Déclaration liminaire de Mme. Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la 51ème session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire (Genève)
Déclaration liminaire de Mme. Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la 51ème session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire (Genève)
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Excellences,
Distingués Délégués,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue à cette 51e session du Comité exécutif. J'ai le plaisir et l'honneur d'accueillir un invité très spécial, Kofi Annan, - le premier Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies à s'adresser à ce Comité. Nous tous au HCR considérons sa venue comme le retour au foyer d'un de nos plus illustres anciens collègues. Ses sages conseils et son amitié ont été pour moi une immense source d'encouragement au fil des ans. Je vous propose de lui réserver nos applaudissements les plus chaleureux.
Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue aux délégations du Chili, de la Côte d'Ivoire et de la République de Corée en leur qualité de nouveaux membres du Comité et de féliciter le Bureau nouvellement élu ainsi que son Président, S.E. l'Ambassadeur Khorram de la République islamique d'Iran. Il apporte sa riche expérience d'instances multilatérales qui aidera le Comité à traverser l'année de transition qui s'annonce. J'aimerais remercier tout particulièrement le Président sortant, S.E. l'Ambassadeur Pérez-Hernández y Torra d'Espagne : son engagement, son esprit novateur et sa bonne humeur resteront longtemps dans nos mémoires.
Deux fois au cours du mois écoulé nous nous sommes réunis dans cette même salle pour exprimer notre chagrin et notre colère devant les assassinats sauvages de nos collègues Samson Aregahegn, Carlos Caceres et Pero Simundza au Timor occidental et Mensah Kpognon en Guinée. Fort heureusement, Laurence Djeya, enlevée au cours de l'attaque en Guinée, est aujourd'hui de retour chez elle, saine et sauve, en Côte d'Ivoire. Ces crimes ont anéanti quatre familles, notre Office et l'ensemble de la communauté humanitaire. J'ai décidé qu'à l'occasion du 50e anniversaire du Haut Commissariat, au Siège, nous allions inaugurer un mémorial en l'honneur de nos collègues et de tous les fonctionnaires du HCR qui ont perdu la vie pour la cause des réfugiés.
Coup d'oeil sur le passé
Mesdames et Messieurs,
Du fait de mon départ à la fin de l'année, j'espère que vous me permettrez de vous parler un petit peu plus longtemps et de commencer par une brève réflexion sur les dix années qui viennent de s'écouler.
Lorsque j'ai pris mes fonctions de Haut Commissaire en 1991, la guerre froide venait de s'achever et l'on parlait d'un nouvel ordre mondial. Les changements positifs ont été extraordinaires. La démocratie s'est répandue en Europe centrale et orientale et dans presque tous les pays de l'Amérique latine. L'Afrique du Sud a mis fin à l'apartheid.
Ce n'est pas la fin de l'Histoire, comme un érudit l'avait prédit. De fait, l'époque est devenue très complexe, notamment dans notre domaine d'activités. En 1991, quelques semaines après ma prise de fonctions, quelque deux millions de Kurdes irakiens ont fui vers l'Iran et la Turquie. Nous nous sommes ensuite rendus au Nord de l'Iraq et avons travaillé pour la première fois en étroite collaboration avec les forces militaires internationales. Au cours des années qui ont suivi, notamment en ex-Yougoslavie et en Afrique centrale, nous avons été constamment contraints de repenser nos stratégies de protection, d'assistance et de recherche de solutions.
Les fondements de la protection sont toujours juridiques, mais la fourniture de la protection est devenue de plus en plus une activité opérationnelle, pratique et concrète. Le HCR est monté au front, souvent dans les situations de conflit. Nous sommes devenus beaucoup plus actifs dans les pays d'origine, particulièrement pour aider les rapatriés à se réintégrer. L'époque a également exigé des approches novatrices en matière d'asile. Nous avons foulé des sols vierges et, ensemble, sauvé beaucoup de vies en favorisant la protection temporaire pour les réfugiés de Bosnie-Herzégovine.
En même temps, les nouvelles formes de conflit ont rendu les mouvements de populations forcés plus fluides et plus complexes que jamais. Nous nous sommes trouvés confrontés à des ambiguïtés et des dilemmes terribles, souvent seuls. En Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, la communauté internationale s'est engagée trop tard et seulement après que les souffrances humaines aient atteint des proportions dramatiques. Depuis 1994, dans la région des Grands Lacs, il n'y a pas eu d'engagement international significatif, à l'exception des opérations humanitaires.
Certains des conflits restés sans solution à l'issue de démarches politiques et diplomatiques ont déclenché une réaction militaire de la part de la communauté internationale. Ce fut là le début d'une nouvelle ère que l'on a qualifiée d'« ère des guerres humanitaires » - un terme que je trouve très préoccupant - et de l'invasion de l'espace humanitaire.
Bilan
Une nouvelle décennie - une nouvelle ère - commence désormais pour le HCR. En acceptant mon dernier mandat, j'ai dit que je ne voulais pas laisser derrière moi un héritage mais un avenir. Aujourd'hui j'aimerais préciser un peu l'image que je me fais de cet avenir mais, avant de le faire, permettez-moi de faire le bilan de la période qui s'achève.
