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Déclaration de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion des représentants permanents à Genève des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 24 janvier 1985

Discours et déclarations

Déclaration de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion des représentants permanents à Genève des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 24 janvier 1985

24 Janvier 1985
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Le 24 janvier 1985

Monsieur le Président, Distingués membres du Comité exécutif,

Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion qui, j'en suis convaincu, sera à la fois informelle et riche d'informations à l'image de toutes nos rencontres périodiques entre les sessions ordinaires de notre Comité. Je sais que nous avons quelques questions en suspens depuis la trente-cinquième session, mais j'y reviendrai dans un moment. Dans un premier temps, en effet, j'aimerais vous rendre compte des principaux événements survenus au cours du dernier trimestre.

Nous pouvons affirmer, sans l'ombre d'un doute, que la période qui s'est écoulée depuis notre dernière réunion a été dominée par la dramatique situation d'urgence en Afrique. Peu après notre réunion d'octobre 1984, je me suis rendu à New York pour y présenter mon rapport annuel à la trente-neuvième session de l'Assemblée générale des Nations unies où, comme vous le savez tous, ce drame que vivent tant de millions d'êtres humains a dominé les débats. Au cours des débats sur mon rapport à la Troisième Commission, j'ai été très encouragé par les nombreuses expressions de confiance dans le travail de notre bureau, et je suis heureux de constater que, comme je m'y attendais, les considérations humanitaires ont prévalu dans l'adoption d'une résolution plus favorable et plus équilibrée, sans qu'il ne soit procédé à un vote. J'ai également été heureux de voir que l'Assemblée générale ratifie votre décision d'octobre d'introduire trois langues additionnelles comme langues officielles du Comité exécutif. Lors de notre Conférence annuelle d'annonces de contributions, cette confiance constante de la part des gouvernements dans les programmes humanitaires indispensables du HCR s'est encore manifestée dans le niveau des annonces de contributions, sensiblement égal à celui des années précédentes. La situation financière du HCR reste extrêmement difficile et dans un moment, Monsieur la Président, je passerai en revue de façon plus détaillée notre position actuelle. A New York, j'ai également rencontré le Secrétaire général qui revenait d'une visite dans les régions d'Afrique touchées par la sécheresse. J'ai pu porter à sa connaissance les efforts déployés là-bas par le HCR, ainsi que les faits nouveaux dans d'autres régions du monde ; puis je l'ai consulté sur les questions administratives, comme nous en avions convenu en octobre.

Pendant mon séjour à New York, nous recevions déjà de plus en plus de rapports alarmants sur les nouveaux mouvements de réfugiés et de victimes de la sécheresse à travers les frontières d'Afrique. Ces personnes, surtout dans la Corne de l'Afrique et au Soudan, arrivaient dans des régions où les réfugiés et rapatriés se trouvant déjà sur place et recevant une assistance destinée les faire parvenir à l'autosuffisance, étaient également de plus en plus touchés par des récoltes désastreuses. D'après toutes les informations disponibles, il apparaissait à l'évidence que nous ne pourrions répondre à cette nouvelle situation d'urgence, ni dans le cadre des programmes qui venaient d'être approuvés, ni à partir des ressources déjà mises a disposition le 8 novembre, j'ai lancé un premier appel d'un montant de 8,9 millions de dollars E.U. pour fournir une aide d'urgence aux réfugiés et aux rapatriés en Ethiopie, en Somalie, au Soudan et en République centrafricaine. Les appels suivants, dont le plus récent est daté du Il janvier 1985, ont porté le montant total des besoins estimés à 27,2 millions de dollars E.U, soit trois fois plus en l'espace de deux mois. Nous ne nous faisons aucune illusion sur le fait que ce montant ne suffira pas, car tout laisse à penser que cette situation déjà dramatique peut encore s'aggraver dans les prochaines semaines. Au Soudan oriental, où la situation est la plus grave, on a estimé le nombre total de nouveaux arrivants à 170 000 lorsque nous avons publié notre quatrième appel, le Il janvier. Aujourd'hui, ce chiffre a largement dépassé les 210 000, et rien ne nous permet de penser que le rythme des arrivées quotidiennes, environ 3 000 par jour, ira en diminuant.

