Première session, COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGTIEME SEANCE
Première session, COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGTIEME SEANCE
E/AC.32/SR.20
PRESENTS | ||
Président : | M. CHANCE | Canada |
Membres : | M. CUVELIER | Belgique |
M. GUERREIRO | Brésil | |
M. CHA | Chine | |
M. LARSEN | Danemark | |
M. ORDONNEAU | France | |
M. ROBINSON | Israël | |
M. KURAL | Turquie | |
Sir Leslie BRASS | Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord | |
M. HENKIN | Etats-Unis d'Amérique | |
M. PEREZ PEROZO | Venezuela | |
Représentant d'une institution spécialisée : | ||
M. WEIS | Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) | |
Consultants d'organisations non gouvernementales : | ||
M. STOLZ | Fédération américaine du travail | |
M. LEWIN | Organisation mondiale Agudas Israël | |
M. BERNSTEIN | Comité de coordination d'organisations juives | |
Mlle BAER | Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté | |
Secrétariat : | ||
M. HUMPHREY | Représentant le Secrétaire général adjoint | |
M. HOGAN | Secrétaire du Comité |
STATUT INTERNATIONAL DES REFUGIES ET DES APATRIDES : PROJET DE CONVENTION CONCERNANT LE STATUT DES REFUGIES (E/AC.32/2, E/AC.32/3, E/AC.32/L.15, E/C.2/242) (suite)
Chapitre XI : article 24
1. Le PRESIDENT invite le Comité à poursuivre l'examen de l'article 24, relatif à l'expulsion et au refoulement. Il rappelle que cet article fait l'objet de deux projets, présentés respectivement par le Secrétariat (E/AC.32/2) et la France (E/AC.32/L.3, article 19), ainsi que d'un amendement présenté par le Danemark (E/AC.32/L.15), ayant pour but d'ajouter trois paragraphes au texte qui sera adopté. Le Comité est également saisi d'un projet soumis par l'Organisation mondiale Agudas Israël dans une communication (E/C.2/242) transmise conformément à l'article 81 du règlement intérieur du Conseil économique et social.
2. Le Président pense qu'il serait opportun de choisir l'un de ces projets comme base de discussion.
3. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) propose de choisir comme base de discussion le projet soumis par l'Organisation mondiale Agudas Israël. Il lui semble, en effet, que ce texte présente la question de l'expulsion et du refoulement sous une forme plus logique que les autres projets.
4. M. ROBINSON (Israël) partage entièrement le point de vue du représentant du Royaume-Uni.
5. Le PRESIDENT propose de prendre comme base de discussion le projet soumis par l'Organisation mondiale Agudas Israël ; il demande au représentant de la France s'il n'a pas d'objection à formuler, étant donné que le texte en langue française de ce projet n'a pas encore été distribué.
6. M. ORDONNEAU (France) déclare qu'il ne soulèvera aucune objection, étant bien entendu qu'il fait ainsi une concession dans le seul but de ne pas ralentir les travaux du Comité, et que son attitude conciliante ne saurait créer un précédent.
Le Comité décidé d'examiner, paragraphe par paragraphe. Le projet mis par l'Organisation mondiale Agudas Israël (E/C.2/242).
Paragraphe 1
7. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) propose de remplacer les mots « sur les frontières de leur pays d'origine, ainsi que sur des territoires... » par : « sur les frontières de territoires... ». Un tel amendement ne modifie en rien la teneur du paragraphe 1.
L'amendement proposé par représentant du Royaume-Uni est adopté.
8. M. ORDONNEAU (France) appelle l'attention sur le fait que le paragraphe 1 du projet en discussion est identique au paragraphe 3 du texte proposé par la France, à la seule différence que la France avait proposé de compléter le paragraphe par l'idée suivante : « à condition que ces opinions ne soient pas en conflit avec les principes de l'Organisation des Nations Unies, énoncés au préambule de la Charte des Nations Unies ».
9. M. Ordonneau pense qu'il convient d'examiner s'il ne serait pas opportun de compléter de la sorte le paragraphe q du projet en discussion.
10. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) se demande s'il ne serait pas bon de préciser dans le texte du paragraphe 1 que les dispositions énoncées n'auront pas à être appliquées lorsque la sécurité nationale est en jeu.
11. Sir Leslie Brass estime que la sécurité nationale est une considération qui doit l'emporter sur toutes les autres. Il est évident que les Etats e devraient l'invoquer que dans des circonstances absolument justifiées ; mais il faut admettre que de telles circonstances peuvent se présenter et il convient de les prévoir.
12. Le représentant du Royaume-Uni propose, en conséquence, d'ajouter à la fin du paragraphe, l'expression : « à moins qu'une telle mesure ne soit dictée par des raisons de sécurité nationale ».
13. M. CUVELIER (Belgique) estime qu'en ajoutant la formule suggérée par le représentant du Royaume-Uni on détruirait l'effet cherché dans le paragraphe 1.
14. M. Cuvelier ait remarquer que lorsqu'il est absolument nécessaire, pour des raisons de sécurité nationale par exemple, de refouler un réfugié, on peut fort bien le diriger vers des territoires dans lesquels sa vie ou sa liberté ne seront pas en danger.
15. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) partage le point de vue du représentant de la Belgique. Même pour des raisons impérieuses de sécurité nationale, l'Etat intéressé peut fort bien se dispenser de refouler les réfugiés vers les territoires où ils seraient en danger.
