Au Burundi, les rapatriés tentent de régler les litiges fonciers à l'amiable
Au Burundi, les rapatriés tentent de régler les litiges fonciers à l'amiable

RUMONGE, Burundi, 30 septembre (UNHCR) - Agée seulement de 20 ans, Bakiri Feruzi a fui les violences interethniques qui ont déchiré le Burundi en 1972, comme des centaines de milliers d'autres Burundais. Bakiri Feruzi a passé plus de 30 ans de sa vie en exil en Tanzanie. En 2002, elle est rentrée au Burundi, accompagnée de ses cinq enfants, pour récupérer la parcelle que son mari a léguée à leurs enfants lors de son décès en 1995.
« C'est mon frère aîné, resté au Burundi, qui a d'abord tenté de récupérer notre parcelle après la mort de mon mari », explique Bakiri Feruzi. « Mais il est lui aussi décédé alors à mon tour, j'ai décidé de poursuivre le combat ». De retour dans leur patrie, il est effectivement très difficile pour les réfugiés burundais partis en 1972 de récupérer leur terre ou leur maison.
La Commission nationale de réhabilitation des sinistrés au Burundi (CNRS) est chargée de la réconciliation et de la cohabitation pacifique entre les réfugiés rentrés d'exil et ceux qui ont entre-temps occupé leurs terres.
« Les concitoyens restés sur place se sont accaparés les terres, d'autres biens meubles et immeubles abandonnés par les réfugiés, le mode d'acquisition variant de la pure spoliation à l'attribution par des autorités administratives », souligne un rapport de la CNRS daté de mars 2004.
D'après un rapport récent de Caritas et de la Commission épiscopale Justice et Paix au Burundi, les rapatriés sont déjà impliqués dans plus de 33 000 conflits liés à la terre et le rapatriement de près de 200 000 réfugiés, partis depuis 1972, commence à peine.
Pour régler les conflits fonciers, la CNRS préconise la médiation des Bashingantahe « hommes intègres et respectés », qui se réunissent pour tenter de résoudre les litiges à l'amiable, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'arbitrage de l'autorité administrative.
La Ligue Iteka, un groupe burundais de défense des droits de l'Homme partenaire de l'UNHCR, contribue aussi à la résolution des conflits par médiation. Ses agents, déployés sur tout le territoire burundais, assurent la conciliation aux côtés des Bashingantahe.
Ainsi, Gérard Niyungeko, agent de la Ligue Iteka à Rumonge, une localité du sud du pays particulièrement affectée par les conflits fonciers en raison de ses terres très fertiles, affirme avoir aidé sept rapatriés à récupérer à l'amiable leur parcelle ou leur maison depuis le début du mois de juillet.
Bakiri Feruzi a ainsi été épargnée de longues procédures coûteuses. Au bout de trois ans, elle a réussi à récupérer sa parcelle et sa maison grâce à la médiation des Bashingantahe.
D'autres, comme Sabrina Nsabimana, n'ont pas cette chance. Née à Bukavu en République démocratique du Congo, âgée de 30 ans et mère célibataire de huit enfants, elle a décidé de rentrer à Rumonge en avril 2005. Malheureusement, elle a trouvé deux des trois domaines familiaux occupés depuis 1972 grâce à la complicité de l'administrateur communal de l'époque. « La personne qui occupe illégalement nos deux maisons ne veut pas les céder et a refusé la décision des Bashingantahe », se désespère Sabrina.
Sabrina n'a aujourd'hui qu'une seule solution : porter l'affaire devant les juges. En effet, lorsque la médiation à l'amiable avec l'aide des Bashingantahe échoue, le conflit doit être transféré au niveau administratif. Elle espère que les juges respecteront l'accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi. Cet accord, signé en 2000, stipule que les réfugiés peuvent récupérer leurs biens à leur retour.
Si cette récupération s'avère impossible, les réfugiés doivent recevoir une compensation. C'est dans ce but que la CNRS a répertorié avec l'UNHCR plus de 3 000 terres domaniales depuis 2003, qui pourraient éventuellement être distribuées à titre de compensation à ceux qui se retrouvent sans terre lors de leur retour au Burundi.
Plus de 430 000 réfugiés burundais vivent actuellement en Tanzanie. Depuis 2002, plus de 267 000 réfugiés sont rentrés au Burundi. Avec la fin de la transition vers la paix en août, le rythme des retours est susceptible de s'accroître.
Par Didier Bukuru, UNHCR Burundi