Nous avons enregistré des succès. Le plus important est que des millions de réfugiés, au cours des dix dernières années, sont rentrés chez eux. En commençant par le retour des exilés du Congrès national africain vers l'Afrique du Sud de l'après-apartheid ; le dossier le plus important qui a suivi concerne le Mexique où une guerre de vingt ans avait déraciné plus d'un tiers de la population. Nous avons travaillé dur et, en 1995, la totalité des réfugiés, soit 1,7 million de personnes, étaient de retour chez eux ; mais il y a mieux : ils y sont restés.
Nous avons également enregistré des succès en Asie et en Amérique latine. Au Cambodge, nous avons aidé près de 400 000 réfugiés à rentrer chez eux. L'achèvement du rapatriement depuis la Thaïlande vers la République démocratique populaire lao et la fermeture du centre de Pillar Point à Hong Kong au début de cette année ont mis un terme à l'histoire longue de 25 ans des réfugiés indochinois. Je me suis rendue au Mexique l'année dernière pour assister à la clôture officielle de l'opération de rapatriement du HCR qui a mis un terme à des décennies de crises de réfugiés en Amérique centrale.
La recherche de solutions aux problèmes de réfugiés prend du temps. C'est une leçon que j'ai apprise au fil des ans. Mais le Plan d'action global pour les réfugiés vietnamiens, tout comme le processus de la CIREFCA en Amérique centrale, a démontré que les problèmes complexes de réfugiés peuvent être résolus lorsque les gouvernements le veulent et lorsque les ressources sont disponibles - et souvent ils ne sont pas résolus par le simple rapatriement librement consenti mais aussi par une combinaison de solutions qui peuvent inclure l'intégration sur place et l'octroi de la citoyenneté ou la réinstallation dans les pays tiers.
Permettez-moi également de parler des situations de réfugiés sans solution. Il y en a beaucoup et je n'en aborderai que quelques-unes. Je souhaiterais commencer par les crises où il existe des signes encourageants de progrès, concrets dans certains cas et plus embryonnaires ailleurs.
Par exemple, les retours des minorités deviennent enfin une réalité tant en Bosnie-Herzégovine qu'en Croatie. Les réfugiés rentrent vers la Croatie depuis la République fédérale de Yougoslavie qui accueille le plus grand nombre de réfugiés d'Europe. Les personnes déplacées en Bosnie-Herzégovine rentrent même dans des villes qui étaient pratiquement synonymes de nettoyage ethnique. Les tensions ont perduré, les conditions de sécurité se sont améliorées et les obstacles au retour sont souvent plus pratiques que politiques. Mais ces tendances positives ne sont pas irréversibles. Il faut davantage d'argent pour construire des logements et créer des emplois qui ancreront les retours.
La situation au Rwanda laisse entrevoir des progrès mais il faut de nouveaux investissements en matière de développement pour consolider les retours et encourager la réconciliation. Les activités de réintégration du HCR se terminent. Les acteurs du développement doivent prendre le relais. Le gouvernement doit avoir la volonté politique de résoudre les problèmes fondamentaux du partage du pouvoir et de la démocratisation.
Le Burundi se trouve également à la croisée des chemins, entre la paix et la reprise du conflit. Ce dernier entraînerait certainement des déplacements massifs. Le Président Mandela a donné un nouvel élan au processus d'Arusha. Le fait que plusieurs parties clés n'aient pas réussi à signer l'accord du 28 août a constitué une déception mais les efforts doivent se poursuivre. Si la paix est au rendez-vous, le HCR est prêt à aider plus d'un demi-million de réfugiés à rentrer depuis la République-Unie de Tanzanie. Entre-temps, il nous faut aider le Gouvernement tanzanien à maintenir ses politiques d'asile généreuses. Les réfugiés ne reçoivent que 60% de la ration alimentaire quotidienne. La tension monte et la diminution de l'assistance pourrait être interprétée à tort comme une anticipation du retour prématuré des réfugiés.
Dans la Corne de l'Afrique, les combats au début de cette année ont déraciné presque 1,5 million de personnes en Erythrée (y compris 90 000 personnes ayant cherché refuge au Soudan où je me suis rendue en juin). Des efforts internationaux résolus ont toutefois abouti à un cessez-le-feu et ont contribué à remédier aux pires conséquences de la dernière sécheresse. Le déploiement d'une mission d'observateurs des Nations Unies est en cours. Les gens rentrent chez eux. Nous avons désormais rapatrié plus d'un quart des réfugiés ayant fui vers le Soudan. Un accord de paix définitif ouvrirait la voie à la recherche de solutions, tant pour les personnes déplacées récemment que pour les réfugiés arrivés dans le cadre d'exodes antérieurs. Ce serait un facteur de stabilisation important dans une région qui laisse entrevoir d'autres signes encourageants, par exemple en Somalie.
