Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

Déclaration liminaire de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la cinquante-septième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire

Discours et déclarations

Déclaration liminaire de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la cinquante-septième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire

2 octobre 2006
Différentes langues:

Genève, 2 octobre 2006

Monsieur le Président,
Excellences,
Distingués délégués,
Mesdames et Messieurs,

J'ai le plaisir de vous souhaiter à tous la bienvenue à la cinquante-septième session du Comité exécutif, particulièrement aux nouveaux membres, la Jordanie et le Portugal.

J'aimerais féliciter notre Président, l'Ambassadeur Fujisaki du Japon et louer l'énergie et l'engagement avec lesquels il a assumé ses responsabilités tout au long de l'année. Monsieur l'Ambassadeur, je vous suis reconnaissant de votre contribution personnelle à nos côtés. Merci beaucoup.

Mesdames et Messieurs,

C'est un moment de vérité pour le HCR. Tant par choix que par nécessité, nous sommes confrontés simultanément à trois principaux défis. Le premier consiste en une réévaluation de notre mission. Nous devons rester fidèles à notre mandat tout en répondant aux sollicitations d'un monde en mutation, qui se doit de remédier à l'un de ses échecs les plus cuisants, l'oubli des personnes déplacées de l'intérieur. Le deuxième est le besoin pressant d'une réforme profonde de structure et de gestion qui est absolument indispensable si nous voulons édifier une organisation plus forte, plus efficace et capable de générer et de consacrer davantage de ressources aux personnes dont nous avons la charge. Le troisième concerne le renouvellement de nos cadres supérieurs qui touche en une année et demie dix membres du Comité supérieur de gestion.

Nous ne renâclons pas devant ces défis même si nous aurions préféré ne pas devoir les relever tous en même temps.

Il y a une année, j'ai pris un certain nombre d'engagements - auprès de vous notre organe directeur, nos partenaires, notre personnel et surtout les personnes dont nous servons la cause. L'heure est venue aujourd'hui de faire le point.

Premier engagement. Renforcer l'identité du HCR en tant qu'institution chargée de la protection.

Cette identité, comme je l'ai dit l'année dernière doit inspirer l'ensemble de notre action. A une époque où monte l'intolérance, alimentée par les préoccupations de sécurité et la confusion dans l'opinion publique entre les migrants ou les réfugiés, il nous faut tout d'abord préserver l'asile et rétablir la confiance dans les systèmes d'asile. Je tiens à lancer un appel dans ce sens aux dirigeants politiques soucieux de l'action humanitaire et du respect des droits ainsi qu'aux membres concernés de la société civile et des médias. Le HCR est désireux de coopérer avec tous. Des développements inquiétants - souvent délibérément encouragés par le populisme dans les milieux de la politique et de l'information nous entraînent dans la mauvaise direction. Nous devons être vigilants et continuer de faire entendre la voix de la raison et de la tolérance.

Préserver l'asile c'est également s'opposer vigoureusement à toutes les formes de refoulement et garantir le respect du droit international des réfugiés. Un droit international des réfugiés qui ne doit pas céder devant la législation nationale, les traités d'extradition ou se voir redéfini par des dispositions bilatérales.

Les situations auxquelles je me suis référé l'année dernière - de l'Ouzbékistan à la Corée du Nord - continuent de susciter une vive préoccupation pour le HCR, à une exception près, que je suis heureux de citer comme une étape importante compte tenu du débat que nous avons eu ici lors du Comité exécutif, le traitement impeccable réservé aux Rwandais récemment arrivés au Burundi. Les autorités burundaises appliquent des procédures d'asile adéquates dans l'ouverture et la coopération avec pour résultat que la plupart des arrivants sont considérés comme ne relevant pas de notre compétence et repartent normalement vers le Rwanda où ils sont bien accueillis. Les rares cas dont la demande est acceptée obtiennent des formes adéquates de protection et d'assistance au Burundi.

Pour renforcer la protection, nous devons créer partout des capacités nécessaires. En refusant une attitude paternaliste, selon laquelle ces préoccupations concernent seulement le monde en développement mais en comprenant que le renforcement de la capacité de protection est nécessaire tant au nord qu'au sud. La mise en place d'institutions, de coalitions et de qualifications ne saurait servir à externaliser la protection mais à établir un instrument de coopération internationale et de solidarité pour rendre possible le partage réel et équitable de la charge.

