Déclaration faite par M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion informelle des représentants à Genève des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 23 février 1983
Déclaration faite par M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion informelle des représentants à Genève des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 23 février 1983
Le 23 février 1983
Monsieur le Président,
Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter sincèrement à tous la bienvenue.
Comme de coutume, l'objet de cette réunion informelle est d'évoquer ensemble l'évolution de la situation des réfugiés depuis la dernière session du Comité exécutif au mois d'octobre.
J'aimerais en premier lieu rappeler qu'en décembre 1982, l'Assemblée générale des Nations Unies a prolongé, par sa résolution 37/196, le mandat du Haut Commissariat pour une durée de cinq ans à partir du 1er janvier 1984. Le HCR dispose donc à présent de six années devant lui pour mener son action. Lorsque nous nous sommes réunis en octobre, nous avons discuté de la question du mandat et je suis heureux de mentionner que l'Assemblée générale a prolongé le mandat du HCR sans en modifier la portée. Je reste persuadé que c'était là la seule chose à faire et que le mandat, qui a constitué la base solide du travail en faveur des réfugiés au fil des ans sera suffisamment flexible à l'avenir pour convenir à des situations changeantes. Je sais que les membres du Comité exécutif ont accepté que le mandat demeure inchangé et qu'ils ont déployé personnellement des efforts dans ce sens. C'est ce qui a eu lieu par consensus à l'Assemblée générale et je tiens à remercier à cet égard les membres du Comité exécutif.
Le HCR est renouvelé pour une période de cinq ans. Il me semble donc naturel de considérer les cinq années écoulées et, avec une certaine prudence toutefois étant donné que celles-ci comportant une part d'inconnu et d'inattendu de se tourner dans le sens des cinq années à venir, dans la mesure du possible.
Cinq années supplémentaires de problèmes de réfugiés. Lorsque le HCR a été créé, l'Organisation devait durer trois ans mais elle en a duré plus de trente, comme si le problème des réfugiés ne devait jamais cesser.
On m'a souvent demandé si je ne pensais pas que la situation était désespérée, comment il était possible d'assister à tant de souffrances, comment je pouvais voir tant de réfugiés dans une situation de détresse et s'il n'était pas déprimant de voir tant de tragédies. Il est vrai qu'à moins d'avoir une coeur de pierre, il est impossible de ne pas être affecté par la situation. Cela dit, il est utile de rappeler que si l'on compte chaque année de nombreux millions de réfugiés dans le monde, il ne s'agit pas des mêmes réfugiés. Les réfugiés d'il y a quelques années ne sont pas les réfugiés d'aujourd'hui. Bien sûr certains d'entre eux attendent toujours une solution à leur problème mais un grand nombre, Si ce n'est la majorité, ont été aidés et ne sont désormais plus des réfugiés. C'est là que tous ceux qui oeuvrent en faveur des réfugiés trouvent leur principale source d'inspiration.
C'est aussi pour cette raison que nous devons toujours agir dans une perspective de solutions durables, comme le stipule déjà expressément notre mandat.
On a connu de nombreux exemples de solutions durables au cours des cinq dernières années, en particulier dans les domaines du rapatriement volontaire et de la réinstallation. Le rapatriement, combiné avec des programmes limités de réinstallation en faveur des rapatriés a eu lieu en Birmanie, au Zaïre, en Guinée équatoriale, au Nicaragua, au Zimbabwe et au Tchad. Dans ce pays, un programme en faveur des rapatriés et des personnes déplacées de nationalité tchadienne - couvrant quelques 200 000 personnes - a été mené à bien durant la première moitié de 1982. Un programme de portée plus réduite, et devant durer six mois, a par la suite été lancé en novembre à l'intention de 13 000 personnes qui sont rentrées du Cameroun et du Nigéria après que le programme initial ait pris fin. Il est donc encourageant de constater que le rapatriement volontaire est plus ou moins une constante dans notre action.