Monsieur le Président, point n'est besoin d'entrer dans les détails. Notre appel du 11 janvier et les documents annexés sont entre les mains du Comité avec un état récapitulatif de la situation d'il y a deux semaines. J'aimerais, aujourd'hui, faire ressortir deux aspects. Tout d'abord, le HCR fait tout son possible pour fournir des secours à ces centaines de milliers de Sens dans le malheur. En second lieu, il serait vain, face à un drame humain de cette ampleur, d'entamer le débat sur le statut des personnes concernées. Dans certains cas, comme en République centrafricaine, il s'agit clairement d'une situation classique de réfugiés, surtout si l'on se fonde sur le mandat dit élargi ou, si vous préférez comme moi, la définition de l'OUA. Au fil des ans, les Nations Unies ont mis au point une terminologie pour définir notre mandat et lui donner une certaine flexibilité quant aux personnes déplacées dans une situation assimilable à celle de réfugiés. Toutefois, il va sans dire que le HCR a ses propres limites. Il est bien évident, par exemple, que les victimes de la sécheresse dans leur propre pays doivent être et sont assistées par d'autres entités du système des Nations Unies. Il est tout aussi évident qu'il est difficile de planifier notre action d'urgence sur la base des besoins existants. Aurions-nous pu lancer, le 8 novembre 1984, un appel pour une assistance d'urgence à 200 000 personnes alors que nos informations indiquaient l'arrivée de quelque 35 000 personnes au Soudan oriental ? La communauté internationale aurait-elle réagi favorablement à cet appel ? Ne nous aurait-on pas accusés, comme on va jusqu'à le faire aujourd'hui dans certains milieux, de nous mêler de politique, voire de susciter un effet d'entraînement ? Tout porte à croire, cependant, qu'un mouvement massif d'êtres humains dans le plus grand dénuement se déroulait en direction de la frontière soudanaise. A l'origine de cet exode, n'y avait-il qu'une situation politique ou y avait-il également la faim ? Quoi qu'il en soit, l'essentiel aujourd'hui est que le HCR étant la seule institution des Nations Unies présente au Soudan oriental où l'on compte déjà un certain nombre de zones d'installation, a dû faire de son mieux pour soulager les souffrances de ces personnes qui venaient de traverser la frontière. Force m'est de constater qu'au 11 janvier, date à laquelle le quatrième appel a été lancé, les contributions annoncées au titre de nos appels d'urgence pour l'Afrique n'avaient atteint que l'objectif des 8,9 millions de dollars E.U. fixé dans l'appel du 8 novembre 1984. A ce jour, nous avons reçu 18 millions de dollars E.U, montant d'ores et déjà engagé. Entretemps, comme je l'ai déjà dit, les besoins ont triplé. La souci d'une croissance zéro est ici déplacé. La besoin le plus urgent est d'ordre alimentaire. Nonobstant les difficultés du HCR à recenser les besoins du nombre de réfugiés prévu, nous devons planifier notre action en conséquence. C'est ce que nous faisons en étroite consultation avec le Programme alimentaire mondial afin de tenir compte des retards inévitables dans la livraison des vivres.

A cette fin, nous devons prendre en considération les informations selon lesquelles, d'une part, des dizaines de milliers de personnes se dirigeraient encore vers le Soudan, d'autre part, dix mois au moins s'écouleraient avant que les denrées alimentaires produites sur place n'arrivent sur le marché, même si la prochaine saison des pluies satisfait les prévisions les plus optimistes, et selon lesquelles, enfin, il n'y a aucun moyen de savoir à ce stade combien de personnes opteraient en définitive pour le rapatriement librement consenti au Soudan si leur pays pouvait subvenir à leurs besoins alimentaires. En conséquence », nous étudions, avec nos partenaires du système des Nations Unies (surtout le PAN et la FAO), les implications à long terme de la situation actuelle. Il convient de garder à l'esprit que le Soudan, comme l'Ethiopie et de nombreux autres pays d'Afrique, est victime d'une sécheresse désastreuse, et le Président Nimeiry vient de lancer un appel à la communauté internationale pour obtenir une assistance. J'ai abordé tous ces aspects avec M. Bradford Morse, Directeur du Bureau des Nations Unies pour les opérations d'urgence en Afrique, qui, comme vous le savez, était à Genève la semaine dernière et, à cette occasion, je l'ai assuré de la totale coopération du HCR Pour sa part, il m'a prié de poursuivre les objectifs exposés dans les appels du Haut Commissaire.

