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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES (Point 6 de l'ordre du jour) : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DOUZIEME SEANCE

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES (Point 6 de l'ordre du jour) : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DOUZIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.12

22 Novembre 1951
Président : M. LARSEN
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
BrésilM. de OLIVEIRA
CanadaM. CHANCE
DanemarkM. HOEG
EgypteMUSTAPHA Bey
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT
M. COLEMAR
GrèceM. PAPAYANNIS
M. PHILON
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. del DRAGO
NorvègeM. ARFF
Pays-BasM. van BOETZELAER
République fédérale d'AllemagneM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. ZUTTER
TurquieM. MIRAS
YougoslavieM. MAKIEDO
Observateurs :
IranM. KAZEMI
Haut Commissaire pour les réfugiés : M. van HEUVEN GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales :
Organisation internationale du TravailM. MOWAT
M. WOLF
Organisation internationale pour les réfugiésM. SCHNITZER
Conseil de l'EuropeM. von SCHMIEDEN
Représentants d'organisations non gouvernementales :
Catégorie B et registre
Caritas InternationalisM. BRAUN
Comité consultatif mondial de la Société des AmisM. BELL
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Comité des Eglises pour des affaires internationalesM. REES
Conférence permanente des agences bénévolesM. REES
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ
Conseil international des femmesMme GIROD
Fédération internationale des amies de la jeune filleMme FIECHTER
Mme GIROD
Union catholique internationale de service socialMlle de ROMER
Union internationale des Ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat :
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

1. LETTRE DU PRESIDENT DE LA CONFEDERATION SUISSE

Le PRESIDENT annonce qu'il a reçu une lettre du Président de la Confédération suisse dans laquelle il remercie la Conférence du télégramme qu'elle lui a adressé à l'occasion de son soixante dixième anniversaire et lui souhaite tout le succès possible dans ses travaux.

2. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5) (reprise des délibérations de la onzième séance)

i) Article 23 - Titres de voyage (A/CONF.2/31, A/CONF.2/49, A/CONF.2/56)

Le PRESIDENT invite la Conférence à reprendre l'examen du projet de convention et appelle l'attention des représentants sur les amendements à l'article 23 déposés par les délégations de la Yougoslavie (A/CONF.2/31), des Pays-Bas (A/CONF.2/49) et de l'Italie (A/CONF.2/56).

M. MOWAT (Organisation internationale du travail) indique qu'il désire parler, à propos de l'article 23, de la situation des marins, dont les conditions de travail ont fait l'objet de la sollicitude de l'Organisation internationale du Travail au cours des trente dernières années. Les réfugiés ayant continué à exercer ce métier, ou l'ayant adopté après avoir quitté leur pays natal, ne sont peut-être pas très nombreux ; en fait, l'Organisation internationale du travail ne possède aucune statistique exacte sur ce point. Toutefois, même s'ils sont peu nombreux seulement, cela ne devrait pas les empêcher d'obtenir un traitement équitable ; or, on sait que les réfugiés ne jouissent pas toujours des mêmes conditions de travail que les autres membres d'un équipage qui bénéficient de la protection de leur gouvernement.

La question a été portée à l'attention de l'Organisation internationale du travail par l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) à la fin de 1950, et elle a été placée à l'ordre du jour de la Commission paritaire maritime de l'Organisation internationale du Travail. Cette Commission a décidé que la question méritait d'être examinée et elle a adopté une résolution destinée à être transmise au Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail qui l'a approuvée au cours d'une réunion récente. Aux termes de cette résolution, le Directeur général de l'Organisation internationale du Travail a été chargé d'appeler l'attention du Haut-Commissaire pour les réfugiés et des gouvernements sur la question et d'insister auprès d'eux pour qu'ils prennent des mesures pour améliorer la situation de ces marins réfugiés. Il a également été suggéré que l'on tienne compte du temps passé par les marins sur un bateau appartenant à un pays donné, dans le calcul de la période de résidence nécessaire pour obtenir des titres de voyage. Le représentant de l'Organisation internationale du Travail sait qu'il sera peut-être difficile pour de nombreux gouvernements représentés à la Conférence de prendre un engagement précis de cet ordre ; s'il en est ainsi, peut-être pourrait-on envisager de faire figurer cette suggestion dans une recommandation distincte. Toutefois, il se permet de soumettre à l'examen de la Conférence, le texte préliminaire ci-après :

« Aux fins du paragraphe 1 du présent article et lorsqu'il s'agira d'un réfugié se trouvant être un marin de bonne foi, les Etats contractants examineront avec bienveillance la possibilité de permettre audit réfugié de faire compter, dans la durée de son séjour sur le territoire d'un Etat contractant, toute période passée comme membre d'équipage à bord d'un bateau battent pavillon dudit Etat ».

