Note sur les clauses de cessation
Note sur les clauses de cessation
EC/47/SC/CRP.30
Description : 8ème réunion
NOTE SUR LES CLAUSES DE CESSATION
I. INTRODUCTION
1. En 1991, le Comité exécutif a souligné la possibilité d'utiliser les clauses de cessation de la Convention de 1951 dans des situations où, en raison d'un changement de circonstances dans le pays d'origine, les réfugiés n'ont plus besoin de protection internationale et ne peuvent donc refuser de bénéficier de la protection de leur pays. Dans ce contexte, le Comité exécutif a demandé au HCR d'étudier les questions relatives à l'application des clauses de cessation. L'année suivante, cette question a été examinée à la quarante-troisième session du Comité exécutif qui, dans sa conclusion no 69,1 donne certaines orientations concernant l'application de la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister ».
2. Depuis lors, les exodes massifs de réfugiés, le manque de solutions durables dans un certain nombre de pays hôtes et l'évolution de la situation dans différents pays d'origine ont à nouveau placé la question de la cessation sous les feux de la rampe. Cette note s'efforce de brosser un tableau complet des principes relatifs à l'application des clauses de cessation.
II. PRINCIPES GENERAUX
3. Tous les instruments internationaux fondamentaux relatifs aux réfugiés, la Convention de 1951 et son Protocole de 1967, la Convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) de 1969 et le statut du HCR contiennent des clauses exposant les situations particulières où ces instruments ainsi que la compétence du Haut Commissaire, respectivement, cessent de s'appliquer. Ce sont les clauses de cessation.2
4. La raison d'être des clauses de cessation a été exprimée, lors de la Conférence de plénipotentiaires au moment de la rédaction de la Convention de 1951, par le premier Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, G.J. van Heuven Goedhart, qui a déclaré que le statut de réfugié ne devait pas être accordé une journée de plus que nécessaire et qu'il devait prendre fin si, conformément à la Convention ou au statut, une personne avait le statut de citoyen de facto, c'est-à-dire s'il avait réellement les droits et les devoirs d'un citoyen d'un pays donné. La cessation du statut de réfugié s'applique donc lorsque le réfugié ayant obtenu ou pouvant obtenir une protection nationale, soit du pays d'origine, soit d'un autre pays, n'a plus besoin de protection internationale. Ce lien entre la protection internationale et la durée pendant laquelle elle est nécessaire distingue les clauses de cessation des clauses d'exclusion contenues dans l'article 1 F de la Convention de 1951, qui traite des situations où le réfugié ne peut bénéficier de la protection internationale accordée aux réfugiés.
5. Dans un souci d'analyse, il est utile de scinder les clauses de cessation en deux catégories. La première catégorie comprend les quatre clauses relatives à un changement des circonstances personnelles du réfugié, découlant des actes propres du réfugié et aboutissant à l'acquisition de la protection nationale, de telle sorte que la protection internationale n'est plus nécessaire. La deuxième catégorie comprend les deux autres clauses relatives à un changement des circonstances objectives liées au fait que le réfugié a été reconnu, de telle sorte que la protection internationale n'est plus justifiée (la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister »).
6. Les clauses de cessation sont exhaustives. Cela signifie que le statut de réfugié est maintenu jusqu'à ce que l'une des clauses puisse être invoquée. Dans tous les cas, les réfugiés ne doivent pas être soumis à des examens constants et réguliers de leur statut de réfugié. En principe, l'application des clauses de cessation est de nature déclaratoire et vaut reconnaissance du fait que la protection internationale du réfugié n'est plus nécessaire. Elle a pour objet de retirer le statut de réfugié et met un terme aux droits et avantages qui y sont liés. Ce retrait doit, toutefois, être distingué de l'annulation du statut de réfugié qui n'est pas spécifiquement prévu par les instruments internationaux relatifs aux réfugiés. Cette annulation a lieu lorsqu'il s'avère que le statut a été obtenu sur la base d'une présentation erronée de faits matériels ou lorsque l'on découvre des faits matériels qui indiquent clairement que s'ils avaient été connus au moment de la détermination du statut, la personne n'aurait pas été reconnue comme réfugié.