16. M. ROBINSON (Israël) appelle l'attention du représentant du Royaume-Uni sur les dispositions du paragraphe 4, qui permettent aux Etats de prendre toutes les mesures jugées nécessaires à l'égard des réfugiés, par exemple lorsque la sécurité nationale serait en jeu.
17. M. Robinson pense que, si l'on adopte l'amendement proposé par la France, on devrait en supprimer les mots « énoncés au préambule de la Charte des Nations Unies ». En effet, les principes de l'Organisation des Nations Unies sont énoncés principalement à l'Article 2 et non pas au préambule.
18. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) ne pense pas qu'il soit réellement opportun d'adopter l'amendement proposé par la France. Il se demande, en effet, si un pays quelconque refuserait l'accès de son territoire à une personne obligée de fuir son pays pour avoir manifesté des opinions qui ne seraient pas absolument conformes aux principes de la Charte. M. Henkin croit que l'on peut répondre à cette question par la négative. Il en conclut que la réserve proposée par la France est inutile, peut-être même dangereuse.
19. M. ORDONNEAU (France) fait observer que l'amendement qu'il propose n'entraîne pas que le refoulement des réfugiés soit obligatoire : il consiste simplement à prévoir que les Hautes Parties contractantes auront la faculté de refouler des personnes qui ne semblent pas dignes d'intérêt, en raison du fait que leurs opinions politiques sont en conflit avec les principes des Nations Unies. Il n'y a aucune raison pour accorder des privilèges à de telles personnes.
20. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) appelle l'attention du représentant de la France sur le fait que l'article premier du projet de convention exclut du bénéfice de la convention toute personne ayant commis des actes contraires aux principes de l'Organisation des Nations Unies. Il ne semble donc pas utile de répéter la même idée à l'article 24, sous une forme différente et pour une question particulière.
21. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) fait remarquer que l'Accord du 15 octobre 1946 contient le principe énoncé au paragraphe 1 et qu'il ne fait pas la réserve proposée par le représentant de la France.
22. Le PRESIDENT demande au représentant de la France s'il accepterait de retirer son amendement.
23. M. ORDONNEAU (France) déclare qu'il lui est difficile de retirer sa proposition. Si le Comité se prononce contre l'addition de la réserve suggérée par la France. M. Ordonneau s'inclinera évidemment devant cette décision. Il demandera alors que le rapport du Comité mentionne que a réserve proposée par la France n'a pas été insérée au paragraphe 1 de l'article 24 pour la seule raison que, de l'avis du Comité, cette réserve est énoncée sans ambiguïté à l'article premier.
24. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) n'insiste pas pour l'adoption de son amendement mais se réserve de revenir sur la question.
25. Le PRESIDENT propose d'adopter le paragraphe 1 du projet en discussion, avec l'amendement qui a été adopté à la demande du Royaume-Uni.
Il en est ainsi décidé.
Paragraphe 2
26. Le PRESIDENT donne lecture du paragraphe 2 du projet en discussion.
27. Parlant en qualité de représentant du Canada, il signale que dans son pays les mesures d'expulsion sont prises par l'autorité administrative et non pas par l'autorité judiciaire, même lorsque la première décision fait l'objet d'un appel. Les intéressés ont toujours la faculté de se faire représenter par des avocats devant l'autorité administrative compétente. Lorsqu'un « habeas corpus » a été obtenu, le juge saisi de l'affaire décide si les mesures d'expulsion ont été prises légalement ou illégalement ; dans ce dernier cas, toute la procédure d'expulsion doit recommencer devant l'autorité administrative.
28. Pour pallier toute difficulté, il serait bon d'amender le paragraphe 2, de façon à dire : « décision d'une autorité judiciaire ou administrative ».
29. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) estime que si l'on adopte cet amendement, le réfugié ne sera plus assuré des garanties que chacun est en droit d'attendre de l'autorité judiciaire ; le réfugié sera abandonné à la discrétion des mesure de police.
30. M. Henkin souligne, comme il a déjà eu l'occasion de le faire plusieurs fois, qu'il s'agit là d'un problème qui ne se pose pas en ce qui concerne les Etats-Unis ; il estime cependant de son devoir d'appeler l'attention du Comité sur le fait que l'amendement proposé risque d'affaiblir la portée et la valeur de l'article 24 et de la convention dans son ensemble.
31. M. KURAL (Turquie) estime que les crainte du représentant des Etats-Unis ne sont pas fondées, étant donné que le paragraphe 3 énonce des dispositions permettant aux intéressées de se défendre contre toute mesure arbitraire. Le réfugié ayant la possibilité de se faire représenter devant l'autorité compétente pour prendre les mesures d'expulsion, il faut admettre qu'il a ainsi une protection suffisante.
32. M. Kural appuie l'amendement proposé par le représentant du Canada, d'autant plus que, dans de nombreux Etats, les mesures d'expulsion peuvent être difficilement prises autrement que par l'autorité administrative.
33. Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Canada, propose une deuxième formule pour la fin du paragraphe 2 : « en vertu d'une décision prise selon la procédure prévue par le loi ». (traduction provisoire)
34. M. ORDONNEAU (France) déclare qu'il est impossible de conférer à l'autorité judiciaire uniquement la faculté de prendre de mesures d'expulsion ; dans de nombreux pays, la France par exemple, ces questions relèvent du pouvoir de l'exécutif. Il signale que l'autorité administrative appelée à prendre des mesures d'expulsion a généralement un rang très élevé dans la hiérarchie ; en France, ces mesures ne peuvent être prises que par les préfets ou le Ministre de l'intérieur.
