la France et la Belgique en matière de sécurité sociale et admettons, d'une part, qu'il n'y a aucun protocole additionnel étendant le bénéfice de cet accord aux réfugiés et, d'autre part, que la France et la Belgique ont toutes deux ratifié le projet de convention dont la Conférence est saisie ; les réfugiés quittant la France pour la Belgique et vice versa bénéficieront des avantages concédés aux nationaux de ces pays, même en l'absence d'un accord spécial à cet effet. Par conséquent, les prestations dont bénéficient les nationaux seront étendues aux réfugiés dont le pays de domicile ou de résidence habituelle est partie à la convention et à un accord bilatéral relatif au maintien, pour les ressortissants des pays signataires, des droits acquis ou en cours d'acquisition, sous réserve que ces réfugiés réunissent toutes les conditions prévues pour les nationaux desdits Etats. Il est évident que rien dans le paragraphe 3 ne peut être interprété comme tendant à empêcher les Etats de régler le problème au moyen d'accords bilatéraux spéciaux. Si une partie ou les deux parties à un arrangement bilatéral n'ont pas adhéré à la Convention, ce n'est que par de tels accords bilatéraux spéciaux que les réfugiés pourront avoir droit aux prestations de la sécurité sociale accordée contractuellement aux nationaux. Etant donné que les modifications que M. Robinson a proposé d'apporter au paragraphe 3 sont de nature purement rédactionnelle, il ne juge pas utile de présenter formellement un amendement.
Le paragraphe 4 a trait au deuxième cas dans lequel le problème de la jouissance, en dehors du territoire d'un Etat, de droits acquis en matière de sécurité sociale peut se poser. Ce paragraphe a pour objet de protéger le ressortissant d'un Etat donné qui, ayant acquis certains droits en matière de sécurité sociale dans son pays d'origine puis s'étant rendu dans un pays qui a conclu avec le premier un accord relatif à la sécurité sociale, renonce à la protection de son pays d'origine et devient un réfugié. Dans quelles circonstances le réfugié en question sera-t-il déchu de son droit à des prestations découlant d'un accord bilatéral ? C'est là une question qui ne peut être réglée que par les parties à l'accord, selon la lettre et l'esprit de cet instrument. Un Etat qui donne asile à un réfugié dans les conditions exposées ci-dessus ne saurait toutefois être empêché d'accorder, de son propre gré, certains avantages à une personne envers laquelle il n'a aucune obligation contractuelle.
Le paragraphe 4 a pour objet de prévoir cette éventualité mais, à la différence du paragraphe 3, il est conçu sous la forme d'une recommandation et non d'une disposition de caractère obligatoire. L'adoption de l'amendement au paragraphe 4 (A/CONF.2/50) proposé par le Royaume-Uni Qui élargit la portée de la recommandation, est donc souhaitable.
M. HOARE (Royaume-Uni) retire l'amendement du Royaume-Uni au paragraphe 3 (A/CONF.2/50), en faveur de l'amendement proposé par la Belgique (A/CONF.2/51).
M. HERMENT (Belgique) remercie le représentant du Royaume-Uni d'avoir retiré son amendement en faveur du texte soumis par la délégation belge. La rédaction proposée dans cet amendement ne constitue en fait qu'une modification de forme. L'objet de l'amendement du Royaume-Uni était de permettre aux réfugiés de bénéficier non seulement des dispositions existantes en matière de sécurité sociale, mais encore des dispositions qui pourraient être éventuellement arrêtées. Telles sont bien les intentions de l'amendement belge. Revenant sur l'intervention du M. Robinson, M. Herment désire demander au représentant d'Israël s'il pense que les arrangements en question deviendraient automatiquement applicables aux réfugiés dès la ratification de la convention. Il estime pour sa part qu'il ne convient pas de trop préciser ce point car, dans le cas de certains Etats contractants, l'application de ces dispositions de la Convention devra faire l'objet de mesures administratives. Pour ces raisons, la délégation belge a employé dans son amendement l'expression « les Etats contractants étendront aux réfugiés ... » laissant ainsi aux Etats contractants le soin de mettre au point les modalités d'application de l'article 19.