Il n'est évidemment pas nécessaire de souligner qu'une telle disposition viserait uniquement les marins authentiques et non les réfugiés qui s'enfuient de leur pays par voie de mer.

Le PRESIDENT pense que l'expression « sur leur territoire », que l'on rencontre plusieurs fois au paragraphe 1 de l'article 23, est inutilement restrictive. Il ne parvient pas à comprendre pourquoi un Etat contractant devrait être empêché de délivrer un titre de voyage à un réfugié se trouvant en dehors de ses frontières.

Le Gouvernement danois peut, par exemple, délivrer un titre de voyage pour permettre à un réfugié d'émigrer outre-mer. Il n'y a aucune raison valable pour qu'il ne délivre pas, s'il le désire, un document semblable pour la femme de ce réfugié, même si elle se trouve, à ce moment-là dans un autre pays. Le mot « pourront », qui figure dans la deuxième phrase du paragraphe 1, permettrait, à son avis, de résoudre toutes les difficultés qui pourraient résulter de la suppression de l'expression « sur leur territoire ».

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) dit qu'aux Pays-Bas, la délivrance des passeports n'est pas un droit mais une faveur.

Son amendement (A/CONF.2/49) tendait à appliquer aux réfugiés le même traitement qu'aux ressortissants néerlandais.

Cependant, après mûre réflexion, il pense que cet amendement n'est pas nécessaire et il le retire. La délégation néerlandaise fera une réserve sur l'article 23 lorsqu'elle signera la Convention.

En ce qui concerne l'amendement de l'Italie (A/CONF.2/56) il est certain que le gouvernement des Etats contractants refusera de délivrer un titre de voyage à un réfugié se livrant à des trafics illicites et il n'est donc pas nécessaire de le dire expressément dans le projet de Convention.

M. COLEMAR (France) désire faire une réserve de fond sur le paragraphe 1 de l'article 23. Le paragraphe 13 de l'Annexe au projet de convention prévoit, en effet, que les réfugiés seront dispensés du visa d'entrée et de sortie pour les pays qui a délivré le titre de voyage. Or la France accorde déjà des facilités aux réfugiés bénéficiant des dispositions de la Convention de 1933 et elle ne peut s'engager formellement pour l'avenir, car les circonstances peuvent l'amener à exercer un contrôle sur le déplacement des réfugiés et des étrangers.

En conséquence, elle ne pourra accepter l'article 23 qu'en faisant des réserves sur le paragraphe 13 de l'Annexe.

M. PETREN (Suède) indique que le Gouvernement suédois a adhéré à l'accord relatif à la délivrance de titres de voyage aux réfugiés qui dépendaient du comité intergouvernemental pour les réfugiés, créé en 1946. Mais le Gouvernement suédois a constaté qu'il y avait certains inconvénients à permettre aux réfugiés d'entrer et de sortir librement de Suède sans aucun contrôle. Dans l'intérêt de la sécurité nationale, le Gouvernement suédois tient à se réserver le droit d'exercer un certain contrôle sur les allées et venues de ces personnes et le représentant de la suède pourra se trouver dans l'obligation. à un stade ultérieur de travaux, de formuler une réserve à cet effet.

M. del DRAGO (Italie) indique que la position du gouvernement italien à l'égard de l'article 23 est identique à celle des représentants de la France et de la Suède. En ce qui concerne l'amendement que la délégation italienne présente à cet article (A/CONF.2/56), il est si clair qu'il n'est pas nécessaire de le commenter.

M. SHAW (Australie) fait observer que le représentant des Pays-Bas a soulevé une question extrêmement pertinente. C'est à chaque gouvernement qu'il appartient de prendre une décision en matière de délivrance de titres de voyage. Dans certains cas, un Etat contractant peut avoir de bonnes raisons de refuser un passeport à l'un de ses ressortissants pour un voyage déterminé. Il serait tout à fait anormal qu'un réfugié désireux de faire un voyage dans le même dessein ait le droit d'obtenir ce titre de voyage. Le représentant de l'Australie considère qu'il est nécessaire de modifier l'article 23 dans le sens indiqué par l'amendement des Pays-Bas.