35. M. Ordonneau appuie sans réserve la proposition du représentant du Canada.
36. M. CUVELIER (Belgique) se range à l'opinion du représentant de la France. Il demande s'il ne serait pas possible de préciser que la décision à la suite de laquelle le réfugié sera expulsé doit être une décision en dernière instance ; cela revient à dire que le réfugié ne pourra pas être expulsé avant que ne soit prise la décision de la plus haute autorité compétente.
37. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) accepte la dernière solution proposée par le Président. Il pense, d'autre part, avec le représentant de la Belgique, qu'il serait bon d préciser qu'il s'agit d'une décision finale.
38. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) déclare qu'il lui sera difficile d'appuyer l'article 24, si l'on n'y tient pas compte de la notion d'ordre public. Il rappelle qu'une condition fondamentale de succès pour le projet de convention, est qu'il soit rédigé en des termes tels qu'il obtienne le plus grand nombre possible de signatures. Or, l'article 24 est un des plus importants du projet.
39. M. Perez Perozo fait observer que tous les Etats ne sont pas dans la même situation. Il existe des pays jeunes qui n'ont pas encore acquis la maturité institutionnelle des pays ayant une longue histoire. Ces pays jeunes sont sujets à des bouleversements internes, des révolutions, qui ont pour résultat des changements de gouvernement ou de constitution, parfois par des méthodes violentes. Ces pays sont préoccupés par la question de l'ordre public, qui est intimement liée à la stabilité de leurs institutions. Ces pays se trouvent parfois dans des situations exceptionnelles qui leur imposent le prendre des mesures d'urgence entraînant, le cas échéant, la suspension des garanties constitutionnelles. Il ne faut pas que la convention donne aux réfugiés des garanties et des privilèges dont ne jouiraient plus, dans les circonstances exceptionnelles mentionnées, les nationaux du pays intéressé.
40. M. Perez Perozo fait remarquer que les pays neufs dont il fait mention sont appelés à devenir des centres d'afflux de réfugiés ; on irait donc contre l'intérêt même des réfugiés, si on prévoyait dans le projet de convention des dispositions de nature à mettre obstacle à la signature et à la ratification de la convention par ces Etats.
41. M. Perez Perozo signale que le Venezuela a connu des désordres sanglants auxquels ont pris part des réfugiés de divers pays ; le peuple vénézuélien à beaucoup souffert au cours et à la suite de ces bouleversements et il n'admettrait pas que la convention pour les réfugiés contienne des dispositions lui interdisant de défendre ses propres institutions. Tous les étrangers, qu'ils soient réfugiés ou non, doivent pouvoir être expulsés immédiatement du territoire d'un Etat lorsque l'ordre public y est menacé.
42. M. Perez Perozo rappelle qu'au cours de la deuxième partie de la troisième session de l'Assemblée générale, lors de la discussion par la Troisième Commission du projet de convention sur la liberté de l'information, la délégation des Etats-Unis a proposé que la censure ne fût autorisée que pour des motifs touchant à la défense nationale ; mais, par l'adoption d'un amendement présenté par la délégation du Royaume-Uni, la Commission a admis que les Etats aient le droit de suspendre l'application de la convention en temps de guerre ou de crise nationale, c'est-à-dire quand l'ordre public est en jeu. Il ne semble pas que l'on puisse ignorer cette notion en ce qui concerne les réfugiés, étant donné qu'ils peuvent être impliqués dans des questions touchant à l'ordre public.
43. M. Perez Perozo conclut qu'il convient d'invoquer la question de l'ordre public dans l'article relatif à l'expulsion et au refoulement des réfugiés et de prévoir que la protection assurée aux réfugiés par la convention n'aura pas à jouer dans certaines circonstances exceptionnelles.
44. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) se demande si le représentant du Venezuela entend que l'on mentionne la notion d'ordre public dans le paragraphe 1, qui a déjà été adopté en principe, ou dans le paragraphe 2, actuellement en discussion et qui traite simplement d'une question de procédure d'expulsion. Il fait observer que le Comité a déjà admis que, même pour des raisons de sécurité nationale et d'ordre public, les réfugiés ne devraient pas être refoulés sure des territoires où leur vie ou leur liberté seraient menacées.
45. M. CUVELIER (Belgique) se demande si la proposition du représentant de Venezuela n'a pas pour effet de restreindre les droits des Etats. En effet, si l'on fait figurer la question de l'ordre public dans le paragraphe 2, ce ne pourra être que sons la forme d'une clause restrictive et on aboutira à déclarer que les réfugiés ne peuvent être expulsés que pour des raisons d'ordre public ou de sécurité nationale.
46. M. ORDONNEAU (France) fait remarque que la question sur laquelle le représentant du Venezuela a attiré l'attention du Comité était présente à l'esprit des rédacteurs du projet du Secrétariat et du projet français, lorsqu'ils ont jugé nécessaire de laisser aux gouvernements, en matière d'expulsion, certains pouvoirs discrétionnaires fondés sur la notion de sécurité nationale et d'ordre public. Il importe que cette idée soit mentionnée au début même de l'article en discussion. Le plus logique, à cet effet, serait d'ajouter, en tête de l'article, le paragraphe 1 du projet du Secrétariat ou du projet français, paragraphe qui traite du problème général de l'expulsion et du refoulement des réfugiés et qui contient précisément cette réserve visant la sécurité nationale et l'ordre public.