M. ROBINSON (Israël) croit que, dans le texte anglais tout au moins, l'emploi des mots « shall extend » fait de l'amendement belge une disposition ayant force obligatoire ; le représentant d'Israël reconnaît toutefois qu'il peut y avoir une certaine divergence à cet égard entre le texte anglais et le texte français que dit simplement « étendront ». La question des mesures administratives nécessaires pour étendre aux réfugiés, à titre de réciprocité, le bénéfice des prestations accordées en vertu d'accords bilatéraux conclus entre des Etats contractants est un problème dont la solution doit être laissée à chacun d'eux, conformément aux dispositions de l'article 31 du projet de convention. Le paragraphe 3 de l'article 19 a naturellement été conçu dans l'intention d'accorder, ipso facto, aux réfugiés le bénéfice de ces prestations, sans qu'il soit nécessaire de prévoir des dispositions spéciales à cette fin.
M. HERMENT (Belgique) accepte l'interprétation donnée par le représentant d'Israël.
MUSTAPHA Bey (Egypte) rappelle que l'Egypte a récemment adopté, pour la sécurité sociale, une législation accordant le bénéfice des prestations à tous les habitants de l'Egypte sans distinction, c'est-à-dire aux étrangers et aux réfugiés comme aux nationaux, sans qu'il soit question de réciprocité ni d'accords bilatéraux. A son avis, cette législation est plus libérale que les dispositions du projet de convention et il est donc bien entendu que la délégation égyptienne n'a aucune objection à faire à l'égard d'un texte prévoyant les prestations les plus étendues possibles.
M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer que le paragraphe 3, tel qu'il est rédigé, obligera un Etat contractant à étendre aux réfugiés les avantages accordés aux nationaux en vertu des accords conclus avec des Etats non contractants. Il sera simplement recommandé de procéder de cette manière dans le paragraphe 4 modifié selon la proposition soumise par la délégation du Royaume-Uni.
Le PRESIDENT met aux voix l'amendement présenté par la Belgique (A/CONF.2/51).
Par 18 voix contre zéro, avec 3 abstentions, l'amendement proposé par la Belgique au paragraphe 3 de l'article 19 est adopté.
Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark, croit que les paragraphes 3 et 4 pourraient s'appliquer à toutes les éventualités même si les mots dont la délégation du Royaume-Uni propose l'adjonction au paragraphe 4 n'étaient pas ajoutés à ce paragraphe, mais venaient remplacer le dernier membre de phrase « qui auraient été conclus par ces Etats avec le pays dont ces réfugiés ont ou avaient la nationalité ». La délégation danoise présentera donc un amendement à cet effet.
M. HOARE (Royaume-Uni) comprend le point de vue du représentant du Danemark mais estime qu'il n'y aurait aucun danger à ajouter au texte original du paragraphe 4 les mots proposés par la délégation du Royaume-Uni, ne serait-ce que pour éviter de souligner qu'il n'est pas nécessaire que le pays dont l'intéressé a ou avait la nationalité soit un Etat contractant.
M. HERMENT (Belgique) estime que l'amendement du Danemark aurait pour effet d'étendre la portée du paragraphe 4. Le critère qu'on avait retenu jusqu'à présent était celui de la nationalité ; or, l'amendement du Danemark aurait pour conséquence d'étendre aux réfugiés le bénéfice de tout accord intervenu entre un Etat contractant et un Etat non contractant. C'est ainsi par exemple que si un accord était signé entre le Royaume-Uni et la Hongrie (ce dernier pays n'étant pas signataire de la Convention), un réfugié roumain, résidant dans le Royaume-Uni, bénéficierait des dispositions de cet accord. M. Herment ne pense pas que telle soit l'intention du représentant du Royaume-Uni.
M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer que le texte original, aussi bien que l'amendement présenté par le Royaume-Uni, ont pour objet d'assurer le maintien des droits acquis dans un pays donné. Ainsi, par exemple, si un Roumain a acquis certains droits en vertu de dispositions hongroises en matière de sécurité sociale, le Royaume-Uni devrait, aux termes de ce paragraphe, examiner avec bienveillance la reconnaissance de ces droits, si cette personne se réfugié dans le Royaume-Uni. Etant donné que cette disposition n'est qu'une recommandation, M. Hoare estime qu'il est justifié d'en étendre la portée, ainsi que le propose l'amendement du Royaume-Uni.
