Au Bénin, des réfugiés togolais reviennent au camp d'Agamé après des heurts avec des villageois
Au Bénin, des réfugiés togolais reviennent au camp d'Agamé après des heurts avec des villageois

AGAME, Bénin, 9 mars (UNHCR) - Les vendeuses d'aliments en tous genres, les marchands de fruits et les détaillants ont déployé leurs étals au milieu de maisons en banco et de tentes estampillées « UNHCR ». Malgré l'heure tardive, l'activité bat son plein dans le marché du camp de réfugiés d'Agamé, un village situé à quelque 120 kilomètres au sud-ouest de Cotonou, la capitale économique du Bénin.
Assis sous un palmier, Assiba, âgé de 22 ans, et son jeune frère Koffi dégustent un plat de « wô », la pâte de maïs locale, avec une « sauce graine » (à l'huile de palme). Ils sont rejoints par un groupe d'amis, qui savourent quant à eux un bol de riz au poisson. Les conversations vont bon train, sous le regard nonchalant d'une dizaine de policiers installés sur des bancs à proximité. L'atmosphère est plutôt bon enfant ; on peut même entendre de la musique populaire ivoirienne dans une tente voisine.
Pourtant, cette palmeraie transformée l'an dernier en site d'accueil pour des réfugiés togolais fuyant la violence politique dans leur pays a été le théâtre, à la mi-février, de scènes de violence. En effet, le 15 février dernier, Rafik Saïdi, délégué de l'UNHCR au Bénin, ainsi qu'une dizaine de ses collègues ont été retenus contre leur gré par une poignée de réfugiés en colère exigeant que leur soient délivrées des attestations supposées leur permettre, entre autres, de voyager et de chercher un emploi rémunéré.
Après plusieurs heures de négociation, les employés de l'UNHCR ont recouvré la liberté. Malheureusement, la nuit suivante, des provocations ont dégénéré en heurts violents entre réfugiés et villageois, conduisant au départ massif des Togolais, notamment vers la ville de Lokossa située à 12 kilomètres en contrebas d'Agamé.
« Les Béninois nous en veulent parce qu'ils estiment que nous sommes mieux lotis qu'eux », explique Assiba. Outre son centre de santé bien équipé, le camp d'Agamé dispose en effet d'un réseau électrique et d'un système d'adduction d'eau potable, autant de « privilèges » dont ne bénéficie pas le village situé juste en face.
« Les villageois et les réfugiés parlent la même langue, partagent la même culture et les mêmes habitudes culinaires. Il n'y aucune raison qu'ils en viennent à l'affrontement. C'est moins la jalousie des villageois vis-à-vis des réfugiés que le comportement délibérément provocateur d'une poignée de réfugiés togolais qui est en cause. La preuve en est qu'il n'y a aucun problème de cohabitation entre les réfugiés et les communautés locales dans les autres sites de réfugiés au Bénin. Cela dit, tout est maintenant rentré dans l'ordre », assure, pour sa part, Richard Honou, l'administrateur du camp.
Après plusieurs semaines d'âpres négociations entre l'UNHCR, les autorités béninoises, les réfugiés togolais d'Agamé et leurs hôtes, le dialogue, à défaut de la confiance, a été renoué avec le concours des autorités religieuses et d'associations locales. « Parmi les vendeuses du marché nocturne, on trouve autant de réfugiés que d'autochtones », signale Richard Honou.
Les tentes incendiées ont aujourd'hui été remplacées et celles qui ont été endommagées ont été réparées à l'aide de bâches en plastique. Les maisons détruites au village d'Agamé sont en train d'être reconstruites par l'UNHCR. Quant à l'eau et l'électricité, elles ont été rétablies sur le site, qui est désormais protégé de façon permanente par une escouade de gendarmes et de policiers.
Le camp a été ouvert en avril 2005, pour faire face à un afflux de Togolais fuyant les violences post-électorales dans leur pays. Selon une étude statistique de l'UNHCR, il compte une proportion égale de femmes et d'hommes et abrite essentiellement des personnes jeunes, parmi lesquelles bon nombre de cadres moyens ou supérieurs. Cette population fait d'Agamé un foyer potentiel d'agitation politique et syndicale.
« La situation de ce camp est inédite », confirme Rafik Saïdi. « Elle est composée en majorité de jeunes, parfois radicaux dans leur vision des choses, qui vivent mal le fait d'être confinés depuis dix mois dans un camp, en proie à l'oisiveté et au désoeuvrement. »
Quelque 5 000 réfugiés sont maintenant revenus au camp d'Agamé, alors qu'ils étaient 9 000 avant les événements de la mi-février. Les services offerts sur le site sont progressivement rétablis ; des biens de secours et des vivres ont été distribués. Le bureau de l'UNHCR au Bénin explore actuellement la possibilité de mettre en place des projets communautaires qui impliqueraient les communautés locales.
Par Francis Kpatindé à Agamé, Bénin