47. M. CUVELIER (Belgique) rappelle que, pour justifier la suppression du paragraphe 1 du projet du Secrétariat, M. Lewin, représentant de l'Organisation mondiale Agudas Israël, a prétendu que celui-ci n'était qu'une répétition du paragraphe 4. En réalité, il existe entre ces deux paragraphes une différence qu'on ne saurait négliger : le paragraphe 1 vise les expulsions ou refoulements ordonnés en application de mesures de police, tandis que le paragraphe 4 ne traite que des expulsions ordonnées en vertu de décisions judiciaire. Dans le premier cas, l'expulsion du réfugié ne peut avoir lieu que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public. Dans le second cas, elle peut être motivée par n'importe quelle raison. C'est en réunissant ces deux paragraphes, qui traitent de cas distincts, qu'on a abouti à la confusion dans laquelle se trouve actuellement le Comité et qui fait que l'on a été amené à proposer de limiter l'expulsion judiciaire aux cas où la sécurité nationale entre en jeu, alors que ces deux notions sont incompatibles.
48. M. ROBINSON (Israël) s'attache à dégager du problème assez complexe qui e pose au Comité trois éléments principaux.
49. Le premier réside dans la limitation exceptionnelle du droit souverain des Etats de refouler les étrangers sur les frontières de leur pays d'origine. C'est là l'objet du paragraphe 1 de l'article 24 proposé par l'Organisation mondiale Agudas Israël.
50. Le deuxième élément consiste dans l'expulsion du réfugiés vers un territoires où ni sa vie ni sa liberté ne risqueraient d'être menacées. Le paragraphe 2 du même article prévoit dans ce cas, en faveur du réfugié, une garantie de pure forme : il faut que la mesures d'expulsion soit prise à la suite d'une procédure régulière. Mais il ne semble pas que cette garantie suffise, car un réfugié pourrait alors être expulsé en bonne et due forme pour un délit même véniel. Or, il faudrait que les Etats s'engagent à n'avoir recours à l'« ultima ratio » de l'expulsion que pour des motifs particulièrement graves, à savoir des actes mettant en danger la sécurité nationale ou l'ordre public. Ainsi le réfugié serait protégé à la fois sur le plan de la procédure et sur celui des motifs, qui n'est pas le moins important.
51. Enfin, les réfugiés qui n'entrent pas dans le cadre de la convention constituent le troisième élément du problème. C'est eux et eux seuls que doivent viser les mesure de refoulement. Mais est-il nécessaire de la prévoir dans une convention qui ne doit s'appliquer qu'aux réfugiés autorisés à séjourner régulièrement dans le pays d'accueil ? Il ne le semble pas, et pourtant le paragraphe q du projet du Secrétariat et du projet français traite précisément du refoulement des réfugiés admis à résidence, ce qui paraît contraire au but même de la convention, à savoir le maintien et la stabilisation du statu quo à leur égard. C'est pourquoi, ou bien le refoulement ne devrait pas être mentionné dans cet article, ou bien, si on juge nécessaire de prévoir cette mesure, il devrait être précisé qu'elle ne s'appliquera pas aux réfugiés visés par la Convention, mais uniquement à ceux qui n'ont pas été régulièrement admis à résidence.
52. Le PRESIDENT constate que, dans le cas du paragraphe 1 aussi bien que dans celui du paragraphe 2, le Comité se trouve devant un dilemme. S'il veut accorder le plus de garanties possible aux réfugiés, il se heurte à la résistance des délégations qui ont en vue les intérêts supérieurs de leur Gouvernement. Si au contraire, il cherche à sauvegarder au maximum les droits souverains des Etats, il risque d'élaborer une convention qui ne sera pas favorable aux réfugiés. La solution consistera de toute évidence à trouver le plus petit dénominateur commun de ces intérêts opposés.
53. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) partage entièrement la manière de voir du Président.
54. Certes, le Comité a pris la décision de supprimer le chapitre sur l'admission estimant que la convention ne devait pas traiter du droit d'asile, et qu'elle devait se borner à stipuler un certain nombre d'améliorations à la situation des réfugiés. Mais il ne s'ensuit nullement que la convention ne soit pas applicable aux personnes qui, fuyant les persécutions, demandent à pénétrer sur le territoire des parties contractantes. En fait, qu'il s'agisse de fermer la frontière à un réfugié qui s'y présente, ou de le refouler après qu'il l'a franchie, ou encore de l'expulser après qu'il a été admis à résider sur le territoire, le problème est à peut près le même.
55. Quel que soit le cas, que le réfugié soit ou non dans une situation régulière, il faut éviter de le renvoyer dans un pays où sa vie ou sa liberté pourraient être menacées. Aucune considération d'ordre public ne devrait faire échec à cette garantie, car l'Etat intéressé peut, s'il veut à tout prix s'en débarrasser, renvoyer le réfugié dans un autre pays ou l'interner dans un camp.
56. Le paragraphe 1 doit donc s'appliquer sans aucune réserve à tous les réfugiés, qu'ils soient ou non régulièrement admis à résidence. Pour qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet, le représentant des Etats-Unis se propose de substituer aux mots « s'engage à ne pas refouler ... » la formule « s'engage à ne pas expulser ou refouler ... ».
57. En ce qui concerne le paragraphe 2, M. Henkin comprend parfaitement les problèmes qui se posent à son sujet dans les pays auxquels a fait allusion le représentant du Venezuela et qui se trouvent parfois dans la nécessité d'appliquer des mesures particulièrement sévères à certains étrangers qui abusent de leur hospitalité. Toutefois, ces mesures sont certainement prises à la suite d'une procédure régulière prévue par la loi. Ainsi, la garantie accordée aux réfugiés par le paragraphe 2 est sauvegardée.