M. HERMENT (Belgique) comprend parfaitement que l'on fasse certaines réserves pour la délivrance des titres de voyage aux réfugiés et aux étrangers. Mais il n'est pas possible d'imposer à ceux-ci les mêmes conditions qu'aux nationaux qui sont soumis par exemple à certaines réserves découlant de leurs obligations militaires. Il faut donc trouver une autre formule pour le texte du paragraphe 13 de l'Annexe (A/CONF.2/1, Annexe) qui régit la délivrance des titres de voyage prévus à l'article 23.

La délégation belge ne saurait accepter l'amendement proposé par la Yougoslavie. En substituant les mots « peuvent délivrer » au mot « délivreront », on enlèvera en effet toute force au texte du paragraphe 1.

M. CHANCE (Canada) déclare que le Gouvernement canadien se trouve dans la même situation que le Gouvernement de l'Australie. C'est en vertu d'une prérogative royale que les passeports sont délivrés ; aucun citoyen n'a le droit inaliénable de recevoir un passeport. La délivrance du passeport peut être refusée dans certaines circonstances mais jusqu'à présent elle n'a jamais, à sa connaissance, été refusée en raison d'opinions politiques professées par l'intéressé. On peut toutefois concevoir que la chose puisse se produire à l'avenir sous la pression de l'opinion publique. Les réfugiés, c'est évident, ne devraient pas jouir en cette matière d'un traitement préférentiel par rapport aux nationaux ; l'orateur sera peut-être dans l'obligation de formuler une réserve sur cette question, à moins que l'article 23 ne soit modifié de manière appropriée.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) partage d'une manière générale le point de vue des orateurs précédents ; il voudrait connaître l'avis de la Conférence sur son amendement, dont il ne se propose pas, ajoute-t-il, de demander le maintien ; toutefois, dans le cas où le texte finalement adopté pour l'article 23 ne serait pas satisfaisant, le Gouvernement yougoslave se verrait également dans l'obligation de faire une réserve.

Selon le PRESIDENT, il y aurait peut-être lieu d'étudier l'Annexe jointe au projet de convention (A/CONF.2/1, pages 23 et 31) en même temps que l'article 23 auquel elle se rapporte.

M. HERMENT (Belgique) pense qu'il serait préférable tout d'abord d'examiner l'article 23 seul, car il se pose ici une question de principe.

Il en est ainsi décidé.

M. HERMENT (Belgique) propose, comme l'a déjà suggéré le Président, de supprimer les mots « sur leur territoire » chaque fois qu'ils apparaissent au paragraphe 1 de l'article 23. Il faut en effet que les Etats contractants puissent délivrer des titres de voyage à des réfugiés qui ne se trouvent pas sur leur territoire.

M. HOARE (Royaume-Uni) fait valoir que l'adoption de cette suggestion affaiblirait l'article 23 en n'imposant plus au premier chef à l'Etat contractant ou réside le réfugié l'obligation de délivrer des titres de voyage.

M. COLEMAR (France) est de l'avis du représentant du Royaume-Uni, Il faut conserver le principe suivant lequel le titre de voyage doit être délivré par les autorités du pays où se trouve domicilié le réfugié.

Le PRESIDENT n'insistera pas pour maintenir sa suggestion. Si toutefois l'obligation inconditionnelle qui est imposée aux Etats de délivrer des titres de voyage, telle qu'elle est énoncée dans la première phrase du paragraphe 2 de l'article 23, était retenue, la Conférence devrait prévoir des cas où les Etats contractants pourraient légitimement refuser de le faire.

M. HERMENT (Belgique) propose d'insérer à la deuxième ligne du paragraphe 1 de l'article 23, après les mots « résidant régulièrement sur leur territoire », les mots « et sous réserve des nécessités de la sécurité nationale ». On répondrait ainsi aux craintes exprimées par certains représentants.

Le PRESIDENT estime que les dispositions du paragraphe 14 de l'Annexe permettent de résoudre la difficulté mentionnée par le représentant de la Belgique.