Les situations où des progrès évidents ont été enregistrés sont peut-être les plus importantes pour nous du fait que le HCR peut faire la différence. Nous jouons un rôle important en facilitant le retour et en répondant aux besoins humanitaires à mesure que la paix se construit. Ailleurs, malheureusement, les solutions aux problèmes de réfugiés nous échappent encore. Permettez-moi de mentionner quelques situations qui me préoccupent beaucoup.
L'Afrique, où je me suis rendue 31 fois depuis 1991, continue de susciter la plus vive préoccupation du HCR. L'Afrique centrale est peut-être la zone la plus inquiétante avec des conflits permanents et des déplacements massifs au sud du Soudan, en Angola et en République démocratique du Congo.
Au Congo, théâtre d'un affrontement complexe d'intérêts politiques, militaires et économiques, la population souffre. Je tiens à dire haut et fort que des millions de personnes souffrent et que l'on fait bien peu de choses pour améliorer leur condition. Il est paradoxal qu'au moment où les Congolais continuent de chercher refuge à l'extérieur du pays et où 1,8 million de personnes sont déplacées à l'intérieur du territoire, plus de 300 000 personnes venant de pays voisins ont cherché refuge au Congo ! C'est bien l'illustration de la dimension régionale de la crise mais aussi du profond désespoir des personnes en quête de sécurité.
A l'heure où je parle, des réfugiés fuient vers le Congo Brazzaville par centaines - dans l'une des régions les plus inhospitalières et inaccessibles du monde. Pendant combien de temps encore la communauté internationale va-t-elle les ignorer ? L'Accord de Lusaka pourrait être le seul cadre existant pour la paix mais c'est aujourd'hui l'impasse. Ne devrait-on pas exercer davantage de pression sur les belligérants et leurs appuis ? J'ai dit au Président Kabila et au RCD à Goma que le prix à payer pour leurs propres populations est intolérable et je leur ai dit, ainsi qu'au Président Museveni et au Président Kagame : « n'oubliez pas le coût humain de cette guerre à l'heure des négociations ». L'autre région très préoccupante est l'Afrique occidentale. De nombreux revers dans la mise en oeuvre de l'Accord de Lomé empêchent un million de réfugiés sierra-léoniens de rentrer chez eux. Des milliers d'autres sont déplacés à l'intérieur du pays et reçoivent peu d'assistance. Il faut une aide internationale plus décisive pour un déploiement plus important des Forces de maintien de la paix des Nations Unies en Sierra Leone.
Mais il y a encore plus préoccupant. Samedi dernier, nous avons déploré deux nouvelles attaques dans les zones frontalières de la Guinée. Cela montre que nous courons sérieusement le risque d'une escalade de l'instabilité pouvant engendrer un déplacement massif dans la région - et les flux de réfugiés pourraient devenir un des « véhicules » de contagion du conflit. Pendant des années, les populations ayant fui le Libéria et la Sierra Leone ont trouvé un refuge sûr en Côte d'Ivoire et en Guinée. Ces deux pays doivent recevoir davantage d'appui pour aider les réfugiés, tout en empêchant les groupes armés de pénétrer dans les zones accueillant les réfugiés.
Il faudra que l'assistance humanitaire s'accompagne de mesures de sécurité adéquates - le Président Conté de la Guinée a demandé une aide afin de surveiller les frontières avec la Sierra Leone et le Libéria. C'est une requête légitime. Les Forces de maintien de la paix doivent également se concentrer sur les zones frontalières si nous entendons éviter l'extension du conflit et une catastrophe humanitaire.
Pour en venir à d'autres continents, les Afghans constituaient la population de réfugiés la plus importante du monde lorsque je suis devenue Haut Commissaire. Aujourd'hui 2,5 millions de réfugiés afghans sont toujours en exil - même après le rapatriement de plus de 4 millions de personnes depuis 1992, y compris 166 000 personnes depuis l'Iran et le Pakistan au cours de cette année. Je viens juste de rentrer de la région. Bien d'autres réfugiés aimeraient rentrer chez eux mais les obstacles persistent : le conflit incessant ; l'absence de possibilités économiques, les services de base, le respect des droits de l'homme - et je l'ai souligné aux représentants des Talibans - particulièrement des droits des femmes ; la sécheresse et enfin la pénurie de ressources pour les opérations humanitaires. En même temps, la lassitude en matière d'asile complique le retour et la fatigue des donateurs expliquent que le HCR soit incapable de répondre à leurs besoins fondamentaux. L'allocation d'un volume plus important de ressources à cette opération, tant dans les pays d'asile qu'en Afghanistan, constitue une priorité. Mais les ressources à elles seules ne résoudront pas ce problème. Il faut un engagement international déterminé pour trouver une solution politique à la tragédie de l'Afghanistan.
