Gao, une ville qui se réveille lentement d'un cauchemar
Gao, une ville qui se réveille lentement d'un cauchemar
Les traces du cauchemar sont toujours évidentes : la place où des islamistes exécutaient leurs victimes devant les yeux de citoyens obligés d’assister à cette cérémonie sanglante ; plusieurs immeubles détruits ou endommagés par un attentat à la bombe dans une voiture piégée le 12 novembre 2018 ; des patrouilles militaires régulières en véhicules blindés dans les rues.
Cette ville de plus de 100 000 habitants a été l’une de celles – comme Tombouctou – prises dans une offensive au nord du Mali par des combattants islamistes en 2012.
Des dizaines de milliers de résidents ont alors fui leur ville.
Parmi eux, Zeinadine Ag Malaiga, un grand homme tranquille de 64 ans.
« J’étais ici dans la maison, au moment où les combattants armés sont arrivés. Je me suis caché avec ma famille. Et puis, on a quitté la ville et le pays », a-t-il expliqué.
Sa maison est devenue un abri pour des combattants.
« Je me suis caché avec ma famille. Et puis, on a quitté la ville et le pays. »
Zeinadine a passé quatre ans en exil avec sa famille dans un camp de réfugiés au Burkina Faso. Il attendait.
« Quand j’ai entendu que le calme était revenu et la paix rétablie dans la ville, alors j’ai décidé que je pourrais essayer de recommencer ma vie à Gao », a-t-il dit.
Mais une mauvaise surprise l’attendait à son retour.
« Ma maison était en ruines », a-t-il dit. « Les portes, les fenêtres, même la pompe à eau, ils avaient tout arraché, tout détruit. »
Dans sa cour, Zeinadine et les autres membres de sa famille – sa femme, ses six enfants, sa tante et son oncle – ont été obligés d’ériger en hâte trois cabanes traditionnelles, recouvertes de bâches et de nattes de paille, pour vivre.
Un an plus tard, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et le Fonds Fiduciaire de l’Union européenne pour l’Afrique, leur sont venus en aide. Zeinadine a reçu de l’argent pour acheter des outils et des matériaux de construction afin de rénover sa maison.
En février 2019, deux maçons ont ajouté une toute dernière couche de mortier aux murs de sa maison. Grâce au HCR et à l’UE, le travail des maçons a été subventionné avec un don de 25,000 CFA (€38). En 2018, 130 projets pour aider à la reconstruction de maisons de réfugiés ou de déplacés internes, qui étaient revenus à Gao, ont été financés par le HCR et l’UE.
Des conflits récents au Mali ont créé plus de 200 000 réfugiés et des centaines de milliers de déplacés internes. Un calme relatif et la présence de plus de 12 000 soldats de 56 pays dans une force de casques bleus basée à Gao ont incité plus de 70 000 réfugiés à revenir au pays.
À Gao, 60 000 sur les 80 000 personnes qui ont fui la ville sont revenues. Malgré la présence des soldats, des attentats et des attaques de la part de groupes armés restent fréquents, et souvent les cibles sont des patrouilles militaires mêmes dans les villages entourant Gao. Depuis novembre 2018, au moins 15 incidents sanglants ont eu lieu.
Afin d’aider les réfugiés qui reviennent dans leur ville, et pour en encourager d’autres à faire de même, la mairie de Gao organise périodiquement des cérémonies dites de ‘cash’, où ceux dont la demande a été acceptée, reçoivent une subvention de 75 000 CFA (113 euros) par adulte et de 40 000 CFA (60 euros) par enfant pour recommencer une nouvelle vie.
« Tout ce que je peux espérer, c’est que mes enfants peuvent manger et rester en bonne santé. »
Bien que l’argent soit le bienvenu, beaucoup de bénéficiaires, comme Almoukassar Ag Tadarfit, restent sceptiques sur l’avenir de leur ville.
Almoukassar était étudiant et il rêvait de devenir instituteur, un rêve qu’il a dû abandonner en fuyant le pays. Avec la subvention qu’il venait de recevoir, il allait acheter deux moutons pour ajouter à un petit troupeau qui assure sa vie maintenant.
« Pour la situation à Gao, je ne vois pas de fin », a-t-il dit. « Des conflits sont apparus partout au Mali. À notre retour, on nous a dit qu’on aurait la paix et une vie meilleure, mais je ne vois rien de tout ça. »
Même Zeinadine, devant sa maison nouvellement restaurée, reste prudent, pour ne pas dire pessimiste.
« Autrefois, je menais une vie confortable avec un vaste troupeau de moutons », a-t-il dit. « Aujourd’hui je suis pauvre, et un pauvre ne peut pas penser à l’avenir. Tout ce que je peux espérer, c’est que mes enfants peuvent manger et rester en bonne santé. »