La protection est au coeur de notre préoccupation concernant la réduction des cas d'apatridie. Traditionnellement, le HCR s'est concentré sur les conseils juridiques donnés aux Etats. De fait, nous avons pu résoudre des situations d'apatridie moyennant une assistance pratique en Ukraine, en ex-République fédérale yougoslave de Macédoine et à Sri Lanka en aidant des centaines de milliers d'apatrides à acquérir la nationalité et nous participons aujourd'hui à un programme de coopération important avec la Fédération de Russie. Mais ces histoires à succès ont été trop rares. Nous voulons changer cet état de fait.

Nous le ferons moyennant l'appui opérationnel et la collaboration interinstitutions. Cela impliquera des mesures concrètes pour réduire et prévenir l'apatridie telles que des campagnes d'enregistrement des naissances avec l'UNICEF, des recensements avec le FNUAP ; une assistance électorale avec le Département des Nations Unies chargé des affaires politiques et le PNUD et des campagnes de sensibilisation du public avec le mouvement des ONG. Notre objectif est de permettre à ces personnes oubliées de devenir les nationaux d'un Etat ou, à tout le moins, de jouir des droits fondamentaux de l'homme conférés par une identité juridique.

La protection est également au centre de la nouvelle priorité accordée à notre engagement dans les domaines du déplacement intérieur et du lien entre la migration et l'asile. La Division des services de la protection internationale s'oriente de plus en plus vers l'appui au terrain, assumant la responsabilité directe des unités travaillant à la recherche de solutions durables aux situations de réfugiés. La protection sera fournie plus près des populations dont nous avons la charge, ce qui impliquera le déploiement de personnel dans les bureaux régionaux. Nous mettons en place un nouveau cadre d'obligation redditionnelle pour l'intégration des critères d'âge, de genre et de diversité. Cette action engage les cadres à tous les niveaux et j'en fais l'un de mes chevaux de bataille lors de mes missions.

Le HCR dispose aujourd'hui d'un Haut Commissaire assistant pour la protection, Erika Feller. Avec la DIPS, elle conduit un débat dans l'ensemble de l'Organisation sur les défis pressants en matière de protection, ainsi que sur les questions telles que les flux mixtes, la protection des données, la facilitation et la promotion du rapatriement librement consenti, la violence sexuelle et sexiste, l'apatridie, les stratégies de retrait, l'exclusion dans une époque en proie au terrorisme, les alliances pour la protection, la réinstallation et le déplacement interne. Un groupe de référence sur la protection réunissant les représentants du terrain, contribuera à conduire le débat. Je me félicite de la participation des membres du Comité exécutif à nos efforts visant à examiner et redéfinir notre approche face à ces questions critiques. Ce pourrait être là une bonne raison de relancer l'idée du Forum.

Deuxième engagement. Faire du HCR un partenaire prévisible et pleinement engagé dans la nouvelle approche face aux situations de déplacement intérieur.

Nous participons désormais à la réponse collective du système des Nations Unies et de la communauté humanitaire au sens large et, dans ce contexte, avons assumé la responsabilité du module relatif à la protection, aux abris d'urgence, à la coordination et à la gestion des camps. Les leçons tirées de la mise en oeuvre dans les quatre pays pilotes - Ouganda, République démocratique du Congo, Libéria et Somalie - nous serviront d'exemples. L'approche modulaire a ouvert de nouvelles perspectives de solutions durables - en Ouganda, par exemple, elle a été précieuse pour le retour au foyer de plus de 300 000 personnes jusqu'à ce jour, transformant une situation humanitaire dramatique en une éventuelle histoire à grand succès.

Pour que cette nouvelle démarche soit efficace, nous avons fermement fait valoir trois préoccupations principales : qu'elles soient flexibles et adaptées à la réalité du terrain et si nécessaire que la théorie s'aligne sur la réalité et non pas l'inverse ; son cadre doit être léger et non bureaucratique, c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas constitué d'unité spécifique à cette fin au Siège ; et que nous partions du principe que tous les acteurs humanitaires, y compris les sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que les mouvements des ONG doivent participer de façon effective au processus en tant que partenaires stratégiques à part entière qui pensent ensemble, prévoient ensemble et agissent ensemble.

Un partenariat basé sur un dialogue entre égaux pour une responsabilité authentiquement partagée. Bien sûr cela est également vrai de nos partenariats dans d'autres domaines. Nous nous employons à devenir un partenariat fiable pour les ONG, les institutions soeurs moyennant des données plus fiables, une allocation plus judicieuse des ressources limitées et la couverture des besoins prioritaires, une amélioration de l'évaluation participative des besoins et de la planification.