Au Kosovo, l'opération massive de secours internationaux s'achève. Nous n'avons eu à déplorer aucune victime des intempéries ou de la famine au cours de l'hiver dernier. Cela relève de l'exploit. L'accent du HCR doit désormais être mis sur la protection et l'assistance des non Albanais. Les minorités au Kosovo vivent dans un état virtuel de siège dans des enclaves mono-ethniques cernées par les gardes de la KFOR et soutenues par le HCR et d'autres institutions humanitaires. Nous devons dépasser le cycle de la violence et de la vengeance et mettre fin au climat d'impunité. La première étape vers le retour sera de permettre à la population non albanaise résiduelle de rester au Kosovo. Cela constituera une solution pour ceux qui sont partis.
Dans la Fédération de Russie, les conflits qui ont éclaté en Tchétchénie en septembre 1999 ont déraciné 250 000 personnes et laissé dans la misère de nombreuses personnes. Quelque 170 000 personnes déplacées et rapatriées sont aux prises avec un deuxième hiver rigoureux en Tchétchénie, tout comme 170 000 autres personnes déplacées en Ingouchie. Le HCR fournit une assistance transfrontalière limitée en Tchétchénie, dans toute la mesure du possible, mais nous n'avons que peu d'impact car la sécurité et le risque d'enlèvement nous empêchent de travailler à l'intérieur de Tchétchénie et restreignent nos opérations aux républiques voisines.
Le problème des réfugiés bhoutanais au Népal a également été difficile à résoudre. Je me suis rendue au Bhoutan et au Népal en avril. A mon avis, nous devrions être proches d'une solution pour quelque 100 000 réfugiés qui languissent dans les camps du Népal depuis sept ans. Ils attendent avec impatience leur retour au foyer sans condition. Dans ce cas, l'obstacle à une solution n'est pas un conflit mais plutôt différentes interprétations sur la façon de sélectionner les réfugiés en vue du retour. J'ai exhorté les deux gouvernements à surmonter leurs différends. J'ai suggéré une formule et mis à disposition les données du HCR. Le Népal a accepté, le Bhoutan a refusé. Jusqu'à la conclusion d'un accord, les gens continueront d'être privés de leur droit légitime au retour.
La situation au Timor me préoccupe gravement. Le HCR s'est employé toute l'année à essayer de trouver des solutions aux réfugiés du Timor oriental se trouvant au Timor occidental. Mes collègues travaillent dans des conditions harassantes, tirant 170 000 réfugiés des camps et les aidant à rentrer, aux prises avec le harcèlement, l'intimidation et la violence des milices favorables à l'intégration. Après le meurtre de nos trois collègues, nous avons été obligés d'abandonner 125 000 réfugiés. Bon nombre d'entre eux auraient choisi le rapatriement. Tous ont besoin d'une solution. Nous voulons absolument les aider et appuyer le Gouvernement indonésien. Mais cet appui comporte des conditions. Nous ne retournerons que si les autorités désarment et démantèlent les milices, arrêtent et poursuivent les meurtriers de nos collègues.
La liste des situations où une solution n'est pas encore en vue est malheureusement longue - Il nous faut mentionner également les quelque 400 000 réfugiés soudanais éparpillés dans plusieurs nations africaines, le retour toujours attendu des réfugiés du Sahara occidental, les 100 000 réfugiés dans les camps le long de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar, les nombreuses personnes déplacées par les conflits encore « gelés » du Sud du Caucase, les centaines de milliers de personnes déplacées en Colombie et plus d'un demi-million de personnes déplacées à Sri Lanka. Dans la plupart de ces situations, une combinaison de mouvements sécessionnistes ou rebelles et la faiblesse des processus de résolution de conflits - et l'absence d'engagement et de ressources internationales - ont créé une spirale dangereuse qui rend la recherche de solutions très difficile.
Regard vers l'avenir
Mesdames et Messieurs,
Nos objectifs communs seront toujours de sauver des vies, de fournir une protection et de trouver des solutions. Le bilan de ces dix années n'est pas mauvais. Nous avons fait des progrès dans certains domaines. Nous avons soulevé les bonnes questions dans d'autres. Parfois nous avons été accusés de trahir notre mandat. Parfois, on nous a dit que nous changions trop rapidement. Mais le HCR a dû faire face à un environnement dynamique, évoluer et améliorer sa performance afin de relever des défis de plus en plus importants. Nous devons poursuivre sur cette voie.
C'est donc vers l'avenir que je veux me tourner. Je vois cinq domaines importants sur lesquels nous devons réfléchir, planifier et prendre des mesures concrètes - les situations d'urgence, la sécurité, les flux complexes de population, l'établissement de la paix et la coexistence.
Tout d'abord, nous devons continuer à renforcer la capacité de préparation et de réaction aux situations d'urgence du HCR qui est au coeur de notre aptitude à sauver des vies. Les mécanismes d'urgence établis en 1992 ont considérablement amélioré notre aptitude à faire face aux crises de réfugiés. Nous nous sommes dotés de dispositifs stand-by efficaces, particulièrement pour le personnel. Nous avons amélioré le niveau de préparation de nos homologues gouvernementaux et non gouvernementaux par le biais d'une formation et d'un appui à la planification pour imprévus.