7. La cessation du statut de réfugié conformément à la clause de cessation sur la base de « circonstances ayant cessé d'exister » doit également être distinguée du concept de pays d'origine sûr. S'il est des facteurs communs et des recoupements dans l'examen des deux situations, ces deux notions se trouvent aux deux extrémités de l'éventail de la protection des réfugiés et se différencient au niveau conceptuel. Une déclaration de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » implique une évaluation des conditions particulières prévalant au cours d'une certaine période de temps ayant conduit à l'octroi du statut de réfugié à un individu, ou à un groupe particulier, et ne traite pas de la question de savoir si d'autres personnes de ce pays peuvent avoir des raisons de partir pouvant motiver l'octroi du statut de réfugié. Par ailleurs, le fait qu'un pays soit déclaré pays d'origine sûr ne peut valoir déclaration de cessation du statut de réfugié pour les réfugiés venant de ce pays. Ce concept ne doit être qu'un outil de procédure pour accélérer le traitement des demandes de réfugiés. Cette qualification peut, toutefois, faire suite à des améliorations dans la situation des droits de l'homme du pays d'origine qui peuvent, à leur tour, justifier un examen de l'application de la clause de cessation. Il convient de garder à l'esprit qu'indépendamment du niveau des droits de l'homme prévalant dans un pays, aucune demande déposée par un réfugié, que ce soit pour obtenir le statut de réfugié ou pour le prolonger, ne doit être rejetée sans une évaluation spécifique de ses fondements.
8. Etant donné que l'application des clauses de cessation pourrait aboutir au retrait du statut de réfugié, les clauses doivent être interprétées de façon restrictive, compte tenu des orientations données dans le Manuel sur les procédures et critères pour la détermination du statut de réfugié du HCR et dans la conclusion 69 du Comité exécutif. Une application prématurée ou insuffisamment fondée des clauses de cessation peut avoir des conséquences extrêmement graves, dans la mesure où les réfugiés qui doivent rester dans le pays d'asile peuvent être forcés de le faire illégalement ou peuvent être menacés de refoulement.
9. Le HCR recommande que, dans la décision qui sera prise d'invoquer ou non les clauses de cessation, les Etats tiennent compte des conséquences de la cessation du statut de réfugié. Les difficultés que peut entraîner l'invocation des clauses de cessation doivent être examinées, tant au plan de la décision qu'au moment d'appliquer cette clause. En particulier, les Etats doivent éviter une situation où l'ancien réfugié reste dans le pays d'asile sans statut juridique précis ou avec un statut illégal. Les facteurs relatifs aux droits de l'homme doivent également être pris en considération ainsi que les droits acquis des réfugiés, particulièrement pour ceux qui, en vertu de leur long séjour dans le pays d'asile, ont noué des liens familiaux, sociaux et économiques très forts. Les Etats doivent envisager de prendre des dispositions appropriées permettant aux réfugiés de ne pas remettre en question leur situation, y compris l'octroi d'un permis de séjour temporaire. Lorsque la poursuite du séjour se révèle impossible, les Etats doivent prendre des mesures pour éviter les problèmes liés au retour d'anciens réfugiés vers leur pays d'origine, notamment pour éviter une situation risquant de provoquer des tensions entre les Etats.
10. Dans ce contexte, lorsque le statut d'un groupe important de réfugiés est remis en cause par l'application de la clause de cessation, lorsqu'aucune autre solution durable n'a été trouvée et qu'aucune autre disposition n'est prise pour assurer la poursuite de leur séjour dans le pays d'asile, l'application de la clause de cessation est normalement liée à un dispositif conçu pour le rapatriement organisé des réfugiés. Les Etats d'origine doivent effectivement faciliter le rapatriement de leurs nationaux qui ont été d'anciens réfugiés, tant avec les Etats d'asile que, parfois, avec d'autres institutions internationales compétentes, afin de veiller à ce que le rapatriement ait lieu de façon juste et digne. Le Comité exécutif recommande également dans sa conclusion 69 que, lorsqu'il convient, les Etats et les institutions internationales fournissent une assistance internationale pour faciliter ce retour ainsi que la réintégration des réfugiés concernés.
III. CLAUSES DE CESSATION RELATIVES A L'ACTE D'UN REFUGIE
11. Ces clauses de cessation concernent les mesures prises par un réfugié pour se prévaloir à nouveau de la protection nationale du pays d'origine ou pour acquérir la protection nationale d'un autre pays.