Plusieurs opérations du HCR sur le terrain n'ont pas été choisies pour l'application de cette responsabilité modulaire. A cet égard, nous n'attendrons pas de notification officielle mais nous efforcerons de répondre aux besoins des gens selon nos possibilités. C'est pourquoi nous réévaluons à l'heure actuelle nos capacités en Colombie, à Sri Lanka, au nord et au sud du Caucase où nous sommes présents depuis longtemps et c'est pourquoi nous avons encouragé la requête déposée par l'Equipe des Nations Unies en Côte d'Ivoire d'un module de protection.

Par ailleurs, face à une situation comme le Darfour, l'action d'organisations comme la nôtre, se heurte à de sérieuses contraintes. Cela peut sembler intolérable mais notre désespoir n'est rien à côté de celui des victimes et des millions de déplacés. En l'absence d'un cadre clair pour l'exercice de la responsabilité de protection, la communauté internationale reste fondamentalement impuissante. L'insécurité, qui a grandi au Darfour, a désormais gagné le Tchad et menace la République centrafricaine.

Troisième engagement. Répondre de façon efficace aux préoccupations de protection dans les flux mixtes de population, ce que l'on appelle le lien entre l'asile et la migration.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de m'adresser à vous en tant que simple citoyen du monde. Les mouvements de population constitueront l'une des questions brûlantes du 21e siècle. La mondialisation est aujourd'hui une réalité. Mais c'est un phénomène asymétrique qui peut exacerber les disparités et les inégalités existantes. L'argent circule sans entrave ; les biens et les services moins librement et les personnes encore moins bien. Mais les échanges internationaux fonctionnent et le marché du travail mondial est désormais une force avec laquelle il faut compter. Ici aussi, l'offre s'ajustera à la demande, légalement si elle le peut, illégalement si elle le doit.

C'est pourquoi juguler la migration clandestine ne consiste pas simplement à contrôler les frontières mais exige une réponse globale, y compris des possibilités réelles de migration autorisée, des stratégies de coopération au développement ciblant les situations les plus vulnérables afin que les populations ne soient pas obligées de fuir par désespoir, et une coopération internationale pour gérer les flux migratoires, ainsi que la poursuite convaincante des trafiquants et autres passeurs.

Il est bien évident que ces questions dépassent largement le champ des responsabilités directes du HCR. Nous connaissons la différence entre un migrant et un réfugié et nous ne voulons pas devenir une institution chargée de la gestion des migrations. Mais nous sommes les témoins d'une recrudescence de mouvements à caractère mixte où les migrants sont les plus nombreux mais où l'on voit également apparaître des personnes ayant besoin d'une protection internationale : des réfugiés, des femmes victimes de la traite, des mineurs non accompagnés.... Notre rôle est de contribuer à créer un environnement permettant d'identifier ces personnes et de leur apporter une protection. Elles doivent obtenir un accès physique aux procédures d'asile et bénéficier d'un traitement équitable de leur demande. Les mesures visant à juguler les migrations clandestines ne sauraient en aucun cas remettre ces droits en question.

Il convient de se doter d'une capacité de protection partout, depuis les lieux d'origine jusqu'aux pays de destination finale en passant par les pays de transit. Le HCR s'engage quant à lui à accroître sa capacité dans différentes régions du monde. Notre plan d'action en dix points, appliqué à titre expérimental dans les situations auxquelles se trouvent confrontées l'Afrique du Nord et l'Europe du Sud, établit des mesures qui peuvent être intégrées dans les procédures de migration pour tenir compte de l'asile - sans aggraver la question des migrations irrégulières ou s'apparenter à un facteur d'attraction. J'estime que le HCR peut fournir cet appui pratique aux Etats, en les aidant à identifier les personnes ayant besoin d'une protection, en fournissant une information sur le pays d'origine, en édifiant des capacités nationales et en usant de nos bons offices, y compris moyennant la réinstallation.

Le HCR a participé activement au dialogue de haut niveau sur la migration qui a eu lieu à New York il y a deux semaines. Nous sommes également très présents au sein du Groupe de Genève pour la migration dont j'ai eu l'honneur de présider la dernière réunion et nous tenons prêts à appuyer toute initiative des Etats membres en la matière.