M. HERMENT (Belgique) précise que, comme le paragraphe 4 n'a pas de caractère obligatoire, et ne constitue qu'une simple recommandation, la délégation belge ne s'y opposera pas.
M. ROBINSON (Israël) estime que le Comité du style pourrait examiner l'opportunité de supprimer dans le texte anglais le mot « individual » avant le mot « refugee » à la deuxième ligne du paragraphe 4, particulièrement si le maintien de ce mot devait risquer de provoquer une discrimination entre un réfugié et un autre.
Le PRESIDENT met aux voix l'amendement présenté par le Danemark et visant à remplacer, au paragraphe 4, le membre de phrase « qui auraient été conclus par ces Etats avec le pays dont ces réfugiés ont ou avaient la nationalité » par les mots « qui sont ou seront en vigueur entre ces Etats contractants et des Etats non contractants ».
Par 22 voix contre zéro, avec une abstention, la proposition du Danemark est adoptée.
Le PRESIDENT met aux voix le paragraphe 4 ainsi amendé.
Par 21 voix contre zéro, avec 2 abstentions, le paragraphe 4 ainsi amendé est adopté.
Le PRESIDENT met aux voix l'ensemble de l'article 19 ainsi amendé.
Par 21 voix contre zéro, avec 2 abstentions, l'ensemble de l'article 19 ainsi amendé est adopté.
Le PRESIDENT déclare qu'avant de mettre en discussion l'article 20, il va donner la parole au représentant de l'organisation Pax Romana qui désire faire une déclaration sur le chapitre du projet de convention que la Conférence vient de terminer.
M. BUENSOD (Pax Romana) attire l'attention de la Conférence sur une omission qui pourrait se produire et qui serait lourde de conséquences. En effet, si la Conférence a examiné sous le titre « Bien-être » chapitre III du projet de convention, articles 15 à 19, une série de dispositions visant des domaines aussi différents que ceux du rationnement et de l'éducation et si elle les a résolus avec le plus grand sens des réalités humaines, elle n'a pas encore abordé l'examen des droits que possède le réfugié à son développement et à son épanouissement spirituel, religieux et culturel. Certes, l'on peut noter que, dans un domaine connexe, celui de l'enseignent, la Conférence a adopté un article ayant pour but de permettre aux réfugiés de bénéficier de l'enseignement donné dans les divers pays d'accueil, de fréquenter les grandes écoles et d'obtenir des diplômes universitaires. Toutefois, on peut se demander si ces dispositions suffiront à assurer le développement de la personnalité du réfugié. Le préambule du projet de convention, dans son deuxième considérant, exprime le souci d'assurer au réfugié l'exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, le projet de convention en comporte pas de définition positive de la liberté spirituelle et religieuse du réfugié. L'on ne pourrait en effet considérer que le principe négatif de la non discrimination, énoncé à l'article 3, constitue une telle définition. Il faut noter à ce propos que dans l'exercice de son activité l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) a pleinement reconnu l'importance de ce facteur moral et spirituel et que, notamment, elle a fait appel au concours de diverses autorités religieuses pour donner aux réfugiés l'assistance spirituelle dont ils avaient besoin. Il est certain que le Haut-Commissaire pour les réfugiés, qui assumera en partie tout au moins les lourdes responsabilités de l'OIR, aura à cet égard des conceptions analogues. Et cela est bien compréhensible car si les dispositions qui visent à assurer l'assistance matérielle aux réfugiés ou à les doter d'un statut juridique déterminé, sont d'une importance capitale, le facteur spirituel et religieux prend toute sa signification dans l'Etat de détresse matérielle et morale où se trouvent la plupart des réfugiés. C'est pour ces raisons que l'Organisation Pax Romana, dont le point do vue est d'ailleurs partagé par d'autres organisations non gouvernementales, estime utile d'attirer des membres de la Conférence sur ce point et de suggérer que l'on fasse figurer dans le texte de la Convention un article approprié dont la teneur pourrait être la suivante :
« Les Etats contractants accorderont aux réfugiés la pleine liberté de continuer à pratiquer sur leur territoire et de manifester leur religion, seuls ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'éducation, l'enseignement, les pratiques, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ».