A. Réacquisition de la protection nationale du pays d'origine
12. Un réfugié peut se prévaloir à nouveau de la protection nationale du pays d'origine tout en se trouvant à l'extérieur de ce pays. Pour que les clauses de cessation soient applicables, le réfugié doit avoir agi de son plein gré pour obtenir la protection du pays d'origine et doit avoir réellement obtenu cette protection. Le fait qu'un réfugié ait agi de son plein gré ou que la protection nationale soit réellement acquise dépend des circonstances de chaque cas. Le plus souvent, il s'agit de contacts pris avec la mission diplomatique du pays d'origine. Lorsqu'un réfugié prend contact avec la mission diplomatique de son pays d'origine sur les instructions des autorités du pays d'asile,3 ou lorsque ce contact est occasionnel et ponctuel,4 cela ne donne pas lieu à l'application de la clause de cessation. Un réfugié peut également obtenir à nouveau la protection du pays d'origine en y retournant. Pour que la clause de cessation soit applicable, le retour doit, aux termes de la Convention, être volontaire et le réfugié doit s'être réinstallé dans le pays d'origine. Une visite temporaire au pays d'origine5 ne déclenche pas nécessairement l'application de la clause de cessation. Toutefois, lorsqu'un réfugié se rend fréquemment dans le pays d'origine et bénéficie des avantages et des services dont jouissent normalement les citoyens du pays, la clause de cessation peut être invoquée. Un refoulement ne justifiera pas l'application de la clause de cessation.
13. De même, lorsqu'un réfugié a perdu sa nationalité et prend des mesures pour la recouvrer, ce recouvrement doit être à la fois volontaire et effectif pour que la clause de cessation soit applicable. La clause de cessation couvrant cette situation indique clairement que la nationalité qui y est fait allusion est la nationalité du pays qu'a quitté la personne concernée avant de devenir réfugiée. Le recouvrement de la nationalité de jure à lui seul ne suffit pas à invoquer la clause de cessation. Le recouvrement volontaire de l'ancienne nationalité doit s'accompagner de la reprise réelle des relations entre l'individu et le pays de nationalité, ce qui signifie que le pays de nationalité doit accorder une protection effective au réfugié qui veut, de son plein gré, s'en prévaloir à nouveau. Ce dernier aspect est particulièrement important pour les réfugiés dont la persécution se fonde sur la privation de la nationalité.
14. En conséquence, les questions clés à étudier en matière d'application de ces trois clauses de cessation sont, premièrement, la question de savoir si le réfugié a agi volontairement et, deuxièmement, si la protection nationale du pays d'origine a été obtenue. L'approche de ces cas doit être régie par le souci de veiller à ce qu'aucun réfugié ne soit injustement privé du droit à la protection internationale.
B. Acquisition de la protection nationale d'un autre pays
15. Pour que le réfugié soit considéré comme ayant acquis la protection d'un autre pays, il doit non seulement avoir acquis une nouvelle nationalité, mais cette nationalité doit entraîner la protection effective du pays concerné. Cela signifie que le réfugié doit s'assurer de l'exercice de tous les droits et avantages inhérents à la possession de la nationalité du pays en question. Il est clair que lorsqu'un réfugié a acquis la nationalité du pays d'asile par le biais de la naturalisation, le statut de réfugié prend fin. Il n'est cependant pas évident qu'une personne ait réellement acquis la nationalité d'un autre pays, particulièrement si cela n'implique pas un processus de naturalisation. Par exemple, les Palestiniens détenteurs de passeports nationaux de certains pays ne bénéficient pas de tous les droits et avantages des nationaux de ces pays et ne peuvent être considérés comme bénéficiant de la protection effective de ces pays.
16. Cette situation particulière en matière de cessation doit être distinguée de celle d'un réfugié n'ayant plus droit au statut de réfugié, sachant qu'il ou elle est reconnu(e) par les autorités compétentes du pays d'asile comme ayant les droits et devoirs attachés à la possession de la nationalité de ce pays.6 Alors que les raisons ayant motivé ces situations sont identiques, c'est-à-dire qu'il n'y a pas besoin de protection internationale, la dernière situation exclut un réfugié des avantages de la protection internationale et est un facteur à étudier au cours du processus de détermination du statut de réfugié.
17. Lorsqu'il a été mis fin au statut de réfugié par le biais de l'acquisition d'une nouvelle nationalité et que la nouvelle nationalité a été perdue, le statut de réfugié peut être restauré selon les circonstances.7 Ainsi, par exemple, lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié d'une femme réfugiée ayant acquis une nouvelle nationalité par alliance, ce statut peut être restauré si elle se marie ultérieurement à un apatride et si elle est obligée de rendre la nationalité qu'elle a acquise.
18. Lorsque la personne peut se prévaloir d'une crainte fondée de persécution dans le pays dont elle est nationale, cela crée une situation entièrement nouvelle réclamant une nouvelle détermination du statut de réfugié.