Monsieur le Président, la situation au Soudan oriental est critique. Le taux de mortalité chez les enfants et les adultes est terriblement élevé et la plupart des enfants sont dans un état de malnutrition très grave. Face à ces souffrances presque indescriptibles, quelle aide peut encore apporter la communauté internationale ? La HCR le Commissaire soudanais pour les réfugiés, qui est également notre partenaire d'exécution, et un certain nombre d'agences bénévoles travaillent de conserve jour et nuit pour sauver des vies et dispenser des soins de première urgence à ce flot de malheureux. A cette fin, nous avons sérieusement renforcé notre présence dans la région en y détachant provisoirement des fonctionnaires supplémentaires, en louant les services de consultants et d'autres ressources humaines. Peu avant Noël, le Haut Commissaire adjoint s'est rendu à Khartoum et Gédaref pour évaluer la situation ; son rapport a donné lieu à notre appel du 20 décembre. Pendant les fêtes de fin d'année, une équipe au Siège a travaillé à plein temps, Noël et Nouvel An y compris, pour organiser l'achat de tentes, de couvertures, de médicaments, de denrées alimentaires d'appoint, d'équipement pour l'approvisionnement en eau et de véhicules qui faisaient cruellement défaut, ainsi que pour assurer leur transport par voie aérienne à destination du Soudan. Aujourd'hui encore, cette tâche les occupe vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les gouvernements, surtout ceux des Etats-Unis et de la République fédérale d'Allemagne, nous ont été d'un grand secours pendant cette période. Sur une douzaine de vols nécessaires pendant les fêtes, les Etats-Unis à eux seuls en ont assuré cinq. En attendant l'arrivée à Port Soudan des secours du Programme alimentaire mondial, nous avons essayé d'acheter des denrées alimentaires de base au Soudan bien qu'elles se fassent très rares en raison de la pénurie qui sévit partout dans le pays. Nous avons donc dû organiser d'autres ponts aériens pour le transport des vivres et d'autres denrées au cours des trois dernières semaines.

Monsieur le Président, il ne faut pas oublier que le Soudan occidental a également été le théâtre d'un afflux important de quelque 60 000 personnes en provenance du Tchad, une autre situation d'urgence à laquelle nous avons dû faire face simultanément. Nous avons pris, sur ce front, des mesures semblables à celles que je viens de décrire. Mais, je le répète, les ressources qui nous sont allouées jusqu'à ce jour pour le Soudan ne suffisent pas à satisfaire les besoins actuels. J'en appelle donc à tous les gouvernements représentés aujourd'hui ici pour qu'ils étudient la possibilité de verser des contributions additionnelles, point sur lequel je reviendrai dans quelques instants lorsque je me référerai à notre situation financière actuelle.

Monsieur le Président, nous sommes douloureusement conscients de la famine qui frappe l'Ethiopie. Ce fléau s'est également abattu sur les régions où le HCR en coopération avec la Commission de secours et de réadaptation du Gouvernement éthiopien, avait mis en oeuvre un programme d'urgence en faveur des rapatriés. L'appel du 11 janvier fournit tous les détails sur ce programme spécial, qui est mis en oeuvre en étroite coordination avec les efforts d'autres institutions des Nations Unies, et nous sommes en contact permanent avec M. Kurt Janssen, Sous-secrétaire général chargé des opérations d'urgence en Ethiopie. Etant donné que l'assistance aux rapatriés doit être limitée dans le temps et dans la portée, nous envisageons également des mesures de réadaptation qui pourraient être prises en coopération avec d'autres agences tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du système des Nations Unies, ainsi qu'avec les donateurs bilatéraux pour faire parvenir le plus rapidement possible ces rapatriés à l'autosuffisance.

Avec aujourd'hui quelque 60 000 nouveaux réfugiés en Somalie et 40 000 en République centrafricaine, plus 8 000 Tchadiens récemment arrivés au Cameroun, le HCR se voit confronté à plusieurs situations d'urgence à la fois. Dans le même temps, les programmes actuels dans plusieurs pays touchés par la sécheresse ont accusé des retards sérieux dans la voie vers l'autosuffisance. Nombre de ces programmes devront être révisés au cours de l'année pour tenir compte de ces retards.