M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) souligne l'importance capitale de l'article 23. La délivrance de titres de voyage est l'un des aspects les plus importants du traitement accordé aux réfugiés. Il ne faut envisager qu'avec la plus grande prudence d'apporter des modifications à l'article 23. C'est ainsi que l'adoption de l'amendement yougoslave fausserait virtuellement l'intention de cet article. Cela voudrait dire que les réfugiés n'auraient aucune certitude d'obtenir des titres de voyage. Toutefois, l'orateur reconnaît le poids des objections que certains représentants ont formulées au sujet de l'obligation absolue imposée par la première phrase de l'article 23. Peut-être ces objections pourraient-elles être surmontées si l'on substituait aux mots « délivreront sur demande à tout réfugié » les mots « s'engagent à délivrer aux réfugiés ». Le principe serait ainsi énoncé en termes plus généraux, et l'obtention de titres de voyage ne serait pas définie comme un droit appartenant à l'individu. Pour conclure, l'orateur demande instamment aux représentants de ne pas affaiblir l'ensemble de l'article.

M. FRITZER (Autriche) est d'accord avec le Haut-Commissaire. Il pense que le texte actuel de l'article 23 correspond bien aux exigences de la situation des réfugiés. Les clauses qui figurent à l'Annexe sont tout à fait suffisantes pour répondre aux préoccupations exprimées par certains représentants.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) approuve les arguments présentés par le Haut-Commissaire et l'amendement qu'il a proposé. Les dispositions du paragraphe 14 de l'annexe devraient répondre aux objections que certains représentants ont formulées à la rédaction de l'article 23.

M. PETREN (Suède) se demande si les termes impératifs dans lesquels le paragraphe 13 de l'Annexe est rédigé, notamment le début de ce paragraphe :

« Le titre donnera le droit à son titulaire de sortir du pays de délivrance et d'y rentrer pendant la période de validité du titre », sont en harmonie avec le paragraphe 14. Peut-être certaines modifications s'imposent-elles.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) ne comprend pas le point de vue du représentant de la Suède. Si un réfugié possède un titre de voyage, il a le droit de quitter les pays où ce titre a été délivré. Le problème me se pose que dans le cas des réfugiés que ne possèdent pas de titre de voyage.

Le PRESIDENT ne trouve non plus rien à reprocher à l'amendement du Haut-Commissaire, dont l'effet serait analogue à celui de l'article 2 de la Convention de 1933 relative au statut international des réfugiés. On pourrait insérer dans l'Annexe une clause de sauvegarde reconnaissant aux Etats contractants le droit de refuser les titres de voyage ou de les retirer.

M. CHANCE (Canada) appuie également l'amendement du Haut-Commissaire.

M. SHAW (Australie) ne croit pas que l'amendement du Haut-Commissaire modifie quant au fond l'article 23. L'obligation générale imposée aux Etats sera interprétée comme le respect d'un droit dont peut jouir chaque réfugié ; de cette manière, les réfugiés pourront être en mesure de réclamer quelque chose qui est refusé aux nationaux. La principale objection qu'il a formulée contre le texte primitif de l'article 23 demeure donc valable.

M. ZUTTER (Suisse) partage l'avis exprimé par le représentant de l'Australie.

M. HERMENT (Belgique) pense qu'il faudra dire, dans le texte français de l'amendement du Haut-Commissaire « s'engagent » et non pas « s'engageront ». L'idée exprimée par le présent est en effet différente de celle exprimée par le futur.

M. CHANCE (Canada) déclare que, si l'amendement du Haut-Commissaire ne rencontre pas l'approbation générale, il sera peut-être disposé à accepter le texte primitif de l'article 23, étant entendu que certaines conditions seront insérées dans l'Annexe à la Convention.

M. SHAW (Australie) demande si le représentant des Pays-Bas a formellement retiré son amendement (A/CONF.2/49).

Le PRESIDENT répond par l'affirmative, mais il souligne qu'un amendement retiré par son auteur peut toujours être soumis à nouveau par un autre représentant.

M. HERMENT (Belgique) attire l'attention de la Conférence sur le fait que l'Accord de Londres de 1946, concernant la délivrance d'un titre de voyage à des réfugiés relevant de la compétence du Comité intergouvernemental pour les réfugiés a été signé par dix-neuf Etats et que son application n'a pas donné lieu à des difficultés. C'est lé une considération qui doit être retenue.

