Texte de l'adresse inaugurale du Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, au groupe d'experts des Nations Unies pour le projet de Convention sur l'asile territorial
Texte de l'adresse inaugurale du Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, au groupe d'experts des Nations Unies pour le projet de Convention sur l'asile territorial
Le 28 avril 1975
C'est pour moi un devoir et un honneur que de vous souhaiter, au nom du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et en mon nom personnel, en ma qualité de Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, la bienvenue à cette réunion d'experts organisée conformément à la résolution 3272 (XXIX) de l'Assemblée générale, en date du 10 décembre 1974, qui a trait à l'élaboration d'un projet de convention sur l'asile territorial et à la suite de laquelle a été établi le document qui vous a été distribué sous la cote A/AC.174/CRP.1
Qu'il me soit tout d'abord permis de vous féliciter, Monsieur le Président, à l'occasion de votre brillante élection, ainsi que le Vice-Président, le Dr Yoko, du Zaïre, et le Rapporteur, l'Ambassadeur Nacimeno-Silva, du Brésil.
L'organisation de cette Conférence est l'aboutissement d'une évolution importante qui s'est produite ces dernières années dans le domaine du droit d'asile. Le droit d'asile existe sous diverse formes depuis l'aube de l'histoire ; tant que nous vivrons dans un monde imparfait, il demeurera une institution humanitaire essentielle et c'est pour cette raison qu'il a été inscrit sur la liste des droits fondamentaux de l'homme, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, le 10 décembre 1948.
L'évolution récente en ce qui concerne le droit d'asile s'est caractérisée par un désir croissant de renforcer le fondement juridique de ce droit en allant au-delà de la règle traditionnelle qui, bien entendu, n'en conserve pas moins son importance vitale, en vertu de laquelle l'octroi de l'asile est le droit souverain des Etats. C'est ainsi que dans le cadre des Nations Unies - très tôt dans l'histoire de l'ONU - la Déclaration universelle des droits de l'homme, que je viens de rappeler, a proclamé - en son article 14 - que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ». Ensuite, après dix ans d'efforts au sein de la Commission des droits de l'homme et des troisième et sixième commissions de l'Assemblée générale, la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale aux termes de sa résolution 2312 (XXII). Cette déclaration définit dans les termes les plus précis qui aient été adoptés jusqu'ici les principes fondamentaux régissant l'institution de l'asile territorial et, en particulier, le principe du non-refoulement qui constitue l'essence de cette institution humanitaire. Dans le Déclaration, ce principe, qui a aussi trouvé place dans la Convention de 1951 et dans le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, est défini en termes clairs et non équivoques et englobe le refus d'admission à la frontière.
La Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial à marqué une étape importante. Certes, elle revêt la forme d'une résolution de l'Assemblée générale et ne constitue donc pas un instrument juridiquement obligatoire, mais elle tire sa force de l'adoption unanime dont elle a fait l'objet et du fait que tous les gouvernements, en dépit des différences politiques et idéologiques, ont reconnu que leur politique en matière d'asile doit être dictée par les principes définis dans la Déclaration. L'évolution intervenue ensuite, qui tend à renforcer le fondement juridique du droit d'asile, a été marquée par les importantes décisions adoptées en ce domaine dans le cadre de diverses organisations régionales. La Convention de l'OUA, qui vise les aspects concrets du problème des réfugiés en Afrique, a été adoptée à l'unanimité le 10 septembre 1969 par la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'Unité africaine et reprend sous une forme juridiquement obligatoire les divers principes énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial. Ces principes ont aussi, dans une large mesure, trouvé place dans la Convention américaine des droits de l'homme adoptée le 22 novembre 1969, à San José (Costa Rica) par une Conférence spéciale des droits de l'homme convoquée par l'Organisation des Etats américains.
Enfin, dans le domaine du droit interne, des dispositions relatives au droit d'asile ont été inscrites dans la Constitution ou dans la législation ordinaire d'un certain nombre de pays de plusieurs régions du monde. La Constitution de certains pays d'Europe occidentale, de divers pays socialistes et de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine est la preuve vivante de l'intérêt que les Etats portent à ce problème au niveau national.
Ces différents faits positifs ont eu pour conséquence la convocation d'un Groupe d'experts chargé d'examiner l'ensemble du problème, qui s'est réuni à Bellagio (Italie) en avril 1971, puis à Genève en janvier 1972, et la succession d'événements qui est évoquée dans le document A/AC.174/CRP.1 Le fruit de ces délibérations, c'est le texte d'un projet de convention sur l'asile territorial, qui vous a été soumis pour examen par l'Assemblée générale.
Etant donné l'importance fondamentale de l'asile et les conséquences tragiques qui pourraient en résulter si les principes qui régissent l'asile n'étaient pas respectés, il ne fait aucun doute que tous les efforts accomplis pour renforcer le fondement juridique de l'institution de l'asile doivent être accueillis avec faveur. J'ai déjà mentionné le principe du non-refoulement, qui met l'accent sur l'asile envisagé du point de vue de l'individu. Cependant, on ne saurait oublier - et c'est là le thème fondamental de tous les efforts déployés pour développer et renforcer l'institution de l'asile au niveau international - que l'asile ne peut fonctionner efficacement que dans le contexte de la compréhension internationale et de la coopération internationale.
Lorsque nous parlons de compréhension internationale, nous avons en vue un autre principe énoncé dans la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial, à savoir, le principe que l'octroi de l'asile est un acte de nature purement humanitaire et ne saurait être considéré comme un acte inamical à l'égard d'un autre Etat, et lorsque nous parlons de coopération internationale, nous songeons à un autre principe, qui figure aussi dans la Déclaration , le principe que la situation des personnes qui cherchent l'asile est un sujet de préoccupation pour la communauté internationale et que celle-ci doit venir en aide à l'Etat pour lequel l'octroi de l'asile représente une trop lourde charge.
Assurer que les principes régissant l'asile puissent être définis plus clairement et de façon plus satisfaisante pour faire l'objet d'une application plus complète et plus efficace dans un esprit humanitaire, telle est bien la tâche exaltante qui vous a été confiée. En toute objectivité, le projet de convention dont vous êtes saisis représente un strict minimum et j'ai le sincère espoir et la conviction que les recommandations de votre Troupe seront dictées par des considérations généreuses et humanitaires.
Je sais fort bien que les problèmes posés sont nombreux et divers. Les problèmes juridiques qu'il s'agit de résoudre sont complexes, mais je suis certain que des experts aussi éminents que ceux qui sont réunis ici les examineront en profondeur afin de trouver des solutions. Dans cette nouvelle entreprise dont vous avez la tâche, je vous souhaite un total succès.