IV. CLAUSE DE CESSATION DU FAIT DE CIRCONSTANCES AYANT CESSE D'EXISTER
19. Les juristes sont parvenus à un consensus sur le fait que l'application de cette clause nécessite un changement dans le pays d'origine de nature fondamentale, durable et effective. Les changements fondamentaux ne sont considérés comme effectifs que s'ils suppriment le motif de la crainte de persécution; en conséquence, ces changements doivent être appréciés à la lumière de la cause particulière de la crainte afin de veiller à ce que la situation qui a justifié l'octroi du statut de réfugié a cessé d'exister. La conclusion 69 du Comité exécutif reflète ces principes et souligne l'importance d'examiner la situation générale des droits de l'homme dans le pays d'origine pour savoir si les changements peuvent être qualifiés de fondamentaux.
20. Il convient de prendre en considération tous les faits pertinents pour déterminer si les changements dans le pays d'origine sont fondamentaux et peuvent être considérés comme rendant durablement caduc le besoin de protection internationale. Un changement politique radical reste le cas le plus typique d'application de la clause de cessation. Selon les motifs de la fuite, un processus important de réformes modifiant la structure juridique ou sociale de l'Etat peut également constituer un changement fondamental, tout comme des élections démocratiques, des décrets d'amnistie, l'abrogation de lois tyranniques et le démantèlement d'anciens services de sécurité. Le rapatriement spontané à grande échelle des réfugiés ne constitue pas en soi un changement fondamental au sens où l'entend la clause de cessation; toutefois, ce rapatriement peut être un indicateur de changement survenant ou étant survenu dans le pays d'origine. Par ailleurs, lorsque le retour d'anciens réfugiés a toutes les chances de raviver les tensions dans le pays d'origine, ce phénomène peut signaler en soi une absence de changement effectif et fondamental. De même, lorsque les circonstances particulières ayant motivé la fuite ou le non-retour ont cessé d'exister, mais ont donné naissance à une situation qui peut également engendrer la crainte motivant la fuite, cette clause de cessation ne peut absolument pas être invoquée. Par conséquent, en Afghanistan, où un type de guerre civile a été remplacé par un autre, la clause de cessation ne pourrait être invoquée malgré un changement politique de grande ampleur.
21. Les changements fondamentaux doivent également être stables et durables. Une situation qui a changé mais qui continue d'évoluer ou montre des signes de précarité est par définition instable et ne peut être décrite comme durable. Le HCR recommande en règle générale d'attendre la stabilisation d'une situation semblant indiquer des changements importants et profonds avant qu'une décision ne soit prise sur la cessation. Dans la Note d'information sur l'application de la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » dans la Convention de 1951(EC/SCP/1992/CRP.1, 1991), il a été préconisé de laisser s'écouler une période de 12 à 18 mois à partir du moment où ces changements profonds surviennent avant qu'une décision ne soit prise. Le HCR recommande de considérer cette période comme minimale aux fins d'évaluation. L'application récente de la clause de cessation par le HCR révèle que la période moyenne tourne autour de quatre à cinq ans à partir du moment où les changements fondamentaux sont intervenus. Des développements pratiques, y compris le rapatriement organisé et l'expérience des rapatriés, revêtent une importance considérable, tout comme les rapports des observateurs indépendants.
22. De toute évidence, il n'y a aucune règle préétablie sur la période nécessaire à l'évaluation du caractère durable des changements fondamentaux survenus. En général, les changements qui ont lieu pacifiquement dans le cadre d'un processus constitutionnel, démocratique, respectueux des droits de l'homme et des garanties juridiques en matière de libertés fondamentales et où l'ordre public prévaut se prêtent beaucoup plus rapidement à une conclusion quant à leur caractère durable. Lorsque les changements ont lieu dans un environnement violent, lorsque les groupes ou factions en guerre doivent être réconciliés, lorsque le rapatriement lui-même a provoqué de nouveaux affrontements ou des pertes en vies humaines, lorsque le nouveau régime doit encore établir sa souveraineté sur le territoire tout entier et en l'absence de garanties adéquates en matière de droits de l'homme, les changements ne sont manifestement pas confirmés, et la période d'évaluation sera nécessairement plus longue. Jusqu'à ce que la réconciliation nationale prenne forme et jusqu'à ce que la stabilité politique revienne, ces changements ne peuvent être considérés comme durables.