En terminant, M. Buensod remercie la Conférence de lui avoir donné la possibilité d'exprimer son point de vue et rappelle que l'année passée il avait fait valoir les mêmes arguments devant le Comité du Conseil économique et social chargé des organisations non gouvernementales.
Le PRESIDENT souligne que la suggestion formulée par le représentant de Pax Romana doit être reprise par une délégation avant que la Conférence puisse se prononcer à son sujet.
M. ROCHEFORT (France) pense que les représentants pourraient peut-être avoir quelques difficultés à préciser dès à présent leur point de vue sur la proposition que vient de présenter le représentant de Pax Romana. Il n'en convient pas moins d'en examiner le principe, le cas échéant, au sein d'un groupe de travail. La meilleure méthode serait donc de différer pour le moment l'étude de cette question.
Il en est ainsi décidé.
ii) Article 20 - Aide administrative (A/CONF.2/46, A/CONF.2/48, A/CONF.2/52)
M. FRITZER (Autriche) déclare que le Gouvernement autrichien ne sera pas en mesure d'accepter l'article 20 dans sa rédaction actuelle ; cet article vise en effet à imposer aux Etats contractants l'obligation soit d'instituer des autorités nationales chargées de délivrer aux réfugiés des documents qui auraient la même valeur que ceux qui seraient délivrés à un étranger par les autorités de son pays d'origine, soit de reconnaître à des autorités internationales la compétence nécessaire pour délivrer ces documents. Il est à présumer que les documents relatifs au statut personnel d'un réfugié ne relèveraient pas de l'article 20 ; l'article 7 prévoit en effet que le statut personnel d'un réfugié sera régi par la loi du pays de son domicile. Par conséquent, l'article 20 sera applicable aux documents concernant les droits matériels et juridiques. Il s'ensuit donc que le Gouvernement fédéral autrichien, par exemple, devrait, en sa qualité d'autorité nationale, fournir des documents relatifs à des situations et à des circonstances juridiques que ne connaissant ni la loi ni la coutume autrichienne. Une telle situation est de nature à provoquer de grandes difficultés d'ordre juridique ; en souscrivant à l'article 20, les Etats contractants prendraient des risques considérables.
En conséquence, sans vouloir rejeter l'article 20, la délégation de l'Autriche estime que la portée des obligations qui y sont définies devrait être limitée ; c'est pourquoi elle a soumis un amendement (A/CONF.2/46) dont l'effet serait de donner aux paragraphes 2 et 3 un caractère facultatif.
M. PETREN (Suède) appuie l'amendement présenté par la délégation de l'Autriche, qui répond pleinement aux difficultés éprouvées sur ce point par le Gouvernement suédois.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) déclare que la délégation des Pays-Bas a présenté un amendement (A/CONF.2/48) à l'article 20, parce qu'elle aussi avait l'impression que les obligations qui y sont prescrites vont trop loin et que les administrations nationales risquent d'être saisies d'un grand nombre de demandes de documents qui ne sont peut-être pas absolument nécessaires. Aussi, la délégation des Pays-Bas a-t-elle modifié le paragraphe 2 de manière à prévoir la délivrance des documents ou certificats qui seraient normalement délivrés aux étrangers par leurs autorités nationales et qui sont nécessaires pour leur permettre d'exercer un droit. A la suite d'échanges de vues auxquels il a procédé avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés, l'orateur est parvenu à la conclusion que cet amendement était trop restrictif et il admet maintenant que le dernier membre de phrase du paragraphe 2 - « qui normalement seraient délivrés à un étranger ... » - donne des garanties suffisantes. C'est pourquoi il retire son amendement et se prononcera contre l'amendement de l'Autriche, qu'il estime également trop restrictif.
