Pénurie d'abris en RDC : un couple âgé sud-soudanais vit séparé
Lorsqu'ils vivaient au Soudan du Sud, même en période de guerre, Cecilia Ofowa n'aurait jamais imaginé qu'un jour elle serait obligée à vivre séparée de l’homme qui partage sa vie depuis 38 ans.
Aujourd'hui, Cecilia, 61 ans, montre l'entrée de la petite hutte en pisé qu'elle partage avec ses sept enfants et petits-enfants et avec une nièce orpheline.
« Nous dormons à neuf dans cette hutte, à même le sol. Il n'y a simplement pas assez de place », explique-t-elle.
« Nous dormons à neuf dans cette hutte, à même le sol. »
Et pourtant, ces conditions de vie précaires ne sont pas le principal souci de Cecilia ; ce qui la préoccupe davantage, c'est le sort de son mari, Peter Juma Maru. Il vit sans un abri adéquat, à une demi-heure à pied de chez elle, à l'autre bout du site de réfugiés de Meri où vivent quelque 30 000 réfugiés sud-soudanais.
« J'aimerais pouvoir le faire venir ici parce qu'il a besoin de nous », dit-elle. « Il a besoin d'aide parce qu'il est souvent malade. Nos filles peuvent l'aider. »
Mais il n'y a pas de place pour son mari âgé de 66 ans.
Le problème de ce couple est répandu parmi les milliers d'autres réfugiés sud-soudanais arrivés ces derniers mois en République démocratique du Congo (RDC). Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ne peut fournir des matériaux de construction d’abris qu'à moins de la moitié des réfugiés installés sur des sites isolés dans le nord-est de la RDC.
Près de 6 000 familles réfugiées se trouvent sans un abri décent du fait d’un manque de fonds. Bon nombre d’entre elles partagent des abris de fortune, souvent surpeuplés, avec d'autres familles tandis que d'autres logent dans de grands hangars communaux, où elles sont confrontées au risque de maladie et de violence sexuelle.
Cecilia et sa famille ne disposent que d'un mètre carré par personne dans leur hutte, c’est-à-dire à peine un tiers de l'espace vital minimum acceptable prescrit par les normes humanitaires et celles du HCR dans les situations d'urgence. La surpopulation a provoqué une pénurie d'abris.
« Pendant plus d’un an, nous n'avions absolument rien à distribuer sur le site de Meri, pas même aux plus vulnérables. »
Il y a également une sérieuse pénurie d'articles ménagers. Sur le site de Meri par exemple, le HCR vient juste de recevoir un stock limité de matelas, de moustiquaires, de jerrycans et de savon. La dernière distribution de ces articles remonte à janvier 2017. Du fait de cette pénurie dramatique d'articles de première nécessité, plus de 16 000 réfugiés tels que Cecilia et Peter n’ont rien reçu à leur arrivée.
Anastase Makembera, employé du HCR chargé des approvisionnements, met en garde contre le fait que ce stock ne suffira pas.
« Pendant plus d’un an, nous n'avions absolument rien à distribuer sur le site de Meri, pas même aux plus vulnérables », explique-t-il. « Lorsque nous manquons de fonds, les réfugiés en ressentent immédiatement les conséquences et savoir que le stock actuel n'est pas suffisant est vraiment préoccupant. »
« Nous avions besoin de ces articles quand nous sommes arrivés », raconte Cecilia. Elle a résolu le problème à sa manière : elle a en effet entrepris un aller-retour périlleux d'une semaine à pied au Soudan du Sud pour récupérer un bidon à eau et quelques bâches en plastique qu'elle avait cachés avant de partir l'année dernière.
« Je m'attends à ce que ce truc me tombe dessus un de ces jours. »
Peter, qui parle très bien l'anglais et travaillait autrefois pour l'administration locale au Soudan du Sud, s’extrait en rampant de son abri, une structure basse recouverte d'une bâche en plastique du HCR et dont la porte est faite d'un morceau de tissu.
« Je m'attends à ce que ce truc me tombe dessus un de ces jours », dit-il avec ironie en regardant le montage.
Il s'installe tout près, à l'ombre d'un arbre, où il passe souvent les longues journées à écouter les nouvelles du Soudan du Sud sur un petit transistor. Il évoque le passé, à l'époque où il vivait confortablement aux côtés de sa famille.
« À la maison, au Soudan du Sud, nous avions l'habitude d'inviter toute la famille à dîner », se souvient-il. « Nous avions tout ce qu'il fallait pour manger, du riz, de la viande… on parlait et on riait beaucoup. »
En se remémorant cette belle époque, il garde bon espoir d'être à nouveau réuni avec son épouse, ses enfants et ses petits-enfants.