23. Concernant les droits de l'homme, la conclusion 69 du Comité exécutif prévoit que la situation générale en matière de droits de l'homme doit être évaluée, ce qui implique qu'un large éventail de droits de l'homme doit être pris en considération. Les instruments internationaux concernant les droits de l'homme servent de guide dans l'évaluation de ces améliorations. Parmi les indicateurs, on peut citer le droit à la vie et à la liberté ainsi qu'à la non-discrimination, l'indépendance du pouvoir judiciaire, des procès justes et ouverts présumant l'innocence de la personne, le respect de différents droits élémentaires et des libertés fondamentales tels que le droit à la liberté d'expression, d'association, d'assemblée pacifique, de mouvement, d'accès aux tribunaux ainsi que le respect du droit en général. Il n'y a pas d'étalon de mesure en ce qui concerne les normes des droits de l'homme. Toutefois, lorsqu'un progrès réel a été accompli dans le développement d'institutions nationales pour la défense des droits de l'homme et que la situation en la matière s'est grandement améliorée dans le pays, comme l'illustrent certains des indicateurs susmentionnés, il y a des raisons de croire que des changements fondamentaux se sont produits.
24. La clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » contient une réserve permettant au réfugié d'invoquer « des raisons impérieuses découlant d'une persécution antérieure » pour refuser de se prévaloir de la protection du pays d'origine.8 Cette réserve a pour but de couvrir les cas de réfugiés ou de membres de leurs familles ayant souffert de formes atroces de persécution et qui, en raison des traumatismes subis, ne peuvent être supposés vouloir maintenir les liens avec leur pays d'origine. La réserve a également été interprétée pour couvrir les réfugiés ayant souffert de persécutions aux mains de certains éléments de la population locale qui pourraient ne pas nécessairement avoir changé d'attitude malgré un changement de régime.
V. APPLICATION DE LA CLAUSE DE CESSATION DU FAIT DE CIRCONSTANCES AYANT CESSE D'EXISTER AUX REFUGIES DE CONFLITS CIVILS
25. La question de savoir si la clause de cessation peut être invoquée concernant des régions pacifiques d'un pays donné a été soulevée pour les réfugiés dont la crainte est motivée par un conflit intérieur ou une agitation civile. Cette question est particulièrement pertinente lorsqu'un Etat s'est fragmenté en territoires sans qu'aucun d'entre eux ne soit parvenu à constituer un Etat. Dans ces situations, la question clé pour décider de l'application de la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » est que le réfugié pourrait se prévaloir à nouveau de la protection nationale du pays d'origine. Pour que cette clause de cessation soit applicable, la protection nationale doit être effective. Par protection nationale, on entend autre chose qu'une simple sécurité ou sûreté physique, et il convient d'inclure, outre la prévalence du calme et de la sécurité dans la région concernée, la présence d'une autorité gouvernementale bien établie dans la région, l'existence de structures administratives de base, y compris un système de droit effectif, l'existence d'infrastructures adéquates pour permettre aux résidents de la région d'exercer leur droit à une vie décente. A la lumière de la conclusion 69 du Comité exécutif, la situation générale en matière de droits de l'homme doit également être évaluée. De toute évidence, face à des violations graves des droits de l'homme dans la région, que ce soit du fait des autorités concernées ou en raison de l'absence de protection de ces autorités, les changements ne peuvent être considérés comme fondamentaux ou comme effectifs. En conséquence, au nord-ouest de la Somalie, l'absence d'une autorité centrale effective, le manque de structures administratives, la présence généralisée de mines entraînant une absence de sécurité et une gestion chaotique généralisée sont des éléments qui militent contre l'application de la clause de cessation.
26. Même si les changements intervenus dans le pays d'origine peuvent être considérés comme fondamentaux, il faut les étudier sur une période de temps suffisamment longue pour conclure à leur stabilité et à leur caractère durable. De brèves périodes de paix seront considérées comme insuffisantes. En conséquence, lorsqu'une région pacifique est entourée d'autres régions en guerre, les changements fondamentaux doivent se stabiliser afin que l'on puisse conclure à leur caractère durable.
