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Le feu et la pluie

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Le feu et la pluie

Il y a six ans, une attaque rebelle a forcé Célestine à abandonner son foyer. Le mois dernier, elle s'est retrouvée déracinée de nouveau lorsque des centaines d'abris ont été incendiés.
26 Janvier 2015
Des femmes congolaises retournent voir le peu qu'il reste du site de Kiwanja.

L'histoire de Célestine

La pluie s'abat sur les ruines brûlées de ce qui était, il y a quelques semaines encore, un refuge pour des milliers de personnes déplacées dans la province instable du Nord-Kivu en République démocratique du Congo. Des douzaines d'anciens habitants, principalement des femmes et des enfants, se rassemblent autour de nous pour raconter leur dernière rencontre avec la peur, ainsi que leur fuite.

Parmi eux il y a une femme de 48 ans, mère de trois enfants, que j'appellerai Célestine. Pour se protéger de la pluie qui tombe ici à Rutshuru, à 70 kilomètres au nord de Goma, elle tient un petit bout de bâche en plastique au-dessus de la tête.

Célestine nous raconte qu'elle a vécu ici sur le site de Kiwanja pendant six ans; elle est arrivée après que les FDLR, groupe rebelle rwandais basé dans les provinces orientales du Congo, l'ont forcée à quitter son domicile, à Nyamitwitwi, de l'autre côté des montagnes à l'ouest. « Les FDLR violaient les femmes et tabassaient les hommes », dit-elle. « Les gens ont fui, et le village a été abandonné. »

Il y a quelques semaines, elle a dû fuir de nouveau. Le 2 décembre, les 2 300 résidents du site de Kiwanja, à Rutshuru, ont soudainement reçu l'ordre de partir et de rentrer chez eux. Moins d'un jour après, leurs abris de fortune ont été entièrement incendiés.

Après que leurs abris aient été rasés le mois dernier sur le site de Kiwanja, les familles déplacées ont dû affronter de fortes pluies.

N'ayant nulle part où aller, de nombreuses personnes expulsées du site de Kiwanja vivent dans les cours intérieures des habitants de Rutshuru

Des centaines de familles congolaises se retrouvent de nouveau déplacées. De nombreux jeunes enfants n'ont jamais vu les villages que leurs parents appellent leur « chez-soi ».

Célestine n'a plus de « chez-soi » où elle pourrait retourner. « Les FDLR continuent de faire la loi dans la région », explique-t-elle. « Ils sont toujours là. Le camp des FDLR est maintenant dans mes champs. Comment pourrais-je rentrer? Je ne peux pas demander aux rebelles de quitter mes champs. C'est impossible. »

Son mari et elle souffrent tous les deux de tuberculose. Ils ont trouvé refuge dans la cour d'une famille à proximité; ils dorment dehors à même le sol boueux avec leurs trois enfants. Mais ils ne sont pas seuls. Vingt-trois autres familles campent dans la même cour intérieure.

« Comment pourrais-je rentrer? Je ne peux pas demander aux rebelles de quitter mes champs. C'est impossible. »

Célestine continue d'être bouleversée par son expulsion récente. « Nous avons vu des policiers et des soldats entrer sur le site », dit-elle. « Ils nous ont dit de quitter le site sinon ils allaient nous frapper. Lorsque nous avons compris qu'il y avait une menace, nous avons commencé à rassembler nos affaires. Nous avons pris ce que nous avons pu. Le président du site nous a dit qu'en restant, nous risquions notre vie. »

La plupart des résidents n'ont même pas eu le temps de rassembler leurs affaires avant que leurs abris ne soient entièrement incendiés.

D'anciens résidents retournent voir le peu qu'il reste du site où ils avaient trouvé refuge contre le conflit armé.

Après avoir tout perdu de nouveau, cette femme dit qu'elle dort à la belle étoile et qu'elle doit compter sur la générosité des résidents locaux.

Bon nombre des personnes qui vivaient dans le camp ont tout perdu. Certains étaient partis travailler dans les champs ou ramasser du bois pour le feu; leurs biens ont été volés ou détruits. « Le lendemain, des camions sont venus nous chercher », dit Célestine. « Certains sont montés dans les camions. Nous sommes restés. »

Comme Célestine, de nombreuses personnes ici n'ont plus de foyer. Et elles craignent de ne pas être en sécurité dans leur village.

« Nous ne pouvons retourner chez nous parce que la région est toujours occupée par les groupes armés.»

« Nous ne pouvons pas retourner chez nous parce que la région est toujours occupée par les groupes armés », dit Francine, qui est âgée de 26 ans et qui élève seule ses quatre enfants. « C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. »

Célestine a appris à ses dépens la dangerosité de la situation. « À un moment donné, j'ai voulu rentrer chez moi avec ma fille », me dit-elle. « Lorsque nous sommes arrivées, ils nous ont violées. J'ai réussi à m'enfuir avec ma fille et j'ai décidé que je ne quitterai plus jamais le Kiwanja. »

Flory, 70 ans, regarde les ruines calcinées du site. Il a peur de rentrer dans son village du district de Bwito. Il dit que les groupes armés qui s'y trouvent mettraient sa vie en danger.

De nombreux anciens résidents du site, comme cette femme et sa fille, ont trouvé refuge dans les cours intérieures de généreux membres de la communauté locale.

Le feu qui a rasé des centaines d'abris a été suivi de fortes pluies, ce qui fait qu'il est impossible d'échapper à la boue.

Les organisations humanitaires distribuaient de la nourriture et aidaient, sous d'autres formes, les résidents du site de Kiwanja, avant sa fermeture. Il était déjà difficile pour les personnes de nourrir leurs enfants et de les envoyer à l'école. Maintenant, cela est presque impossible.

« Certaines d'entre nous travaillaient dans les champs de la population locale pour cueillir le nzombe et le vendre », dit Francine, utilisant un terme local pour désigner les feuilles de manioc. « D'autres se rendaient dans les zones occupées par les FDLR pour acheter du charbon de bois, et elles revenaient. Mais elles couraient le risque d'être violées. »

Célestine confirme que les personnes ici ont besoin d'aide. « Lors la destruction du site, nous avons perdu nos ustensiles de cuisine, nos bâches en plastique et nos couvertures. »

Certains parents expulsés du site ne veulent pas retirer leurs enfants de l'école locale à Rutshuru. Dans cette classe, le tiers des élèves provient de familles déplacées.

Plus de 40 000 personnes déplacées ont volontairement quitté les camps autour de Goma depuis la fin de 2013, essentiellement parce que la paix a été restaurée dans les régions où elles sont retournées. Mais beaucoup d'autres, soit plus de 210 000 personnes au dernier recensement, vivent toujours dans les 60 installations de personnes déplacées réparties dans la province du Nord-Kivu.

« Nous demandons au gouvernement d'assurer la sécurité de nos villages afin que nous puissions rentrer », dit Célestine. « Nous n'avons pas besoin de séjourner dans un site (pour personnes déplacées). Le gouvernement doit mettre un terme à la violence dans nos villages afin que nous puissions de nouveau accéder à nos champs. »

Ce soir, Célestine dormira encore dehors sous la pluie. Elle rêvera qu'elle rentre chez elle.