Quatrième engagement. Mettre davantage l'accent sur les solutions et, tout particulièrement, la viabilité des retours, ainsi que la valorisation de la réinstallation, deux des principales préoccupations de Convention Plus qui ont inspiré l'action du Haut Commissariat.

Le service de réinstallation a été créé et notre capacité a été améliorée, tant au niveau du nombre que de la qualité des cas présentés. La réinstallation n'est pas simplement pour le HCR un instrument de protection mais également une solution durable stratégique. Nous sommes convaincus de la nécessité absolue de travailler avec les pays de réinstallation pour lever les obstacles et accroître leurs quotas annuels. Je souhaite souligner ici notre coopération avec les Etats-Unis, de loin le pays de réinstallation le plus important, afin de surmonter l'obstacle des réglementations en matière d'appui matériel aux admissions de réfugiés, dont les premiers résultats sont apparus concernant les réfugiés Karen en Thaïlande. L'Australie et le Canada sont restés deux partenaires primordiaux dans le domaine de la réinstallation qui prend graduellement de l'importance en Europe et suite à l'adoption du Plan d'action de Mexico, en Amérique latine.

Le retour volontaire reste pour nous la solution durable la plus souhaitable. Mais sa viabilité dans de nombreuses situations du monde constitue une préoccupation dramatique.

Lors d'une mission en mars dans la région des Grands Lacs, j'ai pu voir plusieurs centaines de rapatriés congolais débarqués d'un bateau les ramenant chez eux depuis la Tanzanie. Ils étaient plein d'espoir et ont été accueillis par une foule d'amis et de proches en liesse. Alors que 120 000 réfugiés congolais se trouvent toujours en Tanzanie, 23 000 sont rentrés en RDC moyennant notre assistance au cours de cette année. Mais cet enthousiasme peut être éphémère lorsque des années de conflit et d'oubli ont complètement détruit l'infrastructure et les institutions et lorsque l'insécurité et les violations des droits de l'homme sont difficiles à éradiquer.

Le sud du Soudan, dont la surface est comparable à celle de l'Europe occidentale, a subi des pertes considérables au niveau de son réseau routier, des infrastructures scolaires et hospitalières et de ses ressources humaines. Depuis l'accord de paix de 2005, le HCR a ouvert des bureaux et a encouragé activement les projets centrés sur la collectivité dans les régions d'origine. Mais les besoins sont immenses et les réfugiés sont réticents à rentrer sans savoir s'il leur sera possible de trouver un emploi lucratif ou d'avoir accès aux soins médicaux. Malgré la résilience de ces personnes, il est naïf d'escompter que des casseroles, des poêles et de l'espoir suffiront à reconstruire une vie.

Au Burundi, l'organisation couronnée de succès d'élections nationales il y a une année a suscité l'espoir de voir les 190 000 réfugiés en Tanzanie rentrer prochainement chez eux. Mais les retours vers une économie agricole varieront selon la saison et peuvent être affectés par la sécheresse et l'absence d'alternatives viables. Une récolte désastreuse peut effectivement condamner une famille à l'exil.

Malgré de nombreuses difficultés bien connues, les retours vers l'Afghanistan - bien qu'inférieurs à ceux des années précédentes - ont été les plus importants dans le monde et, ce pour, la cinquième année consécutive. Mais nous sommes toujours vivement préoccupés par le sort de ces gens qui rentrent plein d'espoir et d'enthousiasme dans l'environnement complexe actuel.

Au Libéria, une transition politique s'est opérée avec succès, et a permis l'arrivée au pouvoir de dirigeants politiques forts. N'oublions pas toutefois que le budget national de l'année dernière n'était que de 80 millions de dollars par rapport aux 800 millions pour la mission de maintien de la paix des Nations Unies et que le salaire d'un enseignant n'est que de 20 dollars par mois. Lorsque je me suis rendu à Monrovia il y a quelques mois, il n'y avait toujours pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de système d'évacuation des eaux usées et pas de ramassage d'ordures. La situation s'améliore mais la communauté internationale doit comprendre l'importance de progrès rapides pour gagner la confiance de la population dans une situation post-conflit.

Dans toute opération, la promotion du retour ne vient qu'après la réunion de conditions minimales propices et lorsque nous sommes capables de vérifier que la population pourra vivre en sécurité dès son retour. Toutefois, lorsque nous présentons cette option, nous négligeons régulièrement la présence de l'éléphant dans le magasin de porcelaine : les rapatriés ne peuvent vivre seulement d'espoir.