Au cours des cinq dernières années, la solution de la réinstallation a également pris beaucoup d'importance. Des centaines de réfugiés sont à présent en train de recommencer une nouvelle existence loin de leur pays.
Il est nécessaire de trouver des solutions aux problèmes des réfugiés à l'échelle mondiale au moyen de la réinstallation dans des pays tiers. Naturellement nous appuyons et traitons les demandes de réinstallation lorsque nous sommes convaincus que cette solution est absolument nécessaire et qu'il n'en existe pas d'autres. Cependant, en raison de la conjoncture des dernières années, le HCR s'est employé activement à promouvoir la réinstallation qui, nous en sommes conscients, doit être mise en oeuvre dans un esprit équitable de partage des charges entre les Etats. Le principal groupe concerné, à cet égard, est constitué par les réfugiés d'origine indochinoise - et en particulier par les Vietnamiens qui représentaient en 1982 plus des deux tiers de tous les réfugiés d'origine indochinoise réinstallés.
Les arrivées par bateau en provenance du Viet Nam ont été moins nombreuses en 1982 qu'en 1981: une baisse de 40 pour cent a été enregistrée. Cependant, au cours de 1982, le rythme de la réinstallation a également diminué dans une large mesure, de sorte que le nombre des réfugiés vietnamiens attendant dans des camps la réinstallation est resté pratiquement inchangé. Au 31 décembre 1981, ils étaient 45 159 contre 44 054 au 31 décembre 1982. Les besoins en matière de réinstallation ne sont par conséquent plus couverts et - malgré mes appels précédents - je suis obligé une fois encore d'inviter les gouvernements à poursuivre activement ou à renforcer leurs programmes d'admission des personnes d'origine indochinoise. Lorsqu'il n'existe pas de programmes spécifiques, une attitude libérale s'impose pour l'admission des réfugiés qui ont des membres de leur famille à l'étranger.
D'autres types de besoins existent en matière de réinstallation. Le Programme des départs légaux de la République socialiste du Viet Nam comprend des aspects particuliers. Vous vous souviendrez que - comme nous l'avions fait en 1981 - nous avons invité l'année dernière une délégation du ministère des affaires extérieures du Viet Nam pour procéder à un échange de vues en particulier sur ce programme. La visite a eu lieu juste avant la dernière session du Comité exécutif. Tout en reconnaissant les progrès accomplis, illustrés par le fait que 1 000 personnes environ aient quitté chaque mois le Viet Nam dans le cadre de ce Programme, les autorités vietnamiennes et le HCR ont cependant estimé que les résultats pourraient être améliorés si toutes les parties intéressées, y compris les pays de réinstallation, pouvaient renforcer leur collaboration en vue de surmonter les obstacles existants. Nous suivons activement cette question avec les autorités vietnamiennes.
Cependant, concernant la réinstallation, j'aimerais signaler qu'un certain nombre de pays ont répondu à nos demandes destinées à faciliter l'admission des réfugiés ayant besoin de quitter d'urgence les pays où ils se trouvent, soit parce qu'ils sont handicapés et que leur rééducation ne devrait pas attendre, soit parce qu'ils ont des craintes quant à leur sécurité. Malgré des réactions positives, je me sens obligé une fois de plus de solliciter davantage d'ouverture pour ces catégories afin de suivre le rythme des besoins.