Je suis fière de ces réalisations. Mais l'environnement humanitaire a changé depuis 1992. La réponse initiale du HCR au cours de la crise de réfugiés au Kosovo a révélé la nécessité cruciale de passer en revue nos mécanismes d'urgence. Sur la base des recommandations de l'évaluation indépendante sur le Kosovo, nous mettons en oeuvre - dans les limites des ressources disponibles - un plan d'action visant à accroître notre capacité de réaction par le biais d'accords stand-by élargis, de fichiers de personnels formés et prêts à un déploiement rapide et le développement de nécessaires et d'ensembles pour répondre aux besoins immédiats en matière de sécurité, de logistique, de télécommunication et de logement sur le terrain. Le Chef du nouveau Service de réponse d'urgence est directement responsable devant moi et sera également chargé de la liaison avec les Forces de sécurité et les Forces militaires.
Cela m'amène au deuxième domaine où des efforts accrus sont nécessaires - la création d'un environnement sûr pour les zones peuplées de réfugiés et les opérations humanitaires.
Au Congo oriental et plus récemment au Timor occidental, nous avons tiré de douloureuses leçons des conséquences tragiques de la coexistence des réfugiés et des auteurs de violences. Des tendances semblables se font jour en Afrique occidentale.
Depuis 1997, j'ai préconisé une « échelle d'options » entre, d'une part, les Forces de maintien de la paix au sens strict du terme et, d'autre part, l'absence de toute mesure de sécurité. Le concept reste valable mais nous devons en assurer la mise en oeuvre. Notre objectif est de concrétiser les options « moyennes » telles que le déploiement d'observateurs civils internationaux ou de corps de police afin de renforcer les mécanismes locaux d'application de la loi.
La récente publication du rapport Brahimi sur les opérations de maintien de la paix des Nations Unies est un pas en avant dont nous nous félicitons. Nous nous réjouissons de travailler avec le Secrétaire général à la mise en oeuvre de ses recommandations. Je crois que le HCR peut contribuer utilement à ces discussions tout comme nos partenaires humanitaires opérant sur le terrain et exposés aux mêmes risques - le PAM, l'UNICEF, l'OCHA, le Mouvement de la Croix-Rouge, l'OIM et de nombreuses ONG.
Parallèlement, nous devons nous engager résolument sur la voie de l'amélioration des conditions de sécurité du personnel. A l'heure où je parle, le HCR et d'autres personnels humanitaires sont exposés à de grands dangers dans de nombreuses régions du monde. Il est essentiel de peser la nécessité d'être auprès des réfugiés - souvent dans des zones très dangereuses - par rapport à l'exigence de sûreté du personnel. J'ai mandaté des enquêtes distinctes concernant les assassinats d'Atambua et de Macenta sous la responsabilité de l'Inspecteur général. Un examen de nos dispositifs actuels en matière de sécurité, sous la coordination du haut Commissaire assistant, inclut une réévaluation des critères conduisant à suspendre les opérations, à évacuer le personnel et à reprendre nos activités. Le HCR contribuera également à l'examen actuel des dispositifs de sécurité du Secrétaire général à l'échelle des Nations Unies.
Nous devons travailler en étroite collaboration, particulièrement avec la communauté humanitaire. Je suis reconnaissante à Catherine Bertini, Directrice exécutive du PAM, d'être aujourd'hui parmi nous afin de s'adresser au Comité exécutif sur les questions de sécurité. Et alors que nous apprécions les marques de sympathie et d'appui que les gouvernements ont exprimées le mois dernier, nous aimerions voir aujourd'hui cet appui se traduire en mesures concrètes. La sécurité du personnel est onéreuse et ne doit pas entrer en concurrence avec les programmes existants qui sont déjà sous-financés. Nous avons besoin de votre aide et nous en avons besoin urgemment.
Votre appui politique nous est également nécessaire. Le Secrétaire général a invité l'Assemblée générale à élaborer un protocole à la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et des personnels associés qui étendrait son champ d'application à l'ensemble du personnel des Nations Unies engagé dans des opérations humanitaires. Le Statut de Rome du Tribunal pénal international considérerait, à quelques exceptions près, les attaques contre les agents humanitaires comme un crime de guerre. Il faut une action urgente pour consacrer ces principes dans le droit international. Les vies des réfugiés dépendent de nous mais nous ne pourrons les aider que si nous sommes vivants et en sécurité.
Le troisième domaine où nous devons nous montrer créatifs et agir concrètement concerne le développement de nouvelles approches face aux mouvements de populations forcés complexes.
Je considère que cette question comporte deux aspects clés - la garantie de l'asile aux réfugiés et la couverture plus efficace des besoins des personnes déplacées à l'intérieur du territoire. Le HCR participe pleinement aux efforts déployés pour renforcer l'approche interinstitutionnelle des Nations Unies. Le nouveau Coordonnateur spécial du Réseau interinstitutions de haut niveau concernant le déplacement intérieur est détaché du HCR. J'ai parlé récemment de la question du déplacement intérieur. Permettez-moi maintenant de me concentrer sur l'asile.