La gestion des problèmes de transition à l'issue de guerres ou de conflits, et avant que le développement soutenu n'ait pris son essor, n'est pas un domaine où la communauté international excelle. Le HCR est membre du GNUD et entretient des liens de coopération prometteurs avec le PNUD. Nous travaillerons activement au niveau mondial avec la Commission pour l'établissement de la paix, en détachant un fonctionnaire à son unité d'appui et participerons à ses programmes pilotes au Burundi et en Sierra Leone. La réponse aux problèmes de la transition après des années de conflit et avant de mettre en place les bases d'un développement durable, n'est pas un domaine où la communauté internationale excelle.

Je souhaite également lancer un appel pour un effort concerté en utilisant au mieux l'ensemble des solutions durables afin de résoudre enfin les situations de réfugiés prolongées comme celles des Bhoutanais au Népal ou des Rohingyas au Bangladesh.

Cinquième engagement. Rétablir une capacité de réponse d'urgence, rapide, preste et flexible.

Au cours de l'année passée, nos équipes d'urgence ont été actives au Liban, au Timor Leste et dans les vallées du nord du Pakistan. Nous avons envoyé au Pakistan 3 500 tonnes d'articles d'urgence au cours des premières semaines pour aider des dizaines de milliers de survivants du dernier tremblement de terre d'octobre. Nous sommes reconnaissants de l'offre d'un pont aérien sans lequel cet effort massif n'aurait pas été possible.

Les évènements au Liban ont également montré l'importance d'une capacité logistique solide et, en conséquence, nous avons décidé qu'un service revu et corrigé d'approvisionnement et de gestion sera désormais intégré dans la DOS et travaillera en collaboration avec notre unité d'urgence. Le nouveau service d'élaboration de la politique générale et d'évaluation a achevé une évaluation en temps réel de la réponse du HCR à la crise au Liban et en Syrie. J'ai reçu une information de la part de l'équipe d'évaluation jeudi dernier, peu après leur retour de la région, et les cadres supérieurs utiliseront désormais leurs conclusions et leurs recommandations pour apporter les changements et les améliorations voulus.

Au Timor Leste, après l'éruption de violence de l'été dernier, 22 administrateurs internationaux ont été immédiatement mobilisés pour prendre part à la réponse humanitaire.

Les capacités en matière de réponse d'urgence du HCR sont consolidées. Le déploiement rapide et efficace d'experts et de matériel d'urgence presque partout dans le monde a constitué l'estampille du Haut Commissariat. Notre objectif est d'être en mesure d'ici à 2007 de répondre à un exode de 500 000 personnes.

Sous la houlette de notre nouveau Haut Commissaire assistant pour les opérations, Judy Cheng-Hopkins, en étroite coopération avec la Division des services opérationnels, nous avons augmenté le nombre de fonctionnaires prêts en tout temps à un déploiement urgent. Les réductions budgétaires entravent notre capacité à établir le niveau souhaité de stocks d'urgence. Selon les articles considérés, les niveaux actuels couvrent les besoins d'une population se situant entre 300 000 et 500 000 personnes mais nous avons été contraints de différer les commandes de quantités plus importantes de tentes légères, article clé pour assumer la responsabilité dans le cadre de l'approche modulaire, qui pour le moment ne suffisent qu'à 100 000 personnes.

Sixième engagement. Réforme : le processus de changement de structure et de gestion. Afin de rendre l'organisation plus flexible, efficace et orientée vers les résultats sur la base d'un examen approfondi et d'une réforme de ses procédures et de sa structure.

La réforme est la clé de la viabilité à long terme du HCR. Il est vrai que le rapport entre l'appui au terrain/dépenses de l'administration et les dépenses liées aux opérations est resté stable. Mais au cours des quinze dernières années, le pourcentage des dépenses liées au personnel par rapport aux coûts des opérations n'a cessé de croître. Naturellement, une large part des dépenses de personnel inclut les activités de protection et fait partie intégrante des opérations. Mais cette tendance signifie que les coûts fixes représentent une part encore plus grande de nos dépenses et que nous avons donc été de moins en moins flexibles face à la cessation ou au ralentissement de nos opérations ou lorsque nous avons été contraints de procéder à des ajustements budgétaires. Et cela signifie également que les problèmes financiers affectent de plus en plus sérieusement nos activités essentielles.

