Déclaration de M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'occasion de la première Journée mondiale du réfugié, le 20 juin 2001
Déclaration de M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'occasion de la première Journée mondiale du réfugié, le 20 juin 2001
Au nom des millions de personnes déracinées dans le monde qui ne peuvent pas faire entendre leur voix, nous saluons au HCR la décision de l'Assemblée générale des Nations Unies de désigner le 20 juin 2001 première « Journée mondiale du réfugié ». Nous devons protéger et respecter les réfugiés. Le respect va bien au-delà de la tolérance.
Mais que peut signifier la Journée mondiale du réfugié pour un père ou une mère qui chaque jour voit son enfant grandir dans un camp sans espoir de retour ? Ou pour un demandeur d'asile désespéré refoulé à la frontière d'un pays où il tentait de trouver un peu de sécurité ? Pour un réfugié, chaque jour d'exil est un jour de trop.
C'est pourquoi, à l'occasion de cette première Journée mondiale du réfugié, nous devons tous, en particulier les décideurs, prendre le temps de réfléchir à la solitude et au sentiment d'abandon de chaque réfugié et nous demander comment répondre à sa détresse.
La Convention relative au statut des réfugiés a été adoptée il y a un demi-siècle, ici même à Genève, par un groupe de pays. Né du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, c'est un document généreux, le premier du genre. Il s'inspire de la conviction que nous avons le devoir moral de protéger toutes les personnes persécutées pour le simple motif d'être ce qu'elles sont. Les défenseurs de la Convention avaient, à juste titre, décidé qu'il fallait aider et respecter ces personnes.
Aujourd'hui, cinquante ans plus tard, des progrès considérables ont été accomplis au niveau du respect des libertés et de la qualité de la vie. Mais malgré cette ère de mondialisation et de prospérité sans précédent, beaucoup d'entre nous ont perdu nos illusions face aux guerres qui n'en finissent plus, aux souffrances qu'elles engendrent et face à la répression qui continue de sévir dans bien des régions du monde. Accablées par les images qui défilent sur les écrans et par les manchettes des journaux, certaines personnes ont perdu espoir et sont devenues cyniques et indifférentes. Elles ont oublié qu'elles se sont engagées à aider ceux qui en ont besoin, qu'elles ont une part de responsabilité.
Face à cette démission, nous ne pouvons pas, en cette Journée mondiale du réfugié, nous contenter de faire des déclarations solennelles. Nous devons réaffirmer notre engagement vis-à-vis des réfugiés. Nous devons faire tout notre possible pour que ceux qui sont obligés de fuir des persécutions bénéficient de notre protection et ne soient pas refoulés et contraints de retourner dans un pays où leur vie est menacée.
Les pays riches et industrialisés devraient faire davantage pour soutenir le travail humanitaire dans des régions durement touchées par des crises de réfugiés - notamment en Afrique et en Asie du Sud-Ouest. Ironie du sort, ce sont souvent les pays les plus pauvres qui accueillent le plus de réfugiés et sur une durée bien plus longue.
Peut-être que notre plus grand défi, c'est de nous attaquer aux causes profondes des crises de réfugiés, un exercice bien difficile, comme nous avons pu le constater en Iraq, en Bosnie, en Afghanistan et au Kosovo ces dix dernières années. Il faudra prendre des initiatives politiques et, dans certaines situations, assumer un engagement militaire pour maintenir la paix. Mais si nous voulons qu'il y ait moins de réfugiés, nous devons chercher des solutions aux problèmes qui les ont poussés à l'exil. Protéger les réfugiés n'est ni un choix ni un acte de charité. C'est un devoir moral et une obligation juridique.
Chacun de nous a la capacité de changer le cours des choses car, multipliée par mille, une action isolée peut changer le monde. Dans notre entourage, il y a peut-être des réfugiés qui viennent d'arriver et qui ont besoin de nous. Nous pouvons les aider à reconstruire leur vie. Nous devons aussi rendre hommage à ce que les réfugiés ont apporté aux communautés qui les ont accueillis. Les organisations humanitaires qui travaillent pour les réfugiés, locales et internationales, ont également besoin de notre soutien. N'oublions pas que nous pouvons faire valoir notre opinion auprès des responsables gouvernementaux chargés des questions d'asile ou du financement des opérations humanitaires.
On nous demande souvent, à mes collègues du HCR et à moi-même, comment nous arrivons à rester optimistes face à tant de souffrance. En cette Journée mondiale du réfugié, je répondrai une fois de plus : « parce que nous sommes témoins de la lutte quotidienne, de l'extraordinaire courage et de l'incroyable détermination des réfugiés. Ils ont réussi l'impossible envers et contre tout. Ils n'ont jamais perdu espoir. A nous de suivre leur exemple. »
Le 20 juin 2001