La Deuxième Conférence internationale sur l'assistance aux réfugiés en Afrique (CIARA II), organisée l'année dernière, a démontré la volonté de la communauté internationale de se rallier à une cause humanitaire et de s'entendre, dans un climat exempt de toutes considérations d'ordre politique, sur une stratégie pour s'attaquer à l'impressionnant problème des réfugiés africains. Je me permets de vous rappeler que deux des objectifs les plus importants de la CIARA II consistaient à renforcer l'infrastructure des pays africains hôtes pour leur permettre de porter le fardeau des réfugiés et pour rétablir le lien entre l'assistance aux réfugiés et l'aide au développement.

Les tragédies que vivent ces régions d'Afrique ont amplement démontré l'importance des buts décrits lors de la CIARA II. L'infrastructure, qu'elle soit inadéquate ou inexistante, peut non seulement entraver les efforts de secours, mais aggraver encore une situation déjà critique. Il allège le fardeau des pays africains qui reçoivent généreusement des réfugiés tout en aidant les réfugiés déjà sur place. En outre, ces projets renforceraient la capacité des gouvernements à anticiper et même à prévenir de futures situations d'urgence.

Le cadre administratif nécessaire à l'application du programme d'action de la CIARA existe. La HCR poursuivra activement ses activités en la matière, surtout par le biais de notre Bureau régional pour l'Afrique ; le PNUD a mis sur pied un Groupe chargé du suivi de la CIARA afin de superviser la mise en oeuvre des projets présentés à la Conférence au titre du paragraphe 5 c) de la résolution 37/197 de l'Assemblée générale. L'ICVA a désigné un consultant pour la CIARA afin de veiller à une participation active et concertée des organisations non gouvernementales aux activités de suivi. Un certain nombre de projets de la CIARA sont déjà mis en oeuvre ; d'autres sont encore à l'étude. Par conséquent, le processus déclenché par la Conférence se poursuit. Le HCR comme il l'a fait jusqu'à présent, jouera pleinement son rôle pour le mener à bonne fin. Dans la situation d'urgence actuelle, il convient de ne pas oublier la CIARA.

Pour en venir très brièvement à quelques autres faits nouveaux survenus ces derniers mois, je dois dire que nous avons suivi avec préoccupation la situation sur la frontière entre la Thaïlande et le Kampuchea qui a conduit à l'évacuation loin de la zone frontalière, par les autorités militaires thaïlandaises, d'un grand nombre de personnes. J'ai donné des instructions à mon Délégué à Bangkok afin qu'il maintienne des contacts très étroits avec les autorités thaïlandaises et qu'il me tienne pleinement informé de l'évolution de la situation. Nous avons également enregistré en Thaïlande une reprise modeste mais encourageante du rapatriement librement consenti vers la République démocratique populaire lao. Ce mouvement a malheureusement été contrebalancé par une augmentation considérable du nombre des passages en provenance de ce pays vers la Thaïlande nous suivons cette situation de près en attendant la détermination du statut des personnes concernées.

En ce qui concerne les dispositions prises pour la lutte contre la piraterie, Monsieur le Président, je suis heureux de vous annoncer que nous venons de recevoir un rapport d'experts, dont les autorités thaïlandaises et les pays donateurs ont pu prendre connaissance ; des mesures sont actuellement prises pour mettre en oeuvre leurs recommandations. C'est avec plaisir que nous avons pu constater que le rapport confirmait l'efficacité des opérations et l'utilisation optimale des dispositifs actuellement en place. Je dois ajouter que ce résultat a été corroboré par un certain nombre d'arrestations et d'inculpations.