58. Faut-il ajouter à cette garantie celle que préconise le représentant d'Israël en limitant les cas d'expulsion à ceux qui sont motivés par des considérations d'ordre public ? La question est délicate, car divers pays, tels que les Etats-Unis et le Canada, frappent d'expulsion les auteurs de certains crimes qui ne mettent pas en danger la sécurité nationale.
59. L'essentiel est que le réfugié ne puisse pas être expulsé autrement qu'à la suite d'une procédure régulière prévue par la loi, qu'elle soit d'ordre administratif ou judiciaire.
60. M. ROBINSON (Israël) apprécie vivement les commentaires du représentant des Etats-Unis qui complètent et précisent son propre exposé. Le fait est qu'il est extrêmement difficile d'aborder isolément l'étude des différents paragraphes de l'article ; c'est ainsi qu'en examinant séparément le paragraphe 1, le Comité n'a p se rendre compte de la portée réelle de l'article. En fait, celui-ci doit s'appliquer à tous les réfugiés, qu'ils soient ou non admis à résidence ; il doit viser aussi bien l'expulsion que le refoulement et il doit accorder à tous les réfugiés les garanties visées au paragraphe 1 du projet du Secrétariat et du projet français.
61. Jusqu'à présent, le Comité a résolu le problème humain que pose le renvoi du réfugié quel qu'il soit dans un territoire où il peut être menacé dans sa vie ou sa liberté. La forte tradition humanitaire qui l'anime lui fera certainement trouver une solution satisfaisante pour le paragraphe 2 qui traite de l'expulsion des réfugiés régulièrement admis à résider.
62. M. ORDONNEAU (France) est prêt à accepter l'amendement au paragraphe 1 proposé par le représentant des Etats-Unis. Il fait remarquer toutefois que ce paragraphe vise un cas exceptionnel, celui de l'expulsion ou du refoulement dans un territoire où le réfugié serait menacé dans sa vie ou sa liberté. Le cas général est celui de l'expulsion à destination de tout pays autre que celui où le réfugié encourrait le risque prévu au paragraphe 1. La difficulté vient de ce que le paragraphe qui traite du cas exceptionnel se trouve en tête de l'article, alors que le cas général fait l'objet du paragraphe suivant. Il y a là une faute de logique.
63. D'autre part, M. Henkin a eu raison de souligner qu'on ne saurait réglementer l'expulsion des réfugiés sans traiter également de leur refoulement qui pose un grave problème juridique et humain. Or, rien n'est prévu à ce sujet dans le texte du paragraphe 2 soumis à l'examen du Comité. Au contraire, le projet français et celui du Secrétariat ont eu soin d'en traiter dans leur paragraphe 1.
64. En résumé, pour être complet et clair, l'article devrait contenir un premier paragraphe sur le refoulement en général, un deuxième sur l'expulsion en général, un troisième sur le refoulement et l'expulsion vers les territoire où la vie et la liberté du réfugié peuvent être menacées, et un dernier paragraphe traitant des mesures spéciales à appliquer lorsque le réfugié est dans l'impossibilité d'exécuter l'ordre d'expulsion.
65. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) déclare qu'il lui est difficile d'accepter que les dispositions du paragraphe 1 soient étendues à l'expulsion. Assurément, le Gouvernement du Royaume-Uni s'efforcera toujours d'éviter de renvoyé les réfugiés dans les pays où leur vie ou leur liberté risquent d'être menacées. Mais il est des cas où, en présence d'un réfugié qui obstinément refuse de se conformer aux lois du pays qui lui accorde l'hospitalité, l'opinion publique ne voudrait pas voir le Gouvernement privé du pouvoir d'expulser un individu en état de rébellion ouverte contre l'autorité. Si aucun pas ne veut recevoir ce délinquant, force sera bien de le diriger sur le seul territoire où il puisse être accueilli et qui est précisément celui où sa vie au sa liberté peuvent être menacées. Le Gouvernement veillera à ce qui l'application de cette mesure extrême soit très rare, mais il faut qu'il garde le pouvoir de la prendre, ne serait-ce que pour inspirer une crainte salutaire aux autres réfugiés qui seraient tentés de suivre le mauvais exemple d'un hôte indocile et qui pourraient créer ainsi des troubles difficiles à réprimer. En outre, une menace à la liberté est quelque chose de relatif et peut très bien ne pas correspondre à des risques graves.
66. M. ORDONNEAU (France) pense qu'il y a d'autres moyens de mettre à la raison un réfugié intraitable que de l'envoyer à une mort certaine dans son pays d'origine. Il suffit de lui appliquer les mesures prévues au paragraphe 4 qui vise précisément les cas de ce genre.
67. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) objecte que les mesures prévues au paragraphe 4 ne lui semblent pas suffisantes. La perspective d'une détention ne saurait produire le même effet préventif que le risque d'être expulse et remis aux autorités du pays d'origine.
68. M. CUVELIER (Belgique) constate que certaines délégations voudraient remettre en question le texte du paragraphe 1 qui a pourtant déjà été adopté. Si l'on devait revenir sur le principe même des avantages qu'il stipule au profit des réfugiés, si l'on devait laisser les mains libres aux Gouvernements à cet égard, il serait plus simple de dire que l'on veut supprimer l'article 24 purement et simplement.
69. Le PRESIDENT reconnaît que l'existence de réfugiés particulièrement récalcitrants peut créer de graves difficultés dans certains pays d'accueil. Toutefois, les Gouvernements de ces pays devraient trouver le moyen de faire des réserves visant les cas spéciaux, tout en acceptant le principe, qui s'impose à des nations civilisées, de ne pas expulser les réfugiés vers des territoires où l'on sait qu'ils seront exposés à périr.
