Segment de haut niveau de la soixante-sixième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire sur la situation des réfugiés afghans.
Déclaration liminaire de M. António Guterres,
Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Genève, 6
Segment de haut niveau de la soixante-sixième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire sur la situation des réfugiés afghans.
Déclaration liminaire de M. António Guterres,
Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Genève, 6
Telle que prononcée
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir de vous accueillir cette année au Segment de haut niveau du Comité exécutif sur la situation des réfugiés afghans. Votre présence nous permettra d'attirer davantage l'attention de la communauté internationale sur la nécessité de soutenir les solutions durables pour la situation de réfugiés prolongée la plus importante dans le monde.
Le HCR entretient des relations spéciales avec l'Afghanistan ainsi qu'avec les deux pays ayant accueilli 95 % des réfugiés afghans, à savoir les Républiques islamiques d'Iran et du Pakistan. Avec plus de 6 millions de personnes à son point culminant, cette situation de réfugiés est la plus importante à laquelle le HCR a jamais eu à faire face, et la plus grande opération de rapatriement volontaire de notre histoire, avec plus de 5,8 millions de personnes rentrées dans leur pays depuis 2002. Aujourd'hui après plus de 35 ans, la situation prolongée des réfugiés afghans est la plus importante dans le monde, avec 2,6 millions de réfugiés enregistrés qui demeurent dans 70 pays.
Nous sommes ici parce que nous voulons que la communauté internationale se concentre une fois de plus sur une situation qui ne bénéficie plus de l'attention qu'elle mérite, et aussi parce que nous croyons qu'ignorer l'Afghanistan serait une grave erreur, malgré l'urgence et l'ampleur d'autres crises nouvelles.
Depuis la mise en place du Gouvernement d'unité nationale afghan, le Président Ghani et son administration se sont engagés à faire des solutions durables pour les réfugiés et les déplacés l'une des principales priorités nationales, notamment grâce au travail d'un Haut Commissariat aux migrations présidé par le Président lui-même. Cet engagement historique, associé au renforcement de la coopération régionale avec les Républiques islamiques d'Iran et du Pakistan, offre l'occasion importante de réaliser des progrès dans la recherche de solutions durables pour le reste des réfugiés afghans, le rapatriement volontaire dans la sécurité et la dignité étant la solution préférée de la plupart d'entre eux. Toutefois, ces progrès ne seront possibles que si la communauté internationale appuie ces efforts, plus solidement que par le passé. En particulier, la Stratégie régionale de solutions pour les réfugiés afghans, conçue par les Gouvernements des Républiques islamiques d'Afghanistan, d'Iran et du Pakistan avec le HCR, est le principal instrument de soutien à ces efforts et doit être appuyée d'une manière plus décisive, en particulier par les acteurs du développement.
Entre-temps, la situation en Afghanistan demeure très difficile, comme les événements ayant récemment eu lieu à Kunduz l'ont montré. Le nombre de déplacés internes s'élève aujourd'hui à près d'un million. Les Afghans continuent à quitter leur pays pour déposer de nouvelles demandes d'asile dans d'autres pays. Jusqu'ici, ils représentent près de 15 % des personnes arrivées en Europe cette année par bateau.
Toutefois, en 2015, près de 54 000 réfugiés sont néanmoins rentrés en Afghanistan, c'est-à-dire pratiquement autant que le total combiné des deux années précédentes. Ils se sont joints aux millions d'autres rentrés depuis 2002 dans un pays où un habitant sur cinq est un ancien réfugié. Sous la direction du Président Ghani, le Gouvernement afghan a renforcé ses mécanismes de coordination des activités de retour et de réintégration dans les régions considérées comme sûres. Son Plan global de rapatriement et d'intégration est une mesure importante visant à assurer un meilleur accès des personnes rapatriées aux abris, aux services sociaux et aux moyens d'existence - un des aspects essentiels de la durabilité du retour.
Par ailleurs, le HCR soutient le Gouvernement pour veiller à ce que les principales zones de retour soient prises en compte dans la mise en oeuvre des programmes nationaux prioritaires. Le portefeuille de projets de la Stratégie de solutions pour l'Afghanistan, qui sera lancé demain après-midi lors d'un événement en marge, définit les domaines prioritaires d'engagement en faveur desquels nous lançons un vibrant appel pour le soutien des donateurs. Le but de ces interventions conçues pour compléter le plan national de développement afghan, est de soutenir la création des conditions de réintégration durable, en visant par des investissements communautaires les zones accueillant des nombres élevés de personnes rapatriées.
C'est précisément parce que les temps sont difficiles qu'il est important de soutenir l'Afghanistan maintenant. L'initiative du Gouvernement afghan en faveur d'Allocations pour le retour volontaire et la réinsertion de chaque famille rapatriée mérite une attention particulière, car elle contribuera davantage à la réintégration des réfugiés dans la phase initiale, après leur rapatriement. Soutenue par les conclusions d'études plus larges sur l'utilité de l'appui multiforme en espèces, elle constitue un élément clé de la stratégie visant à enraciner les Afghans rapatriés dans leurs communautés, notamment en leur facilitant l'accès à la terre, au logement et aux moyens d'existence.
