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10 perspectives sur la crise des réfugiés syriens après cinq années de guerre

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10 perspectives sur la crise des réfugiés syriens après cinq années de guerre

10 perspectives sur la crise des réfugiés syriens après cinq années de guerre
30 Mars 2016
Des réfugiés syriens arrivent sur l'île grecque de Lesbos en juillet 2015.

Par Amin Awad

Le conflit syrien entre ce mois-ci dans sa sixième année. Alors que le monde souligne ce triste anniversaire, les questions ne manquent pas : « Combien de réfugiés ont quitté la Syrie ? » « Combien iront en Europe, en Amérique du Nord et en Australie ? » « Les réfugiés posent-ils un risque en matière de sécurité ? » Et, plus directement « Quand tout cela finira-t-il ? »

Dans mon rôle de coordonnateur régional du HCR pour la Syrie et l'Iraq, j'ai entendu toutes ces questions. Et j'estime qu'il est grand temps de répondre à certaines.

    Des réfugiés se ruent au poste-frontière d'Akçakale, en Turquie, après la reprise des combats en Syrie.

  • Le monde est à la croisée des chemins pour ce qui est du traitement et de la perception des réfugiés. La crise syrienne façonne la manière dont nous nous identifions aux personnes déplacées, exprimons notre compassion envers elles, ou nions et rejetons leurs besoins. Nous voyons ce phénomène se dérouler dans de nombreux pays, alors que chaque jour apporte son lot de nouvelles concernant la législation sur les réfugiés, la fermeture des frontières et les décisions politiques. La façon dont nous choisissons de répondre à la crise actuelle définira l'avenir de la protection humanitaire et de la réponse humanitaire.
  • Des réfugiés et des migrants dorment à bord d'un navire militaire italien après avoir été secourus en mer en juin 2014.

  • Il y a une distinction juridique entre réfugié et migrant. Les mots comptent. Dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le terme « réfugié » s'entend de toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. La Convention garantit à ces personnes une protection internationale, et les réfugiés ne devraient pas être assimilés, faussement, à des « migrants » dans les médias ou dans la législation. Même si les migrants économiques n'ont pas le même statut juridique que les réfugiés, ils doivent eux aussi être traités avec dignité et respect, et des mesures doivent protéger leurs droits fondamentaux.
  • Une jeune réfugiée syrienne fait la classe à d'autres enfants dans un camp informel situé dans la plaine de la Bekaa, au Liban, en mars 2014.

  • En dépit d'appels répétés, le financement des agences de l'ONU spécialisées dans l'aide humanitaire reste nettement insuffisant. On croit parfois que l'ONU est une entité bien financée, voire trop financée. La vérité est toute autre. Le HCR est reconnaissant des contributions de ses donateurs mais, en 2015, l'appel de fonds de plusieurs agences en faveur du Plan régional pour les réfugiés et la résilience (3RP) n'a permis de recueillir que 62 % du financement nécessaire. De plus, la majeure partie du budget vient généralement d'un nombre limité de bailleurs ; davantage de pays doivent participer à notre financement, et nous avons aussi besoin de contributions accrues du secteur privé.
  • Une jeune réfugiée syrienne aide au pâturage des moutons dans un camp de tentes de la plaine de la Bekaa, en mars 2014.

  • Les mouvements de grande ampleur vers l'Europe sont liés au sous-financement actuel. Les évaluations du HCR et de ses partenaires révèlent sept raisons majeures pour lesquelles les réfugiés s'éloignent de leur région immédiate. Ces raisons sont : la perte de tout espoir quant à une résolution politique du conflit ; un sentiment d'insécurité et de vulnérabilité ; la pauvreté accrue dans les pays de premier asile ; le chômage et les possibilités limitées d'assurer sa subsistance ; l'insuffisance de l'aide ; les obstacles au renouvellement du permis de séjour et les possibilités limitées de s'instruire. Le financement accru de l'action humanitaire du HCR pourrait aider à stabiliser les mouvements secondaires grâce à un renforcement de l'aide, de sorte que les réfugiés puissent envisager un avenir meilleur pour eux dans les pays de premier asile, en attendant de pouvoir rentrer chez eux.
  • Des travailleurs montent 300 tentes par jour pour accueillir 1 500 personnes dans l'extension du camp d'Ifo à Dadaab, au Kenya, en juillet 2011.

  • Seul 1 % des réfugiés sont réinstallés par le HCR, et ceux qui le sont font l'objet de contrôles de sécurité stricts. Il est important de clarifier que la majorité des 20 millions de réfugiés dans le monde vivent aujourd'hui dans des pays en développement et des pays à revenu intermédiaire limitrophes des États touchés par un conflit, comme la Turquie, la Jordanie, le Liban, le Pakistan, l'Éthiopie et le Kenya. Ces pays font beaucoup de bien à l'échelle de la planète, et leur générosité sans faille doit être reconnue. Seul 1 % de ces réfugiés seront un jour réinstallés par le HCR dans des pays tels que le Royaume-Uni, la Suède, le Canada, les États-Unis ou l'Australie. Actuellement, de nombreux pays dans le monde n'ont pas de dispositif en place pour la réinstallation de réfugiés, et le HCR appelle à ce que davantage de pays mettent en place un tel dispositif. De plus, dans la foulée des récents incidents terroristes tragiques, certains ont fait part de leur inquiétude de voir des réfugiés profiter des programmes de réinstallation pour entrer dans les pays occidentaux. Il est important de clarifier que le HCR a un système uniformisé qui lui permet de repérer les réfugiés vulnérables susceptibles d'être réinstallés. Les réfugiés ne « demandent » pas à être réinstallés. Et, avant d'être réinstallés, les réfugiés font l'objet d'une série de contrôles de sécurité, d'abord par le HCR, puis par les gouvernements des pays qui envisagent de les accueillir.
  • Mehdi, un réfugié afghan en Iran, a ouvert un atelier de mécanique après avoir suivi une formation professionnelle.