En 2006, nous avons atteint un cap dangereux. Pour la première fois, le HCR pourrait engager davantage de ressources au titre du personnel et des documents d'engagement et de budget administratif (ABOD) qu'au titre du poste budgétaire relatif aux opérations. Il est vrai qu'il s'agit là d'une distinction artificielle et dans la mesure où je le répète, une large part de nos dépenses de personnel concerne en fait les opérations. Mais il est également vrai que la tendance à faire de plus en plus par nous-mêmes plutôt que de confier nos activités à des partenaires, nous rend de moins en moins flexibles et de moins en moins capables de nous adapter. Cette situation n'est évidemment pas tenable et ces besoins doivent être examinés, car il serait moralement inacceptable qu'une structure devienne une fin en soi.

Le processus de changement, conduit par le Directeur du changement de structure et de gestion, Raymond Hall, a systématiquement passé en revue nos processus, nos structures et notre dotation en personnel pour veiller à ce qu'il soit totalement adapté aux défis qu'il nous appartient de relever dans un environnement humanitaire évolutif. Notre impératif catégorique à l'égard de nos bénéficiaires, qu'il s'agisse de réfugiés ou du nombre croissant de déplacés internes, consiste à accorder une priorité absolue à la satisfaction de leurs besoins. Notre étude au Siège examine donc les types d'appui au terrain qui peuvent être amenés plus près du point d'exécution afin de maximiser l'impact. Il examine également la rentabilité de nos services administratifs, l'exercice de nos fonctions administratives et leur localisation, à Genève ou ailleurs. Entre-temps, l'étude sur le terrain examine la façon dont nous déployons le personnel national et international dans les capitales, les sous-délégations et les antennes sur le terrain, ainsi que l'équilibre de nos effectifs dans le cadre de nos opérations sans oublier les activités que nous conduisons nous-mêmes et celles qui sont confiées à nos partenaires.

Il va sans dire que ces périodes de mutation engendrent toujours une angoisse et une incertitude. Je le comprends. Le Haut Commissariat s'est employé sans compter à préparer des propositions de réformes. Le Directeur a rencontré chaque semaine les représentants du Conseil du personnel et a veillé à ce que le personnel soit tenu pleinement informé des questions abordées. Ce mois, il entame des consultations élargies avec le personnel sur des propositions concernant plusieurs domaines. Nous avons clairement l'intention de soumettre l'ensemble des propositions à des consultations effectives avec le personnel afin de fonder nos décisions sur une base professionnelle claire après une étude de faisabilité approfondie. La réforme ne s'inspirera pas d'une idéologie mais s'ancrera dans la réalité.

Nous devons être sensibles aux préoccupations et aux intérêts légitimes du personnel au-delà du strict respect de leurs droits. La réforme présentera également un certain nombre de changements visant à améliorer les conditions de travail. Une enquête générale annuelle sur le personnel sera prochainement adoptée, assortie d'un cadre d'évaluation de la gestion. Nous travaillons en même temps à l'élaboration de nouvelles propositions visant à régler de façon systématique les problèmes de bien-être du personnel dans les lieux d'affectation difficiles. Nous avons pris toutes les décisions requises pour garantir la stricte conformité des opérations du HCR avec les normes minimales de sécurité opérationnelles, indépendamment des coûts. Je voudrais ici rendre hommage au courage et à l'esprit de sacrifice de nos agents qui ont perdu la vie au service de la cause au cours des 12 derniers mois.

Tout cela est très important pour nous mais nous ne pouvons oublier notre impératif moral à l'égard des personnes dont nous avons la charge. Bien que nous ne puissions pas toujours apporter l'appui nécessaire aux réfugiés qui souhaitent rentrer chez eux, lorsque seule une fraction des réfugiés a accès aux tout derniers protocoles contre la malaria ou à la thérapie antirétrovirale, et lorsque nous ne sommes pas en mesure de prévenir ou de régler les cas recensés de violence sexuelle et sexiste, nous ne pouvons accepter que les ressources qui doivent être engagées pour le bien des personnes dont nous avons la charge soient dépensées inutilement pour l'organisation.