M. HERMENT (Belgique) souligne toute l'importance de l'article 20, qui répond à l'un des besoins les plus constants et les plus essentiels des réfugiés. Le Gouvernement belge regrette que les attributions d'une telle mission ne soient pas exclusivement confiées à une autorité internationale. Le mandat de protection du Haut-Commissaire ne vise que des groupes de réfugiés et c'est là que réside la tragédie de certains, car ils ont besoin non seulement de la protection que leur assureront les rapports entre le Haut-Commissaire et les autorités nationales mais encore d'une protection individuelle. En effet, dans les pays européens les réfugiés no vivent pas en groupe, mais en famille et ils souhaiteraient avoir la possibilité d'un contact immédiat avec une personne chargée de les protéger et non pas seulement avec les autorités étrangères. La délégation belge tient à préciser que ces remarques ne visent aucun Etat particulier et qu'elle est consciente des bonnes intentions dont sont animées les autorités des divers pays Il n'en est pas moins incontestable que lorsqu'elles seront chargées d'étudier une réclamation ou une protestation d'un réfugié, les autorités du pays d'accueil seront toujours et parties. Examinant alors la teneur de l'article 20, M. Herment constate que le paragraphe 1 de cet article ne prévoit qu'une hypothèse, celle de l'exercice d'un droit sur le territoire d'un Etat contractant. Il estime que l'obligation qui incombe aux Etats contractants d'assurer aux réfugiés le concours administratif nécessaire n'est pas assez précisé dans ce paragraphe. En effet, si un réfugié résidant sur le territoire d'un pays A venait à se marier, donc à exercer un droit, sur le territoire d'un pays B, la question se pose de savoir à quelles autorités incombera le devoir d'assurer au réfugié l'aide administrative dont il a besoin. De l'avis de la délégation belge, et c'est là le sens de l'amendement qu'elle présente au paragraphe 1 (A/CONF.2/52), cette obligation devrait être imposée aux autorités du pays de résidence, qui sont mieux à même de venir en aide aux réfugiés.
On peut se trouver en face d'une autre éventualité, celle où le réfugié désirerait exercer un droit sur le territoire d'un Etat non contractant. Ce cas peut se produire et, de l'avis de la délégation belge, le pays de résidence devrait alors prêter ses bons offices. C'est pour ces raisons qu'il importe d'écarter la notion de territoire des dispositions concernant l'exercice d'un droit par le réfugié.
Le paragraphe 2 de l'article 20 a pour objet de permettre au réfugié de se procurer les documents qu'il ne peut obtenir du pays d'où ils devraient normalement émaner et à conférer à ces documents une force égale et quelquefois supérieure aux documents de même nature qu'un ressortissant du pays d'origine du réfugié pourrait obtenir des autorités compétentes. C'est là une disposition très importante et il convient donc de s'entourer à cet égard du maximum de garanties. La délégation belge propose donc un contrôle, même si ce contrôle se limitait à authentifier la signature des intéressés. En outre, la délégation belge propose que les documents ou certificats qui seraient normalement délivrés à un étranger, soient délivrés au réfugié, soit par ces autorités nationales, soit par leur intermédiaire. Il se peut en effet que, pour exercer un droit, un droit, un réfugié requière un document émanant, non pas de ses autorités nationales, mais d'autorités étrangères. Si, par exemple, un ressortissant roumain né en Hongrie désirait obtenir un extrait d'acte de naissance, il devrait normalement s'adresser, soit au représentant de Roumanie accrédite auprès de l'Etat de résidence, soit directement au Gouvernement roumain. Les documents dont il aurait besoin lui serait besoin lui seraient donc délivrés par l'intermédiaire de son autorité nationale. Dans le cas d'un réfugié, l'appel aux autorités nationales est impossible, même lorsque le rôle est uniquement celui d'un intermédiaire. Enfin, la délégation belge propose de remplacer le paragraphe 3 par un texte qui permettrait de mieux tenir compte des doutes que peuvent inspirer, le cas échéant, les documents en question. C'est à cet effet qu'elle suggère de considérer que ces documents feront foi jusqu'à preuve du contraire.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) approuve la position de la délégation belge, à l'égard du paragraphe 1 de l'article 20, dont le libellé dans l'amendement proposé par le représentant belge est plus précis et plus clair.