M. FRITZER (Autriche) fait observer que chaque pays a sa législation ou ses règlements particuliers qui régissent la délivrance des passeports et qui stipulent certainement les cas dans lesquels elle peut être refusée. Il est probable que ces règlements s'étendent à la délivrance de passeports aux réfugiés. Aucune disposition de la convention ne saurait prévaloir sur ce droit souverain des Etats. C'est pourquoi il a la conviction que l'article 23 devrait être acceptable dans sa forme actuelle.

M. ROBINSON (Israël) rappelle aux représentants que l'Annexe au projet de Convention relative à l'article 23 a été rédigée en 1946 par des experts. Ses dispositions ont été appliquées pendant six ans avec de bons résultats. Il serait peut-être imprudent d'essayer d'y apporter des modifications de fond, étant donné surtout que de nombreuses délégations à la présente conférence ne comprennent pas d'experts qualifiés en la matière. Le comité spécial pour les réfugiés et les apatrides a bien veillé à ne pas entrer dans les détails techniques de l'Annexe ; la Conférence ferait bien de suivre cet exemple. La situation il est vrai n'est plus tout à fait la même depuis le moment où l'Accord de 1946 a été signé ; bien des Gouvernements sont maintenant plus attentifs aux besoins de la sécurité nationale. Toutefois, l'orateur a la conviction que l'addition d'une disposition telle que celle qui est proposée dans l'amendement de l'Italie (A/CONF.2/56) permettrait de répondre entièrement à ce genre de préoccupations.

M. PETREN (Suède) estime que la circulation non contrôlée des réfugiés aux termes de l'Accord de 1946 a été la cause d'expériences malheureuses pour le Gouvernement suédois ; l'article 23 doit donc être modifié. En réponse aux arguments du représentant de l'Autriche, il se voit dans l'obligation de déclarer nettement que la législation nationale suédoise ne prévoit pas de garanties suffisantes.

M. COLEMAR (France) répondant aux observations du représentant d'Israël, dit qu'il n'insiste pas pour que l'on examine point par point les dispositions de l'Annexe. Mais l'article 23 fait mention de cette Annexe et pose un principe important sur lequel une position nette doit être prise, faute de quoi, la France devra faire une réserve sur l'article en question. Certes, il faut subordonner à certaines conditions la délivrance de titres de voyage aux réfugiés, mais le principe de cette délivrance doit être énoncé. On pourrait reprendre l'amendement des Pays-Bas en le modifiant légèrement pour répondre aux préoccupations exprimées par le représentant de la Belgique. Il semble qu'il ne soit pas difficile d'aboutir à un accord dans ce sens.

M. de OLIVEIRA (Brésil) pense que la question pourrait être résolue si l'on associait les suggestions du Haut-Commissaire et celles du représentant de la Belgique.

M. ZUTTER (Suisse) craint que la discussion n'entre dans une impasse. La suisse est disposée à accepter le texte actuel de l'article 23 et de l'Annexe. Mais en raison des objections soulevées par certains représentants, il convient de demander à ces représentants de préciser leur pensée sous forme d'amendements que l'on pourrait examiner formellement.

M. HOARE (Royaume-Uni) a la conviction qu'il serait regrettable d'essayer d'amender quant au fond un article dans lequel est incorporé un principe accepté par les signataires de l'Accord de 1946. Il se peut que les arguments avancés au cours des débats montrent que la situation s'est aggravée depuis cette époque. Si tout en acceptant en principe l'article 23, les gouvernements se voient dans l'obligation de formuler certaines réserves, la portée de ces réserves sera peut-être plus étendue que celle de n'importe quel amendement que la conférence pourrait élaborer. S'il faut apporter des modifications, l'orateur est convaincu que c'est à l'article 23 qu'il convient de le faire ; c'est dans cet article que sont largement définies les circonstances dans lesquelles les réfugiés ont le droit d'obtenir des titres de voyage, et non pas dans l'Annexe, qui traite du système destiné à leur procurer ces titres. Il faudrait préciser que toute modification qui sera apportée est destinée à s'appliquer à des cas purement exceptionnels, dans lesquels les réfugiés seront traités sur le même pied que les nationaux. Il aimerait soumettre une disposition fondée sur la proposition de l'Italie (A/CONF.2/56) et ainsi conçue :

« A titre purement exceptionnel, un Etat contractant peut suspendre la délivrance d'un titre de voyage à un réfugié si ce titre est destiné à servir à une fin pour laquelle la délivrance d'un passeport pourrait être refusée à un ressortissant de cet Etat ».