La réforme se concentre également sur l'efficacité de nos processus. Notre capacité de réponse dépendra nécessairement de notre aptitude à déployer un personnel de façon rapide et efficace. Avec cela à l'esprit, nos processus d'affectation sont simplifiés et rendus plus flexibles. Un nouveau modèle d'allocations de ressources est mis au point qui, nous l'espérons, mettra un terme à la pratique qui veut que le processus décisionnel soit confié à un Comité, ce qui se traduit par une dilution des responsabilités. Il établira un équilibre entre une plus grande délégation de pouvoirs aux responsables d'opérations et un contrôle, une obligation redditionnelle et une transparence plus efficaces. Dans ce sens, et après les mesures déjà prises en 2005, l'indépendance du Bureau de l'Inspecteur général a été renforcée grâce à la conclusion d'un Mémorandum d'accord sur les inspections et les enquêtes avec le Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies.

La prochaine étape de la gestion axée sur les résultats sera la mise au point, l'expérimentation et l'application d'un logiciel spécifique, sur lequel s'appuiera l'ensemble de notre cadre de gestion axée sur les résultats pour les opérations. Le nouveau logiciel sera compatible avec le projet de renouvellement des systèmes de gestion dont les modules relatifs aux finances et à l'approvisionnement sont actuellement appliqués en Asie et dans les Amériques. Ce mois, nous commençons à mettre en oeuvre le MSRP en Afrique et nous lançons la toute dernière version au Siège, en Europe et au CASWANAME. Ces deux systèmes sont des instruments clés pour le processus de réforme car ils fourniront une meilleure information financière, budgétaire, logistique et de ressources humaines au processus de changement.

Le processus de changement devrait également bénéficier de la réforme conduite dans l'ensemble des Nations Unies et comme par le passé, nous intégrerons tous les changements décidés à New York dans nos propres procédures et réglementations. Telles qu'elles existent aujourd'hui, les réglementations des Nations Unies ne sont pas toujours bien adaptées aux besoins d'une institution hautement opérationnelle comme le HCR, ce qui pose parfois des contraintes sur nos propres efforts pour améliorer notre flexibilité et notre capacité de réponse. Mais il serait malhonnête d'invoquer cela comme une excuse pour masquer le fait que le HCR est lui-même à l'origine de nombreux obstacles bureaucratiques dont il faut s'affranchir.

Mesdames et Messieurs,

Une année, six engagements clairs, six cours d'action que nous entendons poursuivre. Mais aucun de ceux que je viens de décrire ne sera possible sans un appui politique et financier.

A la fin de 2005, le HCR a été confronté, comme vous le savez tous, à une situation financière dramatique. Pour la première fois en plus de 15 ans, nous avons débuté l'année avec un report négatif - pour très modeste qu'il soit - ; cela vient nous rappeler la nécessité de faire preuve d'un plus grand réalisme dans l'établissement de notre budget et c'est sur cette base que des mesures ont été adoptées pour aborder cette année 2006 avec le plus de stabilité financière et de prévisibilité possibles.

Nous avons décidé à la fin de 2005 de demander aux gestionnaires de planifier leurs activités en se fixant un plafond de 80 pour cent des montants approuvés pour 2006 par le Comité exécutif. Des instructions ont été données en temps utile pour éviter des coupures budgétaires dommageables. Les bureaux ont fait de leur mieux pour préserver les activités bénéficiant de façon immédiate et tangible aux réfugiés alors que les achats et les programmes ayant un impact stratégique ou à plus long terme ont été différés ou réduits.

Nous avons institué une politique de croissance zéro pour le personnel au Siège. Toute création de poste devait être compensée par la réduction d'un poste existant. Un programme d'austérité a permis de réduire de façon draconienne les voyages et l'assistance temporaire au Siège et a ciblé les mesures sur le terrain, ce qui a permis de dégager un montant supplémentaire de 20 millions de dollars E.-U.

Des efforts concertés ont été déployés pour solliciter des sources de revenus non traditionnelles, y compris le secteur privé, où nous avons revitalisé le Conseil des chefs d'entreprise, dirigé par le Haut Commissaire adjoint. Les contributions du secteur privé au HCR cette année n'ont pas bénéficié de l'effet exceptionnel du Tsunami en 2004 et, reconnaissant que la collecte de ces fonds nécessite un investissement et des compétences, nous avons prévu des ressources additionnelles pour de nouvelles initiatives l'année prochaine. Des objectifs plus élevés seront examinés de près par notre nouveau Directeur des relations extérieures, Nick van Praag, qui nous a rejoint le mois dernier en provenance de la Banque mondiale.