Beaucoup de réfugiés ont reçu de l'aide mais le nombre de ceux pour lesquels il faut encore trouver des solutions durables demeure élevé. De plus, tandis qu'ils attendent toujours dans des conditions difficiles et précaires, des événements terribles ont lieu, qui affectent et brisent des vies humaines, et nécessitent l'intervention du HCR. L'exemple le plus récent date de la nuit du 8 au 9 décembre, lorsque la Force de Défense sud-africaine a lancé une attaque contre des maisons et des appartements situés à Maseru, la capitale du Lesotho, et au cours de laquelle plus de 40 personnes ont été tuées et un certain nombre blessées. Cet acte d'agression abominable a suscité l'indignation du monde entier. Le Lesotho est un pays qui a toujours pratiqué une politique d'asile libérale. Parmi les victimes, on comptait 19 personnes ayant le statut de réfugié et quatre demandeurs d'asile. J'ai immédiatement envoyé un fonctionnaire du HCR en mission auprès de mon Délégué sur place à Maseru afin qu'ils s'entretiennent avec les autorités sur le problème de la compétence de mon office à court et à long terme durant la période suivant l'attaque. Le HCR a mis 50 000 dollars à la disposition du fonde créé par le Comité national des catastrophes en faveur des familles des victimes et en vue de la remise en état des bâtiments. Au mois de janvier, suite à la résolution 527 du Conseil de sécurité datée du 15 décembre 1982, le Secrétaire général des mations Unies a envoyé au Lesotho une mission de haut niveau conduite par le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques spéciales, et à laquelle le Directeur de la Protection internationale a participé. La résolution mentionne la nécessité d'assurer réellement le bien-être des réfugiés au Lesotho et de renforcer la capacité du Lesotho de recevoir des réfugiés sud-africains et de pourvoir à leurs besoins. La résolution revêt des aspects politiques, économiques et humanitaires et le HCR a réaffirmé aux autorités sa volonté d'assumer pleinement son rôle.
Dans une autre région du monde, au Mexique, il a été également porté atteinte à la sécurité des réfugiés il y a quelques semaines. Lors de mon arrivée à Mexico durant une récente mission le 29 janvier, je fus immédiatement informé qu'une incursion armée étrangère avait eu lieu contre des zones d'installation le long de la frontière méridionale et s'était soldée par cinq morts et un enlèvement. On compte dans cette partie du monde plus de 30 000 réfugiés se trouvant pour la plupart dans une zone de forêt tropicale d'accès difficile et où il n'est guère aisé de fournir l'assistance. Les autorités qui pratiquent une politique d'asile d'ouverture ont été profondément affligées par les événements et après avoir pris des mesures dans le cadre de leur souveraineté nationale - en dehors du champ d'action du HCR - étudient également avec nous la possibilité d'éloigner des réfugiés de la frontière.
Lors de sa dernière session, le Comité exécutif s'est félicité que l'Ambassadeur Schnyder ait été désigné pour étudier les différents aspects du problème des attaques militaires contre les camps et zones d'installation de réfugiés en Afrique australe et dans d'autres régions. L'Ambassadeur Schnyder a poursuivi ses contacts et ses négociations à Genève et New York et prépare son rapport en étroite collaboration avec mon Office. A ma demande il a entrepris une mission en Afrique où il était accompagné du Directeur de la Protection internationale, en particulier à Addis Abéba et Dar-es-Salaam. Au cours de cette mission, des discussions et des échanges de vues approfondis ont eu lieu avec le Secrétaire général et de hauts responsables de l'OUA, la Commission des 15 à Addis Abéba, avec le Secrétaire exécutif du Comité de libération de l'OUA et les représentants des trois mouvements de libération à Dar-es-Salaam. Je suis persuadé que les renseignements réunis durant sa visite en Afrique faciliteront à l'Ambassadeur Schnyder la préparation de son rapport final. Je compte convoquer le Sous-Comité plénier sur la Protection internationale dès que le rapport de l'Ambassadeur sera disponible, c'est-à-dire dans quelques semaines.
Un autre exemple qui illustre la situation extrêmement vulnérable des réfugiés est la condition difficile des réfugiés de la mer exposés au danger des attaques de piraterie.