70. M. CHA (Chine) est d'avis que, pour mettre de l'ordre dans le débat, le Comité devrait poursuivre l'examen paragraphe par paragraphe.
71. Le PRESIDENT rappelle que tel était bien le plan qu'il se proposait de suivre jusqu'au bout, lorsque l'examen du paragraphe 2 du projet de l'Organisation mondiale Agudas Israël a provoqué une discussion générale sur l'ensemble de l'article.
72. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) conçoit nettement la portée de l'objection du représentant du Royaume-Uni contre l'extension du paragraphe 1 à l'expulsion des réfugiés. Il se demande cependant s'il convient de saper un principe généralement acceptable en considération de quelques cas concrets tout à fait exceptionnels. Le renvoi des réfugiés dans leur pays d'origine, s'il devait être envisagé dans des cas extrêmes, poserait d'ailleurs un problème d'ordre juridique. Il est certain que le pays d'origine ne recevra le réfugié que si celui-ci possède sa nationalité. Or, dans la plupart des cas, le réfugié n'a pas de nationalité. Il est vrai qu'un protocole internationale de 1930 stipule que le pays d'origine doit recevoir l'expulsé, même s'il lui a retiré sa nationalité, lorsqu'il s'agit d'un indigent ou d'un criminel. Mais ce protocole n'est jamais entré en vigueur.
73. Le PRESIDENT, parlant en tant que représentant du Canada, approuve sans réserve le principe qui est contenu dans le paragraphe 1 déjà adopté. Il ne voit pas d'objection non plus à l'adoption du paragraphe 2, puisque, dan son pays, toute expulsion est toujours ordonnée à la suite d'une procédure régulière. Le paragraphe 3 pourra également être accepté sans difficulté par le Canada. Enfin, 1 paragraphe 4 ne semble pas devoir soulever d'obstacle sérieux pour ce pays. L'adoption de l'article laisserait en somme une assez grande latitude aux Gouvernements, sauf en ce qui concerne le cas précis du renvoi des réfugiés dans les territoires où leur vie ou leur liberté pourraient être en danger.
74. Le Président invite le Comité à poursuivre l'examen du paragraphe 2.
75. M. LARSEN (Danemark) n'est guère satisfait de ce texte, car il voudrait qu'il soit précisé au paragraphe 2 que seuls la sécurité nationale et l'ordre public peuvent motiver un ordre d'expulsion contre un réfugié et que les considérations d'ordre social telles que l'indigence ne sauraient être englobées dans la notion d'ordre public.
76. Le PRESIDENT fait remarquer que, si les cas d'expulsion sont ainsi limités à l'égard des réfugiés, leur situation deviendra plus favorable que celle des étrangers en général qui peuvent être renvoyés d'un pays s'ils se conduisent mal ou s'ils deviennent une charge pour sa collectivité.
77. M. CUVELIER (Belgique) souligne qu'un réfugié qui enfreint les lois d' pays porte ainsi atteinte à l'ordre public : il doit donc pouvoir être expulsé comme tout autre étranger dans le même cas. En revanche, il est normal qu'il ne puisse être expulsé pour des raisons d'ordre économique, car il n'a pas la ressource, en cas d'indigence, d'être recueilli par son pays d'origine, comme un émigrant ordinaire. Si telle est l'interprétation donnée à la réserve visant la sécurité nationale et l'ordre public, introduite dans le texte du paragraphe 2, le délégation belge est prête à accepter ce paragraphe ainsi rédigé.
78. M. ORDONNEAU (France) se déclare d'accord avec le représentant de la Belgique. On doit se borner à admettre qu'un réfugié ne peut être expulsé que pou des raisons de sécurité nationale.
79. M. LARSEN (Danemark) rappelle que les Conventions de 1933, 1936 et 1938 contiennent toutes les mêmes restrictions et il regretterait que l'on omette cette mention dans la présente convention.
80. Le PRESIDENT dit que le Comité doit se garder de quoi que ce soit qui puisse mécontenter l'opinion publique. Pratiquement, il n'existe aucun endroit où l'on puisse envoyer un réfugié. Même en l'absence du paragraphe 1, le pays d'accueil devrait, par la force des choses, garder un tel réfugié, puisqu'il lui est impossible de le renvoyer dans un pays où sa vie serait en danger.
81. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) rappelle que le Gouvernement des Etats-Unis a réservé sa position sur l'ensemble du projet de convention, car le problème des réfugiés n'existe pas comme tel aux Etats-Unis. On cesse, en effet, d'être un réfugié en mettant le pied sur leur territoire. Cependant, pour des raisons humanitaires et en conformité avec les principes de la Charte des Nations Unies, les Etats-Unis tiennent à assurer aux réfugiés qu'ils accueillent le maxim de protection. C'est ainsi qu'ils les admettent à bénéficier de l'assistance publique, de l'allocation de chômage, etc.
82. M. Henkin approuve l'addition proposée par le représentant du Danemark.
83. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) accepterait la formule « sauf pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public », qui tiendrait compte, et de son propre point de vue, et de celui du Président. Dans le Royaume-Uni, on ne déport que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public, ce qui englobe les crimes de droit commun. Sir Leslie Brass ne voit pas pourquoi les réfugiés devraient jouir d'un traitement de faveur par rapport aux autres étrangers dans le cas d'expulsion.