Permettez-moi de parler de deux principaux pays d'asile. Les Républiques islamiques du Pakistan et d'Iran ont généreusement accueilli des millions de réfugiés afghans au cours des trois dernières décennies et demie, dans une expression de solidarité et de compassion pour leurs voisins, rare aujourd'hui dans le monde. À eux seuls, ces deux pays continuent d'abriter 2,5 millions de réfugiés afghans enregistrés et environ 2 millions non enregistrés.
Au plus fort de la crise il y a 30 ans, personne ne collectait les données macro économiques pour déterminer l'impact de ces immenses afflux de réfugiés sur les deux pays voisins. En Europe cette année, le demi-million d'arrivées par bateau a dépassé les capacités de nombreux pays touchés, dont la plupart sont membres de l'Union européenne. Sur cette base, nul ne peut mesurer le type de pression que subissait à l'époque les Républiques islamiques d'Iran et du Pakistan, avec plus de 6 millions de réfugiés afghans.
Leur générosité dure depuis plus de trois décennies, et continue d'être exemplaire. En République islamique d'Iran, tous les enfants étrangers, indépendamment de leur statut légal, ont maintenant le droit d'être inscrits dans le système éducatif national. Près d'un quart de million d'autres enfants - surtout des Afghans - profiteront de cette nouvelle politique, suite à un acte louable de prévision qui reconnaît la nécessité vitale de réaliser le potentiel humain de la nouvelle génération. De même, le Gouvernement iranien a décidé d'intégrer tous les réfugiés afghans enregistrés dans le système national d'assurance, au même titre que ses propres citoyens.
Le Pakistan, qui a été pendant des années le pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés dans le monde, a fait montre de la même générosité en permettant aux réfugiés d'avoir accès aux services essentiels et de vivre en paix au cours des 36 dernières années. Avec 70 % des réfugiés afghans enregistrés ayant moins de 25 ans, dont la plupart font partie de la deuxième ou même de la troisième génération, cette situation illustre les possibilités et les défis liés à l'accueil de groupes si importants de personnes déracinées. Le Gouvernement a réitéré son engagement concernant le caractère volontaire et par étapes du retour en Afghanistan, et a généreusement prorogé la validité des cartes prouvant l'enregistrement des réfugiés jusqu'à la fin de cette année. Un nouveau projet de Plan de gestion et de rapatriement des réfugiés afghans au-delà de 2015, actuellement étudié par le Gouvernement pakistanais, prévoit un rapatriement volontaire dans la sécurité et la dignité, une autre prorogation jusqu'en fin 2017 des cartes prouvant l'enregistrement des réfugiés et une recommandation pour des arrangements de séjour temporaire en faveur des ressortissants afghans enregistrés au Pakistan.
Les communautés d'accueil iraniennes et pakistanaises ont supporté les graves conséquences liées à l'accueil d'un si grand nombre de réfugiés pendant une période aussi prolongée. Elles ont par ailleurs accordé aux réfugiés l'occasion d'acquérir des compétences et des connaissances leur permettant d'apporter pendant leur exil des contributions positives à la société. Les deux gouvernements continuent de fournir aux Afghans des abris, en travaillant parallèlement avec le Gouvernement afghan sur une stratégie commune, mutuellement bénéfique, pour des solutions durables. Une solidarité internationale et un partage de la charge accrus sont essentiels à cette étape importante pour apporter un appui constant aux projets communautaires dans les deux pays et contribuer à préserver l'espace de protection pour les réfugiés afghans.
Si nous sommes ici aujourd'hui c'est grâce à la détermination du Président Ghani et de son Gouvernement à réaliser des progrès vers des solutions durables pour la situation de réfugiés prolongée la plus importante de l'histoire. Il s'agit d'une occasion que la communauté internationale ne peut se permettre de rater. Uniquement du point de vue de la réponse humanitaire, il est évident qu'à un moment où les nouveaux déplacements dans d'autres régions du monde ont atteint des niveaux record, la résolution progressive d'anciennes crises est absolument indispensable pour éviter que celles-ci ne soient entièrement submergées par de nouvelles.
Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas conscients des énormes défis à relever - bien au contraire. La présente réunion s'explique par la reconnaissance du fait que le retour effectif et durable en Afghanistan est fondamentalement important pour les efforts visant à stabiliser l'ensemble de la région, et que nous ne saurions laisser les choses aller au hasard vers l'atteinte de cet objectif. Soutenir à ce moment crucial la République islamique d'Afghanistan et les pays accueillant ses réfugiés est non seulement une question de solidarité, mais aussi d'intérêt bien compris de tous.
Merci beaucoup.