M. ROBINSON (Israël) reconnaît que l'amendement du Royaume-Uni répond davantage aux aspirations des réfugiés que l'amendement italien, mais il pense qu'il serait peut-être préférable de ne pas insister pour qu'un vote ait lieu sur l'article 23 pour l'instant. Plusieurs représentants hésitent quelque peu à accepter cet article, et il conviendrait de leur donner toute possibilité de déposer tous les amendements ou suggestions qu'ils désirent. Il propose donc de fixer le mardi 10 juillet à 13 heures comme date limite pour le dépôt des amendements à l'article 23, de renvoyer la discussion de cet article à l'après-midi du 10 juillet et d'examiner en attendant l'article 24.

M. COLEMAR (France) demande au Président s'il est possible de présenter des amendements aux dispositions de l'annexe mentionnées à l'article 23 ou si l'on doit considérer que ces dispositions sont adoptées d'office.

Le PRESIDENT explique que l'examen des parties de l'annexe relatives à l'article 23 est suspendu dans les mêmes conditions que la discussion de l'article lui-même.

La proposition du représentant d'Israël est adoptée.

ii) Article 24 - Charges fiscales (A/CONF.2/31)

M. MAKIEDO (Yougoslavie) relève qu'en vertu du paragraphe 3 de l'article 24, il serait possible d'imposer aux réfugiés une taxe à laquelle les autres étrangers ne sont pas assujettis. Il ne méconnaît pas le fait que le produit de la perception de cette taxe sera intégralement affecté aux oeuvres d'assistance aux réfugiés, mais il pense qu'une telle disposition aurait plus d'inconvénients que d'avantages. Il n'insistera pas outre mesure pour l'adoption de son amendement à l'article 24 (A/CONF.2/31), mais il serait heureux de connaître l'opinion des autres délégations.

M. MIRAS (Turquie) se prononce contre la suppression du paragraphe 2 de l'article 24 qui donne de la précision à cet article. Pour ce qui est du paragraphe 3, on a déjà assimilé les réfugiés aux nationaux, à l'article 18, en ce qui concerne l'assistance publique, à l'article 19, en ce qui concerne la législation du travail et la sécurité sociale. Est-il donc bien nécessaire de prévoir également une taxe dont le produit serait destiné à l'assistance aux réfugiés ? La délégation de la Turquie appuie donc l'amendement de la Yougoslavie tendant à supprimer le paragraphe 3.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) déclare qu'il retire sa proposition visant à supprimer le paragraphe 2. Son amendement ne concerne donc pas le paragraphe 3.

M. FRITZER (Autriche) appuie la proposition de la délégation de la Yougoslavie. Il faut supprimer le paragraphe 3.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) demande si un membre du comité spécial serait à même d'expliquer pourquoi il a été décidé d'insérer cette disposition particulière au paragraphe 3.

Le PRESIDENT rappelle qu'il a voté contre cette disposition au sein du comité spécial, mais qu'il essaiera néanmoins d'expliquer pourquoi elle a été insérée.

Le paragraphe 2 de l'article 24 stipule simplement que les Etats contractants pourront percevoir des taxes pour la délivrance aux réfugiés des documents mentionnés à l'article 20. Les ressortissants d'un pays donné ont des actes de naissance ou d'autres documents réguliers, alors que, pour les réfugiés ces pièces doivent être remplacées par des déclarations faites sous la foi du serment. Il a été estimé, au comité spécial, que ces déclarations ne devraient pas être établies gratuitement pour les réfugiés.