VI. PERSONNES AYANT BESOIN DE PROTECTION INTERNATIONALE
27. Dans certaines régions du monde, des groupes importants de personnes fuyant à travers les frontières internationales les situations de conflit et de violence, ou les violations généralisées des droits de l'homme, obtiennent une protection temporaire. Ces personnes peuvent répondre ou non à la définition du réfugié donnée dans la Convention de 1951. Les clauses de cessation peuvent donc être applicables à certaines d'entre elles, voire à toutes. Gardant à l'esprit l'objet de la protection temporaire, qui est d'assurer une protection internationale à tous ceux qui en ont besoin, les critères de retrait de cette protection doivent prendre en considération le besoin constant des individus, et une distinction doit être établie entre les bénéficiaires. La décision de mettre un terme à la protection temporaire ne doit être prise que lorsque l'on estime que les bénéficiaires pourraient rentrer chez eux dans la sécurité et la dignité ou lorsque le retour est viable. Le retour devrait de préférence être volontaire. Le retrait de la protection temporaire ne doit pas se faire au préjudice de la possibilité pour une personne d'invoquer le principe du non-refoulement ou de s'efforcer d'obtenir la reconnaissance du statut de réfugié. Les critères définitifs de retrait de la protection temporaire sont aujourd'hui encore élaborés dans le cadre des consultations informelles et des entretiens organisés par le HCR à la demande du Comité exécutif.9 Les facteurs pris en considération en application de la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » aux termes de la Convention de 1951 peuvent servir d'orientation utile dans la formulation des critères et peuvent être invoqués lorsqu'il convient.
VII CESSATION, SOLUTIONS ET PREVENTION
28. La cessation du statut de réfugié n'est pas en soi une solution durable. La mise en oeuvre couronnée de succès d'une solution durable conduira normalement à la cessation du statut de réfugié. Un réfugié cesse d'avoir besoin d'une protection internationale lorsqu'il rentre de son plein gré et se réinsère dans le pays d'origine ou s'installe dans le pays hôte et obtient la nationalité de ce pays, ou se réinstalle dans un autre pays et obtient la nationalité de ce pays. Ces changements amènent la cessation du statut de réfugié sans qu'il y ait bien souvent de déclaration formelle de cessation, dans la mesure où le statut de réfugié se sera fondu dans un autre statut national. Par ailleurs, l'absence d'une solution durable n'interdit pas l'application des clauses de cessation. En conséquence, si un réfugié parvient à obtenir la protection du pays d'origine ou d'un autre pays, se voit délivrer un passeport national et l'utilise fréquemment pour des voyages d'affaires ou de convenance personnelle dans le pays concerné, l'application de la clause de cessation serait justifiée. De même, si les circonstances liées à l'octroi du statut de réfugié ont cessé d'exister, la clause de cessation peut être invoquée sans qu'une solution durable ait été trouvée.
29. Le rapatriement librement consenti peut avoir lieu en l'absence de changements moins importants dans le pays d'origine, notamment sur la base du voeu exprimé du réfugié, qui peut avoir également des raisons personnelles de rentrer, indépendamment de la situation prévalant dans le pays d'origine. En conséquence, la promotion du rapatriement librement consenti par le HCR ne signifie pas nécessairement que la clause de cessation doive être appliquée. Toutefois, lorsqu'un rapatriement volontaire à grande échelle est organisé du fait de changements fondamentaux et pour autant que ces changements fondamentaux se stabilisent et puissent finalement être considérés comme durables, la clause de cessation peut être invoquée ultérieurement. La réinsertion couronnée de succès des réfugiés peut avoir un effet stabilisateur sur la situation prévalant dans le pays d'origine.
30. Les activités dans les pays d'origine visant à prévenir des situations conduisant à des déplacements de population et à des flux de réfugiés, telles que celles qui sont menées à bien pour établir un régime effectif en matière de droits de l'homme, ainsi que les efforts déployés par la communauté internationale pour promouvoir un climat propice au retour et à la réintégration des réfugiés, contribuent à engendrer des changements fondamentaux dans ces pays et à créer les fondements nécessaires pour que ces changements soient stables et durables. Ces activités peuvent contribuer à la restauration de la protection nationale dans les pays d'origine.
VIII. ROLE DU HCR
31. Le HCR peut déclarer que les personnes se trouvant dans les situations décrites dans le statut se relèvent plus de sa compétence. Les situations spécifiées sont apparentées aux clauses de cessation de la Convention de 1951. Sur cette base, le HCR a, ces dernières années, déclaré la cessation du statut de réfugié concernant certains groupes de réfugiés relevant de son mandat. La déclaration de cessation de la compétence du HCR a essentiellement pour but de fournir un cadre juridique pour l'interruption des activités de protection et d'assistance matérielle du HCR aux réfugiés et pour promouvoir, avec les Etats d'asile concernés, la délivrance d'un autre type de statut autorisant le séjour des anciens réfugiés. Le HCR facilite généralement le rapatriement des anciens réfugiés qui souhaitent rentrer mais qui n'en ont pas nécessairement les moyens.