Monsieur le Président, pour compléter ce survol des faits marquants du dernier trimestre, j'aimerais parler de l'Amérique latine. Immédiatement après notre Conférence d'annonces de contributions à New York, j'ai eu le plaisir de visiter Cartegène, en Colombie, où, en compagnie du Président Belisario Betancur, j'ai pris part à la cérémonie d'ouverture de l'excellent Colloque sur les problèmes de protection en Amérique centrale, au Mexique et au Panama, qui a réuni des représentants gouvernementaux de dix pays, d'autres experts latino-américains, ainsi que des fonctionnaires du HCR Le Colloque a retenu un certain nombre de principes fondamentaux pour le traitement des réfugiés et nous espérons que ses conclusions contribueront à améliorer le statut juridique des réfugiés et leur protection dans la région. J'aimerais remercier tout particulièrement le Président Betancur pour son appui personnel qui a beaucoup contribué au succès de ce colloque. Aussitôt après, je me suis rendu en visite officielle à Buenos Aires sur l'invitation des autorités argentines. Il m'a semblé très gratifiant de visiter un pays qui, dans ses efforts de démocratisation, accueille ses propres exilés tout en soutenant pleinement l'oeuvre du Haut Commissariat comme l'atteste l'annonce, faite au cours de ma visite, du retrait de la limitation géographique à la convention de 1951. Je constate avec plaisir que nous avons pu assister modestement certains de ces rapatriés grâce aux contributions reçues à la suite de l'appel que j'ai lancé l'année dernière.

Pour ce qui est de l'Amérique centrale, nous avons eu le plaisir d'accueillir à Genève, il y a juste deux semaines, une délégation hondurienne de haut rang, conduite par le Ministre de l'intérieur et de la justice. Je suis absolument certain que nos entretiens très fructueux permettront d'améliorer la situation des réfugiés dans ce pays. J'aimerais aussi mentionner en passant les progrès accomplis au Mexique concernant le transfert des réfugiés guatémaltèques des régions frontalières vers les régions de Campeche et Quintana Roo. A ce jour, 18 000 personnes ont accepté d'être transférées, et des zones d'installation sont aménagées pour les mettre le plus rapidement possible en situation d'autosuffisance. A l'occasion de cette opération, nous avons bénéficié de la très étroite coopération des autorités mexicaines et j'espère me familiariser avec la situation le mois prochain lorsque je me rendrai au Mexique à l'invitation du Gouvernement.

Monsieur le Président, passons maintenant à certains aspects de la protection internationale des réfugiés : lorsque les situations l'exigent, le HCR devrait toujours être prêt à servir de forum et d'instrument de coordination pour la recherche de solutions. En Europe aujourd'hui, les personnes en quête d'asile et les gouvernements rencontrent des problèmes si complexes qu'une action mieux coordonnée semblerait s'imposer. A la dernière réunion du Comité exécutif, j'ai exprimé ma profonde préoccupation devant certaines tendances restrictives dans le traitement d'un grand nombre de personnes en quête d'asile arrivant en Europe en provenance d'autres continents. Les pratiques d'asile traditionnelles ont été mises à rude épreuve. A l'issue de contacts avec les gouvernements intéressés, j'ai, ai décidé de donner suite à ma proposition de la dernière réunion concernant la tenue de consultations, à Genève du 28 au 31 mai, avec les gouvernements et les agences concernés. Les invitations seront lancées prochainement. Ces consultations porteront essentiellement sur des solutions et arrangements pratiques, mais aborderont également des aspects plus larges du problème, notamment l'ampleur et le caractère changeant des afflux de réfugiés en Europe. Au vu de l'importance de ces questions, j'espère vivement que la participation sera assurée au niveau élevé qui convient. A ce propos, Monsieur le Président, j'aimerais porter à votre connaissance que, conformément à un souhait exprimé par le Comité exécutif à sa trente-cinquième session, j'ai pris les dispositions nécessaires à la conduite d'une étude sur la question des mouvements irréguliers de réfugiés. De même, je prévois de soumettre l'avant-projet de cette étude à un groupe de travail qui devrait tenir sa première réunion dans le courant du mois d'avril. Les conclusions de cette étude seront soumises au Sous-comité plénier sur la protection internationale.

Avant de quitter l'Europe, je tiens absolument à remercier deux pays membres du Comité exécutif, les Pays-Bas et la Yougoslavie, pour l'accueil chaleureux qu'ils m'ont réservé lors de mes visites officielles en décembre. Ces visites ont assurément servi à réaffirmer le soutien sans faille de ces deux pays à la cause des réfugiés et à l'oeuvre du Haut Commissariat.