En ce qui concerne le paragraphe 2 du même article, M. Giraldo Jaramillo se prononce en faveur de l'amendement de l'Autriche.
M. HERMENT (Belgique) voudrait connaître de point de vue du Haut-commissaire sur ce problème. Il estime que l'on ne saurait accepter le caractère facultatif de l'aide administrative que les Etats contractants doivent prêter aux réfugiés. Il s'agit d'une question d'importance vitale pour les réfugiés, et si l'on permet aux gouvernements à leur discrétion d'accorder ou de refuser aux réfugiés les documents nécessaires, on porte atteinte aux droits dont la convention a pour objet de faire bénéficier les réfugiés.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) déclare que l'article 20 présente une très grande importance ; il faut en effet que, d'une manière ou d'une autre, les réfugiés puissent se procurer les documents dont ils ont besoin. Il importe peu que ces documents soient délivrés par une autorité nationale ou par une autorité internationale ; ce qui importe, c'est que les réfugiés sachent exactement de quille manière ils pourront se les procurer. Aucune difficulté ne se pose dans les pays de droit coutumier, qui reconnaissent les déclarations faites sous la foi du serment ; mais l'orateur regretterait fort que la Conférence adoptât l'amendement de l'Autriche, qui affaiblirait l'article 20 au point de lui ôter toute signification. Il serait préférable que le Gouvernement fédéral autrichien formule une réserve à l'article au lieu de maintenir son amendement. L'amendement de la Belgique (A/CONF.2/52) est à son avis préférable à certains points de vue au texte original ; il ne s'opposera donc pas à ce qu'il soit adopté.
M. FRITZER (Autriche) dit qu'on raison des arguments qu'a fait valoir le Haut-Commissaire, sa délégation retire son amendement et le remplacera par une réserve qu'elle formulera au moment de la signature.
M. ROCHEFORT (France) voudrait obtenir une précision sur l'expression « sous leur contrôle » qui figure au paragraphe 2 de l'amendement belge (A/CONF.2/52).
A son avis, il faut entendre par là que si les titres et documents sont délivrés par une autorité nationale, le contrôle sera international, et s'ils sont délivrés par une autorité internationale, le contrôle sera national.
Si tel est bien le sens de cette disposition, la délégation française ne s'y opposera pas.
M. HERMENT (Belgique) précise que l'interprétation donnée par le représentant de la France est parfaitement fondée. Il signale, à titre de précédent, l'accord conclu en 1928 entre les gouvernements de la France et de la Belgique et instituant un office chargé de remettre des documents de notoriété aux réfugiés russes. Ces documents faisaient foi auprès des autorités nationales si la signature du Directeur de l'Office était authentifiée par les autorités françaises ou belges.
C'est dans la voie de la création d'offices nationaux de ce genre qu'il conviendrait de s'engager pour résoudre le problème.
M HOARE (Royaume-Uni) n'a pas participé aux débats parce que le droit coutumier est appliqué au Royaume-Uni et qu'en conséquence le réfugié n'aura pas besoin des documents dont il est fait mention à l'article 20 pour exercer des droits dans ce pays. Des déclarations sous la foi du serment suffisent. Afin de bien préciser son attitude, la délégation du Royaume-Uni sera peut-être, dans l'obligation de formuler une réserve à cet article, étant donné surtout que le paragraphe 2, sous sa forme actuelle, mettrait les autorités du Royaume-Uni dans l'obligation de fournir les documents qui seraient délivrés aux termes du droit continental par les autorités nationales. Le Gouvernement du Royaume-Uni ne saurait accepter une telle obligation. Mais il désire souligner qu'il ne l'oppose nullement à la teneur générale de l'article, qui n'aura aucun effet pratique au Royaume-Uni.
Le PRESIDENT prononce la clôture du débat et met aux voix l'amendement de la Belgique (A/CONF.2/52).
Par 17 voix contre zéro, avec 5 abstentions, l'amendement à l'article 20, présenté par la Belgique est adopté.