Nous sommes confrontés au défi extraordinaire de répondre à la mondialisation de la migration et du déplacement forcé. Les demandeurs d'asile fuyant la persécution, les violations des droits de l'homme et la violence ont tendance à se mêler aux personnes en quête de meilleures conditions économiques, à celles qui sont déracinées par des catastrophes environnementales et autres. Ils viennent souvent des mêmes pays, empruntent les mêmes itinéraires, détiennent les mêmes documents d'identité et utilisent les services des mêmes trafiquants et des mêmes réseaux d'introduction clandestine de personnes. En conséquence, l'asile et la migration irrégulière se mêlent dans l'esprit du public. Les populations de nombreux pays sont de plus en plus troublées par ce qu'elles considèrent comme un abus du système et par le coût de l'octroi de l'asile. Les gouvernements ont répondu en restreignant l'accès des demandeurs d'asile à leur territoire, en les détenant dès leur arrivée, en interprétant de façon restrictive leurs obligations en matière de protection et en créant des formes de protection nouvelles et moins généreuses.
Nous ne pouvons ignorer ces préoccupations légitimes. Mais je reste fermement convaincue qu'il est de l'intérêt commun fondamental des gouvernements, du HCR et des réfugiés d'avoir un régime de protection internationale universelle efficace. Je puise une source d'encouragement dans le fait que l'Union européenne, lors du Sommet de Tampere d'octobre dernier, se soit engagée à mettre en oeuvre sans réserve et sans restriction la Convention de 1951.
Comme nous l'avons annoncé en juillet, le HCR lance un processus de consultations spéciales avec les gouvernements. Notre objectif n'est pas de renégocier la Convention de 1951. Nous espérons plutôt promouvoir son application pleine et entière et élaborer de nouvelles approches ainsi que les outils et les normes nécessaires pour assurer sa pertinence et son actualité. Nous prévoyons de commémorer le 50e anniversaire de la Convention en 2001 par différents événements, y compris l'appui à une grande manifestation intergouvernementale.
Le quatrième domaine que je voudrais mentionner a trait à la nécessité de combler le fossé entre l'assistance humanitaire et l'aide au développement dans la transition de la guerre à la paix.
Bon nombre de situations post-conflit contemporaines souffrent d'un sous-financement chronique. Les ressources sont débloquées immédiatement pour les crises humanitaires hautement médiatisées. Lorsque des investissements en matière de développement sont requis pour consolider des retours fragiles, il nous est beaucoup plus difficile d'attirer l'attention du monde. Parfois, les scènes de misère et de mort semblent une condition indispensable à l'intérêt des donateurs.
Le HCR, la Banque mondiale et le PNUD convoqueront une réunion à Washington en novembre. Sous l'égide du Haut Commissaire adjoint, nous reprendrons les consultations lancées à l'Institution Brookings en 1999 afin de faire avancer les propositions concrètes et de renforcer les liens avec des initiatives parallèles. En 1999, les donateurs ont demandé une plus grande coordination de la part des institutions. Nous avons fait des efforts. Je suis toutefois déçue de voir que nous n'ayons pas davantage d'appui et davantage de soutien financier pour la phase de transition.
Le cinquième défi surgit également dans les situations post-conflit. Il s'agit de la promotion de la coexistence dans des communautés divisées.
Lorsque cessent les combats et que commence le rapatriement, les réfugiés reviennent souvent vivre avec les personnes qu'ils ont combattues. De la Bosnie-Herzégovine au Rwanda et du Libéria au Timor oriental, c'est le même modèle qui prévaut. Dans de nombreuses régions, le HCR n'est plus aux prises avec une crise de réfugiés mais plutôt avec une crise de rapatriés. Le Kosovo en est peut-être l'exemple le plus marquant. Au cours de ma dernière visite en mai, j'ai été terrifiée de voir les enfants aller à l'école sous escorte militaire de l'OTAN.
Le HCR a lancé une initiative que nous appelons « Imaginons la coexistence ». Nous entreprenons des projets pilotes en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda. Nous sommes confrontés à deux défis. Le premier est de concevoir les moyens de réunir les populations. Le deuxième consiste à faire prendre conscience aux acteurs humanitaires et du développement du potentiel de coexistence ou de son absence dans les activités au sein de communautés divisées. Nous avons appris dans de nombreuses contrées le pouvoir unificateur ou destructeur d'un puits, d'une école ou d'une cour de récréation. Lors de la planification et de la mise en oeuvre des projets, nous devons nous demander : est-ce qu'ils encouragent ou est-ce qu'ils sapent la coexistence ? C'est, je le crois, l'une des questions humanitaires fondamentales de la prochaine décennie.
Moderniser le HCR et obtenir des ressources adéquates
Afin de relever ces cinq défis, le Haut Commissariat doit faire davantage d'efforts pour s'adapter. Comme pour toute organisation publique internationale, le changement est un processus douloureux et laborieux pour le HCR. Depuis 1996, nous avons fait des progrès. Mais il est clair que le HCR doit devenir une organisation beaucoup plus moderne s'il souhaite conserver son efficacité et sa pertinence.