32. Au cours des vingt dernières années, le HCR a déclaré la cessation de sa compétence concernant 15 groupes nationaux de réfugiés, toujours sur la base de changements politiques profonds dans les pays d'origine entraînant l'installation d'un régime démocratique.10 Les exemples les plus récents concernent les Chiliens, du fait de l'organisation d'élections nationales et du processus démocratique qui a suivi; le rapatriement librement consenti à grande échelle des réfugiés namibiens du fait de l'indépendance et des élections en Namibie; les Sud-Africains, après la suppression de l'apartheid et du fait de la transition vers un régime démocratique; les Malawiens, du fait de la transition vers un régime multipartite, de l'organisation d'élections, de la rédaction d'une nouvelle Constitution et de la réintégration couronnée de succès des rapatriés; et les Mozambicains, où un accord de paix entre les factions en guerre a conduit à des élections multipartites et à l'installation d'un régime démocratique, et où le rapatriement à grande échelle des réfugiés a eu lieu dans la sécurité et la dignité. En 1991, la cessation du statut de réfugié a été déclarée pour les réfugiés de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Hongrie, sur la base des changements politiques intervenus en Europe de l'Est à la fin des années 80 et de la transition vers des régimes authentiquement démocratiques dans ces trois pays.
33. La conclusion 69 du Comité exécutif affirme que toute déclaration de la part du HCR relative à la cessation de sa compétence concernant certains réfugiés peut être utile aux Etats dans le cadre de l'application des clauses de cessation. Lorsque le HCR a procédé à une déclaration de cessation de sa compétence concernant un groupe spécifique de réfugiés, les Etats peuvent recourir aux clauses de cessation pour des groupes semblables de réfugiés lorsqu'ils jugent cette procédure adéquate et propice à la solution du problème de ces réfugiés sur leur territoire.
34. Lorsque les Etats décident d'appliquer les clauses de cessation, ils peuvent impliquer le HCR selon qu'il convient, par exemple dans l'évaluation de l'impact des changements dans le pays d'origine ou pour des conseils sur les implications de la cessation du statut de réfugié pour des groupes importants de réfugiés sur leur territoire. Cette participation serait conforme au rôle de supervision assigné au HCR en vertu de l'article 35 de la Convention de 1951.
IX. PROCEDURES RELATIVES A L'APPLICATION DES CLAUSES DE CESSATION
35. Lorsque l'application d'une clause de cessation aboutit à l'interruption du droit de résidence, ou à la déportation du réfugié, il convient d'établir les procédures permettant aux réfugiés d'en appeler de la décision des autorités d'invoquer la clause de cessation. Il convient de noter, à cet égard, que, dans sa conclusion 69, le Comité exécutif a reconnu que, dans l'application de la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister », il peut y avoir des raisons impérieuses de préconiser la prolongation du statut de réfugié pour certains individus. Dans ce contexte, le Comité exécutif a approuvé une approche prudente qui utilise des procédures clairement établies dans l'application de cette clause de cessation.
36. La décision d'appliquer la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » incombe aux pays d'asile concernés. Dans la mesure où la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » n'est généralement pas déclenchée par l'action du réfugié mais par l'évolution dans le pays d'origine, le pays hôte doit être parfaitement sûr que tous les éléments de cette clause de cessation particulière sont réunis avant de l'invoquer. Cette norme stricte apparaît dans la conclusion 69 du Comité exécutif qui souligne que les Etats, en procédant à l'évaluation de la situation dans le pays d'origine « doivent [...] s'assurer de façon objective et vérifiable que la situation qui a justifié l'octroi du statut de réfugié ne prévaut plus ».
37. La clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » peut être appliquée à un individu ou à un groupe (que le statut des individus du groupe ait été formellement déterminé ou non). La décision d'un Etat hôte d'appliquer la clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » fonctionne comme une présomption réfutable à l'endroit du réfugié concerné ou, lorsqu'elle s'applique à un groupe de réfugiés, à l'endroit de chaque individu du groupe. Comme le souligne la conclusion 69 du Comité exécutif, l'individu doit au moment de l'application obtenir la possibilité de faire réexaminer son cas particulier. Ce nouvel examen doit normalement avoir lieu dans le cadre d'une procédure qui autorise le réfugié à être entendu comme il convient et, s'il y a un doute quant à l'application de la clause à son cas particulier, le statut de réfugié doit être maintenu. Les requêtes déposées au titre de la réserve à la clause de cessation du fait de circonstances ayant cessé d'exister doivent également être examinées dans le cadre de ces procédures.