84. Le PRESIDENT déclare, comme le représentant du Royaume-Uni, qu'il suffirait d'indiquer les considérations de sécurité nationale et d'ordre public. En conséquence, il propose d'amender le paragraphe 2 en y insérant le membre de phrase suivant : Sauf pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public et en vertu d'une décision prise dans les conditions prescrites par la loi ».
85. M. ORDONNEAU (France) a deux observations à formuler. D'une part, il ne saisit pas bien le sens des mots « décision définitive ». En France, c'est le préfet qui prend un arrêté d'expulsion et il n'existe aucune autorité administrative qui puisse se substituer à lui ; son arrêté est donc définitif. Il y a bien la possibilité du recours au Conseil d'Etat, qui peut annuler l'arrêté, mais cela prend du temps et, de toute façon, le recours ne suspend pas l'exécution.
86. Le PRESIDENT explique que le terme « définitif » a été inséré dans le texte pour éviter qu'une expulsion n'ait lieu à la suite d'une décision d'un simple gendarme, par exemple.
87. M. ORDONNEAU (France) formule ensuite sa deuxième observation. Bien que le texte actuel lui paraisse meilleur que l'ancien, il se voit dans l'obligation de réserver la position de son Gouvernement. En effet, il ressort de la discussion qui vient d'avoir lieu que le terme « ordre public » n'est pas interprété de la même manière dans tous les pays. On le définit certainement en France, par exemple, tout autrement que dans le Royaume-Uni. Dans ces conditions, M. Ordonneau ne croit pas que l'insertion de ce terme apporte une restriction très sérieuse au droit d'expulsion. Aussi préfère-t-il l'expression « sécurité nationale », dont le sens est plus précis. Il regrette que le Comité ne semble pas disposé à le suivre sur ce point.
88. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) suggère que l'on pourrait encore ajouter au texte les mots « pour violation de la loi » ou une expression similaire.
89. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) préfère qu'il soit fait mention de la notion d'ordre public. Tout en reconnaissant que, dans le droit français, par exemple, cette notion est très vaste, il souligne que, dans son pays, « ordre public » est synonyme d'ordre intérieur, tandis que « sécurité nationale » signifie « ordre internationale » ; ces deux notions se complètent et ont entre elles des liens très étroits.
90. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) suppose que, si le Comité adopte l'expression « ordre public », la clause sera appliquée dans un pays d'où les étrangers sont expulsés pour violation de la loi et, si cela signifie « conformément à la loi du pays », il existe une garantie effective.
91. M. ROBINSON (Israël) propose, pour apaiser les appréhensions du représentant du Venezuela, d'adopter la formule « sécurité nationale intérieure et extérieure », l'expression « ordre public » pouvant, en effet, être interprétée de manières très diverses.
92. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) proteste contre l'introduction de nouveaux termes, inconnus jusqu'ici. Ces termes ne peuvent être satisfaisants ni pour le Président, ni pour lui-même, qui ont en vue les crimes de droit commun.
93. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) conseille au Comité, s'il a en vue les crimes de droit commun, de le dire nettement. Il proposerait alors la formule suivante : « Pour des raisons de sécurité nationale ou si les réfugiés en cause ont subi une condamnation de droit commun ».
94. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) et M. KURAL (Turquie) préfèrent la formule « pour des raisons de sécurité nationale et d'ordre public ». Ce sont là, en effet, les termes traditionnels des document internationaux et ils ont le mérite d'être clairs.
95. M. CUVELIER (Belgique) partage cette manière de voir. Il demande que le compte rendu de la séance fasse état des débats qui viennent d'avoir lieu, de manière à faire ressortir la notion d'ordre public telle que l'entend le Comité.
96. Le PRESIDENT donne lecture du texte qu'il propose :
« Un réfugié autorisé à séjourner régulièrement sur le territoire d'une Haute Partie contractante ne pourra être expulsé que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public et en vertu d'une décision prise dans les conditions prescrites par la loi ».
Ce texte est adopté.
Paragraphe 3.
97. Le PRESIDENT fait observer que ce paragraphe est en quelque sorte analogue au paragraphe 4 du texte proposé par le représentant de la France.
98. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) n'approuve pas entièrement les termes de ce paragraphe. En effet, dans le Royaume-Uni, les étrangers ne peuvent se présenter eux-mêmes ne se faire représenter devant le « Home Secretary ». Ce dernier ne se prononce par sur leur cas avant d'avoir réuni tous les éléments de la cause pour pouvoir, le cas échéant, justifier a décision devant la Chambre des Communes C'est là une garantie, car les réfugiés ont, au Parlement britannique, beaucoup d'amis qui interviennent activement en leur faveur. Sir Leslie propose, en conséquence, soit de supprimer le deuxième moitié du paragraphe 3, soit d'ajouter à ce paragraphe un expression du genre de « comme tous les autres étrangers ».
99. Le PRESIDENT ayant souligné la diversité des systèmes en vigueur dans ce domaine, M. CUVELIER (Belgique) propose d'ajouter au paragraphe 3 la formule « conformément aux dispositions en vigueur à l'égard des étrangers en général ».
100. M. ORDONNEAU (France) fait observer que ce texte, partiellement emprunté au texte qu'il a lui-même propose, avait, dans l'idée de la délégation française, un sens légèrement différent, en effet, il visait le cas d'un réfugié déjà frappé d'expulsion, qui contesterait la mesure prise à son égard et aurait des titres à faire valoir à l'appui de sa réclamation.