Le Haut Commissariat doit être géré, formé et équipé pour un environnement en évolution plus rapide, technologiquement avancé et mondialisé. Au Kosovo, nous avons vu des centaines de milliers de personnes fuir pour leur vie puis rentrer chez elles en quelques semaines. Les situations d'urgence soudaines - et les pressions croissantes pour la mise en oeuvre de solutions rapides mettent de plus en plus à l'épreuve notre capacité de gérer le personnel et les ressources. Mais la révolution qui s'est opérée dans la technologie de l'information et des communications est également un prodigieux bon en avant qui nous permet d'opérer beaucoup plus efficacement dans certaines des régions les plus reculées et les plus inhospitalières.
La décentralisation est cruciale. Nous avons commencé avec l'Afrique - et, j'en suis convaincue, en dépit de toutes les difficultés, nous avons pris la bonne décision. J'espère que d'autres régions suivront, peut-être l'Asie en deuxième lieu. Il y a eu des problèmes techniques difficiles à résoudre mais ils ont été compensés par la proximité croissante des hauts fonctionnaires sur le terrain. Nous devons accélérer la décentralisation de la gestion des ressources humaines et financières. La mise en oeuvre du projet de systèmes intégrés en 2001 fournira aux cadres une vision globale de leurs activités - de la protection et du programme aux finances et au budget, aux ressources humaines et à la chaîne d'approvisionnement.
L'autre domaine clé est naturellement les ressources humaines. Le HCR a adopté de nouvelles politiques en matière d'affectations, de promotions et de contrats en janvier. Les principes directeurs sont la performance et l'obligation de rendre des comptes, tant au niveau personnel qu'au niveau de l'organisation. Le résultat final doit être une plus grande transparence, une meilleure objectivité et davantage de justice dans l'administration du personnel.
Nous sommes sur la bonne voie. Mais le processus de mise en oeuvre s'est accompagné de douleurs de plus en plus pénibles et je ne suis pas encore entièrement satisfaite des résultats. Nous avons désormais identifié les pierres d'achoppement d'un nouveau système et nous sommes en train de les passer en revue mais nous devons aller de l'avant. Nous ne pouvons nous permettre d'être trop lents en matière d'affectations compte tenu de l'évolution rapide sur le terrain.
Nous devons également examiner nos politiques en matière de roulement du personnel. Le roulement est un aspect très délicat des politiques du HCR dans le domaine des ressources humaines dans la mesure où il n'est pas dissociable des valeurs mêmes et de « l'âme » de l'organisation. Nous devons trouver les moyens d'être plus justes à l'égard du personnel qui a passé de longues années dans des lieux d'affectation difficiles. Nous devons également donner au personnel davantage de choix aux étapes critiques de leur vie professionnelle et personnelle. Une meilleure gestion du roulement est particulièrement cruciale si nous voulons consolider les progrès récents accomplis en matière de parité et accroître la représentation des femmes parmi les cadres supérieurs du HCR.
L'amélioration de la gestion des ressources requiert naturellement l'établissement de systèmes rigoureux. Telle est la demande légitime des donateurs. Après dix ans de gestion d'opérations extrêmement complexes et difficiles, j'aimerais toutefois vous lancer un appel et m'adresser aussi à mon propre personnel. Soyez novateurs. Soyez flexibles. Nous devons devenir les propriétaires et non pas les prisonniers des systèmes que nous créons. Nous, au HCR, avons toujours tiré fierté de notre dynamisme et de notre orientation vers le terrain. Nous devons éviter de devenir une organisation bureaucratique et timide et nous devons donc avoir le courage et la détermination de changer et de nous adapter.
Dernier point et non des moindres, la modernisation du Haut Commissariat sera onéreuse. Au risque de me répéter, je dois malheureusement dire que la situation financière du HCR n'est pas encourageante.
La collecte de fonds a constitué une activité majeure pour moi au cours des dix dernières années et je suis très reconnaissante à l'appui sans faille que les gouvernements ont apporté au HCR. Puisque c'est mon dernier discours au Comité exécutif, permettez-moi de remercier tout particulièrement les Etats-Unis, le Japon, les Pays nordiques, les Pays-Bas et la Suisse qui nous ont soutenu avec le plus de fidélité et de constance.
Malgré leurs efforts et les contributions importantes de quelques autres, le HCR est toutefois devenu une organisation sous financée. Au début de cette année, nous pouvions déjà prédire que les contributions ne nous permettraient pas de couvrir notre budget, la dotation approuvée par ce même Comité en octobre dernier. Entre-temps, de nouvelles situations d'urgence ont grevé de 100 millions de dollars notre budget. Le déficit est plus important que celui des années passées.
Pour difficile que cela soit, essayez d'imaginer l'impact que cela a sur les situations réelles. Nous avons dû reporter les travaux d'entretien des camps et annuler des programmes à impact rapide en Tanzanie. Nous avons dû suspendre la distribution prévue de colis d'abris aux rapatriés qui vivent sous des bâches plastiques au Rwanda. Nous ne pouvons satisfaire que deux tiers des besoins en logements du camp de réfugiés de Guéckédou en Guinée. La pénurie de fonds en Côte d'Ivoire a ralenti le rapatriement vers le Libéria. Nous avons réduit de moitié l'appui sous forme d'abris en Arménie. Nous n'avons pas été en mesure de financer complètement les programmes de rapatriement et de réhabilitation en Afghanistan.