Vous vous souviendrez que le 23 juin 1982 le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Gouvernement royal thaïlandais avaient entrepris un échange de correspondance par lequel le Haut Commissariat a fourni au Gouvernement royal thaïlandais, au nom de 12 gouvernements donateurs, une somme de 3 672 275 de dollars des Etats-Unis afin de renforcer les capacités de la Flotte royale, la Police, la Police maritime, les Services portuaires thaïlandais en vue de lutter contre la piraterie.
Depuis que le programme mentionné ci-dessus a été lancé, le Gouvernement royal thaïlandais a utilisé les fonds du programme pour mettre en service dix navires et un avion exclusivement engagés dans cette opération. Certains équipements prévus pour le programme doivent encore être mis sur pied.
Il est trop tôt pour évaluer la portée du programme, d'autant plus que le nombre des arrivées par bateau a diminué. Suivant des rapports réunis par le HCR plus de la moitié des bateaux arrivés en Thaïlande au cours des six premiers mois du programme (juillet - décembre 1982) ont encore été attaqués plus de deux fois en moyenne chacun et ces attaques s'accompagnaient toujours des mêmes exactions terribles telles que viols, enlèvements, et meurtres. Parallèlement, certains responsables de ces actes, qui avaient été arrêtés auparavant ont été jugés et condamnés à de lourdes peines par les tribunaux.
En se fondant sur l'expérience acquise, les améliorations nécessaires pourraient être recherchées afin d'augmenter l'efficacité du programme. Je suis actuellement en relation étroite avec le Gouvernement thaïlandais et les gouvernements donateurs pour faire en sorte que le programme soit renouvelé dans la mesure du possible sur cette base. Comme je l'ai déjà mentionné, le fait que le problème de la piraterie persiste dans toute la région et affecte la totalité du trafic maritime et non seulement les réfugiés, impose une action internationale plus étendue. C'est pourquoi je suis en contact avec le Secrétaire général des Nations Unies et avec les gouvernements intéressés afin de lancer les bases pour une action internationale de ce type.
Tout en accordant l'attention nécessaire au programme de lutte contre la piraterie, nous poursuivons tous les efforts possibles pour promouvoir des conditions favorables au sauvetage des personnes en quête d'asile en mer. Depuis le mois d'octobre dernier, environ 10 pour cent des « boat people » arrivés dans des pays de premier asile ont été sauvés en haute mer et la nécessité d'assurer un respect croissant du principe du sauvetage en mer est donc impérieuse. Suite à la réunion du Groupe de travail des Représentants gouvernementaux sur la question du sauvetage des personnes en quête d'asile en mer qui s'est tenue à Genève en juillet 1982, le Sous-Comité plénier sur la Protection internationale a adopté une série de recommandations qui ont servi de point de départ aux consultations entre le HCR et les parties intéressées. Nous pensons que ces consultations pourraient mener à des résultats pratiques, auquel cas, je convoquerais une nouvelle session de travail avant de soumettre des propositions spécifiques à la prochaine session régulière du Sous-Comité plénier sur la Protection internationale.
En ce qui concerne la Protection, et vous en êtes certainement conscients, j'aimerais mentionner que notre Président, l'Ambassadeur kharma a prononcé un discours fort intéressant à la session de clôture du Cours sur le droit des réfugiés, qui a eu lieu à San Remo au mois d'octobre dernier sous les auspices de l'Institut de Droit humanitaire. La plupart d'entre vous, j'en suis sûr, avez eu l'occasion d'étudier ce discours. Etant donné qu'il comporte des idées importantes et nouvelles, en particulier dans le domaine de la protection internationale, je serais heureux de savoir vos réactions ou vos suggestions sur la manière dont ces idées pourraient être mises à profit.