38. Les quatre premières clauses de cessation, dans la mesure où elles se fondent sur les actes des réfugiés modifiant leur situation personnelle, sont généralement applicables au cas par cas. Les procédures concernant l'application de ces clauses de cessation doivent inclure des garanties sur la base des réglementations ordinaires en matière de justice et d'équité, permettant ainsi aux réfugiés de contester les preuves apportées à l'appui de la cessation. L'autorité compétente doit apprécier les preuves fournies dans leur ensemble et, sur la base de faits clairement établis, décider du fait que tous les éléments de la clause de cessation pertinente sont réunis. La cessation du statut de réfugié ne doit être appliquée que lorsque tous les éléments de la clause de cessation pertinentes sont réunis. En outre, aucune mesure ne doit être prise pour retirer ses droits à un réfugié jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise.
X. CONCLUSION
39. Le régime du droit des réfugiés envisage le statut de réfugié comme un phénomène temporaire qui doit se poursuivre tant que la protection internationale est nécessaire. Les clauses de cessation consacrent pleinement les situations où la protection nationale est garantie ou disponible et où, par conséquent, la protection internationale n'est plus ni nécessaire, ni justifiée. L'application adéquate des clauses de cessation contribuera à limiter les abus du régime de protection internationale des réfugiés et dégagera les Etats de leur responsabilité internationale dans la mesure où elle n'est plus requise. La clause de cessation du fait de « circonstances ayant cessé d'exister » peut être utile pour fournir un cadre juridique adéquat concernant les réfugiés qui restent dans les pays d'asile après que des changements fondamentaux et durables se soient produits dans le pays d'origine.
40. Il convient toutefois de ne pas avoir recours à la cessation du statut de réfugié en tant que raccourci pour résoudre un problème délicat de réfugié. Lorsque l'application injustifiée ou prématurée d'une clause de cessation aboutit au retour forcé d'un réfugié, les conséquences peuvent en être extrêmement graves, conduire à de nouveaux déplacements au sein du pays d'origine ou à des exodes, et présenter des risques pour la vie et la sécurité de la personne.
(Note de l'éditeur : annexes statistiques ne figurent pas dans cette version en ligne.)
1 Conclusion no 69 (XLIII) adoptée par le Comité exécutif à sa quarante-troisième session (A/AC.96/804, par. 22), ci-après dénommée conclusion 69.
2 Voir annexe B pour le texte complet des clauses de cessation dans la Convention de 1951.
3 Voir le Manuel sur les procédures et critères pour la détermination du statut de réfugié, par. 120.
4 Voir le Manuel, par. 121.
5 Ibid. Dans la conclusion 18 adoptée par le Comité exécutif à sa trente et unième session (A/AC.96/588, par. 48), le Comité exécutif a reconnu qu'afin de faciliter le rapatriement librement consenti des réfugiés, la disponibilité d'informations relatives au pays d'origine est importante et, dans ce contexte, les visites des réfugiés dans leur pays d'origine pour s'informer de la situation ne doivent pas entraîner une perte automatique du statut de réfugié.
6 Article 1 E de la Convention de 1951.
7 Cette opinion est exprimée par le Comité ad hoc dans le rapport sur sa première session : « Cette disposition ne vise pas à exclure les personnes qui ont perdu ultérieurement leur nouvelle nationalité, si elles se trouvent dans les conditions prévues dans la section A. » (UN Doc. E/1618 (E/AC.32/5), page 38, du 17 février 1950). Voir également le paragraphe 132 du Manuel sur les procédures et critères de détermination du statut de réfugié du HCR.
8 La réserve couvre expressément les réfugiés tombant sous le chapitre A 1) de l'article 1 de la Convention de 1951, c'est-à-dire les personnes qui sont considérées comme réfugiés au titre des dispositions du 12 mai 1926 et du 30 juin 1928 ou des Conventions du 28 octobre 1933 et du 10 février 1938, le Protocole du 14 septembre 1939 ou la Constitution de l'Organisation internationale pour les réfugiés. Toutefois, le Manuel sur les procédures et critères de détermination du statut de réfugié du HCR suggère que l'exception reflète un principe humanitaire plus général et pourrait également être appliqué aux réfugiés autres que ceux visés à l'article 1 A 1) de la Convention de 1951 (voir par. 136 du Manuel).
9 Conclusion no. 79, par. m), adoptée par le Comité exécutif à sa quarante-septième session (A/AC.96/878, par. 32).
10 Voir annexe C.