  • Les réfugiés peuvent en fait contribuer à leur pays d'accueil et à l'économie locale. Les réfugiés sont souvent dépeints comme des personnes qui imposent un fardeau énorme aux États qui les accueillent ; cependant, les études montrent invariablement que, si on leur en donne l'occasion, les réfugiés peuvent être une bénédiction, et non pas un fardeau, pour leur pays d'accueil, car ils constituent une source de main-d'oeuvre diversifiée et contribuent à la croissance économique.
  • Maya est née à Sulaymaniyah, dans la région du Kurdistan irakien, quelques semaines après que sa mère, enceinte, ait fui la Syrie.

  • Il n'y a sans doute jamais eu de pire époque pour être un réfugié. Le HCR a souligné son 65e anniversaire le 14 décembre 2015. Les chiffres du HCR indiquent qu'il y a actuellement plus de 18 millions de personnes déracinées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dont plus de 5 390 000 réfugiés et demandeurs d'asile, ainsi que 12 855 000 personnes déplacées internes. Ces chiffres ne comprennent pas les 5 millions de réfugiés palestiniens pouvant bénéficier d'une aide de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies. Du fait d'un nombre sans précédent de conflits dans le monde, le nombre de réfugiés augmente rapidement, et l'aide financière n'est tout simplement pas suffisante. Depuis 2010, les besoins financiers du HCR ont plus que doublé. Dans le contexte actuel, trop de réfugiés vivent dans des abris inadéquats, souffrent de la faim, ne sont pas scolarisés et font l'objet de réactions de plus en plus négatives ancrées dans la xénophobie et la peur.
  • Une employée du HCR porte un jeune garçon dans un bus sur les rives de l'île de Lesbos en janvier 2016.

  • Il n'y sans doute jamais eu de pire époque pour être un travailleur humanitaire. Employé aux Nations Unies depuis plus de 27 ans, j'ai eu l'occasion de visiter de nombreux camps et installations de réfugiés en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe de l'Est et en Asie. Jamais les travailleurs humanitaires n'ont été plus exposés à des risques pour leur sécurité qu'aujourd'hui. Dans le monde entier, ils sont la cible de groupes extrémistes radicaux, ce qui modifie le contexte dans lequel le personnel du HCR opère. Je suis très fier de mon personnel, et le HCR a reçu deux prix Nobel de la paix, en 1954 et 1981, en récompense de son courage et de sa détermination indéfectibles à aider certaines des personnes les plus vulnérables au monde.
  • Des réfugiées originaires du Darfour, au Soudan, se promènent dans un camp de l'est du Tchad.

  • Une crise des réfugiés dure en moyenne de nombreuses années. Certains ont peut-être l'impression qu'une crise des réfugiés dure six mois ou un an, mais, avant que les tentes soient pliées et que les réfugiés puissent rentrer chez eux, plusieurs années s'écoulent généralement. La majorité des 60 millions de personnes déracinées dans le monde se trouvent dans ce qu'il est convenu d'appeler une « situation prolongée ». Cela signifie, concrètement, que longtemps après que les médias internationaux auront cessé de s'intéresser à eux, un grand nombre de réfugiés resteront déracinés loin de chez eux et continueront d'avoir besoin d'aide. La communauté internationale doit envisager l'aide aux réfugiés dans une perspective différente : elle doit insister sur la planification à long terme, les possibilités d'emploi, les moyens d'existence et l'autonomie.
  • Une famille de réfugiés originaire d'Alep, en Syrie, se promène dans les rues de Wächtersbach, en Allemagne, où elle a trouvé refuge.

  • Enfin, l'histoire nous rappelle que ce n'est pas en fermant les frontières et en s'en tenant aux vieilles idées que l'on contribue au progrès et à l'innovation, ou à l'amélioration de la planète. Les nouveaux mouvements de population, même ceux qui sont ancrés dans la tragédie, peuvent être porteurs de nouveaux rêves et de nouvelles idées. Dans le débat actuel à propos des réfugiés, à ceux qui disent « fermez les frontières », je réponds qu'une politique enracinée dans la peur et l'exclusion est non seulement inacceptable sur les plans juridique, économique et moral, mais qu'elle constitue également l'approche la plus mesquine ; en outre, une telle approche ne contribuera pas à nous faire avancer en tant qu'êtres humains. Pour qui a le courage et la clairvoyance de voir les nouveaux mouvements de population et le paysage changeant comme une invitation et une chance, plutôt que comme une menace, les possibilités de développement humain et d'innovation sont illimitées.

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Amin Awad est le coordonnateur régional du HCR pour la Syrie et l'Irak et le directeur du Bureau du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord pour le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Employé au HCR depuis plus de 25 ans, il a travaillé au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique, dans l'ancienne Union soviétique, dans l'ancienne Yougoslavie et au siège du HCR à Genève. Les opinions exprimées ici ne reflètent pas forcément la politique officielle du HCR.

Vous trouverez sur le site unhcr.org de plus amples renseignements sur les mesures prises par le HCR pour faire face à la crise syrienne. Nous vous invitons également à témoigner de votre soutien aux Syriens déplacés en faisant un don dès aujourd'hui.