En octobre, au moment où le Comité exécutif se réunissait, un nouveau problème de réfugiés a surgi. Depuis le mois d'octobre 1982, plus de 40 000 réfugiés - parmi lesquels 60 pour cent sont âgés de moins de 16 ans - sont arrivés au Rwanda. Quelque 30 000 sont des agriculteurs, et le reste, des éleveurs qui avaient amené leur bétail avec eux. En tant que première mesure dans un pays où les ressources étaient déjà limitées au maximum, le HCR a affrété, les 14 et 21 octobre, deux avions pour fournir des tentes, des couvertures et des médicaments. Un Programme visant à pourvoir aux besoins essentiels durant une période de six mois a ensuite été mis sur pied, avec la Croix Rouge rwandaise comme principal partenaire opérationnel. Le Programme alimentaire mondial et l'UNICEF ont participé à ce programme. Un plan en vue de la poursuite de l'assistance au-delà de la période initiale de six mois est en cours de préparation. Une fois de plus, à l'instar de nombreuses autres situations, les soins et entretien - sous forme d'alimentation, d'approvisionnement en eau, d'équipement ménager, d'abris et de soins de santé - constituent pour un certain temps encore le seul moyen de venir en aide à la majorité des réfugiés. Deux situations de réfugiés ne sont jamais exactement semblables. Dans ce cas précis, la question du bétail a fait l'objet d'une vive préoccupation. Il n'y avait pas suffisamment de terres de pacage pour pourvoir aux besoins de la région où les réfugiés étaient arrivés et le bétail mourait même en raison de l'absence de nourriture. Les autorités rwandaises d'une part, la FAO, qui a fourni une assistance considérable et participe encore activement à cette action d'autre parti et le HCR ont mis au point un projet de ferme d'élevage dans le sud du pays. Conduites par des éleveurs, 15 000 vaches sont descendues par vagues successives de mille à deux mille bêtes vers la ferme. une série de précautions ont été prises et l'on peut considérer que l'opération a été menée avec succès.
J'aurai bientôt l'occasion de me rendre personnellement compte de la situation puisque je dois me rendre au Rwanda dimanche, suite à une invitation que le Gouvernement rwandais m'avait adressée il y a quelques mois déjà.
Une autre évolution récente est liée à la situation de réfugiés éthiopiens à Djibouti. Après des consultations approfondies avec les Gouvernements de Djibouti et d'Ethiopie, J'ai organisé une réunion tripartite entre ces deux Gouvernements et le HCR afin de fixer les modalités du rapatriement volontaire de ces réfugiés en Ethiopie. La réunion a eu lieu à Djibouti le 31 janvier et le 1er février ; j'y étais représenté par le Directeur de la Protection internationale, accompagné par le Chef du Bureau régional pour l'Afrique et le Coordonnateur pour la Corne de l'Afrique. La Commission tripartite est convenue de certaines directives de base - le caractère volontaire du rapatriement sera pleinement respecté; les autorités éthiopiennes définiront un programme pour l'accueil et la réadaptation des rapatriés en consultation avec le HCR et d'autres agences des Nations Unies concernées ; le libre accès aux zones d'installation en Ethiopie sera assuré au HCR et aux agences volontaires associées au programme ; enfin le HCR déploiera tous ses efforts pour mobiliser les ressources nécessaires à ce programme de réadaptation. En outre, les autorités éthiopiennes ont étendu la validité de l'amnistie aux rapatriés de Djibouti jusqu'au 31 décembre 1983. La prochaine réunion de la Commission tripartite doit avoir lieu à Addis Abéba le 15 avril 1983 pour examiner la teneur du programme de réadaptation qui devrait être préparé par les autorités éthiopiennes. Les parties intéressées devront faire preuve de beaucoup d'attention, de patience et de bonne volonté pour permettre le succès de l'opération. On s'attend ai ce qu'un certain nombre de réfugiés ne voudra pas profiter de cette possibilité de rapatriement et le Président de la République de Djibouti a informé la Commission que ces derniers seraient autorisés à rester à Djibouti ou à être réinstallés ailleurs.