Les coupures ont touché des activités qui ont un impact direct sur les politiques prioritaires du HCR concernant les femmes, les enfants et l'environnement. Les programmes d'éducation et de formation dans plusieurs pays ont subi des coupures. Nous avons également annulé ou suspendu les activités en matière de reboisement et autres projets environnementaux en Afrique. Ce ne sont là que des exemples. Lorsque je me rends sur le terrain, il m'est douloureux de voir mes collègues incapables de satisfaire certains des besoins élémentaires de ceux qu'ils s'efforcent de servir.
Nous avons fait de gros efforts. L'Appel global, le Rapport intérimaire à mi-parcours et le Budget unifié ont pour objet de clarifier nos besoins et de rendre nos opérations plus transparentes. Nous nous adressons de plus résolument à un cercle plus large de parrains potentiels dans le secteur privé, dans le milieu des affaires et parmi le grand public. Pour soutenir ces efforts, nous nous dotons d'un réseau de relations plus professionnelles dans le domaine des médias.
Nous avons également et à maintes reprises établi des priorités et réduit notre budget - plusieurs fois cette année. Cela a entravé tout le processus de décentralisation de la gestion et rendu la planification à long terme impossible. Cela a également diminué la crédibilité du HCR et tendu les relations avec les réfugiés, les gouvernements et nos partenaires d'exécution parmi les ONG.
Le Haut Commissariat sera considérablement affaibli si des mesures urgentes ne sont pas prises. Permettez-moi donc de lancer un appel personnel aux donateurs, particulièrement à la Commission européenne, à certains gouvernements européens et à d'autres pays dont l'appui a récemment décliné ou n'a jamais été proportionnel aux possibilités économiques : si de nouvelles contributions n'arrivent pas, le HCR sera aux prises avec un déficit grave ; et si les engagements concernant le budget de l'année prochaine ne sont pas honorés, nous nous trouverons dans la même situation en 2001. Je serais désolée de voir confronté à cette situation le nouveau Haut Commissaire qui assumera la direction de l'Organisation.
Conclusion
Mesdames et Messieurs,
Le HCR célèbrera son 50e anniversaire en décembre de cette année. Mais notre longévité n'est pas le motif de cette commémoration. Le HCR reste nécessaire dans la mesure où la persécution et le conflit forcent un nombre toujours plus grand de personnes à fuir leur foyer. Aussi, lors de notre année commémorative, nous ne célébrons pas le HCR mais plutôt les réfugiés - leur courage, leur détermination et leur capacité de survie envers et contre tout.
Le 14 décembre, le Fonds d'éducation pour les réfugiés sera lancé en tant que legs durable du 50e anniversaire du HCR. Ce fonds fiduciaire donnera aux adolescents réfugiés dans les pays en développement des possibilités en matière d'enseignement secondaire. L'accent sera mis sur la fourniture d'une éducation de qualité au plus grand nombre possible de réfugiés dont les besoins sont les plus grands. J'espère que vous trouverez tous les moyens d'appuyer cette initiative importante.
J'espère également, et j'en suis convaincue, que vous continuerez d'appuyer cette Organisation. A l'issue de ces 10 ans à la tête du HCR, je puis vous affirmer que le personnel du HCR à qui je suis si redevable pour son appui et souvent ses efforts héroïques - est remarquable. Et la cause du HCR est cruciale et le restera pendant longtemps encore.
On me demande souvent : quels ont été le plus grand succès et le plus grand échec de ces dix ans ?
C'est une question difficile et je n'y trouve qu'une réponse. Reviennent alors les nombreuses images - parfois heureuses, parfois tragiques - qui hantent ma mémoire : des images de réfugiés qui rentrent en se congratulant ; des images d'enfants à l'agonie, de vieilles femmes implorant de l'aide. Les visages des réfugiés ont été les miroirs les plus fidèles de nos échecs et de nos succès. Les résultats encourageants m'ont donné la force de continuer. La vue de la souffrance humaine m'a empli de tristesse et de colère et m'a convaincue à chaque fois que notre travail était nécessaire.
La souffrance des réfugiés - à laquelle mes collègues et moi-même sommes confrontés tous les jours dans le monde entier - est immense. La joie des gens qui rentrent chez eux après des années d'exil l'est tout autant. Elles sont toutes les deux au-delà des mots. Elles sont parlantes et je n'en dirai pas davantage, sauf peut-être pour vous exhorter à travers les paroles de la chanson que nos avons choisie pour le 50e anniversaire du HCR : respect. Respecter votre propre engagement à protéger les plus pauvres des pauvres, ceux qui ont perdu leur foyer. Respecter les travailleurs humanitaires qui sont à leurs côtés sur les lignes de front.
Et, par dessus tout, respecter les réfugiés.
Merci.