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Questions/Réponses : Accès à la justice et réintégration des victimes de violences sexuelles : les priorités du HCR en RDC

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Questions/Réponses : Accès à la justice et réintégration des victimes de violences sexuelles : les priorités du HCR en RDC

Christine Goyer a passé deux ans en tant que chargée de protection auprès de la Représentation régionale du HCR à Kinshasa, en RDC. Elle parle de son travail.
14 Septembre 2010
Christine Goyer, chargée de protection au bureau du HCR à Kinshasa, RDC, au côté de formateurs pour le domaine du suivi de la protection à Kabare.

KINSHASA, RDC, 14 septembre (HCR) - Christine Goyer a passé deux ans en tant que chargée de protection auprès de la Représentation régionale du HCR à Kinshasa, en RDC, où elle a défini une stratégie et mis en place des outils pour la protection des civils dans ce pays. Elle a également été nommée point de contact pour la réponse aux problèmes de violences sexuelles. Céline Schmitt, chargée des relations extérieures pour le HCR à Kinshasa, s'est entretenue avec elle à quelques jours de son départ.

En quoi a consisté votre travail en tant que chargée de protection pour le HCR durant deux ans en RDC ?

Le travail de protection en RDC est l'un des plus riches qui soit. Tous les cas de figure décrits dans les manuels de protection existent malheureusement en République démocratique du Congo (RDC), que ce soit pour les réfugiés, les rapatriés, les apatrides, les demandeurs d'asile et les personnes déplacées internes. C'est un formidable apprentissage pour toute personne intéressée par la protection. De plus, il y a un degré de difficulté supplémentaire, avec le conflit ouvert en RDC, et ce avec la plus importante mission de maintien de la paix au monde.

Nous devons inventer de nouveaux outils de protection, notamment dans le cadre du travail avec les militaires de la MONUC (Mission des Nations Unies en RDC). Découvrir la collaboration entre les civils et les militaires, le mode de travail avec les militaires, dépasser l'antagonisme traditionnel et le cliché « humanitaires contre militaires » était très intéressant. Nous savons que nous, les humanitaires, dans certaines zones, nous ne pouvons pas faire notre travail sans les militaires. Comment le faire sans se trahir et sans violer notre mandat ?

Toutes les activités pour faire avancer la réforme humanitaire ont également été très riches que ce soit le Pooled Fund (Fonds commun de bailleurs pour la République démocratique du Congo), le renforcement des modules, la mise en place des politiques qui peuvent aussi inspirer d'autres pays.

Quel est votre meilleur souvenir dans cette tâche difficile ?

Ce sont mes missions sur le terrain, qui m'ont permis de confronter la théorie développée à Kinshasa à la réalité sur le terrain, d'adapter nos décisions centrales aux besoins de la population civile et d'aider nos collègues sur le terrain confrontés à des problèmes auxquels on ne pense pas forcément au bureau, en parlant avec des bénéficiaires ou des membres des groupes de travail provinciaux. La cohésion en est renforcée.

Un bon souvenir que je garderai de Kinshasa, ce sont nos actions de plaidoyer. Alan Doss est venu au groupe de travail sur la protection suite à un document de plaidoyer qui était un peu critique, c'était la première fois qu'un SRSG se déplaçait dans un groupe de travail. Cela a été apprécié de tous de voir que ce volet était important.

Nous avons développé plusieurs outils de protection. Parfois nous avions l'impression de ne pas répondre aux besoins. Toutefois quand nous en parlions avec des collègues travaillant dans d'autres pays où il y a des missions de maintien de la paix, nous nous rendions compte que notre travail en RDC pourrait servir d'exemple dans d'autres pays.

Quelle est la situation en terme de protection des civils en RDC ?

A l'est de la RDC où le conflit continue entre les groupes armés et l'armée congolaise (FARDC), l'instabilité est un désastre pour la population et se caractérise par des déplacements massifs. Ces déplacements sont préventifs (lorsque les populations cherchent à se mettre à l'abri des combats à venir) ou réactifs, après des violences survenues près de chez eux. Les combats s'accompagnent très souvent d'exactions contre la population civile et d'abus de droits humains, comme des pillages dans les villages, les travaux forcés, les violences sexuelles et parfois même le meurtre.

Quel est le rôle du HCR en matière de protection des civils ?

Le HCR est chef de file du groupe de travail sur la protection, un rôle important en matière de protection des civils. L'organisation coordonne les différents acteurs de protection. Elle identifie avec eux les lacunes et développe des stratégies de réponse selon les problèmes identifiés. Notre rôle s'est renforcé depuis que le « UN Policy Committee » (Comité directeur des Nations Unies) a demandé à la MONUC et au HCR de développer une stratégie globale du système des Nations Unies pour la protection des civils en RDC.