Par 19 voix contre zéro, avec 2 abstentions, l'article 20, ainsi amendé, est adopté.
iii) Article 21 - Liberté de circulation (A/CONF.2/31)
M. MAKIEDO (Yougoslavie) déclare que la délégation yougoslave a présenté un amendement (A/CONF.2/31) à l'article 21, de manière à traiter les cas où la résidence de réfugiés près de la frontière de leur pays d'origine risquerait d'entraîner des frictions entre deux Etats. Les Etats contractants devraient pouvoir désigner des zones dans lesquelles les réfugiés n'auraient pas droit de résider.
Toutefois, étant donné que la délégation de la Yougoslavie a l'intention de présenter une proposition générale traitant des causes éventuelles de frictions entre Etats, il serait sans doute plus indiqué d'y insérer la question dont il s'agit. Il retire donc son amendement à l'article 21.
M. HERMENT (Belgique) pense que, pour des raisons de style, il serait préférable de modifier la première phrase de l'article 21 de la façon suivante : « Les Etats contractants accorderont aux réfugiés se trouvant régulièrement sur leurs territoires ... ».
Le PRESIDENT pense que la question soulevée par le représentant de la Belgique pourra être réglée le moment venu par le Comité du style.
M. SHAW (Australie) déclare que le gouvernement australien n'a pas d'objection à formuler contre le principe énoncé dans l'article 21, mais il fait observer que cet article aura besoin d'être interprété, de manière que l'on sache bien s'il s'appliquera par exemple aux réfugiés admis en Australie en vertu du système
De contrats de travail en vigueur dans le pays. A son avis, l'article 21, ainsi que plusieurs autres, devraient faire l'objet d'une clause d'interprétation spéciale de la convention.
M. CHANCE (Canada) précise que le gouvernement du Canada se trouve dans une situation analogue à celle du Gouvernement de l'Australie. Les personnes qui viennent au Canada en vertu de programmes collectifs d'installation sont souvent tenues de s'engager à demeure pendant un certain temps dans un emploi déterminé. Il ne croit pas qu'une telle condition soit en contradiction avec le principe de la liberté de circulation ; il faut cependant ne pas perdre de vue cette question.
Le président prononce la clôture du débat.
Par 19 voix contre zéro, avec 2 abstentions, l'article 21 est adopté.
iv) Article 22 - Pièces d'identité
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) rappelle un point que le Haut-Commissaire pour les réfugiés a déjà mentionné dans son discours d'ouverture : il s'agit des problèmes que peut poser la délivrance de pièces d'identité.
Le cas s'est déjà produit où un réfugié qui avait obtenu des titres de rationnement dans un pays d'accueil et qui avait été ultérieurement expulsé de ce pays s'est vu refuser l'entrée dans un autre Etat, les autorités du second Etat estimant qu'en délivrant les titres de rationnement en question, le premier pays d'accueil avait accordé au réfugié le droit de résidence. Le Haut-Commissaire a précisé à cet égard que le devoir imposé aux Etats par l'article 22 ne diminuait en rien leur droit de réglementer l'entrée et le séjour des réfugiés sur leurs territoires. La délégation des Pays-Bas se bornera à relever ce point, à condition que l'interprétation donnée par le Haut-Commissaire soit inscrite au compte rendu officiel de la séance ;
M. CHANCE (Canada) déclare qu'au Canada, où aucune loi n'exige des étrangers qu'ils se fassent immatriculer, il n'est pas délivré aux étrangers de pièces d'identité, dans le sens où cette expression est généralement entendue. Le seul document requis est le certificat de débarquement remis à l'immigrant. Le gouvernement du Canada peut accepter l'article 22 dans son ensemble, étant entendu qu'il pourra continuer à appliquer ses propres méthodes.
M. HERMENT (Belgique) partage l'interprétation donnée par le représentant du Canada. Par pièces d'identité il ne faut pas entendre nécessairement une carte d'identité analogue à celle qui est délivrée dans les pays européens, mais simplement un document indiquant l'identité du réfugié.
Le PRESIDENT prononce la clôture du débat.
Par 19 voix contre zéro, avec une abstention, l'article 22 est adopté
La séance est levée à 13 heures