Suite aux mesures d'expulsion prises par le Nigéria, le HCR a immédiatement envoyé une mission au Bénin et au Togo - les deux pays de transit - et nous avons décidé de réagir de manière positive à l'appel du secrétaire général des Nations Unies en vue de fournir une assistance aux personnes affectées. Pour des raisons humanitaires et, en reconnaissance du caractère d'urgence ainsi que de l'ampleur des besoins, je me suis associé à l'effort des Nations Unies en mettant une contribution de 375 000 dollars des Etats Unis à la disposition de plusieurs pays touchés. Cette contribution était destinée à couvrir les besoins essentiellement dans le domaine de la santé, le logement et les transports. En collaboration avec l'UNDRO - désignée comme l'agence de coordination du système des Nations Unies chargée de cette situation d'urgence - et les Coordonnateurs résidents respectifs du PNUD, les besoins ont été identifiés par des responsables du HCR sur place. Entretemps, des assurances ont été reçues du Nigéria que les réfugiés ayant le statut - qui ne sont guère nombreux - ne seraient pas affectés et n'auraient pas à quitter le pays.
Il est encore nécessaire de fournir une assistance aux nombreux réfugiés du monde pour lesquels aucune solution durable n'a été trouvée. Ceci explique l'importance considérable de la composante « soins et entretien » dans nos programmes annuels. Mais ce qui est de loin plus important, c'est que cet état de choses signifie une situation humanitaire pénible. Permettez-moi de vous en donner un exemple.
Vers la fin novembre/début décembre, une mission de hauts fonctionnaires du Siège s'est rendue au Honduras et a visité tous les camps et centres d'accueil de réfugiés dans le pays. Des entretiens dirigés, pour le HCR par le Haut Commissaire adjoint ont alors eu lieu au plus haut niveau dans la capitale, à Tegucigalpa. Ce qui est généralement vrai dans la plupart des situations de réfugiés du monde est encore plus manifeste à Tegucigalpa : le Honduras, qui a reçu au total 30.000 réfugiés venant des trois pays limitrophes, craint d'être entraîné dans les conflits de ses voisins. De ce fait, les réfugiés suscitent un malaise considérable. Pour un grand nombre d'entre eux, qui se trouvent actuellement dans des camps assez proches de la frontière et qui dépendent entièrement de l'assistance extérieure, il semble que le seul objectif raisonnable à viser dans un proche avenir soit la mise en oeuvre d'un certain type d'activités d'auto-suffisance dans des zones éloignées de la frontière. Des discussions à cet effet ont eu lieu avec les autorités et une action de suivi est sérieusement assurée. Cependant, bien que les autorités aient fait preuve d'une bienveillance certaine à l'égard du sort des réfugiés et qu'elles aient admis la nécessité de trouver des solutions, il faut admettre pour être réalistes que les soins et entretien continueront d'être requis dans des mesures raisonnables durant un certain temps.
On compte bien d'autres exemples de situations sans solution ; d'où notre volonté de continuer à intensifier notre recherche en vue de trouver des solutions durables en dépit de toutes les difficultés, ou du moins de mettre les réfugiés sur la voie de l'autosuffisance en encourageant l'agriculture de subsistance à petite échelle, l'artisanat, et si possible d'autres activités génératrices de revenus ainsi que la formation professionnelle.
La collaboration étroite avec d'autres organisations du système des Mations Unies demeure essentielle dans cette action. De nombreuses organisations du système nous fournissent leur aide dès le stade initial des secours d'urgence jusqu'aux soins et entretien. Mous sommes cependant parfaitement conscients de la nécessité de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour faire également participer les agences des Mations Unies aux phases ultérieures. Ceci pourrait également nous permettre de retirer progressivement notre assistance au moment opportun bien que beaucoup dépende à cet égard, comme je l'ai dit en octobre, des possibilités réelles dont d'autres disposent pour assurer le relai en fonction de à leurs propres procédures, mandats et ressources. Aussi, en insérant le problème des réfugiés dans un contexte plus vaste, la coopération avec les agences des Nations Unies pourrait mener à une approche plus rationnelle et globale des problèmes économiques auxquels se heurtent les pays qui ont des difficultés à assumer la charge d'un grand nombre de réfugiés. Ce type d'approche devra s'imposer dans le cadre de la seconde Conférence internationale sur l'assistance aux réfugiés en Afrique - CIARA II - demandée par la résolution 37/192 de l'Assemblée générale et qui devrait avoir lieu en mai 1984.