Cette stratégie a été entérinée en janvier 2010. Elle est unique, c'est la première stratégie globale en matière de protection des civils existant dans un pays où il y a une mission de maintien de la paix. Elle rassemble à la fois des membres de la MONUC et des acteurs humanitaires. Elle a servi de base au développement de la stratégie humanitaire du groupe de travail sur la protection, sans la MONUC.

Dans toute la RDC, quand nous parlons de protection des civils, nous travaillons sous ce chapeau-là, selon les besoins et la situation. La stratégie du groupe de travail sur la protection elle-même est adaptée en fonction des réalités propres de chaque province. Etant donné la taille de la RDC, nous ne pouvions pas simplement avoir l'approche groupe de travail à Kinshasa. Cette ville est située à 2 000 kilomètres de Goma et de l'est de la RDC, où se déroule le conflit. Les plus gros problèmes de protection sont rencontrés là-bas.

Notre rôle à Kinshasa est de garder un oeil d'ensemble sur les différents groupes de travail provinciaux. Nous devons surtout analyser les tendances clés dans chaque groupe de travail, les problèmes communs rencontrés dans chaque zone et de donner des conseils, d'organiser le plaidoyer, de développer des politiques et de relayer les efforts des collègues sur le terrain. Kinshasa étant la capitale, c'est un relais de plaidoyer au niveau des autorités ou de la MONUC pour un problème particulier ou, comme on l'a fait dans le passé, concernant une note pour le Conseil de Sécurité qui vient une fois par an en RDC.

En tant que chargée de protection, vous étiez également le point de contact concernant les violences sexuelles à l'encontre des femmes. Quelle est la situation dans ce domaine ?

En 2009, selon les chiffres fournis par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP-UNFPA), quelque 17 000 nouveaux cas de violences sexuelles ont été rapportés contre 15 000 en 2008. Le phénomène des violences sexuelles ne fait qu'augmenter. Le lien entre violences sexuelles et conflits, dans les provinces de l'est affectées par le conflit, est moins évident. Nous sommes également inquiets des violences sexuelles commises par des civils dans les provinces où la paix a été restaurée.

Cela appelle à une réflexion commune sur le phénomène, ses conséquences et ses circonstances. Avec peu d'infrastructures, nous savons que de nombreux cas ne sont pas déclarés car les victimes n'ont pas accès aux services. Il faut que tous les acteurs de protection travaillent ensemble pour augmenter l'accès aux services. L'augmentation de l'accès aux soins médicaux et sociaux, mais aussi à la justice et à la réintégration est essentielle, ceux-ci étant les deux maillons faibles de la prise en charge.

L'accès aux services n'est rien sans effort du Gouvernement pour mettre en place des actions clés. La politique de tolérance zéro, décidée par le Président Kabila il y a presque un an, est un geste fort et apprécié de tous. La mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre les violences sexuelles est un autre signe fort.

Il faut maintenant que cette politique soit suivie d'actes concrets, de mesures symboliques prises à l'égard des auteurs de violences sexuelles. Il faut joindre les actes à la parole pour montrer qu'il y a une réelle volonté politique d'arrêter ce phénomène. A l'est de la RDC, tant qu'il y aura le conflit, cela sera un réel frein pour arrêter les violences sexuelles.

Quelle est l'action du HCR dans ce domaine ?

Le HCR joue un rôle très important en terme de protection et de prévention des violences sexuelles. Cela fait partie de la stratégie nationale de lutte contre les violences sexuelles en RDC, pour laquelle le HCR est chef de file et coordonnateur de la composante prévention et protection.

Des campagnes d'information et de sensibilisation vont être mises en place pour travailler davantage auprès des garçons et des hommes, pour en faire de réels alliés contre les violences sexuelles.

Pour 2010-2011, nous cherchons à nous focaliser sur deux domaines clefs : l'accès à la justice et la réintégration des victimes de violences sexuelles dans leurs familles et leurs communautés.

Pour ce qui est de l'accès à la justice, nous soutenons les audiences foraines comme cela a été fait au Tanganyika, mais aussi l'accompagnement en justice des victimes qui le souhaitent. Cet accompagnement se fait par la préparation des dossiers, mais aussi par le transport des victimes au tribunal qui se trouve souvent à plusieurs jours de marche.

Le volet réintégration reste faible pour l'instant et constitue également une priorité. Il s'agit de créer des opportunités économiques pour les survivantes, à la fois en matière de création de revenus pour elles et leurs familles, mais aussi d'un point de vue de la réintégration sociale.

Les victimes de violences sexuelles subissent la double peine car elles sont stigmatisées voire rejetées par leurs familles et leurs communautés. On doit leur redonner une valeur, pour elles-mêmes et aussi aux yeux de leurs communautés, pour leur montrer qu'elles sont capables d'avoir un métier, de ramener un revenu malgré le choc et le traumatisme. Il faut montrer qu'elles sont vivantes, debout sur leurs deux jambes, et qu'elles continuent à contribuer à la vie de leurs familles et de leurs communautés.

Par Céline Schmitt à Kinshasa, République démocratique du Congo