Le paragraphe 3 a fait l'objet d'une discussion très prolongée au sein du Comité spécial. Dans le passé, la réglementation relative aux passeports Nansen prévoyait deux tarifs pour la délivrance de ces documents : la taxe perçue normalement pour un passeport augmentée d'un droit spécial de timbre de 5 francs or, le produit du droit de timbre étant versé au fonds de l'Office Nansen. Au Comité spécial, certaines délégations ont pensé qu'il n'était pas nécessaire de remplacer le système Nansen par un système similaire ; d'autres ont estimé, au contraire, que puisque les réfugiés étaient habitués à payer, dans le cadre du système Nansen, le droit de timbre dont il est question et puisque ce système avait fonctionné de façon satisfaisante, il n'y avait aucune raison de ne pas maintenir cette pratique. D'après le système Nansen, c'est à l'Etat qu'il appartenait de percevoir ces taxes, et la rédaction actuelle du paragraphe 3 a été adoptée par le comité spécial comme solution de compromis.

M. PETREN (Suède) demande au Président si ce qu'il a dit à propos du paragraphe 2 ne s'applique pas à tous les documents que l'on peut délivrer aux réfugiés et non pas seulement à ceux que prévoit l'article 20.

Le PRESIDENT répond que le paragraphe 2 mentionne expressément que les pièces d'identité sont comprises dans ces documents. Il pense que ce paragraphe s'applique donc à tous les documents - y compris les pièces d'identité - mentionnés dans le projet de convention. Il existe peut-être d'autres articles qui rendront nécessaire la délivrance de documents administratifs différents et les Etats contractants doivent se réserver le droit de percevoir une taxe d'un montant peu élevé lors de leur délivrance.

M. PETREN (Suède) suppose que les documents en question sont donc tous ceux qui sont nécessaires aux réfugiés et non aux nationaux.

Le PRESIDENT répond que tel semble être le cas.

M. HOARE (Royaume-Uni) partage les raisons qui ont amené le représentant de la Yougoslavie à proposer la suppression du paragraphe 3, et appuie cette proposition.

M. PETREN (Suède) est en faveur de la suppression du paragraphe 3. En Suède les étrangers sont soumis à un autre régime que les nationaux en ce qui concerne les taxes, par exemple les taxes imposées aux commis voyageurs et aux artistes se produisant en public. Cela n'implique pas nécessairement qu'on leur impose une taxe plus élevée qu'aux nationaux, mais la Suède devra, à ce propos, faire une légère réserve dont la portée se trouverait d'ailleurs très réduite si l'on limitait aux réfugiés résidant régulièrement sur le territoire d'un Etat contractant le bénéfice des dispositions du paragraphe 1 de l'article 24. Toutefois, la délégation de la Suède n'insistera pas en faveur de cet amendement, s'il soulève des difficultés pour d'autres délégations.

Le PRESIDENT considère que le problème mentionne par le représentant de la Suède - qui concerne davantage une question de domicile ou de résidence habituelle qu'une question de nationalité - peut en fait être résolu dans le cadre du paragraphe 1. Par exemple, si un artiste suédois résidant au Danemark retourne en Suède pour y exercer sa profession pendant un bref laps de temps, il sera passible des mêmes taxes qu'un artiste danois, par exemple, se trouvant dans la même situation.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) n'a pas d'opinion bien arrêtée au sujet du maintien ou de la suppression du paragraphe 3. Il préfère le texte français au texte anglais de la dernière phrase du paragraphe, parce qu'il interprète cette phrase en ce sens que le produit total de la perception de cette taxe devrait être intégralement affecté aux oeuvres d'assistance aux réfugiés. Le Comité du style pourrait tenir compte de cette question d'ordre linguistique.

Le PRESIDENT met aux voix la proposition yougoslave tendant à supprimer le paragraphe 3.

Par 15 voix contre une, avec 4 abstentions, la proposition yougoslave est rejetée.

Le PRESIDENT met ensuite aux voix l'article 24 ainsi amendé.

Par 19 voix contre zéro, avec une abstention, l'article 24 ainsi amendé est adopté.

M. CHANCE (Canada) rappelle que le Comité spécial et, par la suite, la conférence elle-même, ont bénéficié du concours précieux de M. Paul Weis.

M. Weis n'est pas membre du Comité du style auquel la Conférence a renvoyé une grande quantité de travail et les représentants devraient examiner s'il n'y aurait pas intérêt à ce que M. Weis participât aux travaux de ce Comité. Toutefois, la décision en la matière peut être prise de façon officieuse.

Le PRESIDENT souscrit chaleureusement à l'éloge que le représentant du Canada a faite de M. Weis. Il pense que c'est au Comité du style qu'il appartient, s'il le désire, de faire appel au concours de M. Weis.

La séance est levée à 17 heures.