Le grand nombre de réfugiés dans de nombreux pays africains signifie des sacrifices considérables pour ces pays et constitue un lourd fardeau qui entrave leur processus de développement. Les réfugiés doivent être aidés mais les pays d'accueil nécessitent également une assistance substantielle. De ce fait, la résolution qui prie le Secrétaire général de convoquer une CIARA II agissant en étroite coopération avec le Secrétaire général de l'OUA et le saut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a fixé les deux objectifs suivants : « fournir une assistance supplémentaire aux réfugiés et aux rapatriés en Afrique pour la mise en oeuvre des programmes de secours, de réadaptation et de réinstallation » et « examiner les conséquences subies par l'économie des pays africains concernés et leur fournir l'aide requise pour renforcer leur infrastructure sociale et économique de manière qu'ils puissent assumer la charge d'un grand nombre de réfugiés et de rapatriés ».[1]
Afin d'assurer le succès de la Conférence, une préparation minutieuse et approfondie est nécessaire. Cette préparation a d'ailleurs déjà commencé. Le Comité directeur créé afin de guider et contrôler l'action après la CIARA I, et où le Secrétaire général, l'OUA et le HCR sont représentés à un haut niveau, s'est réuni à Nairobi le 17 janvier pour étudier les premières mesures à prendre dans le cadre de la CIARA II. Le Saut Commissaire adjoint a participé à cette réunion au nom du HCR Lors de cette première réunion sur la CIARA II, le Comité directeur a décidé d'inviter le PNUD, également représenté à un haut niveau à prendre part à toutes les réunions futures du Comité. Dans chaque pays intéressé, les agences du système des Nations Unies participeront étroitement à la préparation méticuleuse des projets qui seront soumis pour financement à la Conférence. La coordination se poursuivra à ce niveau ainsi qu'avec les pays africains concernés, les pays qui devraient en principe fournir une contribution financière et les organisations non gouvernementales. Pour vous donner davantage de renseignements sur la CIARA II, nous avons distribué un document faisant état des plans de la conférence.
Le 8 décembre 1982, le Directeur des Affaires extérieures du HCR a adressé une lettre aux membres du Comité exécutif, dans laquelle il décrit les aspects essentiels d'un projet-pilote au Pakistan, en cours d'élaboration avec l'assistance active de la Banque mondiale. Le projet, dont j'ai déjà fait mention durant nos réunions de l'année dernière devrait fournir des possibilités d'emploi aux réfugiés et à la population sur place, aider à remédier à une partie des dommages causés par la présence des réfugiés et de leur bétail et créer une certaine infrastructure économique durable dans des zones de réfugiés. Les mesures prévues sont liées à l'irrigation, le reboisement, l'amélioration des parcours ainsi qu'à la création et à l'amélioration du réseau routier. La Banque doit publier très prochainement un rapport d'activités que j'ai l'intention de communiquer aux Gouvernements. Il s'agit là d'un nouveau type d'entreprise à laquelle le HCR contribue en vue de promouvoir l'autosuffisance des réfugiés en faisant participer d'autres organisations qui disposent de la compétence technique et de l'expérience adéquates dans le domaine de l'assistance au développement. Ce projet particulier ne s'inscrit pas dans le cadre des programmes du HCR et ne sera donc par conséquent pas financé par le HCR Cependant, le HCR y joue le rôle dynamique de catalyseur. Le projet doit être étudié par le Consortium d'Aide au Pakistan dans moins de deux mois et nous espérons qu'il sera mis sur rails en juillet.