Grâce à ces mesures, nous pouvons garantir aujourd'hui que si la communauté donatrice maintient son niveau d'appui de l'année dernière, le HCR sera en mesure de mener à bien ses activités en 2006 sans devoir opérer de nouvelles coupures pour ne pas sombrer dans le rouge. Je suis pleinement conscient que nos donateurs qui n'ont pas encore atteint ce niveau ne nous décevront pas mais nous avons encore du chemin à accomplir avant la fin de cette année.

Le budget de 2007 consacre un changement de politique sur la base de notre expérience récente. Le budget est de 100 millions - soit 9 pour cent - inférieur à celui qui a été approuvé par le Comité exécutif en 2006 et traduit deux changements politiques majeurs. Tout d'abord, il se fonde sur les hypothèses transparentes et réalistes concernant le niveau de financement possible, avec une marge de manoeuvre supplémentaire sous la forme d'une augmentation de la catégorie I de la Réserve des opérations à 10 pour cent des activités programmées (le maximum autorisé).

Deuxièmement, les postes de dépenses, classés comme « opérations », représenteront à nouveau un pourcentage plus élevé de nos dépenses globales que le personnel et les ABOD, renversant la tendance que j'ai citée plus tôt, considérant l'ensemble du budget annuel et des budgets supplémentaires prévus. Les dépenses de gestion, d'administration et d'appui au programme sont inférieures de 17,6 millions aux dépenses prévues en 2006, ce qui traduit un effort sérieux pour garantir une plus grande flexibilité financière et mettre davantage de fonds à la disposition de nos bénéficiaires et de nos partenaires.

Pour que ce budget devienne une réalité, j'espère et j'escompte que nos principaux donateurs maintiendront leur niveau d'appui élevé au Haut Commissariat et aux activités que nous menons à bien. Alors que nous allons poursuivre notre processus de changement et consacrer une plus grande part de nos ressources à la protection, à l'assistance et à la recherche de solutions, je vous demande de nous accorder votre soutien en maintenant ou mieux, en accroissant, à la lumière de notre rôle élargi, votre engagement financier à l'égard du HCR.

Je suis heureux que plusieurs autres donateurs aient augmenté leurs contributions importantes cette année et lance un appel à d'autres Etats pour qu'ils fassent de même s'ils le peuvent.

Le HCR a également reçu un appui en 2006 du Fonds central d'urgence renouvelable qui, au cours de sa première année de fonctionnement, a orienté ses ressources vers plusieurs de nos programmes sous financés, ainsi que des fonds centralisés pour les budgets supplémentaires de la RDC et du Soudan.

Mesdames et Messieurs,

Le budget dont vous êtes saisi est un budget transitoire et s'inspire des principes de la réforme, même si la plupart de ces mesures n'auront une incidence que plus tard. Tant le processus de réforme que les changements de politique budgétaire sont à mettre au crédit de la vision et de la détermination du Haut Commissaire adjoint. Wendy Chamberlin a dû assumer la direction du HCR dans des circonstances extrêmement difficiles et gérer une transition sans heurt. L'année dernière, je lui ai demandé d'accepter généreusement une prolongation de contrat d'une année pour garantir la stabilité et la continuité du Haut Commissariat et, en même temps, préserver l'élan de changement. Nous sommes désormais en marche, essentiellement grâce à ses propres propositions et initiatives, vers un nouveau modèle de gestion où le Haut Commissaire adjoint aura des fonctions beaucoup plus centrées sur la gestion financière du Haut Commissariat. En raison de ce changement de profil, je respecte entièrement la décision de Wendy et ai accepté son souhait de confier ce nouveau rôle à un successeur. Je tiens à lui exprimer, au nom de nous tous, ma profonde reconnaissance et mon immense admiration pour ses immenses qualités et j'aimerais lui rendre hommage aujourd'hui pour sa contribution remarquable au Haut Commissariat ainsi qu'en faveur des réfugiés.

Mesdames et Messieurs,

Les réfugiés sont la raison d'être du HCR. Nous sommes ici pour servir leur cause avec humanisme et efficacité. Fidèles à notre mandat mais membres d'une équipe ; fiers de notre histoire et de notre identité mais humbles devant les défis qu'il nous faut relever. Un partenaire capable de faire face aux problématiques nouvelles et de plus en plus complexes liées à la mondialisation ; mais toujours animé du même acharnement à atteindre davantage de personnes ayant besoin d'une protection. La protection est au coeur de notre mandat et doit rester l'âme de notre Organisation.

Merci.