Pour en revenir à l'Afrique et à une autre question qui nous a préoccupés, j'aimerais rappeler les différents problèmes découlant du déplacement des réfugiés et d'autres populations à la suite des événements survenus au sud du Soudan à la fin de 1982. une troisième réunion tripartite entre les Gouvernements rwandais et ougandais et le HCR s'est tenue en décembre dernier à Gabiro, au Rwanda, sous la présidence de mon Directeur de la protection internationale. Bien que la réunion n'ait pas pu aboutir à un consensus sur tous les points, je suis heureux d'annoncer que mon Directeur de la protection internationale vient d'être reçu par le Président Obote d'Ouganda et le Président Habyarimanadu Rwanda. Je suis convaincu qu'à la suite de ces réunions et au vu du désir réel des deux Chefs d'Etat de maintenir des relations de bon voisinage entre les deux pays frères, il existe maintenant une possibilité réelle de s'acheminer vers une solution humanitaire à ces différents problèmes. Il est très encourageant que le Président ougandais soit déterminé à poursuivre sa politique de réconciliation nationale et à accueillir chez eux tous les Ougandais venant des pays voisins et désirant retourner en Ouganda. Il est tout aussi encourageant que le Président rwandais ait accepté que ses autorités répondent rapidement aux demandes individuelles de rapatriement librement consenti déposées par des réfugiés rwandais en Ouganda, conformément à une procédure établie entre les deux Gouvernements concernés et le Haut Commissariat.

J'aimerais maintenant aborder les problèmes financiers auxquels le HCR se trouvé confronté en 1985. A la réunion du Comité exécutif d'octobre 1984, nous avons estimé que les besoins financiers en 1985 s'établiraient à 384 millions de dollars E.U. pour les Programmes généraux et à quelque 46 millions de dollars E.U. pour les Programmes spéciaux. Contrairement au montant demandé pour les Programmes généraux, l'estimation des besoins au titre des Programmes spéciaux a été faite avant les situations d'urgence en Afrique. C'est ainsi que les fonds requis d'urgence en Afrique s'ajoutent aux 46 millions de dollars E.U. prévus en octobre dernier.

Vous aurez reçu les appels successifs et les rapports de programmes publiés par le HCR concernant la situation d'urgence en Afrique. Un rapport complémentaire vous sera adressé à la mi-février avec de nouvelles estimations budgétaires pour les programmes en question jusqu'en novembre 1985, date de la prochaine récolte. Nous serons alors en mesure d'évaluer de façon plus précise ce que l'avenir réserve aux nouveaux arrivants, particulièrement en Somalie et au Soudan.

Alors que notre action d'urgence semble sur la bonne voie en Ethiopie, en République centrafricaine et en Somalie, le Soudan oriental, comme je l'ai déjà dit, nous cause les plus graves préoccupations. Il est crucial que des stocks suffisants de denrées alimentaires et d'articles d'urgence soient livrés au Soudan avant la saison des pluies, fin mai. Cela signifie que ces Secours doivent être acheminés dans les prochains mois et que, par voie de conséquence, l'achat des marchandises nécessaires pendant la saison des pluies soit effectué dès maintenant.

Or, nous ne disposons pas actuellement des fonds nécessaires pour couvrir les besoins immédiats et, a fortiori, pour assurer une planification et une livraison de ce type. Comme les appels spéciaux n'ont pas suscité les réactions attendues, nous avons engagé la totalité des fonds reçus et nous avons, en outre, épuisé les ressources du Fonds extraordinaire. Je demande donc aux gouvernements de verser le plus rapidement possible des contributions au titre des programmes d'urgence en Afrique, surtout au Soudan oriental, pour nous permettre d'acheter et de livrer les marchandises nécessaires avant que les nouveaux arrivants n'épuisent les stocks actuels et avant que la saison des pluies ne rende impossible l'acheminement des secours.

En résumé, les programmes d'urgence en Afrique exigent des crédits considérables devant constamment être révisés à la hausse. J'espère toutefois que le versement de ces contributions ne se fera pas au détriment des Programmes généraux qui restent au centre de nos préoccupations et au sujet desquels je vous ai expliqué, à la réunion du Comité exécutif d'octobre 1984, la situation particulièrement difficile qui nous attendait en 1985.

Concernant les Programmes généraux de 1985, le Comité exécutif a approuvé un financement de quelque 384 millions de dollars E.U. A l'heure actuelle, le montant des contributions déjà annoncées ou versées pour 1985, majoré du report des fonds de 1984, atteint quelque 141 millions de dollars E.U. il nous faut donc encore 243 millions de dollars E.U. en 1985 pour financer les Programmes généraux les plus importants.