101. M. LARSEN (Danemark) émet des doutes sur l'efficacité de la protection que le paragraphe 3 assurerait aux réfugiés.
102. Le PRESIDENT et Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) sont du même avis.
103. M. ORDONNEAU (France) est d'accord en ce qui concerne l'Angleterre, mais fait des réserve quant aux pays où la procédure n'est pas similaire, qui, par exemple, n'accordent pas aux étrangers le droit de se faire représenter ni de présenter une réclamation.
104. M. ROBINSON (Israël) estime que les appréhensions de Sir Leslie BRASS ne sont pas fondées. En effet, le paragraphe 3 s'applique exclusivement aux pays qui admettent l'appel après un arrêté d'expulsion. C'est le cas de la France, par exemple, où le recours au Conseil d'Etat est possible. Si cet appel n'est pas autorisé, le paragraphe 3, de toute façon, ne s'appliquera pas.
105. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) demande si le représentant du Royaume-Uni s'estimerait satisfait si on ajoutait au paragraphe 3, conformément aux vues du représentant d'Israël, le membre de phrase suivant : « conformément aux lois et procédure établies dans le pays intéressé ».
(traduction provisoire)
Cette proposition est adoptée.
Paragraphe 4.
106. Le PRESIDENT, après avoir donné lecture de ce paragraphe, considère qu'il serait bon de l'alléger en supprimant toute la partie du texte qui suit le mot « territoire ».
107. M. LARSEN (Danemark) approuve cette idée. En effet, il se peut que d'autres raisons que les raisons plus on moins juridiques indiquées dans le paragraphe 4 empêchent un réfugié de se conformer immédiatement à un ordre d'expulsion : femme enceinte, enfant malade, par exemple. Il faut laisser aux Gouvernement intéressés le soin d'interpréter la situation. S'ils sont animés de bonne volonté, la clause dont on propose la suppression est superflue. Dans le cas contraire, elle ne servirait de toute façon à rien.
108. M. ORDONNEAU (France) indique qu'il était sur le point de faire la même proposition, pour les mêmes raisons et, en plus, parce que le paragraphe 4 s'applique également aux cas prévus au paragraphe 1. Il a été reconnu, en effet, que l'on ne pouvait admettre qu'un réfugié soit renvoyé dans un pays où sa vie se trouverait menacée. Mais un réfugié expulsé d'un pays n'a guère de chance d'être admis ailleurs. Le Comité avait décidé que le paragraphe 4 s'appliquerait à ce cas, qui est le plus fréquent. Or, il est regrettable que les trois dernières lignes de ce paragraphe aient une valeur restrictive.
109. M. CUVELIER (Belgique) pense que, dans ces conditions, autant vaut supprimer tout le paragraphe, qui n'offre plus aux réfugiés aucune garantie, du fait qu'il laisse au Gouvernement la faculté d'agir à sa guise à leur égard.
110. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) pense qu'au contraire, il y a là une mesure d'ordre pratique et propose de stipuler au paragraphe 4 que les Hautes Parties contractantes retarderont l'application des mesures d'ordre intérieurs jusqu'à ce que le réfugié reçoive l'autorisation de se rendre dans un autre pays.
111. Le PRESIDENT craint que la détention provisoire ne constitue, pour les réfugiés expulsé qui ne peuvent se rendre ailleurs, une mesure punitive.
112. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) pense qu'un séjour dans une prison ou dans un camp d'internement n'apparaîtra pas comme une mesure punitive au réfugié, qui autrement, courrait le risque d'être renvoyé dans un pays où sa vie serait en danger.
113. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) signale qu'en pratique, avant d'expulser un étranger des Etats-Unis, on lui laisse généralement la faculté de partir volontairement, quitte à l'interner jusqu'à ce qu'il trouve un autre pays d'accueil. On pourrait étendre le bénéfice de ce délai de grâce aux réfugiés.
114. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) signale que, jusqu'à présent, le Haut-Commissariat pour les réfugiés ou les organisations non gouvernementales intéressées ont été informés des arrêtés d'expulsion, ce qui leur a permis d'aider le réfugié à trouver un autre pays d'accueil ; c'est ce qui explique la disposition que contient la partie incriminée du paragraphe 4 et qui a été rédigée ainsi à cause de l'incertitude actuelle au sujet des attributions précises du futur Haut-Commissariat.
115. M. LARSEN (Danemark) fait remarquer qu'en pratique, la plupart des pays ne tiennent pas à accueillir des étrangers, en particulier des réfugiés, expulsés d'autres pays. Il n'est donc pas à craindre qu'un Etat appose sur le passeport d'un réfugié expulsé la mention « expulsé », qui risquerait d'empêcher l'intéressé de trouver asile ailleurs et obligerait le pays qui veut l'expulser à le garder sur son territoire. Au contraire, ce pays cherchera à s'en débarrasser le plus discrètement possible. Par conséquent, l'amendement suggéré par le Président et visant à abréger le paragraphe 4 de moitié n'aurait pas de conséquences pratiques regrettable.
116. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) demande si le Comité ne juge pas bon d'insérer dans l'article 24 un texte qui, sans imposer aucune obligation aux Hautes Parties contractantes, exprimerait l'espoir que tout réfugié résidant régulièrement dans un pays signataire de la convention qui se trouverait sous le coup d'un arrêté d'expulsion ait la possibilité de chercher à être admis légalement dans un autre pays, avant que l'arrêté d'expulsion ne soit mis à exécution. En attendant, les Hautes Parties contractantes pourraient prendre, à son égard, les mesures d'ordre intérieur qui leur sembleraient appropriées.
117. Le PRESIDENT invite M. Henkin à présenter sa proposition par écrit lors de la prochaine séance.
Le séance est levée à 16 heures 40.