Avec pour objectif les solutions durables, dans nos efforts destinée à mobiliser des énergies, des ressources et de l'imagination en vue d'améliorer le sort de réfugiés, nous sommes conscients de l'ampleur des besoins des réfugiés et des pays affectés par leur présence. Nous sommes également conscients que la communauté internationale se heurte à de sérieux obstacles financiers pour soutenir la cause des réfugiés. Dans la formulation de ses programmes, le HCR doit s'efforcer de s'adapter à deux impératifs - l'ampleur des besoins, et la limitation des ressources, et cela n'est pas facile à concilier. Tout au long de ce processus, le HCR doit rester un instrument efficace. Les recommandations de l'étude du SGA et les opinions du Comité exécutif sont des éléments fondamentaux à prendre en considération au cours de cet exercice et J'ai suivi avec la plus grande attention notre débat de la semaine dernière. Comme je l'ai dit le 17 février, je prends ce rapport très au sérieux. Lorsque J'aurai terminé mes commentaires sur le rapport, en ayant tenu compte des avis formulés par les membres du Comité exécutif, je vous fournirai tous les détails nécessaires. Je compte mettre en oeuvre toutes les recommandations qui nous permettront d'améliorer notre action. Dans les cas où, après sérieuse analyse, il ne se révèlerait pas utile d'adopter une recommandation particulière, nous en fournirons l'explication au Comité exécutif ainsi qu'au Secrétaire général. En ce qui concerne le calendrier J'espère que nous pourrons fournir tous non commentaires sur l'étude du SGA dans les quelques mois à venir.
Je vous ai présenté une étude de l'évolution de la situation au cours des derniers mois afin de vous indiquer ce qui a été accompli. Je serais très heureux d'avoir vos commentaires à ce sujet.
En ce qui concerne l'avenir du Haut Commissariat, il m'est impossible d'entrer dans le détail car nous ne savons pas exactement ce qu'il adviendra. Une chose est certaine cependant, c'est que la situation ne changera pas dans un proche avenir : il y aura toujours des problèmes dans le monde et par conséquent des réfugiés.' Ces réfugiés auront besoin, comme dans le passé, de recevoir la protection et l'assistance de la communauté internationale, que nous avons eu le privilège de leur fournir et que notre nouveau mandat nous appelle à continuer à leur fournir.
Je pense que les principaux objectifs à atteindre pour le Haut Commissariat dans sa nouvelle étape devraient être les suivants : continuer d'aider et de fournir assistance ; renforcer notre capacité à cet effet ; prendre de nouvelles orientations chaque fois que possible ; rechercher de nouveaux moyens pour mettre en oeuvre des solutions durables et collaborer avec d'autres organisations dans le domaine de l'assistance, en particulier afin d'améliorer la coordination entre l'aide de secours et de développement. Je m'emploierai également à encourager davantage de pays à adhérer aux instruments de protection, comme ils l'ont fait dans le passé. J'espère, à cet effet que la collaboration se poursuivra étroitement avec les membres du Comité exécutif.
Un grand nombre des problèmes auxquels les réfugiés se heurtent aujourd'hui ne sont plus ceux auxquels ils se heurtaient hier. De nombreuses solutions ont été trouvées. Aujourd'hui, les réfugiés devraient rester le moins possible sur la liste d'attente pour une vie nouvelle. Et les réfugiés de demain doivent tirer parti de la richesse d'expériences accumulée par tous ceux qui s'inquiètent aujourd'hui de la destinée des déracinés. Tant que l'injustice, les tensions et les conflits continueront de régner dans le monde, nous devons tous ensemble continuer, dans un esprit humanitaire, à surmonter des obstacles et à donner chaque fois aux réfugiés des possibilités meilleures.
[1] Paragraphe 5, respectivement points b) et c).