Permettez-moi de vous dire d'emblée que, de notre côté, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour rationaliser et renforcer le facteur coût-efficacité de nos programmes et budgets. Lorsque la position forte du dollar E.U. nous permet d'obtenir davantage de devises locales pour nos dépenses de programme, nous nous empressons de réduire les budgets exprimés en dollars E.U. Nous espérons pouvoir, de cette façon, réduire nos dépenses autant que faire se peut, tout en veillant à la qualité de notre travail.

Je comprends les difficultés qu'éprouvent les gouvernements à mettre à disposition les sommes considérables qu'exige l'assistance aux réfugiés. La position forte du dollar constitue toujours un facteur prédominant dans cette équation. Néanmoins, je vous prie instamment de considérer immédiatement les très graves problèmes de financement que nous allons connaître en 1985. L'envergure et la qualité des Programmes généraux pâtiraient nécessairement de l'insuffisance des fonds débloqués à ce titre. La recherche de solutions durables pour les réfugiés - un objectif qui, je le sais, est considéré comme vital par les membres de ce Comité - sera rendue beaucoup plus ardue. Je suis certain qu'aucun membre du Comité exécutif ne souhaiterait voir la pénurie de fonds hypothéquer l'assistance aux réfugiés et les programmes de solutions durables.

Ceci dit, pour inciter à nouveau les gouvernements à envisager de verser le plus rapidement possible des contributions additionnelles, nous lancerons, le 29 janvier, un appel spécial pour les Programmes généraux de 1985. Cet appel fera le point sur la situation financière du HCR.

J'espère vivement que nos efforts conjugués permettront de financer pleinement les Programmes généraux de 1985 et je suis convaincu que le Comité exécutif est d'avis que cette responsabilité nous incombe à tous.

Monsieur le Président, à notre session d'octobre 1984, le Comité exécutif a décidé de terminer l'examen du point 10 de l'ordre du jour - Questions administratives et financières - lors de la réunion de janvier 1985. Les deux points laissés en suspens concernent les recommandations sur l'opération de classement des emplois des administrateurs et la création de onze postes supplémentaires. La présente réunion du Comité exécutif est habilitée à prendre des décisions sur ces deux questions.

Nous avons reconsidéré chacun de ces points très attentivement à la lumière des débats du Comité exécutif en octobre et, en décembre 1984, nous avons diffusé deux nouveaux documents sur l'opération de classement des emplois des administrateurs (A/AC.96/654) et sur les faits nouveaux intéressant les effectifs (A/AC.96/655). Ces documents, nous l'espérons, sont très explicites mais, si vous le voulez bien, Monsieur le Président, j'aimerais ajouter quelques commentaires.

Tout d'abord, parlons de l'opération de classement des emplois des administrateurs. Vous vous rappellerez que le reclassement des postes au HCR a été entrepris à la demande du Service de gestion administrative, fermement appuyée ensuite par le Comité exécutif. Cette requête se justifiait par le fait qu'une telle opération systématique n'avait jamais été effectuée durant les quelque trente années d'existence du HCR et que le personnel du HCR avait été multiplié par deux ou par trois au cours de la dernière décennie, alors que le coût de notre programme avait décuplé. Nous avons préparé avec beaucoup de soin cette opération de classement des emplois. Nous avons demandé à d'autres institutions des Nations Unies de nous faire bénéficier de leur compétence et de leur expérience. Nous avons utilisé le système de classement en vigueur au sein des Nations Unies depuis 1981 afin de ne pas sortir du cadre normatif des Nations Unies. Tant la Section du classement du Bureau des services du personnel à New York, que le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) ont exprimé leur satisfaction, et le CCQAB a recommandé l'approbation des résultats relatifs aux postes imputés sur les contributions volontaires.

Le résultat de l'opération de classement montre que près des deux-tiers des classes de postes, soit 265, ont été jugés pertinents et devraient donc rester inchangés. Quant aux autres, on propose d'en déclasser 33 et d'en reclasser 103.

Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, que le reclassement de neuf postes de rang supérieur au Siège faisait l'objet du paragraphe 27 de la Note sur l'opération de classement des emplois des administrateurs (A/AC.96/639/Add.1) présentée au Comité exécutif en octobre dernier. Lors de mon séjour à New York en novembre, j'ai fait part au Secrétaire général des Nations Unies, comme convenu, de l'essence du débat concernant le classement des emplois dans son ensemble, et plus particulièrement le paragraphe 27. Le Secrétaire général a fait savoir de façon très claire qu'il n'avait pas l'intention d'approuver le reclassement de ces postes à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de ne pas demander l'appui du Comité exécutif concernant le paragraphe 27. Nous reviendrons sur cet aspect du classement à un moment plus approprié. En ce qui concerne le reste de l'opération, le Secrétaire général et ses conseillers en matière budgétaire ont déclaré qu'ils n'avaient aucune objection et que nous avions donc le feu vert. C'est pourquoi je demande maintenant à mon Comité exécutif de m'accorder sans réserve son aval.

Il convient de garder à l'esprit que nous parlons de postes et non pas de titulaires. Cela signifie que, si l'opération de classement est approuvée, l'application des recommandations se fera progressivement. Cela vaut aussi bien pour les postes reclassés que pour les postes déclassés. En d'autres termes, les conséquences financières resteront dans le cadre de l'objectif approuvé par le Comité exécutif en octobre au titre des Programmes généraux pour 1985 qui sera donc inchangé. Même à long terme, les coûts totaux resteront de toute façon très modestes, soit environ un millième de notre budget (contributions volontaires) une fois toutes les recommandations appliquées.

J'attache cependant une très grande importance à cette opération qui, à mon sens, rend justice tant à notre travail qu'à notre personnel ; quoi qu'il en soit, cette nouvelle structure, lorsqu'elle sera en place, apparaîtra modeste par rapport à celle d'autres organisations du système des Nations Unies, particulièrement aux rangs les plus élevés. En outre, comme l'explique le document, l'application des résultats de l'opération aura d'importantes retombées positives en termes de gestion globale, de roulement du personnel à tous les niveaux, d'organisation des carrières et de délégation des pouvoirs. J'espère vivement qu'au vu de toutes ces considérations, le Comité exécutif n'aura plus aucune objection à formuler concernant l'approbation des afférant aux postes imputés sur les contributions volontaires, ouvrant ainsi la voie à une approbation ultérieure de l'Assemblée générale des Nations Unies des recommandations ayant trait aux postes imputés sur le budget ordinaire.

Pour en venir maintenant à la question des postes additionnels, je suis pleinement conscient des réticences de bien des gouvernements eu égard à la création de postes. Je comprends bien les motifs qui président aux restrictions et aux économies les plus draconiennes. L'importance du principe de la croissance zéro ne m'échappe pas. Il n'en reste pas moins que de graves situations surgissent tous les jours. Même à l'heure où je parle, il y a peut-être 3 000 personnes nécessiteuses qui arrivent au Soudan oriental, pour ne pas parler d'autres afflux récents en République centrafricaine, au Soudan occidental et ailleurs. Nous avons souvent pu, dans l'histoire du HCR fermer des bureaux et supprimer des postes. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

L'ouverture des nouveaux bureaux dont il est question répond à la demande expresse du Comité exécutif. Notre proposition est extrêmement modeste, car chacun des bureaux ne comprend que deux administrateurs et une secrétaire. Cependant, pour que le personnel puisse s'acquitter de la mission qui lui est confiée, il doit avoir le rang qui convient. Permettez-moi de répéter une fois encore que nous n'allons pas, dans un instant, vous demander d'approuver un objectif financier plus élevé. L'objectif approuvé en octobre dernier ne sera pas changé. Lors de notre prochaine réunion en octobre 1985, nous présenterons comme d'habitude les comptes définitifs pour 1984, un budget révisé - à la hausse ou à la baisse - pour 1985, et un objectif pour les Programmes généraux de 1986.

En octobre, nous avons demandé la création de onze postes. Nous avons partiellement couvert les besoins par le biais d'arrangements temporaires. Ces derniers ne peuvent jamais être pleinement satisfaisants et ne peuvent en aucun cas servir à pourvoir les postes clés des délégations. C'est pourquoi nous soumettons à votre approbation la création de cet ensemble de six postes sans lesquels il nous semble impossible de continuer à assumer notre tâche.

Pour conclure, j'aimerais dire combien il est encourageant que le Comité exécutif partage nos responsabilités. Ce n'est que dans un esprit de coopération qu'il est possible de venir en aide aux personnes déplacées que des événements tragiques ont plongées dans le malheur.

Merci, Monsieur le Président.